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Louange à Allah, nous Le louons, nous implorons Son aide et Son pardon. Nous cherchons refuge auprès d’Allah contre les maux de nos âmes et les méfaits de nos actions. Celui qu’Allah guide, nul ne peut l’égarer et celui qu’Il égare nul ne peut le guider.  J’atteste qu’il n’y a d’autre divinité (digne d’être adoré) en dehors d’Allah, Seul et sans associé, et j’atteste que Mohammed est Son serviteur et Son Messager. 

 

(Ô croyants ! Craignez Allah comme il se doit, et restez musulmans jusqu'à la mort)[1] ; (Ô vous les hommes ! Craignez votre Seigneur qui vous a créé d'un seul être, et à partir duquel Il a créé son épouse. Il a répandu d'eux une multitude d'hommes et de femmes ; craignez Allah, celui par qui vous vous interpellez, et par le lien de sang, certes Allah vous observe)[2] ; (Ô croyants ! Craignez Allah, et prononcez des paroles pertinentes, Il raffermira vos œuvres et vous pardonnera vos fautes. Celui qui obéit à Allah et à son Messager acquerra alors un succès immense).[3]

 

Amma ba’dh ! La meilleure Parole est celle d’Allah et la meilleure des voies est celle de Son Prophète. Les pires des choses sont les inventions ; chaque invention est innovation, chaque innovation est égarement, et chaque égarement mène en enfer !

 

Thumma amma ba’dh !

 

Voir notamment : taqrîrât aimmat e-da’wa fî mukhâlafat madhhab el khawârij wa ibtâlihi qui est une thèse es doctorat du D. Mohammed Hishâm Tâhirî, et ayant eu parmi les membres du jury le grand Mufti actuel d’Arabie Saoudite, ‘Abd el ‘Azîz Âl e-Sheïkh.

 

Introduction

 

À la question récurrente, pourquoi accorder une excuse à l’ignorant qui commet dushirk akbar sans l’accorder aux kharijites ? Ces derniers, comme le souligne ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan, autorisent moralement (istihlâl) à verser le sang des musulmans,[4]ce qui en soi est une annulation de l’Islam ! Nous laissons le soin à l’Imam Abâ btîn de dissiper l’équivoque que peut susciter la chose, l’auteur des paroles : « … un certain nombre de savants affirment explicitement qu’en le faisant (sortir les savants de l’Islam ndt.) par une erreur d’interprétation (ta-wîl), on ne devient pas mécréant. »[5] Ainsi, la plupart des légistes accordent l’excuse de l’ignorance aux kharijites, étant donné qu’ils ne les sortent pas de l’Islam !

 

Quoi qu’il en soit, la plupart des kharijites ne tiennent pas compte des critères dutakfîr, et plus particulièrement d’iqâma el hujja (établir la preuve céleste contre un cas particulier). À leurs yeux, il suffit qu’un cas particulier commette une annulation de l’Islam pour devenir apostat. Les najdâd partagent la religion en deux catégories :

1-      La connaissance d’Allah et de Son Messager, le caractère sacré du sang et des biens des musulmans, et la reconnaissance globale des enseignements de l’Islam. Dans ces domaines, l’excuse de l’ignorance n’est pas accordée.

2-      Les autres domaines de l’Islam pour lesquels l’ignorance est prise en considération dans l’iqâma el hujja.

 

En d’autres termes, ils n’accordent pas l’excuse de l’ignorance pour les questions sur lesquelles règne un consensus.[6] Mohammed ibn Yûsuf Itfîsh de la secte ibâdhite a un discours qui va dans ce sens, sauf qu’il émet une nuance : « … Certains de notre tendance accordent l’excuse de l’ignorance pour les domaines qui ne touchent pas au tawhîd (l’unicité) »[7]  Ainsi, le shirk (association) n’offre aucune excuse de l’ignorance selon leur tendance. Certains mouvements contemporains, influencés par la penséekharijites, reprennent le flambeau de la secte.

 

El jawâb el mufîd fî hukm jâhil e-tawhîdqui est l’un des ouvrages de prédilection de la mouvance e-takfîr wa el hijra en est le meilleur témoin. On y trouve la répartition suivante : la religion se divise en deux parties :

1-      Une partie fondamentale(asl) qui touche au tawhîd, et au grand fondement de l’Islam (asl el islâm) ; il est constant et ne varie pas d’un prophète à un autre.

2-      Une partie subsidiaire(far’) qui représente les différentes législations des prophètes. Celles-ci varient en fonction des peuples et des époques.

 

L’excuse de l’ignorance est accordée avant l’iqâma el hujja pour les erreurs qui touchent à cette dernière partie. En revanche, personne n’est excusable pour celles qui touchent au premier fondement, peu importe qu’on soit ignorant ou non. Autrement dit, l’iqâma el hujja contre un cas particulier n’intervient pas dans ce domaine. Il est imposé à tous les musulmans d’avoir le même niveau de connaissance pour les points qui touchent à ce domaine, car la vérité dans ses détails est vulgarisée et est disponible à tout le monde. C’est la raison pour laquelle, les musulmans contemporains sont sortis de la religion, étant donné que leur croyance, prétendent-ils, est corrompue.[8]

 

Les traditionalistes et l’iqâma el hujja

 

Quant aux traditionalistes, qui sont les plus cléments, mais aussi les plus savants des hommes ne vouent personne à l’apostasie, sans tenir comptes d’iqâma el hujja ; soit, des conditions à remplir et des restrictions à exclure avant de se prononcer sur un cas particulier. L’un des principes traditionalistes veut que la réception du message divin soit une condition rendant un homme responsable de ses actes devant Dieu.

 

Néanmoins, il existe une divergence entre les traditionalistes dans la façon dont cela se matérialise dans la pratique. Les savants de aimmat da’wa eux-mêmes n’ont pas une position uniforme sur la question. Mohammed Rashîd Ridâ explique à ce sujet : « La preuve céleste n’est pas établie contre celui qui ne comprend pas la prédication… Cette question fut l’objet d’une divergence entre les grands savants contemporains du Najd lors d’une assemblée de l’Imam ‘Abd el ‘Azîz ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Faïsal Âl Sa’ûd à La Mecque. l’argument le plus fort fut en faveur du Sheïkh ‘Abd Allah ibn Bulaïhid disant qu’il était essentiel de comprendre la preuve céleste afin qu’elle soit établie ; sa présence en elle-même ne suffisait pas si elle n’était pas comprise. Pour appuyer ses dires, ce dernier s’inspira d’un passage d’ibn el Qaïyim – qu’Allah lui fasse miséricorde – qui était clair sur la question. Il parvint ainsi à convaincre les autres membres de l’assemblée. »[9]

 

Plus loin, il donne plus de détail : « Cette restriction de la part du Sheïkh (en parlant de Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb ndt.) qui impose ici une compréhension minimum dissipe la confusion qui s’impose à l’esprit en lisant d’autres passages de ses œuvres. En s’en tenant à ces derniers passages, certains savants du Najd soutiennent que la présence du Coran est suffisante pour établir la hujja contre les hommes, quand bien même ils ne comprendraient pas son message. Cette conception illogique s’oppose au Verset disant :[Celui qui s’écarte du Messager, après avoir distingué la bonne voie].[10]  Elle ne va pas non plus dans le sens des thèses soutenues par les grands spécialistes et disant qu’il est nécessaire de faire comprendre le prêche prophétique (da’wa) avec ses arguments, avant d’établir la hujja »[11]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

[1] La famille de ‘Imrân ; 102

 

[2] Les femmes ; 1

 

[3] Les coalisés ; 70-71

 

[4] E-durar e-saniya (11/447).

 

[5] E-durar e-saniya (10/360).

 

[6] Voir : el farq baïna el firaq d’el Baghdâdî (p. 97).

 

[7] El jâmi’ e-saghîr (p. 29-30).

 

[8] Voir : shubuhât e-takfîr du D. ‘Omar Quraïshî (p. 29).

 

[9] majmû’ e-rasâil e-najdiya (5/514-519).

 

[10]Les femmes ; 115

 

[11] majmû’ e-rasâil e-najdiya (5/638).

NOUVELLE APPROCHE DU ‘UDHR BI EL JAHL (1/6)

NOUVELLE APPROCHE DU ‘UDHR BI EL JAHL (2/6)

Voir notamment : taqrîrât aimmat e-da’wa fî mukhâlafat madhhab el khawârij wa ibtâlihi qui est une thèse es doctorat du D. Mohammed Hishâm Tâhirî, et ayant eu parmi les membres du jury le grand Mufti actuel d’Arabie Saoudite, ‘Abd el ‘Azîz Âl e-Sheïkh.

 

Les différentes catégories d’individus

 

Pour mieux cerner la divergence, il incombe de mettre en lumière un certain nombre de points.

 

Premièrement : selon l’opinion la plus répandue des traditionalistes, celui qui n’a jamais entendu parler de la législation mohammadienne, et qui en d’autres termes n’a pas reçu la preuve céleste est excusable indépendamment de savoir dans quelle époque et à quel endroit il se trouve. Dès lors, la religion à laquelle il adhère sur terre (juive, chrétienne, païenne) aura une influence sur la relation que nous aurons avec lui.

 

Quant à son statut dans l’au-delà, il est le même qu’ahl el fatra (l’intervalle entre deux périodes prophétiques). Selon la tendance la plus vraisemblable, cette catégorie d’individus sera éprouvée le Jour de la résurrection ; celui qui passera cette épreuve gagnera le Paradis et celui qui échouera sera jeté en Enfer. Allah (I) révèle à ce sujet :[Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[1]

 

Deuxièmement : il existe plusieurs catégories de mécréants et païens ayant reçu le message prophétique et la preuve céleste, mais qui ensuite n’ont pas embrassé l’Islam :

 

1-       Ceux qui ont renié le message par orgueil.

2-       Ceux qui ne porte pas attention à cette religion et qui s’en détournent.

3-      Ceux qui suivent aveuglément (taqlid) leurs ancêtres, et qui, pour préserver leur rang et leur richesse, ont renoncé à la foi.

 

Il va sans dire que ces trois catégories d’individus ne sont pas musulmans (Juifs, chrétiens, idolâtres, etc.), mais des mécréants d’origine (kuffar asliyun). Ce constat est l’un des principes élémentaires de la religion musulmane.

 

Troisièmement : un adepte de l’Islam qui commet de la grande association délibérément et en tout âme et conscience. Ce cas est le même que les précédents.

 

Quatrièmement : ici se situe la divergence. Autrement dit, est-ce qu’un adepte de l’Islam qui commet une annulation de la religion par erreur (khata), interprétation (ta-wil) ou par ignorance est un mécréant ou devient un apostat ? Ou bien faut-il attendre avant de le condamner qu’il comprenne la preuve céleste ?

 

Les anciens et les grandes références traditionalistes établissent que l’iqâma el hujjaest une condition requise avant de se prononcer sur un cas particulier. Il n’existe pas de divergences sur le principe en lui-même, comme nous l’avons vu dans Éclaircissement. Cependant, certains textes des savants de aimmat e-da’wa (les imams de la da’wa najidte) laissent à penser le contraire. Le problème, c’est qu’il faut distinguer dans leur discours entre le statut absolu (hukm el mutlaq) d’un acte et son application sur un cas particulier (hukm el mu’ayin) qui varie en fonction des contextes.

 

Par exemple, Sheikh Mohammed ibn ‘Abd el Wahhab et ses élèves condamnent certains de leurs opposants à la mécréance ou à l’association, étant donné qu’ils se sont chargés eux-mêmes d’établir la preuve céleste contre eux.

 

Pour mieux comprendre, il serait intéressant de présenter la chose comme suit :

 

La différence entre le statut absolu et le statut particulier

 

• 1- Il faut distinguer entre le cas général et le cas particulier dans les questions dutakfîr. Les anciens, mais aussi aimmat e-da’wa considèrent que l’iqâma el hujja est indispensable avant de se prononcer sur un cas particulier. Néanmoins, il est possible de trouver des divergences entre eux sur certains cas de figure. Certains pensent que le Coran suffit pour établir la preuve céleste contre un tel en particulier. D’autres voient que la sunna fait l’affaire. Selon certains autres, seule la combinaison des deux (Coran etsunna) peut servir de hujja pour ce cas précis. Ils peuvent estimer également qu’un tel n’ait pas reçu la hujja pour plusieurs raisons ; il peut ne pas comprendre la Langue arabe, ne pas avoir eu accès à la sunna, ou il peut être excusable pour ces deux raisons à la fois.

 

En réalité, ces différences de points de vue ne sont pas considérées comme une divergence, étant donné que tous s’accordent à dire que l’acte en lui-même relève de la mécréance. Les traditionalistes disent qu’en règle générale tel acte est du kufr. Puis, dans la pratique, on peut estimer que les conditions sont réunies pour sortir de la religion un tel, en sachant qu’aucune restriction possible ne vient l’empêcher. Mais, on peut estimer aussi qu’il manque certaines conditions pour pouvoir le juger, ou bien qu’une restriction fait obstacle au jugement, etc.

 

Sheïkh Hamd ibn ‘Atîq explique à ce sujet : « Quiconque reçoit la prédication mohammadienne à laquelle nous appelons, et qu’il s’y soumet ensuite, il est un musulman promis au Paradis indépendamment de l’époque ou de l’endroit où il se trouve ; soit en vouant le culte exclusif à Allah sans Lui vouer d’associer et en adhérant aux lois de l’Islam. Cependant, certains sont comparables aux païens de l’ère préislamique ; ils n’ont aucune connaissance de l’unicité pour laquelle Mohammed fut envoyé aux hommes ; ni de l’association qu’il a combattue par les armes. Dans ce cas, on ne peut parler de musulmans en raison de leur ignorance. Quiconque commet l’association en apparence est considéré comme un mécréant en apparence. Ainsi, on ne demande pas le pardon en sa faveur et on ne fait pas l’aumône pour lui. Nous remettons son sort à Allah qui connait le fond des poitrines.

 

Au même moment, nous ne disons pas qu’il est un mécréant, étant donné que nous faisons une distinction entre les cas. Nous ne condamnons pas un cas particulier à la mécréance, car nous ne sommes pas à même de sonder les cœurs. Nous remettons donc son sort à Allah…

 

Les étudiants en science doivent bien comprendre cette distinction. Nous condamnons à la mécréance celui qui adhère à une autre religion que l’Islam, mais nous ne disons pas qu’un tel ira au feu. Nous maudissons les injustes, mais nous ne maudissons pas un tel en particulier. »[2]

 

Ainsi, il établit qu’en règle générale la grande association ou la grande mécréance fait sortir de la religion. Puis, il explique que nous remettons à Allah le sort d’un cas particulier, sans lui appliquer le takfîr. Gardons à l’esprit que les points de vue des savants divergent pour un même individu. Au moment où certains pensent qu’il est mécréant, d’autres ne sont pas aussi formels, compte tenu des éléments qu’ils ont en mains les abstenant de se prononcer.

 

Ainsi, il est faux de dire que, contrairement aux ultras, les savants de aimmat e-da’wa ne tiennent pas compte de l’erreur qui peut être de différentes natures, à condition qu’elle ne soit pas motivée par un sentiment d’obstination. Leur exemple est celui des Compagnons qui n’ont pas kaffar Qudâma ibn Mazh’ûn ayant moralement autorisé à boire du vin, mais qui fut motivé par un effort d’interprétation.[3]

 

Sheïkh el ‘Uthaïmîn met en lumière ces notions comme nous l’avons vu dans kashf e-shubuhât. Voir également : Les wahhabites taxent-ils de mécréants les ignorants musulmans sans faire de détail ?

 

Il est vrai que certains discours d’aimmat e-da’wa laissent à penser qu’ils ne tiennent pas compte d’iqâmat el hujja.[4] Pour mieux les comprendre, il convient de les replacer dans leur contexte historique. Leurs adversaires leur contestaient en effet letakfîr dans l’absolu pour certaines pratiques païennes répandues chez leurs contemporains. D’ailleurs, il suffit de lire leurs passages en entier pour s’apercevoir qu’à leurs yeux, ces points sont tellement élémentaires qu’il est inadmissible de ne pas les comprendre. Cela ne veut pas dire qu’ils négligent le principe d’iqâmat el hujja avant de se prononcer sur un cas particulier.

 

La fatwa varie donc en fonction des questions, des personnes et des époques. Par exemple, un adversaire du nom d’ibn Mansûr disait que les pratiques païennes en vogue à son époque rapportaient une récompense étant donné que leurs auteurs étaient motivés par un effort d’interprétation. Il refusait qu’on les qualifie de pratiques faisant sortir de la religion. C’est alors que les plumes acerbes de la vérité s’acharnèrent contre lui en vue de prouver que ces actes relevaient de la mécréance et que leur auteur n’était pas considéré musulman une fois que la preuve céleste était établie contre lui.

 

Ainsi, le discours des savants n’est pas à prendre au pied de la lettre. C’est en réunissant tous les éléments possibles que nous pourrons tirer des conclusions justes. C’est le propre d’une instigation objective et digne de ce nom. La tâche est d’autant plus ardue qu’il donne l’impression de manquer de cohérence d’un passage à un autre. La raison, c’est qu’en fonction des circonstances, un savant peut avoir un discours vague dans un ouvrage. Mais, ailleurs, il fournira beaucoup plus d’indications posant ainsi la lumière sur ses vraies intentions. L’analyse réclame de réunir ces deux passages et de comprendre le premier à la lumière du second. En outre, il est très dangereux de chercher à les appliquer à un autre contexte ayant des caractéristiques différentes.

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

[1] Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.

 

[2] E-durar e-saniya (11/75-76) ; voir également : majmû’a e-rasâil wa el masâil (1/589).

 

[3] Voir : kashf el awhâm wa el iltibâs d’ibn Sahmân (p. 70-71).

 

[4] Voir : hukm takfîr el mu’ayin Ishâq ibn ‘Abd e-Rahmân (p. 9).

NOUVELLE APPROCHE DU ‘UDHR BI EL JAHL (3/6)

Voir notamment : taqrîrât aimmat e-da’wa fî mukhâlafat madhhab el khawârij wa ibtâlihi qui est une thèse es doctorat du D. Mohammed Hishâm Tâhirî, et ayant eu parmi les membres du jury le grand Mufti actuel d’Arabie Saoudite, ‘Abd el ‘Azîz Âl e-Sheïkh.

 

La différence entre avoir reçu la preuve céleste et l’avoir comprise

 

• 2- Pour mieux comprendre le sujet du takfîr, il incombe de distinguer entre avoir reçu la hujja et l’avoir comprise. Il ne s’agit pas de la comprendre aussi précisément que les croyants ni de s’y soumettre pleinement. La présence du message prophétique suffit en elle-même, à condition d’avoir les outils pour l’assimiler (être majeure, sain d’esprit, connaitre la langue en question ou bien passer par un traducteur). Les six piliers du dogme n’offrent aucune circonstance atténuante à celui qui n’y donne pas foi. Les adeptes des autres confessions ne sont pas considérés musulmans, bien que beaucoup d’entre eux soient ignorants. La plupart des Juifs et des chrétiens aujourd’hui sont des suiveurs. Pourtant, ils ne sont pas excusables. Il est inadmissible d’en douter, au risque de se vouer soi-même à la mécréance.

 

Par ailleurs, les textes scripturaires de l’Islam n’acceptent aucun scepticisme, qui est une forme d’ignorance, dans les questions touchant aux fondements de la foi. Ne serait-ce que de douter de la pertinence de la Résurrection est une annulation de l’Islam à l’unanimité des savants. Il n’est pas pertinent pour prendre la défense de cette catégorie d’individus de mettre en avant qu’ils ne comprennent pas le message céleste. Le Coran lui-même ne leur accorde pas cette excuse.[1] Pour plus de détails, voir : Les wahhabites taxent-ils de mécréants les ignorants musulmans sans faire de détail ?

 

Or, ce constat ne va nullement à l’encontre du principe imposant un savoir minimum pour l’iqâma el hujja. La preuve, c’est que aimmat e-da’wa établissent que le rôle d’établir la preuve céleste contre les hommes revient aux savants et aux prédicateurs. Sinon, ils n’auraient aucune utilité. La présence du Coran dans les maisons ne suffit pas en soi.[2] ‘Alî ibn Abî Talib a dit : « La terre ne sera jamais dépourvue d’individus qui établissent la preuve céleste, pour ne donner aucune excuse aux hommes. »[3] Selon unhadîth : « Il y aura toujours une partie de ma communauté maintenue sur la vérité… »[4]Le Prophète (r) prédit également : « Allah ne reprend pas le savoir en l’enlevant de la poitrine des hommes, mais Il le reprend en faisant mourir les savants. Et lorsqu’il n’y aura plus de savants, les hommes se tourneront vers les chefs de file des ignorants qui émettront des opinions sans aucune science ; égarés, ils égareront les autres. »[5]

 

« Les savants sont comme les étoiles dans le ciel qui permettent de guider les hommes sur terre et sur mer dans les ténèbres de la nuit. Quand les étoiles disparaissent, ceux qui cherchent leur chemin vont droit à l’égarement.»[6] 

 

Ibn Sahmân est l’auteur des paroles : « Je pense wa Allah a’lam, que seule la personne compétente est à même de faire l’iqâma el hujja, et que celui qui n’en est pas capable, comme l’ignorant, qui ne connait pas les règles de la religion et qui ne connait pas les paroles des savants dites sur le sujet, ne peut l’établir. »[7]

 

La bonne conception des textes est relative, elle varie d’une personne à une autre, bien que les textes en eux-mêmes soient clairs. Le rôle des savants est justement de rendre leur compréhension accessible aux gens simples.

 

La divergence règne entre savants traditionalistes sur la façon dont se matérialise l’iqâmat el hujjadans la pratique

 

• 3- Certains savants de aimmat e-da’waont signalé dans leurs ouvrages qu’il existe une divergence sur la façon dont se matérialise la hujja. La divergence porte sur un point subsidiaire, non dogmatique. Tous reconnaissent l’iqâmat el hujja en tant que principe, mais chacun à des points de vue différents dans sa mise en pratique et dans son application sur des cas particuliers. Sheïkhibn Bâz ramène les deux opinions sur le sujet, comme nous l’avons dans Taxer d’apostasie un cas particulier. Voir également : Kashf e-shubuhât. C’est la raison pour laquelle il ne convient pas de taxer les partisans traditionalistes de la partie adverse d’innovateurs ni d’apostats. Ce point est d’une extrême importance ; il remet en question à lui tout seul toutes les tendances ultras (ghulât).

 

La présence du Coran est-il suffisante pour l’iqâmat el hujja ?

 

• 4- Certains passages d’aimmat e-da-walaissent à penser que la présence des textes (Coran et sunna) est suffisante pour établir la hujjacontre les hommes. Nous avons développé ce sujet dans Les wahhabites taxent-ils de mécréants les ignorants musulmans sans faire de détail ? Ishâq ibn ‘Abd e-Rahmân est peut-être celui qui défend avec le plus de vigueur cette tendance. Néanmoins, certains éléments nous mènent à relativiser son discours, en plus de ceux que nous avons évoqués dans l’article cité plus haut.

-           Lui-même établit que la référence se confine dans le Coran, la sunna, et le consensus et que la parole d’un savant ne peut faire autorité.

-          Ce dernier rapporte des paroles de Mohammed ibn ‘Abd el Wahhab sur l’iqâma el hujja contre les adorateurs des tombes dans son propre livre où il ne voit pas le ‘udhr bi el jahl.[8] Or, comme nous l’avons vu, cela ne peut se faire que par l’intermédiaire des savants, ou à défaut d’en avoir, des personnes compétentes.

-          Il établit également qu’il règne un consensus d’aimmat e-da-wasur la question à laquelle il adhère.[9] Or, nous avons vu que d’autres savants duNajdréclament un savoir minimum.

-          C’est ce qui nous pousse à conclure qu’il parle d’un contexte bien précis, et qui est celui de son époque dans les territoires où l’influence de la da’wade son aïeul battait à son plein, contrairement à ses débuts. C’est ce qui peut notamment expliquer la confusion au premier abord que fait régner les textes du premier homme de la da’wa najditelorsqu’on les confronte entre eux. Il est possible qu’ils relatent en réalité deux phases différentes de sa prédication ; soit avant et après qu’il ait établi les preuves célestes contre ces contemporains qui eurent accès à son message, bien qu’on peut les interpréter autrement wa Allah a’lam !

-          Une citation d’Ishâq ibn ‘Abd e-Rahmân vient conforter cette hypothèse. Celle-ci concorde exactement avec la conclusion que nous avons apportée dans l’articleÉclaircissement. Voici ce qu’elle dit en parlant du fameux passage de tarîq el hijrataïn : « … ibn el Qaïyim fait uniquement exception à ceux qui n’ont pas accès à la vérité, bien qu’ils la recherchent activement. C’est de ces derniers dont fait allusion les textes des grands spécialistes comme Sheïkh el Islam et son élève. »[10] Il s’attaque ainsi au cœur des revendications d’ibn Jarsîs prétendant, en s’appuyant sur des textes de ces deux Imams, que tous les ignorants sans détail sont excusables. Ainsi, comme nous l’expliquions, l’ignorance n’est pas une excuse en elle-même, mais l’incapacité d’avoir accès à la vérité, à condition, bien sûr, de la rechercher.

D’autres savants, comme ibn Bâz et Mohammed ibn Ibrahim,[11]rejoignent Ishâq ibn ‘Abd e-Rahmân sur sa conception de la hujja. Une fatwâ de la lajna dâima va dans ce sens.[12] Notons qu’ibn Bâz parle de ceux qui se détournent de la vérité. En cela, il rejoint notre hypothèse sur ce point, wa Allah a’lam !

 

Ceux qui s’abstiennent de se prononcer sur un cas particulier

 

• 5- Certains passages d’aimmat e-da’walaissent à penser qu’ils ne se prononcent pas sur certains cas particuliers. Sheïkh  ‘Abd el Muhsin el ‘Abbâd impute cette tendance à ibn Taïmiya et ibn ‘Abd el Wahhâb.[13] Le dernier cité est l’auteur des paroles : « Quant à celui qui commet [l’associationpar ignorance, mais qui n’a personne sous la main pour le conseiller et qui n’étudient pas la religion révélée par Allah à Son Messager, enclin qu’il est à ses pulsions et à la vie terrestre, je ne peux rien dire sur son sort. »[14] Il fait allusion à une catégorie précise d’individus qui n’ont pas accès à la vérité, tout en l’ayant recherchée, comme nous l’avons évoqué, wa Allah a’lam !

 

Dans sa lettre aux habitants de Qasîm, ibn ‘Abd el Wahhâb se plaint des accusations diffamatoires d’un certain Sulaïmân ibn Sahîm. Ce dernier prétend notamment que l’Imam interdit de visiter la tombe de ses propres parents. En commentaire à ce passage,Sheïkhel Fawzân explique : « Cette accusation est fondée sur l’idée selon laquelle leSheïkh kaffar les générations avant lui. Il dirait aux gens de ne pas visiter leurs parents, car non musulmans. C’est un pur mensonge ; le Sheïkhne connait pas leur sort ni leur situation avant de mourir. En principe, on doit se faire une bonne opinion des musulmans morts… »[15]

 

Une autre accusation disait que le Sheïkh kaffarel Bûsaïrî, l’auteur de la Burda, qui renferme des paroles très graves. Voyons ce qu’en penseSheïkh el Fawzân : « Il s’agit de la question de sortir de l’Islam un cas particulier (takfîr el mu’ayin). Le Sheïkhne voyait pas le takfîr el mu’ayin. El Bûsaïrî a dit des paroles de kufr… mais il possible qu’il n’ait pas reçu la hujja ou qu’il ait fait une erreur d’interprétation. On doit donc s’abstenir de se prononcer sur lui avant l’iqâma el hujja. En outre, on ne connait pas sa situation juste avant de mourir. »[16] Cette explication peut ne pas convaincre, mais l’essentiel est de savoir ici qu’el Fawzân adhère au principe d’iqâma el hujjadans l’absolu. D’ailleurs, ‘Abd Allah et Husaïn, les deux fils de l’Imam, ont des paroles qui vont dans ce sens.[17]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Voir : kashf e-shubhataïn d’ibn Sahmân (p. 91-93).

 

[2] Voir : misbâh e-zhalâm d’Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân (p. 123-124).

 

[3] Rapporté par Abû Na’îm dans el huliya (1/80).

 

[4] Rapporté par Muslim (1920).

 

[5] Rapporté par el Bukhârî (100) et Muslim (2673), selon ‘Abd Allah ibn ‘Amr ibn el ‘Âs.

 

[6] Hadîth rapporté par Ahmed (12600), selon Anas (t).

 

[7] Manhâj el haqq wa el ittibâ’ d’ibn Sahmân (p. 85).

 

[8] Voir : hukm takfîr el mu’ayin Ishâq ibn ‘Abd e-Rahmân (p. 18)

 

[9] Idem. (p. 20)

 

[10] ‘aqîda el muwahhidîn wa e-radd ‘alâ e-dhullâl el mubtadi’în (p. 164).

 

[11] Voir respectivement : majmû’ fatâwâ wa maqâlât mutanawwi’a (4/26-27 et 7-136-140), et fatâwâ wa rasâil Mohammed ibn Ibrahim Âl e-Sheïkh (1/246).

 

[12] Fatâwâ e-lajna e-dâima (1/764-766).

 

[13] Voir : Taxer d’apostasie un cas particulier.

 

[14] Voir : fatâwâ wa masâil comprise dans majmû’ muallafat e-Sheïkh (2/3/21-22).

 

[15] Voir : Sharh risâla el Imâm el mujaddid (p. 192-193).

 

[16] Idem. (p. 187-188).

 

[17] Voir : majmû’a e-rasâil wa el masâil (1/47).

NOUVELLE APPROCHE DU ‘UDHR BI EL JAHL (4/6)

Voir notamment : taqrîrât aimmat e-da’wa fî mukhâlafat madhhab el khawârij wa ibtâlihi qui est une thèse es doctorat du D. Mohammed Hishâm Tâhirî, et ayant eu parmi les membres du jury le grand Mufti actuel d’Arabie Saoudite, ‘Abd el ‘Azîz Âl e-Sheïkh.

 

 

Nous sommes toujours dans le 5ème point, concernant ceux qui s’abstiennent de se prononcer sur un cas particulier.

 

Dans cette même lettre, Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb va plus loin. Il dément en effet qu’il kaffar ibn el Fâridh et ibn ‘Arabî. Cela peut sembler étonnant si l’on sait que de nombreux savants avant lui assurent formellement le contraire. Le plus étonnant est le commentaire de Sheïkhel Fawzân. Qu’on en juge : « … Sheïkh ne kaffar pas son auteur (en parlant d’une de ses poésies sur le monisme ndt.), étant donné qu’il ne connait pas sa situation avant sa mort. Il ne sait pas s’il a reçu la hujjaou non. Il dit que son ouvrage renferme des paroles de kufr, mais il s’abstient de prononcer un jugement sur lui. Il est ainsi conforme à la tendance des traditionalistes, qui ne promettent personne au Paradis ni l’Enfer, sauf ceux dont le sort fut annoncé par le Messager d’Allah (r). » [1]

 

Puis, en parlant d’ibn ‘Arabî, il signe : « … le takfîr d’un cas particulier réclame de confirmer l’état de mécréance avant de se prononcer. En l’occurrence, il est possible qu’il se soit repenti avant de mourir… »[2] Sheïkh ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan a une autre explication sur la question,[3] mais l’essentiel, c’est de savoir que ce discours existe chez les savants, wa Allah a’lam !

 

Dans la série d’articles Citations sur le ‘udhr bi el jahl, nous avons ramené un certain nombre de citations de aimmat da’wa qui réclament l’iqâma el hujja avant de se prononcer sur un cas particulier. Nous ajoutons ici qu’Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibnHasan dit que son aïeul ne kaffar personne avant l’iqâma el hujja.[4] Ailleurs, il explique qu’il s’abstient de kaffar avant celle-ci,[5] wa Allah a’lam !

 

Ceux qui pensent qu’il est indispensable de bien comprendre la hujja

 

• 6- SheïkhSulaïman ibn Sahmân rapporte les paroles suivantes d’ibn Jarsîs :« Il n’est pas simple de kaffar le musulman. Les savants, comme Sheïkh ibn Taïmiya et ibn el Qaïyim, sont unanimes à dire que l’ignorant et celui qui commet une erreur et appartenant à cette communauté, fait un acte qui, en principe doit le rendre mushrik oukâfir, est excusable (ya’dhur bi el jahl wa el khata), jusqu’à ce qu’il ait connaissance de la preuve prophétique de façon claire et limpide et qu’il n’ait aucune confusion sur la question. » Puis, il explique : « Quant à taxer de kâfir un musulman, nous avons vu que les wahhabites ne kaffar pas les musulmans. Sheikh Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb – qu’Allah lui fasse miséricorde – fait partie des gens qui prennent le plus de précautions avant de se prononcer sur le takfîr, à tel point qu’il n’est pas formel sur l’ignorant qui implore un autre qu’Allah parmi les occupants des tombes ou autres, s’il ne trouve personne pour le conseiller et pour lui faire parvenir la hujja par laquelle tous ceux qui s’y opposent deviennent mécréant. »[6]

 

‘Uthmân ibn Mansûr, un opposant à la da’wa najdite, accusait aimma da’wa dekaffar des savants comme el Baïdhâwî, Abû Su’ûd, el Qastalânî, etc. Sheïkh ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan s’est chargé de lui répondre à travers une réfutation dans laquelle il dit notamment : « On peut adhérer à l’Islam en apparence, et avoir des paroles contenant de l’association ou de l’innovation. Dans ce cas, il incombe de le signaler tout en se taisant sur leur l’auteur. Comme nous l’avons expliqué précédemment, nous ne connaissons pas sa situation avant de mourir. »[7] Cette citation pourrait tout autant aller dans le point précédent, mais là où nous voulons ne venir ici, c’est que l’auteur ne se prononce pas sur certains cas. Il s’agit pourtant de grands savants, mais il est possible qu’ils aient mal assimilé la chose ou qu’ils fussent motivés par une mauvaise interprétation des textes.

 

Ainsi, contrairement aux kharijitesaimmat e-da’wa considère que l’iqâma el hujjaest une condition sine qua non dans les questions du takfîr. Ils imposent pour cela une compréhension minimum, soit d’avoir les outils suffisants (l’ouïe, comprendre la langue et le discours de l’interlocuteur, etc.) pour assimiler le message.

 

Deux types de compréhension

 

Mais, il faut distinguer entre deux types de compréhension : une compréhension qui pousse à agir et à se soumettre à la religion (fahm el hujja) et une compréhension qui est purement organique et qui consiste à comprendre les termes du message, sans forcément y adhérer (bulûgh el hujja). C’est la deuxième forme de compréhension qui est réclamée pour l’iqâma el hujja, non la première. C'est pourquoi l’ignorance qui est entretenue par un manque de volonté n’offre aucune circonstance atténuante, comme l’établit Abâ btîn.[8]

 

Dans un courrier, Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb reproche à certains de ses « partisans » de ne pas faire cette nuance. Il explique notamment que seulement trois catégories d’individus sont excusables.

 

1-       Le nouveau converti. 

2-      Le bédouin qui vit loin des villes.

3-      Et celui qui se trompe sur des questions subtiles de la religion, ex. : certaines formes de sorcellerie.[9]

 

Tous ont un point commun. Autrement dit, ils n’ont pas accès matériellement au savoir. C’est ce qui nous pousse à dire, comme nous l’avons vu dans Éclaircissement que la notion de subtilité est relative. Elle varie certes en fonction des sujets, mais aussi en fonction des époques, des endroits et des personnes.

 

Nous comprenons également des paroles de l’Imam que le manque de volonté n’est pas une excuse en soi. C’est pourquoi, en vivant en terre d’Islam, et en étant matériellement capable d’étudier les questions qui touchent à l’unicité, nul n’est censé les ignorer. C’est dans ce cas qu’on peut avancer que la présence du Coran exposant l’importance du monothéisme et condamnant l’association suffit à elle seule. En revanche, si, malgré tous ses efforts dans la recherche de la vérité, quelqu’un commet une annulation de l’Islam soit involontairement, soit par une mauvaise interprétation des textes ou soit par ignorance, il est excusable. Il n’est plus excusable, si, ayant reçu la vérité, il s’en détourne, soit par négligence soit par orgueil. Ainsi, ces deux sentiments, qui font obstacle à la réception du message, sont blâmables sous tous les points de vue.

 

De nombreux passages de ses ouvrages établissent ce principe. Un jour, on lui posa une question sur un hadîth qui annonçait le Paradis au musulman. On voulait savoir s’il concernait uniquement le musulman n’ayant aucun acte d’association à son passif. Voici quelle fut sa réponse : « … Quant au croyant qui commet de l’association sans s’en rendre compte, malgré tous les efforts qu’il entreprend pour être conforme aux enseignements d’Allah et de Son Messager, il est à espérer qu’il soit toujours concerné par la promesse dont fait mention le hadîth en question.

Plusieurs Compagnons commirent à leur époque ce genre de choses. Ils juraient par leurs pères et par la Ka’ba ; ils avaient des expressions du genre : « si Allah et si Mohammed le veulent ! » ou « désigne-nous un arbre où nous pourrons suspendre nos armes ! » Cependant, dès qu’ils se rendaient compte de leurs erreurs, ils revenaient dessus immédiatement. Ils ne cherchaient nullement à polémiquer ni à défendre aveuglément leurs coutumes et leurs ancêtres.

 

Quant à celui qui prétend adhérer à l’Islam, mais qui commet des actes d’associations abominables, et qui se détourne par orgueil des Versets qu’on lui récite, je dis qu’il n’est pas musulman… »[10]

 

En parlant des mauvais savants, il explique ailleurs, « Pire, pour eux, les bawâdî, qui n’ont pas un poil d’appartenance à l’Islam, sous le simple prétexte qu’ils disent lâ ilâh ilâ Allah, sont musulmans. L’Islam aurait rendu sacré leur sang et leurs biens, alors que selon leurs propres aveux, ils l’ont tout délaissé. Ces savants savent très bien que ces bédouins renient la Résurrection et qu’ils se moquent de ceux qui la reconnaissent.

Ces bédouins se moquent de la religion et préfèrent celle de leurs ancêtres à celle du Prophète (r). Cela n’empêche pas à ces démons rebelles et ignorants d’avancer que ces bédouins ont bel et bien embrassé l’Islam, quoi qu’ils aient pu faire. L’important, c’est qu’ils disent lâ ilâh ilâ Allah. À les entendre, les Juifs seraient musulmans, car eux aussi le disent tout autant. Par ailleurs, leur état de mécréance est bien plus grave que celui des Juifs. J’entends par là, les bédouins qui répondent au signalement que nous avons donné. »[11]

 

Ailleurs, il explique que ces bédouins refusaient de se soumettre à la vraie religion par obstination (‘inâd) et moquerie. Ils s’acharnaient à suivre leur Tâghût aux dépens de la Loi d’Allah,[12] ce qui en soi est inexcusable. Ainsi, le discours ne sera pas le même en fonction des cas. Malheureusement, beaucoup ne perçoivent pas ces nuances ; c’est ce qui les fait sombrer dans la contradiction, la confusion, et surtout de fausses implications. ‘Abd Allah, le fils de l’Imam met en garde contre les fausses implications. Il explique qu’en condamnant le shirk, cela ne voue pas forcément la grande majorité de musulmans à l’apostasie, surtout ceux qui sont déjà morts.

À ses yeux, il n’est pas décent d’entrer dans les affaires de ceux qui ont quitté ce monde. Le discours véhément de aimmat da’wa s’adresse plutôt contre certains de leurs contemporains parmi les tribus de la Péninsule qui se sont opposées à leur prédication, la plupart du temps, par orgueil et obstination. Dans des cas plus rares, celles qui prenaient simplement la défense des tribus rebelles étaient tout autant passées au fil de l’épée. L’erreur est humaine, les Compagnons eux-mêmes n’y ont pas échappé. Il est difficile de se faire une idée précise sur tout le monde, surtout ceux des générations passées. Il est plus sage parfois, faute d’avoir suffisamment d’éléments en mains, de s’abstenir de donner un jugement. D’autant plus, qu’il est matériellement difficile, pour ne pas dire impossible, de distinguer entre ceux à qui on peut réellement donner des circonstances atténuantes et les autres. Gardons à l’esprit que aimmat da’wa n’ont paskaffar les savants plus anciens, comme ibn Hajar el Haïthamî, qui avaient pourtant des erreurs dans la croyance (‘aqida).[13]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 


 

[1] Voir : Sharh risâla el Imâm el mujaddid (p. 193).

 

[2] Idem. (p. 193-194).

 

[3] Voir son opinion sur ibn ‘Arabî dans fath el Bârî (p. 107).

 

[4] Voir : kashf e-shubhataïn (p. 83).

 

[5] Voir : manhâj e-ta-sîs (p. 194).

 

[6] Dhiyâ e-Shâriq (p. 371-372).

 

[7] El matlab el hamîd (p. 71).

 

[8] E-durar e-saniya (10/391).

 

[9] Idem. (10/93-95)

 

[10] Voir : fatâwâ wa masâil comprise dans majmû’ muallafat e-Sheïkh (2/3/21-22).

 

[11] Voir : sitta mawâdhi’ min e-sîra.

 

[12] Voir : e-rasâil wa e-shakhsiât comprise dans majmû’ muallafat e-Sheïkh (3/2/116).

 

[13] E-durar e-saniya (1/334-336).

NOUVELLE APPROCHE DU ‘UDHR BI EL JAHL (5/6)

Voir notamment : taqrîrât aimmat e-da’wa fî mukhâlafat madhhab el khawârij wa ibtâlihi qui est une thèse es doctorat du D. Mohammed Hishâm Tâhirî, et ayant eu parmi les membres du jury le grand Mufti actuel d’Arabie Saoudite, ‘Abd el ‘Azîz Âl e-Sheïkh.

 

‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân est l’un des savants de aimmat e-da’wa ayant consacrés une réfutation à ‘Uthmân ibn Mansûr, qui, malheureusement, reçut la mauvaise influence de Dâwûd ibn Jarjîs. Il nous enseigne qu’il n’est pas nécessaire pour l’iqâma el hujja qu’un cas particulier ait conscience d’aller à l’encontre de la vérité. Il suffit qu’il déchiffre les termes du message qu’on lui transmet, ou en d’autres termes qu’il connaisse les intentions de son interlocuteur. Beaucoup d’habitants de l’Enfer ne savaient pas sur terre en effet qu’ils suivaient un mauvais chemin. Ne pas savoir qu’on est en tort n’est absolument pas une restriction du takfîr. Il suffit de faire correctement passer le message à un cas particulier pour que la preuve céleste soit établie contre lui. Ainsi, après l’iqâma el hujja, on n’a plus l’excuse de persister dans l’erreur, qu’on en ait conscience ou non. Le jugement est sans appel ![1]

 

Les chrétiens et certains païens de la Péninsule arabique étaient attachés à des conceptions erronées qui les confortaient dans leur égarement. Leur cas est différent des Juifs, de Pharaon, de son peuple, et de nombreux païens arabes qui connaissaient la vérité, mais qui s’étaient laissé aveugler par l’orgueil et l’obstination. Le Coran ne fait pas de distinction entre ces deux catégories d’individus ; toutes sont vouées à l’Enfer éternel. Nous pouvons dire la même chose pour les adeptes de cette religion qui s’entêtent dans les ténèbres de l’ignorance, après avoir eu connaissance de la preuve céleste.[2]

 

Ce même ‘Abd e-Latîf cite le long passage d’ibn Taïmiya tiré de e-radd ‘alâ el bakrîou de son autre titre el istighâtha, que l’adversaire reprend curieusement à son compte, bien qu’il fustige littéralement sa tendance. Passage que nous reproduisons ici en entier tant celui-ci rend compte des réelles intentions de son auteur. Ibn Taïmiya a dit : « Quant à ces ignorants, comparables aux païens et aux chrétiens, ils s’inspirent de hadîth faibles ou inventés, de citations de savants qui ne font pas autorités, ou qui leur sont mensongèrement imputées, ou tout simplement qui sont des erreurs de leur part…

 

Je ne connais personne ayant rapporté une annale d’un savant de référence autorisant d’invoquer une créature. Certes, certains dévots comme le poète Sheïkh Yahyâ e-Sarsarî[3] et Sheïkh Mohammed ibn e-Nu’mân,[4]auteur de kitâb el mustaghîth bi e-Nabî fî el yaqazha wa el manâm, en vantent les vertus dans leurs ouvrages.

 

Certes, ces gens-là sont des pieux et des religieux, mais ils n’ont aucun lien avec les savants qui sont à même de pénétrer les intentions du Législateur. C’est de ces derniers que l’on prend les enseignements de la religion, car experts en Loi (le licite et l’illicite). Quant à ces dévots, ils ne se basent sur aucune preuve textuelle ni même une parole d’un savant de référence. Leurs pratiques sont plutôt à mettre au compte de l’usage. Beaucoup de gens en effet ont pris l’habitude de se tourner vers leurs Sheïkhdans les moments difficiles pour lui solliciter son aide.

Je connais personnellement certains Sheïkhconnus pour leur ascétisme et leur piété, s’avancer solennellement vers la tombe d’Abd el Qâdir pour lui implorer le secours.

 

Cette pratique est courante chez beaucoup de gens. Lorsqu’on attira l’attention de certains émérites parmi eux, ils revinrent tout de suite à la raison et comprirent que leur pratique n’avait rien à voir avec l’Islam, mais qu’elle était plus comparable à l’adoration des idoles.

 

Il est connu de façon élémentaire que le Prophète (r) n’a jamais légiféré à sa communauté d’invoquer qui que ce soit parmi les morts : Prophètes, gens pieux, etc. ni à travers la formule d’el istighâtha (appel au secours) ou autre ni à travers la formule d’el isti’âna(appel au soutien) ou autre. Il n’a pas légiféré non plus à sa communauté de se prosterner pour un mort ou en sa direction, etc. Nous savons plutôt qu’il (r) a formellement interdit ce genre de pratiques qu’il a jugées comme relevant de l’association interdite par Allah et Son Messager.

Néanmoins, en raison de l’ignorance prépondérante, du nombre restreint de personnes initiées aux traces de la Prophétie parmi les dernières générations, nous ne pouvons pas condamner facilement les gens d’apostats pour ces raisons ; pas avant de les avoir mis au courant des enseignements du Messager stipulant la non-pertinence de leurs pratiques.C’est pourquoi, je n’ai jamais démontré ce point à des personnes imprégnées de l’Islam sans qu’elles ne se remettent en question en disant : c’est le principe même de la religion. Certains grands doyens expérimentés parmi nos amis disaient : c’est la plus grande chose que tu ais pu nous expliquer, car ils avaient pleine conscience que cela concernait le principe élémentaire de la religion. »[5]

 

‘Abd e-Latîf a fait plusieurs fois le commentaire de ce passage dans ses ouvrages. Il souligne que Sheïkh el Islam n’a pas kaffar certains de ses contemporains, qui pourtant étaient des savants, car à ses yeux, la preuve céleste n’avait pas été établie contre eux. Ce qui démontre que l’Islam était devenu étranger pour beaucoup de gens à son époque.[6] Il explique également que les plupart des savants accordent à ibn Taïmiya en gros que le Législateur ne tient pas rigueur des erreurs commises avant la transmission du message. Il va sans dire qu’après l’iqâma el hujja, il n’y a plus de contestation possible. Il existe même un consensus sur la question.[7] En revanche, il s’est abstenu de kaffarles ignorants parmi les adorateurs des tombes qui n’avaient pas été prévenus.[8] S’ils refusent de se repentir après avoir eu les preuves en main, ils sont coupables d’apostasie qu’il incombe de réprimer par les armes.[9]

 

Sulaïmân ibn Sahmân explique quant à lui, que Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb n’a rien inventé en faisant sortir de la religion ceux qui enfreignent le premier principe de l’Islam, l’unicité, à condition qu’ils aient reçu la hujja.[10] Il préconise notamment de ne pas affronter les gens avec des invectives du genre « hé mécréant ! ». La prédication réclame en effet d’être sage et de prodiguer le beau sermon, du moins pendant la phase où les musulmans sont faibles. Cependant, il ne faut pas en faire une constante. Dès qu’ils sont suffisamment forts, autour d’un État, et que la prédication s’est propagée, le comportement sera différent, comme en témoigne la biographie du Prophète (r) et de ses Compagnons.[11] Il n’est pas pertinent, selon lui, de taxer quelqu’un de kâfir ou de jahmî, avant l’iqâma el hujja.[12]

 

Il rapporte également un long passage de tarîq el hijrataïn dont nous avons parlé dans Éclaircissement, et qui pose la lumière sur les différentes formes de suivisme aveugle. Puis, il conclu avec une citation de son Sheïkh ‘Abd e-Lâtîf que voici : « … ibn el Qaïyim fait uniquement exception à ceux qui n’ont pas accès à la vérité, bien qu’ils la recherchent activement. C’est de ces derniers dont fait allusion les textes des grands spécialistes comme Sheïkh el Islam et son élève. »[13]

 

‘Abd Allah, le fils de l’Iman s’inspire également du texte d’ibn Taïmiya cité plus haut. Voici la teneur de ses paroles : « Faire des demandes au mort et l’appeler au secours pour résoudre ses problèmes relève de la grande association condamnée par Allah (I) et Son Messager. Tous les Livres célestes et les prédications prophétiques s’accorde à l’interdire, à kaffar tout coupable, à se désolidariser de lui, et à s’en faire un ennemi.

 

Cependant, les périodes où la lumière de la prophétie s’est estompée (fatarât) et où l’ignorance est répandue, il n’est pas permis de kaffarun cas particulier avant d’appliquer contre lui la preuve céleste, et de lui montrer la vérité. Qu’il sache qu’il a commis un acte relevant de la grande association condamnée par Allah et Son Messager. Ainsi, dès qu’il reçoit la hujja, qu’on lui récite les Versets coraniques et les hadîth prophétiques sur la question, il devient mécréant en s’entêtant à faire de l’association.

 

Son cas est donc différent de celui qui le fait par ignorance et qui n’a pas été prévenu. Nous disons pour l’ignorant que son acte est de la mécréance, mais nous ne le taxons pas de mécréant pour autant, pas avant de lui avoir transmis la hujja. Si, après l’iqâma elhujja, il persiste à faire du shirk, il devient alors mécréant, bien qu’il dise lâ ilâh illâ Allah Mohammed Rasûl Allah, qu’il fasse la prière, qu’il verse l’aumône et qu’il croit aux six piliers de la foi…

Quant au mort, qui faisait du shirk au cours de sa vie, nous remettons son sort à Allah(I). Il ne faut pas lui consacrer d’invocations ni prier pour lui le Pardon et la Miséricorde d’Allah. La raison, c’est que de nombreux savants avancent que le Coran suffit en lui-même pour établir la hujja, comme le confirme le Verset : [afin qu’il vous avertisse par son biais, et tous ceux qui le reçoivent].[14] Si quelqu’un se détourne du Coran après l’avoir reçu et qu’il ne se renseigne pas sur ses lois (obligations/interdictions), il mérite le châtiment. Allah (I) a dit : [à celui qui se détourne de Mon Rappel, Je lui infligerais une vie malheureuse].[15] Puis, il enchaîne : [Alors que tu avais reçu Mon Rappel ; ceux qui s’en détournent porteront leur péché, le Jour de la Résurrection • Ils y demeureront éternellement]. »[16]

 

Contre toute attente, la fin du passage ne va pas en faveur de l’adversaire, bien que, il est vrai, il reste ambigu. D’autres passages de ce même ‘Abd Allah sont tout aussi ambigus,[17] mais en aucun cas, ils ne viennent confirmer la théorie du ism et du hukm, ou du moins, pas de la façon dont la présente l’adversaire, comme nous allons le démontrer in shâ Allah, dans un prochain article, wa Allah a’lam !

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Voir : misbâh e-zhalâm (p. 367-379).

 

[2] Idem. (p. 324-325).

 

[3] Poète soufi ultra hanbalite (m. 656 h.).

 

[4] Maitre soufi ultra malékite  (m. 656 h.).

 

[5] El istighâtha (2/731).

 

[6] Voir : e-durar e-saniya (1/417-418).

 

[7] ‘Abd e-Latîf rapporte le consensus dans e-durar e-saniya (1/467-468).

 

[8] Voir : misbâh e-zhalâm (p. 324-325).

 

[9] Voir : e-durar e-saniya (1/427).

 

[10] Voir : e-dhiyâ e-shâriq (p. 161-162).

 

[11] Voir : kashf e-shubhataïn (p. 28).

 

[12] Idem. (p. 33-34).

 

[13] Idem. (p. 85-90).

 

[14] Le bétail ; 19

 

[15] Ta-Hâ ; 124

 

[16] Majmû’ e-rasâil wa el masâil (1/79-80).

 

[17] Voir : e-durar e-saniya (10/136-137) ; hamd ibn Nâsir a également des paroles de ce genre dans e-durar e-saniya (10/335-337).

NOUVELLE APPROCHE DU ‘UDHR BI EL JAHL (6/6)

Voir notamment : taqrîrât aimmat e-da’wa fî mukhâlafat madhhab el khawârij wa ibtâlihi qui est une thèse es doctorat du D. Mohammed Hishâm Tâhirî, et ayant eu parmi les membres du jury le grand Mufti actuel d’Arabie Saoudite, ‘Abd el ‘Azîz Âl e-Sheïkh.

 

Mais, restons pour le moment avec ‘Abd Allah, l’auteur des paroles : « Pour la réponse à la troisième question disant : celui qui commet un acte de mécréance sans intention, mais par ignorance, est-il excusable ou non, que ce soit au niveau des paroles, des actes, de la croyance ou en faisant du tawassul ?

Nous disons en réponse : si quelqu’un qui croit en Dieu et à Son Message commet dukufr, car ignorant des enseignements d’Allah et de Son Messager, que ce soit au niveau de la croyance, de la parole ou des actes, il n’est pas pour nous un mécréant ; et nous ne le taxons pas ainsi avant d’avoir appliqué contre lui la preuve céleste qui voue à la mécréance celui qui va à son encontre. Après l’iqâma el hujja, soit, après que les enseignements du Messager (r) lui soient parvenus, il devient mécréant en persistant dans son égarement… le Coran suffit en lui-même pour établir la hujja contre lui. Cependant, il  a besoin que les savants lui expliquent la chose, wa Allah (I)  a’lam ! »[1]

 

Le premier homme de la da’wa najdite répétait souvent dans ses assemblées qu’il ne condamnait personne à la mécréance avant l’iqâma el hujja. Il allait jusqu’à s’abstenir de se prononcer sur les adorateurs du mausolée el Kawwâz, étant donné que personne ne leur avait fait passer le message.[2] Ils sont considérés comme vivant dans une période de fatra (période où la lumière de la prophétie s’est estompée), ce qui en soi, leur offre une circonstance atténuante. Cependant, après la hujja ils n’ont plus d’excuse, même s’ils ne comprennent pas leur erreur.[3]

 

Sheïkh ‘Abd Allah Abû Batîn explique à ce sujet : « Prétendre que le Prophète (r) ou un autre peut sauver du châtiment d’Allah ou qu’il peut prendre Sa place est une forme de mécréance manifeste. Nous taxons tout fautif de mécréant après le lui avoir expliqué, s’il est ignorant. »[4] ‘Abd e-Latîf réfute l’accusation selon laquelle l’Imam sortait les gens de la religion sans faire de détails. Il explique qu’il ne se prononce même pas sur celui qui adore l’idole se trouvant sur la tombe d’Abd el Qâdir et celle d’el Badawî en raison de leur ignorance. Il ne diffère en rien de la voie du Prophète (r), sauf que son discours sera plus ou moins détaillé en fonction de la situation.[5]

Ailleurs, il met en lumière les véritables intentions d’ibn Taïmiya et d’ibn el Qaïyim sur la question : « Le discours des deux Sheïkh est suffisamment clair dans tous les passages en question. Ces derniers ne kaffar pas les auteurs de certaines paroles ou de certains actes, étant donné que la chose n’est pas facile à détecter pour ces gens-là, et qu’ils n’ont pas reçu la hujja. Ainsi, ils s’abstiennent de condamner certains fautifs au châtiment avant l’étape de l’iqâma el hujja. Ils parlent de questions bien précises et sur lesquelles il existe une divergence entre les savants de la communauté.

 

Quant à l’invocation et l’appel au secours des morts, en s’orientant vers eux lors des moments difficiles, tout le monde s’accorde à dire que c’est interdit et que cela relève de la grande association. Nous avons vu précédemment que le Sheïkh condamne à la peine de mort quiconque refuse de s’en repentir… »[6]

 

Le problème, c’est que Dâwûd ibn Jarsîs ne pénètre pas ces nuances. Il attribue à ibn Taïmiya et à son élève un discours erroné. Il s’imagine qu’ils ne condamnent pas ces pratiques païennes. Pire, il s’imagine que l’erreur dans ces domaines rapporte une récompense dans l’absolu à celui qui n’en a pas connaissance. Or, il incombe de distinguer entre l’acte auquel le Législateur donne le statut d’« association », de « mécréance » ou de « perversité »  et la personne. Le fait qu’une personne peut être excusable, cela ne rend en aucun cas son acte louable. Il y a une différence entre le statut d’un acte et le statut de son auteur.[7]

 

Conclusion

 

Ainsi, contrairement aux kharijitesaimmat e-da’wa prennent en considération l’iqâma el hujja avant de se prononcer sur un cas particulier ayant commis une annulation de l’Islam. Matériellement, la hujja consiste à transmettre les textes du Coran, de la sunna ou du consensus de façon à ce qu’ils soient bien appréhendés, aux yeux de la plupart des savants de aimmat e-da’wa. Pour la minorité d’entre eux, seule la présence du Coran est à même de faire l’affaire. Or, on peut très bien en avoir un exemplaire à la maison, sans pour autant être au courant de ses enseignements en détail.

 

Sheïkh e-Sa’dî nous enseigne que notre relation sera différentes avec les deux sortes d’individus suivants : les mécréants d’origine qui ne sont pas affiliés à l’Islam et les musulmans qui commettent une annulation de l’Islam. Concernant la première catégorie, aucune distinction n’est faite entre le savant et l’ignorant, dans le sens où tous les deux sont voués à l’Enfer éternel. Pour la deuxième catégorie, les textes du Coran et de lasunna expriment que les erreurs non intentionnelles commises tant dans les usûls que lesfurû’ constituent une circonstance atténuante avant de se prononcer sur un cas particulier.[8] Le shirk akbar ne fait pas exception à la règle. Voir l’article : El ‘udhr bi el jahl dans le shirk akbar

 

Ailleurs, il explique : « En un mot, en démentant (takdhîb) Allah ou en démentant Son Messager dans les enseignements qu’il rapporte, on devient mécréant ; ou bien, en n’adhérant pas (lam yaltazim) aux commandements d’Allah et de Son Messager. Toutes ces choses s’opposent à la foi conformément au Coran et à la sunna. Tous les discours des légistes expliquant en détail les formes d’annulations reconnues de l’Islam reviennent à cette cause. »[9] La cause en question, c’est le takdhîb ou ‘adam el iltizâm. Il veut dire que l’origine du kufr a lieu soit au niveau du qawl el qalb, comme chez les chrétiens et certains païens arabes soit au niveau de ‘amal el qalb comme pour Pharaon et les Juifs et de nombreux païens arabes qui connaissaient la vérité, mais qui s’étaient laissé aveugler par l’orgueil et l’obstination.

 

Nous avons vu que aimmat e-da’wa se sont abstenus de kaffar certains cas particuliers, qui pourtant, non seulement avait fait du shirk akbar, mais qui avaient composé des ouvrages vantant ses vertus ; ce qui en soi, est une circonstance aggravante. Ils ne les ont pas sortis de la religion, car toutes les conditions n’étaient pas réunies pour le faire. Ils ne se prononçaient pas également sur les musulmans morts, et ils se fiaient aux apparences dans leurs relations avec ceux qui se revendiquaient musulmans en leur donnant leur droit, sauf si certains éléments venaient confirmer le contraire. Il est vrai que certains de leur discours portent à confusion, mais gardons en même temps à l’esprit que le sujet est complexe, mais surtout dangereux, car lourd de conséquences. C’est la raison pour laquelle, le takfîr est, en gros, le domaine gardé des savants, car, ils sont à même d’évaluer tous les paramètres qui tournent autour, et d’en tenir compte dans leur jugement, wa Allah a’lam !

 

Allah est Celui à qui nous demandons notre aide et sur qui nous reposons notre confiance ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Maître Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 

[1] Majmû’ e-rasâil wa el masâil (1/247-248).

 

[2] Voir : kashf e-shubhataïn (p. 75-75), et e-dhiyâ e-shâriq (p. 371-372).

 

[3] Voir : ijmâ’ ahl e-sunna e-nabawiya (p. 160).

 

[4] Majmû’ e-rasâil wa el masâil (2/3/130).

 

[5] Voir : misbâh e-zhalâm (p. 43).

 

[6] Voir : minhâj e-ta-sîs (p. 265).

 

[7] Idem.

 

[8] El irshâd ilâ ma’rifat el ahkâm (p. 556-558).

 

[9] El irshâd ilâ ma’rifa el ahkâm (p. 210).

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