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L’ANTHROPOMORPHISME (1/6)

 

Au nom d’Allah le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux 

 

Louange à Allah le Seigneur de l’univers !  J’atteste qu’il n’y a d’autre dieu (digne d’être adoré) en dehors d’Allah, l’allié des vertueux, et j’atteste que Mohammed est le sceau des prophètes et messagers ! Que les Prières, la Bénédiction et le Salut d’Allah soient sur lui, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

 

 

Les mutakallimîns parlent du matin au soir d’anthropomorphisme, alors qu’ils ne savent même pas de quoi il en retourne réellement, et ils ne connaissent aucunement la tendance traditionaliste sur le sujet. Ils en ont une connaissance vague et approximative. Si les grandes références de l’ash’arisme, qui est pourtant la secte ayant le plus de proximité avec ahl e-sunna, s’en font une représentation erronée, il faut alors s’imaginer la situation chez les autres sectes.

 

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya fait ce constat amer à travers les lignes suivantes : « Bon nombre d’hérésiographes parmi les dernières générations recensent les diverses opinions qu’ils connaissent sur une question qui constitue pourtant l’un des fondements les plus illustres de la religion comme celui de la Parole d’Allah. Cependant, ils ne connaissent pas celle des anciens et des grandes références de la communauté qui renferment les bonnes tendances sur chaque point de la religion. Ainsi, ils n’en connaissent ni l’opinion ni leur éventuels auteurs à l’instar d’el Shihristânî, l’auteur d’el milal wa e-nihal dans lequel il recense les différentes pensées à travers les grandes civilisations, mais il ne dit pas un mot sur la tendance traditionaliste qu’il ne connaît même pas. Concernant la Parole d’Allah, de grands auteurs tels qu’el Qâdhî Abû Bakr, Abû el Ma’âlî, el Qâdhî Abû Ya’lâ, ibn e-Zâghûnî, Abû el Husaïn el Basrî, et Mohammed ibn el Haïsam omettent de citer la tendance qui fut certifiée chez les anciens et les grandes références à l’image d’Ahmed ; lorsque ces derniers recensent toutes les tendances sur la question et que leur choix tombe sur l’une d’entre elle. »[1]

 

Il souligne ailleurs : «  Quant aux enseignements du Messager, des Compagnons, de leur successeurs, et des grandes références des musulmans, ils n’en ont aucune connaissance. Ils ne font que citer un certain nombre d’opinions parmi lesquelles ils en choisissent une. Ils réfutent ensuite les autres tendances qui sont en fait toutes aussi fausses les autres que les autres, ce qui laisse l’observateur perplexe. La chose qui pourrait éventuellement le contenter, c’est de savoir qu’en se réfutant les unes les autres, toutes ses opinions s’écroulent d’elles-mêmes, comme il est possible de le constater dans la plupart des ouvrages philosophiques ou du kalâm, que ce soit chez les penseurs anciens ou modernes à l’image de Râzî et d’el Âmûdî. »[2] Cela concerne autant les adeptes du kalâm, du raï (réflexion personnelle), que les soufis et les ascètes.[3]

 

Des têtes pensantes comme Abû el Ma’âlî, Abû Hâmid el Ghazâlî, ibn el Khatîb, etc. n’avaient aucune connaissance dans les sciences du hadith, ils atteignaient à peine le niveau d’un débutant avant de pouvoir mesurer les grands spécialistes en la matière. Ils ne faisaient même pas la différence entre un hadith authentique et un hadith complètement inventé comme en témoignent la plupart de leurs ouvrages où l’on y trouve des choses incroyables ![4]

 

La déstabilisation de la religion naissante par une cinquième colonne

 

Du côté des juifs, ‘Abd Allah ibn Saba était l’homme de la situation.[5] Afin de semer la discorde sous le Khalifat de ‘Uthmân, il propagea très vite au sein des musulmans qu‘Ali était en fait l’héritier légitime de Mohammed (r) de la même manière que Josué fut l’héritier de Moïse dans les anciennes écritures. Il insuffla notamment le concept de la ruj’a (le retour) : selon lui, le Prophète de l’Islam (ou ‘Ali) est plus à même de revenir sur terre à la fin des temps que Jésus. Originaire du Yémen et de confession juive, il s’est converti hypocritement à l’Islam dans le but de corrompre cette religion naissante et ses adeptes de la même façon que Paul le juif à corrompu la religion chrétienne. L’historiographe el Maqrîzî souligne qu’ibn Saba a innové à l’époque du troisième Khalife, le concept de la wasiya (élire un héritier) de la part du Prophète envers son cousin ‘Ali, et celui de la ruj’a.[6]

 

C'est pourquoi un orientaliste allemand en arrive à la conclusion suivante : « La tendance shiite, celle que l’on affilie à ‘Abd Allah ibn Saba puise plus ses origines chez les  juifs que chez les Iraniens. »[7] Un autre orientaliste constate que la ruj’a est directement influencée par les croyances juives et chrétiennes empruntées au paganisme, et avec lesquelles les sabéites ont cherché à pervertir une nation naissante dont la croyance était saine.[8] Ibn Saba lui-même comme nous l’apprend l’hérésiographe el Baghdâdî avoue, selon e-Sha’bî (m 104/736), s’être inspiré de la Thora pour donner crédit à la wasiya.[9]

Des siècles plus tard ibn Taïmiya dira : « Les savants mentionnent qu‘Abd Allah ibn Saba le zindîq (l’athée) est à l’origine du râfidhisme. Il s’est converti en apparence, mais il cachait ses convictions juives au fond de lui, dans le but de pervertir l’Islam de la même façon que Paul le chrétien d’origine juive a perverti la religion chrétienne. »[10]

 

Il parle de Paul de Tarse contre lequel le Messie a mis en garde ses disciples. Paul qui innova des enseignements contraires à la Thora qu’il abrogea sans scrupules, à contre-courant des attentes de Jésus, et contraires à ses enseignements ; Paul qui prétendit être l’auteur de miracles ; Paul qui attribua, contrairement au message de Jésus lui-même et à toute la prophétie, la divinité au Christ ; Paul qui dans un élan laxiste, innova le principe de rédemption et du rachat des péchés des hommes ; Paul qui revivifia avec force le paganisme avec le dogme de la Trinité en gestation.[11]

 

Les juifs de la qibla

 

Selon l’expression de Sa’îd ibn Jubaïr, les murjites sont les juifs de la qibla, comme le rapportent certains recueils de sunna. il est possible de deviner ses intentions, ou pour le moins d’essayer d’en dessiner les contours, en cherchant du côté de la caractéristique des murjites, ou des implications de leurs croyances ; cette tendance ouvre en effet la porte au libertinage et à la zandaqa, peut-être un peu à la manière de Paul qui introduisit l’irja dans la religion chrétienne et qui la corrompit de fond en comble en amenuisant les commandements divins et en axant son discours sur le pardon divin aux dépens des actes ; ou bien plus vraisemblablement, fait-il référence au v. 80 de la s. la vache et disant : [Le feu ne nous touchera que quelques jours, et ensuite, tout sera fini][12] ; voire à ses deux passages : [Ils disent : personne en dehors des Juifs et des chrétiens n’entrera au Paradis, exprimant ainsi leur propre désir. Répond-leur : apportez-en la preuve si vous êtes vraiment sincère • C’est plutôt celui qui soumet son visage à Allah, tout en faisant le bien qui aura sa récompense et qui n’éprouvera ni crainte ni affliction • Les Juifs disent : les chrétiens ne tiennent sur rien, et les chrétiens disent : les Juifs ne tiennent sur rien, et pourtant tous lisent le Livre. Ainsi, les ignorants ont prétendu la même chose. Le Jour de la Résurrection, Allah tranchera entre leurs divergences][13] ; (Les Juifs et les chrétiens disent : nous sommes les fils de Dieu et ses favoris. Dis-leur alors pourquoi vous châtie-t-Il en raison de vos péchés ? Vous n’êtes que de simples mortels qui comptent parmi ses créatures ; Il pardonne à qui Il veut comme Il châtie qui Il veut ; c’est à Lui qu’appartient le royaume des cieux et de la terre et tout ce qui se trouve entre eux ; et c’est vers Lui que se fera le retour).[14]

 

Mais, apparemment, cette caractéristique est plus à mettre sur le compte de Jahm, que des murjiya proprement dits, les murjiya el fuqaha, comme nous l’avons expliqué dans un autre article.

 

Ailleurs, Sheïkh el Islâm prédit : « … si les Juifs parviennent à fonder un empire en Iraq ou ailleurs, les rafidhites seront parmi leurs plus grands alliés. Ces derniers s’allient constamment avec les mécréants parmi les païens, les Juifs, et les chrétiens pour combattre les musulmans, et ils leur viennent toujours en aide. »[15]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

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[1] Dar e-Ta’ârudh (2/307).

 

[2] Idem. (9/67-68).

 

[3] El furqân baïna el haqq wa el bâtil dans majmû’ el fatâwâ (13/25).

 

[4] Majmû’ el fatâwâ (13/25). El Ghazâlî lui-même disait que son bagage était léger dans les sciences du hadith. Voir : Majmû’ el fatâwâ (35/176).

 

[5] Le chercheur Sulaïmân el ‘Awda, est l’auteur d’une thèse ayant pour titre ‘Abd Allah ibn Sabâ wa atharuhu fî ihdâth el fitan fî sadr el islâm, et à travers laquelle il démontre avec preuves à l’appui, que ‘Abd Allah ibn Saba n’est pas une légende que l’inconscient collectif musulman aurait imaginée pour évacuer ses frustrations comme l’assument certains orientalistes, certains chercheurs shiites contemporains, et certains « intellectuels musulmans » à l’instar de Taha Husaïn. Or, des grandes références shiites anciennes comme e-Nubakhtî dans son livre firaq e-shî’a (p. 22), et d’autres plus récentes comme Ni’mat Allah el Jazâilî dans El anwâr e-nu’mâniya (2/234) reconnaissent qu’ibn Saba fut un juif converti à l’islam et qu’il est à l’origine du shiisme musulman. 

 

[6] El khutat d’el Maqrîzî (2/356, 357).

 

[7] Voir : Les kharijites et les shiites (p. 170, 171).

 

[8] Voir : el ‘aqîda wa e-sharî’a fî el islâm (205).

 

[9] El farq baïna el firaq (235). Ce même e-Sha’bî à propos duquel Sheïkh el Islam ibn Taïmiya déclare qu’il comptait parmi ceux qui avaient une plus grande expérience des shiites, [voir : Manhâj e-sunna (1/22).] nous fait une longue description de cette secte, dans laquelle il confie à Mâlik ibn Maghûl : « Hé Mâlik ! S’ils pouvaient m’offrir leur cou en esclavage, et s’ils pouvaient remplir ma maison d’or afin que j’invente un seul mensonge sur ‘Ali, ils ne se gêneraient pas de le faire. Mais par Allah ! je ne mentirais jamais sur lui ! Hé Mâlik ! J’ai étudié toutes les sectes, mais je n’ai jamais vu des gens plus imbéciles que les râfidhites. S’ils étaient des animaux à quatre pattes ils seraient des ânes, et s’ils étaient des oiseaux ils seraient des vautours. » Il dit ensuite : « Je te mets en garde contre toutes les sectes égarées dont la râfidhite est la pire. Ces adeptes sont les juifs de cette communauté, car ils détestent l’Islam comme les juifs détestent les chrétiens. Ils ne sont pas entrés dans l’Islam par crainte ou par espoir envers Allah, mais ils l’ont fait par haine envers ses adeptes et pour leur faire du mal.

‘Alî ibn Abî Tâlib (t)  les a brûlés par le feu et les a expulsés dans d’autres régions à l’exemple de ‘Abd Allah ibn Saba qui fut expulsé à Sâbât, et comme ‘Abd Allah ibn Sibâb et Abû Kurûz qu’il a expulsé à el Hâzir. L’épreuve râfidhite, c’est l’épreuve juive. Les juifs assument que le pouvoir appartient uniquement à la descendance de David et les râfidhites assument que le pouvoir appartient uniquement à la descendance de ‘Ali ibn Abî Tâlib. Les juifs prétendent qu’il n’y aura pas de guerre sur le sentier d’Allah jusqu’au jour où sortira le Messie attendu et qu’un héraut du ciel en donne le signal, et les râfidhites prétendent qu’il n’y aura pas de guerre sur le chemin d’Allah jusqu’au jour où le Mehdi sortira et qu’un lien ou un « moyen » descendra du ciel. Les juifs retardent la prière du Maghreb (coucher du soleil ndt.) jusqu’au moment où les étoiles s’entrecroisent, tout comme les râfidhites. Les juifs ne voient pas les trois prononciations de divorce tout comme les râfidhites. Les juifs ne voient pas le délai de viduité pour la femme veuve ou divorcée tout comme les râfidhites. Les juifs s’autorisent à verset le sang de tout musulman tout comme les râfidhites. Les juifs ont falsifié la Thora tout comme les râfidhites ont falsifiés le Coran (dans l’interprétation ou en assumant qu’il est incomplet, mais ils n’ont pas pu toucher au Texte ndt.). Les juifs détestent Jibrîl (u) et prétendent qu’il est leur ennemi parmi les anges, et les râfidhites disent que Jibrîl s’est trompé en déposant la Révélation chez Mohammed au lieu de la déposer chez ‘Alî ibn Abî Tâlib.

Les juifs ne mangent pas la viande de chameau tout comme les râfidhites. Cependant, les juifs et les chrétiens sont mieux que les râfidhites sur deux points : quand on demande aux juifs qui sont les meilleurs membres de votre communauté, ils répondent : « les compagnons de Moïse. » Quand on demande aux chrétiens qui sont les meilleurs membres de votre communauté, ils répondent : « les compagnons de Jésus. » Mais, quand on demande aux râfidhites quels sont les pires membres de votre communauté, ils répondent : « les compagnons de Mohammed. » Au lieu de prier en leur faveur comme on leur incombe, ils les insultent. L’épée sera brandie contre eux jusqu’au Jour de la Résurrection. Ils n’auront jamais le pied raffermi ni d’étendard brandi ni la parole réunie. Ils seront toujours mis en déroute, ils auront la parole divisée, et ne pourront jamais se réunir. Toutes les fois qu’ils veulent allumer le feu de la guerre, Allah l’éteint. » El ‘Aqd el farîd (2/249, 250).

 

[10] Majmû’ el fatâwa (28/483).

 

[11] Voir : Tabâshîr e-tawrât wa el injîl bi el islâm wa rasûlihi Mohammed du D. Nasr Allah ‘Abd ‘Ahmân Abû Tâlib (357-359).

 

[12] La famille d’Imrân ; 24 voir : Firaq mu’âsira Ghâlib ‘Awâjî (2/276).

 

[13] La vache ; 111-113 Ailleurs, ibn Taïmiya signale que les gens du Livre ont pour usage de renier les bonnes opinions de leurs coreligionnaires. Voir : Iqtidâ e-sirât el mustaqîm (1/91).

 

[14] Le repas céleste ; 18

 

[15] Manhâj e-sunna 3/378

L’ANTHROPOMORPHISME (2/6)

 

De l’anthropomorphisme vers le mu’tazilisme

 

À la base, comme le souligne ibn Taïmiya, les « gens du Livre », et plus particulièrement les Juifs, penchaient vers l’anthropomorphisme ; en tout cas, ils avaient une lecture littérale des textes. De fil en aiguille, ils en vinrent à renier les Attributs divins, à la manière des jahmites ; deux tendances se dégagèrent chez les adeptes de la Thora : celles des philosophes à l’image de Mûsâ ibn Maïmûn, et celle des mu’tazilites, comme Abû Ya’qûb el Basîr (Joseph ben Abraham al-Basir, auteur du Sefer HaNe'imot et du Mahkimat Peti).[1]


Le judaïsme s’est montré beaucoup plus perméable aux notions doctrinales islamiques, y compris la doctrine de l’unicité divine. C’est surtout le mu‘tazilisme qui fut adopté à des degrés divers à partir du 9e siècle, aussi bien par les penseurs rabbanites que karaïtes, et finalement apparut au tournant du 11e siècle le célèbre mouvement du « mu‘tazilisme juif ». Les savants juifs composèrent d’une part des œuvres originales selon la pensée mu‘tazilite et copièrent d’autre part les ouvrages en arabe appartenant à celle-ci, souvent en caractères hébraïques. Les premiers exemples des ouvrages originaux des mu‘tazilites juifs sont : le Kitāb al-Muḥtawī du karaïte Yūsuf al-Basīr (m. ca. 1040).[2]

 

Le mu’tazilisme est très proche de la religion juive selon les propres aveux du chef fondateur de la secte mâturîdite, Abû Mansûr.[3] Ibn Taïmiya fait remarquer en effet que les rationalistes musulmans avaient des liens très étroits avec les juifs. Ces derniers se plaisaient à faire un parallèle entre leur crédo et les cinq principes mu’tazilites. Il était tout à fait normal pour eux de consulter les livres références des rationalistes musulmans. Ils en arrivèrent à avoir les mêmes raisonnements pour éluder les points obscurs de leurs enseignements qui touchent au « Théo ».

 

En parallèle, de nombreux soufis s’inspirent de l’ascétisme chrétien. L’apport des pratiques païennes que les chrétiens ont emprunté au paganisme d’antan fait rage dans les confréries musulmanes. En outre, les juifs sont des assimilateurs (mushabihha) anthropomorphistes en attribuant à Dieu des attributs humains perfectibles. Tandis que les chrétiens sont des mushabihha en attribuant aux humains des Attributs divins parfaits.[4]

 

On comprend mieux désormais le fameux adage d’ibn ‘Uyaïna : « Ceux qui, parmi nos savants, s’égarent ressemblent aux Juifs et ceux qui, parmi nos adorateurs, s’égarent ressemblent aux chrétiens. »[5]

 

L’égarement est propre aux chrétiens, et l’animosité et l’injustice sont propres aux juifs, mais cela ne veut pas dire que les juifs ne sont pas égarés ni que les chrétiens ne fassent pas preuve d’injustice, mais nous parlons ici de leur ascendant.[6]

C'est pourquoi le savoir des anciens tournait autour de deux éléments :

  • Connaitre leur Bien-aimé en qui ils donnaient foi à travers Ses Noms et Attributs, ainsi que ses Lois.[7]

  • Et œuvrer pour ce Bien-aimé à travers les actions légiférées par Ses Lois.

 

Ils se distinguaient ainsi de deux catégories d’individus :

  • Ceux qui étaient portés vers la connaissance du Créateur, les discussions et la théorie (les mutakallimîns) ;

  • Ceux qui étaient portés vers l’amour du Seigneur, l’ascétisme et la pratique (les soufis).

Les premiers se concentraient sur le savoir aux dépens des actes, et les seconds se polarisaient sur les actes aux dépens du savoir.

 

Chacun d’eux s’égarait par un côté et prenait ses distances avec la voie des anciens qui reposaient sur la bonne connaissance des Noms et Attributs divins, doublés des bonnes œuvres dont ils puisaient la légitimité dans les textes du Coran et de la sunna.[8]

 

Les mutakallimîns tendent vers la voie des Juifs, et les soufis vers la voie des chrétiens.[9]

 

Ibn el Qaïyim souligne que la véritable association consiste soit à faire ressembler le Créateur à la créature soit à faire ressembler la créature au Créateur.[10] Cette comparaison revient à deux facteurs essentiels :

  • Surestimer la créature,[11]

  • Sous-estimer le Créateur.[12]

 

El Maqrîzî souligne par rapport au second point que l’égarement de toutes les sectes égarées et hérétiques revient à deux facteurs :

  • Ils se font une mauvaise opinion de leur Seigneur.

  • Ils ne Le considèrent pas à Sa juste Valeur.[13]

 

Les adeptes du ta’tîl adorent le néant et les adeptes du tamthîl adorent une idole.[14]

 

Voir : http://www.mizab.org/#!le-shirk/c6hp

 

 

L’origine du ta-wîl

 

Les premiers négateurs (nufât) imaginaient un Seigneur ayant uniquement des Attributs négatifs (sifât salbiya) ou d’annexion (idhâfiya), on encore une combinaison des deux. L’Ami d’Allah ibrahim fut confronté aux philosophes sabéens qui véhiculaient ce concept. Sous l’ère musulmane, des hommes comme Jahd ibn Dirham, et plus tard Abû Nasr el Fârâbî, s’inscrivirent dans leur lignée. Le dernier cité visita Harrân et approfondit ses connaissances philosophiques auprès des grands maitres sabéens de la ville. L’Imam Ahmed souligne que Jahm également fit ses premiers pas initiatiques à Harrân. Ainsi, la chaine pédagogique des jahmites remonte à des juifs ou à des philosophes sabéens ou païens.[15]

 

Or, en faisant une étude comparative des religions, on s’aperçoit avec force que le ta-wîl islamique ressemble étrangement au ta-wîl juif et chrétien. La ressemblance est telle qu’ils donnent l’impression d’avoir été nourrie aux mêmes mamelles. Les musulmans reprendront les procédés que les adeptes du judaïsme utilisaient pour tronquer les textes de la Thora.[16]

 

L’héritage grec

 

Par souci de classification, la logique grecque établit des principes qui restent au stade de la pure représentation mentale, mais qui n’ont aucune place dans le monde réel.[17] Quand ils parlent de l’Homme, en tant qu’espèce et dans l’absolu, ils font allusion au genre humain, cet ensemble dans lequel entrent tous les membres de son espèce. C’est une conception purement abstraite. Elle reste dans le monde des idées, indépendamment de toute application concrète. Quand on prend un homme x, il n’est pas une partie de l’Homme absolu, étant donné que ce dernier n’existe pas.[18] Les philosophes les plus objectifs l’ont bien compris. Ils contestent ce que les anciens appelaient l’idéal platonicien. Sans entrer dans les détails, Platon avait imaginé un monde sans forme, purement utopique, et parallèle au nôtre.

Or, les conceptions absolues ne dépassent pas le stade de l’imagination, et celles-ci n’ont aucun lien avec la réalité.[19] Malheureusement, les mutakallimins ont repris ce principe pour l’appliquer au crédo musulman dans les domaines du tawhîd, des Attributs divins, du caractère incréé du Coran, et de l’îmân.[20]

 

La « métaphysique » selon Jahm

 

À la lumière du point précédent, sur les pas de l’élite helléniste, Jahm confine la foi dans la connaissance du créateur. Dans son long cheminement vers la béatitude, à ses yeux, le croyant aurait pour mission de prouver l’existence de Dieu par la raison. Pour ce faire, il introduisit dans les rangs des musulmans, l’arme favorite des futurs mutakallimûn, qu’ils doivent à Platon, la théorie de l’accident (le dalîl el a’râdh wa hudûth el ajsâm). L’idée est de prouver que le monde a un début, et par voie de conséquence, qu’il existe une force créatrice (indépendamment de savoir si elle est passive ou non) l’ayant précédé. Jahm ibn Safwân est le premier porte-parole dans l’absolu de cette tendance ; Abû el Hudhaïl el ‘Allâf est le premier mu’tazilites à l’avoir emprunté à Jahm[21] ; ibn Kullâb l’a introduit dans le kullâbisme sous l’influence des jahmites négateurs ; les ash’arites l’ont hérité directement d’ibn Kullâb.[22]

 

Toutes ces tendances partent d’un seul et unique principe selon lequel tous les corps sont contingents (hudûth el ajsâm), étant donné qu’ils sont obligatoirement soumis aux accidents. Ils en concluent que tout attribut et action sont tributaires d’un corps.[23]  C’est la raison pour laquelle ils refusent l’idée selon laquelle Allah aurait un corps, car cela impliquerait fatalement, selon leurs dires, qu’Il serait contingent. Il perdrait ainsi Sa particularité fondamentale d’existence prééternelle, à partir de laquelle Il tire Son Nom d’Être nécessaire (wâjib el wujûd).

 

À partir de ce principe, ils renient en tout ou en partie (en fonction de leur degré de négation) les Attributs et les Actions d’Allah dans le but de L’exempter du caractère contingent qui est propre aux êtres possibles (mumkin el wujûd).

 

C’est dans cet esprit que Jahm renie l’éternité de l’Enfer et du Paradis. Il se fie dans sa démarche sur le postulat philosophique selon lequel, un accident a forcément un début dans le passé. Sinon, cela reviendrait à un enchainement d’accidents sans fin, ce qui est logiquement impossible. Jahm va plus loin en extrapolant ce phénomène à l’avenir et infirme catégoriquement l’idée qu’un accident (l’Enfer ou le Paradis en l’occurrence) puisse demeurer à l’infini. Conclusion, le Paradis et l’Enfer vont s’éteindre un jour. Pour sa part, Abû el Hudhaïl, relativise ce propos, et se contente de dire que seuls les mouvements dans la demeure éternelle cesseront tôt ou tard.[24]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

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[1] Voir : dar-u e-ta’ârudh d’ibn Taïmiya (7/94).

 

[2] Mohammad Ali Amir-Moezzi et Sabine Schmidtke, « Rationalisme et théologie dans le monde musulman médiéval », Revue de l’histoire des religions, 4 | 2009, 613-638.

 

[3] Voir : kitâb e-tawhîd (p. 87).

 

[4] Voir : dar-u e-ta’ârudh d’ibn Taïmiya (7/94-95).

 

[5] Voir notamment : tafsîr ibn Kathîr (2/351).

 

[6] Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (22/307).

 

[7] Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (3/333).

 

[8] Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (2/41).

 

[9] Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (2/43).

 

[10] El jawâb el kâfî (p. 326).

 

[11] Ighâthat e-lahfân d’ibn el Qaïyim (2/640) ; ibn Taïmiya fait remarquer que l’encensement des vertueux à outrance fut la première cause à l’origine du culte des tombeaux à l’époque de Noé (voir : el jawâb el bâhir fî zawwâr el maqâbir avec la recension du D. Ibrahim el Mukhlif p. 182).

 

[12] El jawâb el kâfî (p. 330-335).

 

[13] Tajrîd e-tawhîd el mufîd d’el Maqrîzî

 

[14] Voir : el jawâb e-sahîh d’ibn Taïmiya (4/406), et sawâ’iq el mursala (1/148).

 

[15] Voir : el hamawiya (p. 25), majmû’ el fatâwâ (5/22), et e-rasâil el kubrâ (1/435-436).

 

[16] Voir : e-sawâ’iq el mursala (1/361) d’ibn el Qaïyim.

 

[17] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/286).

 

[18] Majmû’ el fatâwâ (5/206).

 

[19] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/301).

 

[20] Majmû’ el fatâwâ (7/405-407).

 

[21] Majmû’ el fatâwâ (13/305) et minhâj e-sunna (8/5).

 

[22] Naqdh ta-sîs el jahmiya d’ibn Taïmiya (1/46, 54).

 

[23] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/305).

 

[24] minhâj e-sunna (1/310).

L’ANTHROPOMORPHISME (3/6)

 

L’origine du dalîl el a’râdh wa hudûth el ajsâm

 

Les anciens Grecs baptisaient la divinité absolu d’Intellect on d’Intellect actif (qui est exempt de matière selon la définition de Shihristânî[1]), de Substance pour certains avec les particularités qu’ils lui donnent,[2] de Principe ou de Cause première.[3]

 

Aristote prouve l’existence de la Cause première en se basant sur le mouvement des astres. Si l’Univers bouge, selon lui, c’est uniquement dans la mesure où il cherche à ressembler ou à prendre exemple sur la Cause première.[4] Il est même possible qu’il imagine une relation d’attirance entre eux, comme l’amant est attiré par sa bien-aimée.[5] Pour lui, Dieu n’a rien créé et n’est l’auteur d’aucune action.[6]

 

L’élève de Platon ne fait que reprendre à son maitre l’idée qu’il va développer à sa façon.

 

Aristote serait le premier à avoir soutenu la prééternité de l’univers.[7]

 

Thales, l’un des « sept sages », philosophait déjà à son époque sur le Théo.[8] La pensée helléniste imaginait une force immatérielle, la cause première, à l’origine de la création. Pour la décrire, Platon préconise de l’aborder sous l’angle de la négation, pour éviter toute comparaison avec le monde sensible. Simple, immuable, et indivisible, l’Un n’aurait aucune caractéristique qui trahirait la multitude et la composition. Aristote, qui reprendra le flambeau, appuie l’idée que le premier intellect est dépourvu de toute entité réelle. « Immobile », « infini », et « un » sont les trois seuls attributs qu’il est possible de lui accorder.[9]

 

Le disciple reste dans l’optique du maitre en variant les termes ; immobile n’est rien d’autre qu’immuable, dans le sens où l’Un serait dépourvu de tout attribut volontaire, et donc de tout mouvement. Il prend toutefois ses distances avec son prédécesseur quand il établit la prééternité du monde, dont l’existence serait concomitante à celle du premier intellect, l’« infini». Et « un », enfin, renvoie au « simple » platonicien. Copleston, un philosophe contemporain, résume très bien l’idée. Il explique en un mot que Dieu, qui appartient au monde des idées, n’a aucune caractéristique matérielle, propre aux corps. Il n’a aucun agissement dans l’ordre du monde (il n’a aucune volonté ni ambition) et n’a pas pour vocation d’être aimé ni adorer.[10]

Cette conception métaphysique du divin est très tangible chez les mu’tazilites, les successeurs directs de Jahm.[11]

 

L’école d’Alexandrie

 

Grossièrement, l’héritage grec passera à l’école d’Alexandrie, et touchera, notamment, au début de l’Ère chrétienne, la communauté judaïque, par l’intermédiaire de son plus grand représentant, Philon. Passionné de philosophie grecque, il passera sa vie à conjuguer entre la Bible et la pensée helléniste, avec, Platon, au premier plan. Juif hellénisé, il est le premier à introduire une lecture parabolique de l’Ancien Testament. Il pensait que la Raison (comprendre la philosophie grecque) n’allait nullement à l’encontre de la religion de Moïse. Sa pensée fut révolutionnaire à plus d’un titre ; c’était la première fois notamment qu’un Israélite condescendait à sortir des enseignements de la Thora, qui incarnaient pourtant la fierté de la communauté, face aux gentils incultes, idolâtres et souvent persécuteurs.

 

L’autre révolution dans l’œuvre de Philon fut qu’il abandonna l’hébreu, qu’il ne maitrisait peut-être pas selon certaines sources, et coucha ses traités dans la langue de Socrate. Ses lectures paraboliques du Livre sacré renfermaient des messages ésotériques destinés aux seuls initiés. Au début, il laissait indifférents ses coreligionnaires, et mourut sans connaitre la gloire parmi les siens ; nul n’est prophète en son pays. Néanmoins, par la suite, il devint un grand centre d’attraction pour les premiers Pères de l’Église. Longtemps après, les rabbins et les docteurs de la Loi le reconnurent et lui rendirent un hommage post posthume.

 

Wolfson, le spécialiste du Kalâm, fut frappé par la ressemblance entre la pensée de Jahm et celle de Philon. Il en conclut, que, en utilisant les mêmes méthodes que son prédécesseur, Jahm, fut le premier à conjuguer entre la Raison grecque et la religion musulmane.[12] Entre temps, les Pères de l’Église avaient procédé au même pillage des écrits grecs qui déboucha sur la profanation en profondeur de la religion chrétienne. Profanation dont elle ne se remettra jamais.[13] Ainsi, l’hellénisation des trois religions était en cours, et fut à son comble chez les Juifs avec Maïmonide, dans la lignée des mu’tazilites, qui soumit la Thora à la règle suivante : tout texte qui laisse à penser que Dieu a des membres ou n’importe quel attribut doit se lire nécessairement selon une lecture imagée pour échapper à tout anthropomorphisme.[14]

 

Jean le Damascène

 

C’est dans ce climat, que Jean Damascène entre en scène. El ja’d aurait pris résidence à Damas près d’une Église. Certaines sources mentionnent cette proximité qui est un indice non négligeable sur la probable influence de Jean sur ce dernier.[15] Jean aurait eu plusieurs contacts avec le fameux poète chrétien, el Akhtal qui serait devenu son ami.[16] Selon certains islamologues, il aurait transmis l’héritage grec dans les rangs des musulmans.[17] Contemporain à Wâsil ibn ‘Atâ et ‘Amr ibn ‘Ubaïd, il écrivit un dialogue imaginaire entre un chrétien et un musulman en vue de réfuter l’hérésie du libre arbitre selon sa conception ; en définitive, il reprenait point par point le crédo mu’tazilite (dans le rôle du chrétien) en plein conflit avec l’orthodoxie ambiante incarnée par le traditionalisme (dans le rôle du musulman), et qu’il confond, comme beaucoup d’autres, avec le déterminisme.[18]

 

Il épousa les idées de Philon qu’il distilla dans la culture arabe. Cosmas, son tuteur italien, l’initia à la logique formelle qu’il maitrisait sur les doigts. Jean était une vraie encyclopédie. Il avait notamment étudié les textes scripturaires de l’Islam (Coran et hadîth) pour les réfuter selon son point de vue.

 

Il immortalisa son crédo par écrit, dans la lignée des néo-platoniciens, mais ce qui nous interpelle, c’est que dans un passage, il reprit le même argument que Jahm face aux chamanistes. Il dit, entre autres, je cite, que : « Dieu, il est partout, soit indistinctement dans tous les endroits. »[19] Ailleurs, tout comme Jahm, il affirme en substance qu’on ne le voit pas et qu’on ne peut le voir.[20]

 

L’influence chamaniste

 

Voir : http://www.mizab.org/#!jahm-ibn-safwn/c1ldc

 

Un jour, Jahm eut un débat avec des chamanistes (probablement des Indiens qui venaient du Khurasân), ce qui laissa en lui, des traces indélébiles, à tel point qu’il cessa de prier quarante jours durant lesquels il fut envahi par un scepticisme étouffant. Il doutait de l’existence de Dieu, mais se reprit avec, malgré tout, des séquelles.[21] Il renia l’élévation d’Allah, la vision, et adhéra au panthéisme qui confond Dieu et la matière.

 

Les chamanes croient à la prééternité de l’Univers, à la manière des agnostiques, à la réincarnation, et ils renient la résurrection. Certains savants les font ressembler aux mazdéens, peut-être à cause de ce dernier point.[22] Pour eux, la connaissance et même l’existence, incarne tout ce qui est à la portée des cinq sens.

 

L’Imam Ahmed nous relate des passages de ce débat entre Jahm, qui était pourtant un grand polémiste, et ces païens qui lui proposèrent la chose suivante : « Nous te proposons un marché, laisse-nous parler avec toi, et si nous prenons le dessus sur toi, alors tu devras intégrer notre religion, et si c’est le contraire, alors c’est nous qui entrerons dans la tienne. »

 

Il accepta le marché, et ses vis-à-vis prirent la parole pour lui lancer notamment : « Tu prétends avoir un Dieu, n’est-ce pas ?

  • Oui !

  • Est-ce que tu l’as vu ?

  • Non !

  • Est-ce que tu as entendu sa parole ?

  • Non !

  • Est-ce que tu l’as senti ?

  • Non !

  • Est-ce que tu l’as touché ?

  • Non !

  • Est-ce que tu l’as goûté ?

  • Non !

  • Comment sais-tu alors qu’il est un dieu ? »

 

Jahm fut pris par un grand désarroi, et demanda un temps de réflexion pendant lequel il s’isola chez lui et arrêta complètement la prière sous prétexte qu’il ne pouvait pas adorer un dieu dont il ignorait tout de lui.

 

Tout polémiste qu’il était, il revint à la charge avec en main un argument qu’il avait concocté sur le modèle des chrétiens trinitaires. Ces derniers prétendent que l’âme insufflée à Jésus est issue de Dieu en personne. Ils comparent la chose à un morceau de tissu emprunté à un vêtement. Dieu serait entré dans le corps de son fils et aurait parlé à sa place. Il serait donc un esprit invisible.

 

Content de sa réponse, il retourna les voir pour leur fustiger : « Vous prétendez qu’une âme anime vos corps, n’est-ce pas ?

  • Oui !

  • L’avez-vous vu ?

  • Non !

  • Avez-vous entendu ses paroles ?

  • Non !

  • L’avez-vous touché ?

  • Non !

  • C’est la même chose pour Allah le Tout-Puissant ! On ne peut le voir ni sur terre ni dans l’au-delà, il est partout (et selon une version : on ne le voit pas, on ne l’entend pas, on ne le sent pas, et il est invisible à la vue), soit indistinctement dans tous les endroits. »

Certaines versions rapportent qu’il leur lança également : « Il est comme l’air, lié à toute chose, partout, soit indistinctement dans toute chose. »[23]  

 

Il s’inspira dans son raisonnement de trois Versets : [Rien ne Lui ressemble][24] ; [Il est Allah dans les cieux et sur la terre][25] ; [Rien ne peut le cerner du regard, alors que Lui, cerne tout du regard].[26]

 

L’Imam Ahmed conclut ensuite : « Il fonda son discours à partir de ces trois Versets, et institua la religion jahmite. Il démentait les propos du Message d’Allah (r), et interpréta à sa façon le Livre d’Allah. Des gens parmi les adeptes d’Abû Hanifa et de ‘Amr ibn ‘Ubaïd à Bassora le suivirent, et en égara un grand nombre … »[27]

 

En commentaire à ce débat, ibn Taïmiya souligne que Jahm reprit point par point l’argumentation des philosophes sabéens péripatéticiens.[28]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

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[1] El milal wa e-nihal (p. 379).

 

[2] Mi’yâr el ‘ilm fî fann el mantiq d’el Ghazâlî (p. 280-281).

 

[3] Idem. (p. 312-313) ; pour plus de détails sur le concept de Cause voir : E-ta’rifât d’el Jurjânî (p. 155-156).

 

[4] Minhâj e-sunna d’ibn Taïmiya (2/132).

 

[5] Idem.

 

[6] Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (1/49).

 

[7] Voir Mawqif Sheïkh el Islam ibn Taïmiya min el falâsifa par le D. Sâlih el Ghâmidî (250-251).

 

[8] El milal wa e-nihal de Shihristânî (2/370).

 

[9] Motion of Motion’s God de Bukly (p. 68).

 

[10] History of Philosophy (1/214).

 

[11] The philosophy of the kalam Wolfson (p. 223, 224, 226).

 

 

[12] The philosophy of the kalam Wolfson (p. 222)

 

[13] Les mots de la Confessio Belgica sont bien caractéristiques : « Nous croyons tous du cœur, et confessons de la bouche, qu’il existe un seul Être, simple et spirituel, que nous appelons Dieu. » Confessio Belgica, art. 1.

Plus tard, philosophes et théologiens ont identifié l’essence de Dieu à l’être abstrait, la substance universelle, la pure pensée, la causalité absolue, l’amour, la personnalité et à sa sainteté majestueuse ou divine… Dieu ne possède pas de corps et donc pas d’extension spatiale…

 

Voici un passage du site protestant de la Revue réformée :

 

En parlant de la nature spirituelle de Dieu, la théologie veut souligner que Dieu est en lui-même un être substantiel, distinct du monde, immatériel, invisible, sans éléments constitutifs ni extension. Ainsi, toutes les qualités essentielles liées au concept parfait d’Esprit se trouvent en lui ; en d’autres termes, il est un être conscient qui s’autodétermine. Étant Esprit au sens le plus pur et le plus absolu du mot, il n’est pas composite. L’affirmation que Dieu est Esprit exclut toute idée de corporéité de Dieu et condamne donc les fantaisies de certains des premiers gnostiques, des mystiques du Moyen Âge et de toutes les sectes modernes qui attribuent un corps à Dieu.

Il est bien vrai que la Bible parle des mains et des pieds, des yeux et des oreilles, de la bouche et du nez de Dieu. Ce faisant, elle s’exprime de manière anthropomorphique ou figurative qui transcende de très loin notre connaissance humaine; nous n’en pouvons parler qu’en balbutiant à la manière des hommes.

 

[14] Jinâya e-ta-wîl el fâsid de Mohammed Lûh (p. 165).

 

[15] El bidâyâ wa e-nihâyâ d’ibn Kathîr (9/405).

 

[16] John of Damascus on Islam de Sahas (pps 21-48).

 

[17] John of Damascus on Islam de Sahas (pps 143-149).

 

[18] John of Damascus on Islam de Sahas (p. 88).

 

[19] The Orthodox Faith (1/198).

 

[20] The Orthodox Faith (1/200).

 

[21] E-sunna d’el Khallâl (5/83, 87).

 

[22] Voir : e-tis’îniya d’ibn Taïmiya (1/240).

 

[23] Sharh usûl el i’tiqâd de Lâlakâî (3/424).

 

[24] La concertation ; 11

 

[25] Le bétail ; 3

 

[26] Le bétail ; 103

 

[27] E-rad ‘alâ el jahmiya wa e-zanâdiqa (p. 102-104).

 

[28] E-tis’îniya d’ibn Taïmiya (1/247).

L’ANTHROPOMORPHISME (4/6)

 

El Ja’d ibn Dirham

 

El Ja’d ibn Dirham (m. 124 h. sic) fut le maitre attitré de Jahm à l’unanimité des hérésiographes. Il fut le premier négateur des Attributs divins sur les pas des Juifs et des païens, notamment des sabéens. Jahm fut le grand porte-parole de son crédo. La secte s’organisa sous sa coupe et elle lui doit son patronyme aux dépens de son père spirituel el Ja’d.[1] Il emprunta ses idées à Abân ibn Sam’ân (m. ? h.), qui l’emprunta à Tâlût. De confession Juive (m. ? h.), il fut connu pour être un zindîq (penseur libre), et le premier à écrire un ouvrage pour vanter le caractère créé de la Thora. L’oncle maternel de Tâlût qui était également son gendre, Labîd ibn el A’sam, (m. ? h.) était le premier élément de la chaine ténébreuse du ta’tîl, lui, le fameux Juif qui fit un sortilège au Prophète (r). Dans la lignée des Juifs du Yémen dont il s’inspire, il voyait également le caractère créé de la Thora.[2]

El Ja’d ibn Dirham est le premier à interpréter l’istiwâ d’Allah sur Son trône par istawlâ. Jahm, son élève, reprit cette opinion à son compte et en devint même la figure emblématique aux dépens de son maitre.[3]

 

La rencontre entre les deux hommes (Ja’d et Jahm) eut lieu à Koufa. Ja’d avait dû fuir la capitale omeyyade, Damas, où il propageait son venin (le caractère créé du Coran), à la grande colère de la famille régnante qui avait mis sa tête à prix.[4] Jahm prit de lui les premiers balbutiements du ta’tîl que lui-même développa par la suite.[5] Ils transmirent à eux d’eux l’héritage de la religion sabéenne, Brahmane, chaman (hindoue), Juive (et ses pratiques magico-religieuses), chrétienne (ayant elle-même avec la religion juive reçue l’influence grecque) dans les rangs des musulmans.[6]

 

L’Imâm Ahmed explique que les jahmites renient le caractère incréé du Coran. Lors de son fameux débat qui l’opposait à certains d’entre eux, il les entendit contester avec force qu’Allah parla à Moïse. Et lorsqu’il leur en demanda la raison, il eut pour réponse : « Allah n’a jamais parlé et ne parleras jamais. Il ne fit que concevoir une chose qui relata ses paroles ; il créa un son qu’il fit entendre en son nom. » Selon eux, poursuit l’Imâm, la parole n’est pas possible sans gosier, une langue et une bouche.[7]

 

Ibn Taïmiya explique que Jahm reprit l’idée à el Jahd, mais que, pour sauver sa peau, il fut obligé d’afficher son assentiment au crédo officiel qu’il détourna à l’aide d’un subterfuge en disant : « Il crée sa parole dans un endroit, comme le vent, et les feuilles des arbres. » [8] Il reconnut l’Attribut de la Parole pour échapper à l’inquisition, mais avec une nuance, en avançant qu’Allah parle, mais de façon imagée. Les philosophes sabéens disaient déjà que la parole était une émanation divine qu’Allah insuffle dans l’âme des prophètes.[9]

Philon, dont nous avons parlé, commente l’épisode du mont Sinaï, en disant que ce jour-là, Yahvé fit un miracle bénit. Il ordonna la création d’un « son » invisible dans l’air. Ce « son » fut doué de la parole et se faisait entendre.[10]

 

Jahm voyagea à Balkh où il fréquentait la même mosquée que l’anthropomorphiste Muqâtil ibn Sulaïmân avec qui il débattait.[11] Polémiste acharné, et malgré son ignorance notoire, il composa un ouvrage en réfutation à Muqâtil ibn Sulaïmân qui était d’obédience sunnite. Selon ibn ‘Asâkir, Muqâtil faisait le conteur à la grande mosquée de Murû, et eut Jahm dans son auditoire. La rencontre entre les deux hommes fut électrique et ils s’invectivèrent par livres interposés.[12]

 

Abû Hanîfa disait au sujet de Muqâtil : « Deux mauvaises pensées nous sont venues de l’Orient : celle de Jahm le négateur et celle de Muqâtil l’anthropomorphiste. »[13]

 

Et ibn Hibbân disait de lui : « Il s’inspirait des Juifs et des chrétiens dans les sciences du Coran qui s’accordent avec leurs Livres ; il faisait ressembler le Seigneur aux créatures et mentait dans la science du hadîth. »[14]

 

Le Prophète (r) avait prédit que la fitna viendrait de l’Orient.[15] L’un des hadîth sur le sujet est particulièrement révélateur : « La tête de la mécréance viendra de l’Orient. »[16]

 

La chaine ténébreuse de l’égarement

 

Voir : http://www.mizab.org/#!lorigine-du-ta-w/c1047

 

Mais, passons à la chaine ténébreuse de l’égarement qui part du tristement célèbre Ahmed ibn Abî Duâd (m. 240 h.), de l’école… hanafi, et d’obédience jahmite. Il est l’instigateur attitré de la « cabale » de l’Imâm Ahmed, et embellit aux yeux du khalife de l’époque que le Coran était créé. Tout commença par lui. Il a à son actif une fatwa réclamant la mise à mort d’ibn Hanbal. Il alla jusqu’à falsifier des Versets coraniques, jugés trop « anthropomorphistes » à ses yeux.[17] Il laissa son héritage empoisonné au grand mu’tazilite et le Sheïkh des hanifites de son époque Abû Bakr el Khassâf Ahmed ibn ‘Omar ibn Mahîr e-Shaïbânî. Contemporain d’Abû Mansûr el Mâtûrîdî, il fit revivre les beaux jours de son chef spirituel, Ahmed ibn Abî Duâd.[18]

 

Ibn Abî Duâd hérita son savoir de Bishr ibn Ghiâth el Mirrîsî (m. 228 h.), wa mâ adrâka man Bishr el Mirrîsî ! Il peut se vanter d’avoir repris l’étendard de Jahm ibn Sawfân, et d’être le fondateur indétrônable de la secte murjite mirrîsiya. Hanafi, et fils d’un teinturier juif, il eut une grande influence sur les orientations ash’arites et mâturîdites. Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya souligne que les ouvrages des grandes références mu’tazilites et ash’arites, à l’instar d’ibn Fawrk (m. 406 h.), de Ghazâlî (m. 505 h.), et de Râzî (m. 606 h.) reprennent exactement les mêmes arguments de Bishr pour établir le ta-wîl des Noms et Attributs divins.[19] Ce dernier poussa l’affront contre les textes jusqu’à changer les termes de la formule d’invocation du sujûd pendant la prière jugée trop « anthropomorphiste » à son goût, et cela, selon l’aveu des mâturîdites eux-mêmes.[20] De nombreux Imams traditionalistes le vouèrent à la mécréance.[21] Malgré cela, il s’attira la faveur d’el Kawtharî qui chercha à atténuer la portée de ses blasphèmes.[22]

 

Ainsi, nous pouvons, sans peur, retracer la chaine pédagogique d’ibn Safwân soit :

Jahm ibn Safwân, selon el Ja’d ibn Ibn Dirham, selon Jean Damascène, selon Cosmas qui l’emprunte à la philosophie grecque.

 

Cette chaine narrative ne s’oppose nullement à celle, plus connue, qui passe par Abân ibn Sam’ân, selon Tâlût, selon Labîd ibn el A’sam.[23] La raison est qu’un seul individu peut avoir plusieurs sources à la fois.

 

L’origine du terme jism

 

Voir : http://www.mizab.org/#!le-jism/c22h9

 

Jism, en tant que terme technique, ne trouve pas sa légitimité dans la période de l’âge d’or des musulmans. C’est seulement après l’époque des successeurs des tâbi’ûns (successeurs de Compagnons), qu’il vit le jour.[24] Par rapport à cela, il n’est pas pertinent de dire qu’Allah est un corps, mais il n’est pas plus pertinent de dire qu’Il n’est pas un corps. Ce vocable est donc une bid’a (innovation) sur la forme.[25]

 

Le premier à l’avoir introduit dans l’Islam n’est autre que le shiite râfidhî duodécimain Hishâm ibn el Hakam.[26]

 

 

Comment cette innovation fut-elle accueillie dans les milieux musulmans ?

 

Nous pouvons recenser trois réactions différentes face à ce terme.[27]

 

1- Une tendance a permis de l’utiliser pour parler d’Allah (I) :

 

Le paléoshiime ou le shiisme primitif qui a été imité par certains théologiens du kalâm, comme ibn Karrâm, et ses adeptes shiites, mais aussi par d’autres courants assimilateurs.[28]

 

Ces derniers se sont divisés en deux catégories :

 

  • Les assimilateurs chez qui Allah est un « corps » non comme les autres corps. Ils refusent ainsi de Le faire ressembler aux créatures sous quelle forme que ce soit. À leurs yeux, le jism s’explique par le fait qu’Allah subsiste par Lui-même (el qâim bi nafsihî).[29]
     

  • Les assimilateurs ultras chez qui Allah est un « corps » comme les autres corps. Il serait donc de même nature, disent-ils, à la différence où il serait plus grand.[30]

 

2- Une tendance a interdit de l’utiliser pour parler d’Allah (I) :

 

Les théologiens du kalâm (les jahmites et les mu’tazilites qui furent suivis par les kullâbites, ash’arites, et mâturîdites). De nombreux adeptes des quatre écoles sunnites ont rejoint ce crédo. Jahm ibn Safwân est le premier porte-parole dans l’absolu de cette tendance ; Abû el Hudhaïl el ‘Allâf est le premier mu’tazilites à y avoir adhérer[31] ; ibn Kullâb l’a introduit dans le kullâbisme sous l’influence des jahmites négateurs ; les ash’arites l’ont hérité directement d’ibn Kullâb.[32]

 

Toutes ces tendances partent d’un seul et unique principe selon lequel tous les corps sont contingents (hudûth el ajsâm), étant donné qu’ils sont obligatoirement soumis aux accidents. Ils en concluent que tout attribut et action est tributaire d’un corps.[33] C’est la raison pour laquelle ils refusent l’idée selon laquelle Allah aurait un corps, car cela impliquerait fatalement, selon leurs dires, qu’Il serait contingent. Il perdrait ainsi Sa particularité fondamentale d’existence prééternelle, à partir de laquelle Il tire Son Nom d’Être nécessaire (wâjib el wujûd).

 

À partir de ce principe, ils renient en tout ou en partie (en fonction de leur degré de négation) les Attributs et les Actions d’Allah dans le but de L’exempter du caractère contingent qui est propre aux êtres possibles (mumkin el wujûd).

 

En un mot, ils font passer le ta’tîl (négations des Noms et Attributs divins) sous le slogan fallacieux d’exempter le Créateur de tout défaut.[34] C'est pourquoi ils le décrivent avec des Attributs négatifs, qui correspondent à ceux qu’on ne peut, aux yeux des mutakallimîns, attribuer au Très-Haut et qui ne siéent pas à Sa Majesté. Ce procédé s’inspire de la théologie négative, qui est une approche de la théologie qui consiste à insister plus sur ce que Dieu n’est pas que sur ce que Dieu est.[35]

 

Reconnaitre les Attributs divins est un crime, selon cette conception, car cela revient à attribuer un corps à Dieu, d’où l’accusation sans appel d’anthropomorphistes aux traditionalistes fidèles aux textes. Paradoxalement, les anciens n’utilisaient jamais le terme « corps » pour décrire Allah.[36]

 

Le pire, c’est que ces négateurs ne se réfèrent jamais aux linguistes pour définir le jism. Les Attributs divins ne sous-entendent nullement qu’Allah est un « corps » dans le sens étymologique du terme, et cela, à l’unanimité des linguistes.[37]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

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[1] El hamawiya d’ibn Taïmiya (p. 233-235).

 

[2] El hamawiya d’ibn Taïmiya (p. 243).

 

[3] Voir : el hamawiya (p. 24), et majmû’ el fatâwâ (5/20).

 

[4] El bidâyâ wa e-nihâyâ d’ibn Kathîr (9/405).

 

[5] Majmû’ el fatâwâ (12/119).

 

[6] Majmû’ el fatâwâ (6/51, 10/67).

 

[7] E-sunna d’Abd Allah ibn Ahmed (1/172).

 

[8] Majmû’ el fatâwâ (6/477).

 

[9] Majmû’ el fatâwâ (12/352).

 

[10] The philosophy of the kalam Wolfson (p. 276)

 

[11] El bidâyâ wa e-nihâyâ d’ibn Kathîr (9/405). Ibn Taïmiya jette le doute sur les accusations à l’encontre de Muqâtil, et pense qu’il est possible qu’elles soient exagérées dans la mesure où Abû el Hasan el ‘Ash’arî qui les rapportent s’inspire des ouvrages mu’tazilites, ses détracteurs. Ils ont très bien pu exagérer les faits qui lui étaient reprochés ou bien les emprunter à des rapporteurs non crédibles. Shâfi’î disait qu’il était la référence incontournable en tafsîr, comme Abû Hanîfa était la référence incontournable en fiqh. Minhâj e-sunna (2/618).

 

[12] Voir : târîkh Dimashq (60/120).

 

[13] Voir : lisân el mîzân d’ibn Hajar (10/281).

 

[14] Voir : lîsân el i’tidâl de Dhahabî (4/175).

 

[15] Les hadîth en question sont rapportés par el Bukhârî (3511, 3497) et Muslim (7223).

 

[16] Rapporté par el Bukhârî (3301) et Muslim (183, 191), selon Abû Bakra (t).

 

[17] Voir : wafiât el a’yân (1/81), et shadharât e-dhahab (2/93).

 

[18] Voir : Siar a’lâm e-nubalâ (13/123), et el fahrast d’ibn Nadîm (p. 259).

 

[19] Voir : el hamawiya (p. 26-27), majmû’ el fatâwâ (5/23-24), et e-rasâil el kubrâ (1/436-437).

 

[20] Voir : sharh el figh el akbar d’el Qârî (p. 172).

 

[21] Voir : Siar a’lâm e-nubalâ (10/199), wafiât el a’yân (1/277-278), el Kâmil d’ibn el Athîr (5/294) et el bidâya wa e-nihâya d’ibn Kathîr (10/281), lisân el mîzân (2/29-31), et târikh Baghdâd (7/56-67).

 

[22] Voir : husn e-taqâdhî (20-21), en bas de notes.

 

[23] El hamawiya d’ibn Taïmiya (p. 243).

 

[24] Tafsîr sûrat el ikhlâs d’ibn Taïmiya (p. 62).

 

[25] El jawâb e-sahîh li man baddala dîn el Masîh d’ibn Taïmiya (3/155).

 

[26] Majmû’ el fatâwâ (13/154, 174).

 

[27] Minhâj e-sunna d’ibn Taïmiya (2/198).

 

[28] Naqdh ta-sîs el jahmiya d’ibn Taïmiya (1/50-51, 510).

 

[29] Idem. (1/50).

 

[30] Idem. (1/51).

 

[31] Majmû’ el fatâwâ (13/305).

 

[32] Naqdh ta-sîs el jahmiya d’ibn Taïmiya (1/46, 54).

 

[33] Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/305).

 

[34] El jawâb el fâsil bi tamyîz el haqq mi el bâtil d’ibn Taïmiya qui fut imprimé dans la revue majallat el buhûth el islâmiya (n° 29 p. 309-310).

 

[35] Ce mode de pensée puise son origine dans la philosophie antique. On le retrouve dans la pensée théologique chrétienne ainsi que dans certains courants philosophiques modernes qui se sont intéressés aux formes du langage. La théologie négative chrétienne apparait clairement pour la première fois chez Pseudo-Denys l'Aréopagite qui fait des emprunts à Damascius, philosophe néoplatonicien anti-chrétien. On retrouve ces mêmes influences dans le kalâm et dans une forme dérivée, le soufisme panthéiste. L'Extrême-Orient a développé à sa façon, et ce bien avant l'occident, une théologie apophatique (démarche apophatique, du grec apophasis: négation) qui s'exprime dans le bouddhisme, le taoisme, l'hindouisme et bien d'autres traditions.

 

[36] Sharh hadîth e-nuzûl d’ibn Taïmiya (p. 23, 30-32, 68-70, et 73).

 

[37] Idem. (p. 31).

L’ANTHROPOMORPHISME (5/6)

 

La règle des Noms et Attributs divins

 

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya établit que la religion musulmane repose sur le principe qu’il faille décrire Allah comme Il s’est décrit Lui-même dans Son Livre ou comme Ses messagers l’ont décrit sans altérer ou falsifier le sens de Ses Noms et Attributs ou les renier, ni chercher non plus à savoir comment ou à les assimiler. Les musulmans attribuent au Seigneur ce qu’Il s’est attribué à Lui-même, et ils Lui refusent ce qu’Il se refuse à Lui-même. 

 

En cela, ils se conforment aux paroles des prophètes et ils s’interdisent tout discours qui serait contraire au-leur. Les prophètes ont décrit le Très-Haut avec des Attributs parfaits et ils l’ont « purifié » de tout défaut ou de tout Attribut qui n’exprime pas la perfection. Dans le domaine de ce qu’ils lui attribuent (attributs positifs), ils s’expriment avec détails, mais ils évitent de faire toute ressemblance ; s’ils Lui reconnaissent certaines caractéristiques en détail, ils restent concis concernant celles qu’ils Lui renient (dans le domaine des attributs négatifs). Quiconque renie les Attributs qu’Il se reconnaît à Lui-même est un négateur (mu’attil), et quiconque cherche à le faire ressembler à Ses créatures est un assimilateur[1] (mummaththil). Le négateur adore le néant tandis que le mu’attil adore une idole.[2]

 

Ainsi, (Rien ne lui ressemble) va à l’encontre des mummaththil et (mais Il est Entendant et Voyant) va à l’encontre des négateurs. Par exemple, les prophètes disent qu’Allah était Vivant et ils le « purifient » de la mort, ils disent qu’Il est Savant et ils le purifient en même temps de l’ignorance, etc. Ces règles se trouvent indistinctement dans le Coran, la sunna, la Thora et la prophétie en général. Celles-ci font l’unanimité des prophètes et concernent aussi bien les musulmans que les « gens du Livre ».

 

Le traditionalisme incarne l’orthodoxie musulmane et la tendance médiane

 

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya explique à ce sujet : « Ils se trouvent au milieu entre les différentes tendances comme l’Islam est au milieu entre les autres croyances. »[3] Il a dit également : « Leur tendance est médiane dans le domaine des Noms d’Allah (I) entre les mu’attila (les négateurs ndt.) jahmites et les mushabbiha (assimilateurs ndt.).[4] Leur tendance est médiane dans le domaine des Actions d’Allah (I) entre les qadarites (partisans du libre libre ndt.),[5] et les jabarites (déterministes ndt.).[6] Dans le domaine du mauvais devenir de l’homme (el wa’îd : la menace ndt.), ils sont entre les murjites[7] et les wa’îdiya[8] parmi les qadarites[9] et autres. Concernant les diverses catégories d’individus dans le domaine de la foi et de l’appartenance à la religion, ils sont entre les harûrites[10] et les mu’tazilites d’un côté et les murjites et les jahmites de l’autre. Concernant les Compagnons du Prophète (r), ils sont entre les râfidhites et les kharijites. »[11]

 

Ni anthropomorphistes ni négateurs

 

Hanbal rapporte la tendance d’Ahmed : « Rien ne Lui ressemble au niveau de Son Essence, comme Il s’est décrit Lui-même. Allah donna un sens général à Ses Attributs. Il définit (hadda) l’un de Ses Attributs qui ne ressemblent à rien d’autre. Ses Attributs ne peuvent se limiter à nos définitions ou ils ne sont pas délimités (ghaïr mahdûda) et Ils nous sont inconnus sauf ce qu’Il nous en décrit.

Il dit : Il est Voyant et Entendant sans parler de hadd ni faire d’approximation (taqdîr). Personne ne peut le décrire comme il convient, nous n’allons pas au-delà du Coran et du hadîth. Nous répétons scrupuleusement les Paroles d’Allah et nous le décrivons comme Il se décrit Lui-même sans aller au-delà. Personne ne peut le décrire comme il convient.

Nous croyons au Coran en entier ; ses Versets formels et Ses Versets ambigus. Nous ne lui enlevons pas un Attribut sous prétexte qu’il déclenche la colère de certains (traduction approximative ndt.). Les Attributs par lesquels Allah se qualifie, comme Sa Parole, Son Nuzûl (descente au premier ciel), Son entretien en privé avec chacune de Ses créatures le Jour de la Résurrection. Il se reprochera de Son Serviteur et posera sur lui Son Kanaf.[12] Tout cela démontre qu’il sera vu dans l’au-delà.»[13]

 

Ibn Kathîr a dit : « Quant au Verset : [Puis, Il s’est établi sur Son Trône],[14] il existe de nombreuses opinions sur le sujet que nous n’allons pas étaler ici. Cependant, il est important de savoir qu’il faut suivre ici la tendance des Pieux Prédécesseurs comme Mâlik, el Awzâ’î, e-Thawrî, e-Laïth ibn Sa’d, e-Shâfi’î, Ahmed ibn Hanbal, ishâq ibn Râhawaïh, et tant d’autres parmi les grandes références musulmanes de l’ancienne et de la nouvelle époque. Elle consiste à lire les textes comme ils sont venus sans faire de description, d’assimilation, ni de négation.

 

Or, ce qui vient à l’esprit des anthropomorphistes ne peut être attribué à Allah, car aucune de Ses créations ne Lui ressemble : [Rien ne Lui ressemble, et Il est l’Entendant et le Voyant].[15] La réalité est plutôt comme l’établissent les grands imams comme Na’îm ibn Hammad el Khuzâ’î, le Sheïkh d’el Bukhârî : « quiconque faire ressembler Allah à Sa création devient mécréant, et quiconque renie ce qu’Allah s’est attribué devient mécréant. Or, rien dans ce qu’Allah s’est attribué ou que Son Messager lui a attribué ne prête au tashbî (connu sous le terme d’anthropomorphisme ndt.) » Ainsi, attribuer à Allah la même chose que les Versets clairs, et les annales authentiques, de la façon qui sied à Sa Majesté ; et en parallèle, de Lui refuser tout défaut, c’est suivre la bonne voie. »[16]

 

Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya qui devait rendre des comptes sur sa ‘aqîda el wâsitiya, lança ce défit historique : « Je n’ai fait que retranscrire la croyance de tous les pieux prédécesseurs… qui est la croyance de Mohammed (r). J’ai pourtant lancé l’appel à plusieurs reprises à mes détracteurs. Je leur ai laissé un délai de trois ans : si l’un d’entre eux me donne une seule parole parmi les trois premières générations au sujet desquelles le Prophète (r) a fait les éloges… alors, je reviendrais sur ma croyance… »[17]

 

« Personne ne sera jamais capable de rapporter une seule parole des anciens qui ne prouvent ni explicitement ni implicitement que ces derniers avaient pour conviction qu’Allah n’était pas sur Son Trône, qu’Il n’avait ni l’ouïe ni la vue, ni une Main réelle… »[18]

 

« Allah sait qu’après avoir fait une recherche complète, après avoir feuilleté ce que j’ai pu avoir sous les yeux des paroles des anciens, je n’ai jamais trouvé qu’aucun d’entre eux, ne disait explicitement ou implicitement, voir indirectement qu’il fallait renier les Attributs textuels… Leurs condamnations portaient uniquement sur le tashbî’ (anthropomorphisme ndt.). »[19]

 

 

Par : Karim Zentici

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[1] Certains orientalistes traduisent Mumaththil par anthropomorphiste qui signifie d’attribuer une forme humaine ou ce qui est caractéristique à l’être humain au Créateur. En cela, il ne prend pas le terme Mumaththil dans toute son essence qui englobe de faire la ressemblance avec des créatures vivantes ou inertes, autres que les humains.

 

[2] Voir : el jawâb e-sahîh d’ibn Taïmiya (4/406), et sawâ’iq el mursala (1/148).

 

[3] El fatâwâ (4/140).

 

[4] Ils reconnaissent les Noms et les Attributs divins à outrance au point de faire ressembler Allah à Ses créateurs. (N. du T.)

 

[5] Ils dénient qu’Allah puisse avoir une action quelconque sur le libre arbitre des êtres humains. En d’autres termes, ils prétendent qu’Allah ne crée pas les actions de l’homme (N. du T.)

 

[6] Ils reconnaissent l’action d’Allah sur l’homme à outrance à tel point de dire que ce dernier n’a aucun libre arbitre, et qu’Il est entre les Mains d’Allah comme un automate. (N. du T.)

 

[7] Ils assument que l’auteur des grands péchés va directement au Paradis sans passer éventuellement par un séjour en Enfer. (N. du T.)

 

[8] Ce sont les kharijites et les mu’tazilites. Ils disent que l’auteur des grands péchés séjourne éternellement en Enfer. (N. du T.)

 

[9] Ces derniers n’admettent pas qu’Allah puisse à la fois être le créateur des actes de l’homme et à la fois le châtier en Enfer. Comme ils pensent que cela est une forme d’injustice, ils ont tous simplement renié le Pouvoir d’Allah sur les actions de l’homme en disant que l’homme crée ses propres actions. Ils sont comparables ainsi aux manichéens, ceux qui croient au Dieu du bien et au Dieu du mal. (N. du T.)

 

[10] Une secte des kharijites ayant pris pour repaire sous le Khalifat d‘Alî, la montagne de Harûra en Iraq. (N. du T.)

 

[11] Majmû’ el fatâwâ (3/141).

 

[12] Au sens figuré, kanaf ou kunf signifie être sous l’égide ou sous l’aile de… Au sens propre, il signifie, côté, flanc, voire main. Dans ce contexte, selon l’Imam Ahmed, il est à prendre au sens propre, contrairement à ibn el Athîr dans gharîb el hadîth, wa Allah a’lam ! (N. du T.)

 

[13] Ibn Qudâma impute cette annale à e-sunna d’el Khallâl dans dham e-ta’wîl (p. 21) ;  ibn Taïmiya la rapporte également dans darr e-ta’ârudh (1/254) et bayân talbîs el jahmiya (1/431), ainsi qu’ibn el Qaïyim dans ijtimâ’ el juyûsh el islâmiya (p. 211).

 

[14] El a’râf ; 54

 

[15] La concertation ; 11

 

[16] Tafsîr ibn Kathîr (2/221).

 

[17] Majmû’ el fatâwâ (3/161).

 

[18] Majmû’ el fatâwâ (5/109).

 

[19] Majmû’ el fatâwâ (5/109).

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