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Au nom d’Allah le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux 

 

 

Voir : el ashâ’ira fî mîzân ahl e-sunna (p. 713-726) de Faïsal el Jâsim.

 

L’ash’arisme est passé par plusieurs phases avant de devenir ce qu’il est aujourd’hui. Son fondateur lui-même s’est rallié à ibn Kullâb après avoir abandonné l’i’tizâl. À la fin de sa vie, toutefois, il emprunta la voie des anciens, sur les pas de l’Imam Ahmed. Il composa alors el ibâna qui inspira ibn ‘Asâkir dans son fameux tabyîn kadhb el muftarî en vue d’établir son crédo. Abû Bakr e-Sam’ânî fit la même chose en composant son livre el ‘itiqâd dans lequel il relate plusieurs passages d’el ibâna sans se tourner vers aucun autre écrit d’Abû el Hasan.[1]C’est sur cette dernière tendance que s’arrêta la pensée  d’el Ash’arî, comme en témoignent ces derniers livres tels que maqâlât el islâmiyîn et risâla ilâ ahl e-thaghr. Voici les raisons qui démontrent qu’il adhéra au traditionalisme avant de mourir :

 

Premièrement : de grands historiens à l’exemple d’ibn Kathîr connu pour sa vaste culture, parlent de cette troisième étape. Ce dernier nous apprend à ce sujet : « Ils mentionnent que Sheïkh Abû el Hasan el Ash’arî a connu trois phases dans sa vie :

La première : est celle de l’i’tizâl  qu’il abandonna de façon incontestable. Lors de sa deuxième phase : il reconnait les sept Attributs rationnels (e-Sifât el ‘aqliya) qui sont la Vie, le Savoir, la Puissance, la Volonté, l’Écoute, la Parole et la Vue. Il interprète les Attributs textuels (e-Sifât el khabariya) comme le Visage, les Mains, le Pied, le Sâq (la Jambe, le Tibia, ou la Mi-jambe ndt.), etc. lors de sa troisième phase : il adhère à tous les Attributs sans les décrire (takyîf) ni les faire ressembler à la création (tashbîh) à la manière des anciens. Cette tendance est celle qu’il reprend dans el ibânaécrit à la fin de sa vie. »[2]

 

E-Dhahabî y fait allusion dans e-siar en disant : « L’auteur à dit : j’ai eu sous la main quatre ouvrages d’Abû el Hasan écrits sur la croyance (el usûl). Il y cite la tendance des anciens sur les Attributs au sujet desquels il explique : il faut les prendre comme ils sont venus. Puis, il confie : cette tendance est la mienne, j’y adhère sans faire d’interprétation (ta-wîl) »[3] il est même plus clair dans el ‘Arsh dans lequel il affirme : « El Ash’arî est né en 260 h. et mourut en 324 h. à Bassora – qu’Allah lui fasse miséricorde –. Il était mu’taziliteavant de se repentir. Il rejoignit les traditionnistes sur des points sur lesquels ils étaient en désaccord avec les mu’tazilites. Puis, il s’aligna sur la plupart des opinions des traditionnistes. C’est les points que nous avons vu et dans lesquels il rapporte dessus leur consensus. Il témoigne qu’il s’accorde dessus sur tous les points. Il est donc passé par trois phases : une phase où il était mu’tazilite, une phase où il était sunnî sur certains points du crédo, et une phase où il était sunnî sur la plupart du crédo… »[4]

 

Ibn Taïmiya fit allusion à cette mutation, avant nos deux historiens, à travers ces paroles : « El Ash’arî était un adepte de l’école mu’tazilite avant de se repentir. Il était en effet l’élève d’el Jubbâî avant de pencher pour la voie d’ibn Kullâb.  Il acquit par la suite les fondements du hadîthentre les mains de Zakariya e-Sâjî. Puis, en entrant à Bagdad, il prit d’autres enseignements auprès des hanbalites de la ville. C’est la dernière phase qu’il connut comme en témoignent ses ouvrages et ceux de ses adeptes après lui. »[5]

 

Plus tard, el Âlûsî dira : « … Il témoigne de la légitimité de la tendance des anciens(salafs) concernant les Versets ambigus, qui consiste à les prendre littéralement comme ils sont venus, en prenant la précaution d’éloigner Allah de toute imperfection (tanzîh) [Rien ne Lui ressemble],[6] comme le veut le consensus des trois premières générations, qui sont, aux yeux du Prophète(r), les meilleurs des hommes

 

Cette tendance illustre a gagné l’adhésion de plus d’un parmi les savants les plus illustres des dernières générations (khalafs)… dont notamment l’Imam Abû el Hasan el Ash’arî, qui revint à la fin de sa vie à cette tendance illustre, ou plus exactement à la tendance des anciens sur tous les points de la croyance. Dans son livre el ibâna, il est l’auteur des paroles suivantes : « L’opinion à laquelle nous adhérons et la religion à laquelle nous croyons, est celle qui consiste à s’accrocher au Livre d’Allah (U), à la Tradition de Son Prophète (r), et aux annales rapportées des Compagnons, de leurs Successeurs (Tâbi’în), et des grandes références du Hadîth. Nous nous retranchons derrière ces enseignements. L’opinion d’Abû ‘Abd Allah Ahmed ibn Hanbal –qu’Allah illumine son visage – est la nôtre, et celle de ses adversaires s’oppose à la nôtre. »[7]

 

Ce texte formule clairement qu’il a une croyance salafi. Comment en serait-il autrement, si l’on sait que l’Imam Ahmed est un l’un de ses plus grands étendards, c’est pourquoi, il l’a choisi spécialement (traduction approximative ndt.) parmi toutes les références du hadîth. Ainsi, les ash’arites ne sont pas en conformité avec la tendance de leur Imam à laquelle il adhéra à la fin de sa vie et qui consista à suivre le chemin des pieux prédécesseurs. Si au moins ils avaient pu se repentir tout comme lui et suivre le même chemin. »[8]

 

À suivre…

 

Traduit par :

Karim Zentici

    

 

 

 

 


 

[1]Voir : naqdh e-ta-sîs d’ibn Taïmiya (p. 85).

 

[2]Tabaqât el fuqahâ e-shâfi’iyîn (1/210) ; dans ittihâf e-sâda el muttaqîn (2/4), el murtadhâ e-Zubaïdî reprend ce passage sans le faire suivre par aucun commentaire.

 

[3]Siar a’lâm e-nubalâ (15/86).

 

[4]El ‘Arsh de Dhababî (p. 302-303).

 

[5]Majmû’ el fatâwa (3/228).

 

[6]La concertation ; 11

 

[7]  El Ibâna (p. 43)

 

[8]Gharâib el eghtirâb wa nuzhat el albâb fî e-dhahab wa el iqâma wa el îyâb (p. 385-386).

LA TAWBA D’ABÛ EL HASAN (1/2)

LA TAWBA D’ABÛ EL HASAN (2/2)

Voir : el ashâ’ira fî mîzân ahl e-sunna (p. 713-726) de Faïsal el Jâsim.

 

Deuxièmement : dans el ibâna, mais aussi dans maqâlât el islâmiyîn et risâla ilâ ahl e-thaghr, el Ash’arî étale certains points du dogme. Il traite notamment des Attributs divins à la manière des anciens qui s’oppose à la tendance ash’arite. Il adhère en effet au sens littéral des Attributs et interdit de se tourner vers le ta-wîl (l’interprétation). Il considère même que les auteurs d’une telle démarche sont des innovateurs et des jahmites.[1] Il ne fait donc aucune allusion au tafwîdh que lui imputent les ash’arites. Bien au contraire. Il affirme plutôt explicitement qu’il faut prendre les Attributs d’Allah au sens propre et au sens littéral. Les Versets qui parlent des Attributs sont, à ses yeux, clairs et compréhensibles. Il réfute donc de les interpréter ou de les prendre au sens figuré. Nous sommes ainsi loin de la tendance kullâbite, et cela confirme qu’il s’agit bel et bien dans ces ouvrages d’une autre phase.

 

Un autre élément le confirme. Certains ash’arites pour le moins téméraires, avancent en effet, qu’Abû el Hasan écrivit el ibâna pour se protéger des traditionalistes. Abû Alî el Ahwâzî avance à ce sujet : « El Ash’arî a écrit un livre sur la sunna que ses adeptes mettent en avant pour faire rempart aux traditionalistes… Ce livre porte le nom d’el ibâna. Il l’écrivit lors de son séjour à Bagdad. Pourtant, il n’a pas réussi à gagner les faveurs deshanbalites qui décidèrent de l’exclure (hajr).

J’ai entendu dire Abû ‘Abd Allah el Hamrânî : lorsqu’el Ash’arî entra à Bagdad, il se rendit chez el Barbahârî et lui raconta : « J’ai réfuté les paroles d’el Jubbâî et d’Abû Hâshim, j’ai détruit leurs arguments, ainsi que ceux des Juifs, des chrétiens, et des mazdéens, ils donnaient leurs arguments et moi je donnais les miens. » Il parla longuement, et lorsqu’il se tut, el Barbahârî lui lança : « Je ne comprends ni un peu ni la majeure partie de tes paroles, je connais uniquement celles d’Abû ‘Abd Allah Ahmed ibn Hanbal. » Une fois sortie de chez lui, il composa el ibâna qui ne fit aucun succès. Lors de son séjour à Bagdad, il ne reçut aucune notoriété jusqu’au jour où il dut quitter la ville. »[2]

 

Cette histoire laisse entendre que l’ibâna ne répond pas aux critères ash’arites, sinon il n’aurait pas été écrit pour plaire aux traditionalistes sensés être ses opposants. Il ne s’agit pas ici de donner crédit à cette hypothèse, mais retenons que dans l’esprit de certains ash’ariteskullâbites, l’ibâna s’oppose à leur croyance et rejoint celle des traditionnalistes.

 

El Kawtharî lui-même, pourtant un opposant notoire et féroce des ahl e-sunna, avoue que l’ibâna d’el Ash’arî réfute la tendance kullâbite. Il l’aurait écrit selon lui par complaisance envers les traditionnalistes et leur Imam de l’époque el Barbahârî. En introduction à l’insâf d’el Bâqallânî, il fait le commentaire suivant : « Quant à l’ibâna qu’il présenta à el Barbahârî les premiers temps qu’il embrassa la croyance traditionaliste, il renferme certaines opinions non fondées. L’intention de ses auteurs, c’est de rallier [les opposants] graduellement à la vérité, mais cela fut en vain ; bien qu’une main étrangère ait touché au texte. À la fin de sa vie, après avoir vacillé entre le laxisme (tafrît) et le rigorisme (ifrât), il opta pour la modération, comme le rapportent ses adeptes, contrairement aux allégations d’ibn Kathîr. »[3]

 

Dans son épitre e-dhubb ‘an Abî Hasan el Ash’arîel Qâdhî Kamâl e-Dîn Abû Hâmid Mohammed ibn Dirbâs (m. 659 h.) déclare : « Sachez mes frères… que le livre el ibâna ‘an usûl e-diyâna, écrit par Abû Hasan ‘Alî ibn Ismâ’îl el Ash’arî tient lieu de crédo auquel il adhéra jusqu’à sa mort. Il représente sa confession après avoir quitté l’i’tizâl par la grâce et la bonté d’Allah. Toute opinion imputée à ce dernier qui contredit ce livre, est considérée comme abrogée et délaissée par son auteur. Comment pourrait-il en être autrement, alors qu’Abû Hasan y déclare explicitement qu’il extériorise sa confession à laquelle adhèrent, comme il le rapporte, les Compagnons, les tâbi’în (leurs successeurs), les grandes références traditionnistes passées, et l’Imam Ahmed ibn Hanbal (u). Celle-ci est conforme au Livre d’Allah et à la sunna de Son Messager !

 

Est-il alors pertinent de dire qu’il embrassa une autre pensée ? Qu’on nous dise à laquelle ? Aurait-il délaissé le Livre d’Allah et la sunna du Prophète d’Allah ? Se serait-il opposé aux Compagnons, à leurs successeurs, et aux grandes références traditionnistes passées ? Lui, qui savait pertinemment que telle était leur tendance. Il serait honteux de penser qu’un simple musulman puisse le faire, que dire alors des grandes références de la religion !

« De grands imams parmi les légistes, les lecteurs, les traditionnistes musulmans et bien d’autres mentionnent et font les éloges de cet ouvrage. Ils le déchargent de toute innovation qu’on lui impute. »[4]

 

Troisièmement : dans maqâlât el islâmiyîn, el Ash’arî confesse que le kullâbisme est une secte dissidente au traditionalisme. Il y expose l’opinion de ses partisans sur de nombreuses questions et aucune fois, il considère qu’ils comptent parmi les traditionnistes. S’il avait étékullâbite, il n’aurait pas fait cette distinction entre les kullâbites et les partisans duhadîth ; il aurait utilisé une seule désignation pour les deux tendances.

 

Quatrièmement : un autre indice confirme notre propos. Les néo-ash’arites en effet, ne se réfèrent jamais dans leurs écrits aux trois ouvrages d’Abû el Hasan que nous avons évoqués (maqâlât el islâmiyînrisâla ilâ ahl e-thaghr, et el ibâna). Ils cherchèrent même en vain à discréditer l’ibâna répandu dans le public, car trop gênant à leurs yeux.

 

Cinquièmement : dans l’introduction de l’ibâna, Abû el Hasan confesse qu’il suit les pas d’Ahmed, qui à ses yeux est l’Imam des traditionalistes. Il ne dit jamais qu’il est l’élève d’ibn Kullâb et ne s’inspire nullement de ses écrits. Il va sans dire qu’ibn Kullâb se différenciait de l’Imam d’ahl e-sunna qui était un fervent opposant aux grandes références kullâbites comme elHârith el Mahâsibî et ses amis ; il les considérait même comme des jahmites. Ainsi, si el Ash’arî avait été partisan du kullâbisme, il ne se serait jamais identifié à ibn Hanbal.    

 

      À suivre…

 

Traduit par :

Karim Zentici 

 

 

 

 

[1] Voir : el ibâna (p. 41, 43, 44, 51, 77, 97-103, 104, 106, 107, 108, 110, 111, 112, 117),maqâlât el islâmiyîn (1/265, 271, 284, 285, 290, 345, 2/186, 205) et risâla ilâ ahl e-thaghr (p. 212, 218, 232-236).

 

[2] Ibn Taïmiya rapporte cette histoire dans el fatâwa el kubrâ (5/341).

 

[3] Voir l’introduction à l’insâf (p. 11).

 

[4] E-dhubb ‘an Abî Hasan el Ash’arîd’ibn Dirbâs (p. 107).

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