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Au Nom d’Allah, le Très-Miséricordieux, le Tout-Miséricordieux. Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que le Salut et les Prières d’Allah soient sur le maître des premières et des dernières générations, notre maître et notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa famille, ses Compagnons, et tous ceux qui suivent leur voie et qui s’accrochent à leur tradition jusqu’au Jour des comptes !

 

croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien… tout à coup, ne sait comment, vous voyez la calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil. Elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, éclate et tonne, et devient un cri général. (Beaumarchais).

 

Ibn Battûta raconte qu’au cours de son séjour à Damas, il fit la rencontre d’ibn Taïmiya, dont voici les détails : « …. je me trouvais à Damas. J’étais donc présent un vendredi au sermon qu’il prononça du haut du minbar(chaire ndt.) de la grande mosquée et dans lequel il déclara : « Allah descend au premier ciel comme je le fais actuellement. » Puis, il descendit d’une marche du minbar. »[1]

 

Quelle est la valeur historique de ce témoignage qui est devenue un « cri général » et qui attise encore les foudres de beaucoup d’hommes et de femmes sur l’un des personnages les plus controversés de l’histoire musulmane ? Une telle accusation résiste-t-elle à l’instigation ? C’est ce que nous allons essayer de dévoiler dans les prochaines lignes.[2]

 

1- La question qui se pose d’elle-même, c’est comment Sheïkh el Islam aurait-il pu être l’auteur de ces paroles ? Lui, dont les œuvres regorgent de réfutations contre les mushabbiha, appelés à tort anthropomorphistes, et les mujassima (les assimilateurs[3]), mais aussi contre les mu’attila (les négateurs) et les mufawwidha(les sceptiques en quelque sorte). Voici l’un des passages de ses ouvrages, pour n’en citer qu’un, dans lequel il étale, sans détour, sa croyance : « Il incombe de croire formellement qu’aucune créature n’est semblable au Très-Haut dans tous les Attributs par lesquels Il se qualifie. Lui donner n’importe quelle caractéristique des créatures, c’est commettre indubitablement une erreur. Il est complètement faux de dire qu’Il descend, bouge, se déplace comme un homme descend du toit d’une maison, ou qu’Il libère Son Trône dans le sens où Il quitte un endroit pour en occuper un autre. Il incombe de préserver le Très-Haut de ce genre de description. »[4]

 

2- Ibn Battûta confesse : « J’entrai dans cette ville le jeudi, neuvième jour du mois de ramadhân, le sublime, de l’année 726 »[5] Soit le 9 août 1326, qui était en réalité un samedi. Or, à cette époque, ibn Taïmiya faisait un séjour en prison, et qui fut d’ailleurs le dernier. Entré en juillet de la même année, il devait y mourir deux ans plus tard. Il fut, à la suite d’une intrigue, impitoyablement condamné en raison d’une vielle fatwa qui portait la marque du wahhabisme (sic), et qui dénonçait, au grand dam de notre aventurier, les pèlerinages des tombeaux saints ![6] Une telle nouvelle ne pouvait échapper à ses oreilles.

 

3- IbnBattûta est lui-même un personnage controversé. Il est plus un « grand voyageur » qu’un historiographe rigoureux, à l’inverse d’un ibn Khaldûm. En cela, bien que plus méthodique, il se rapproche plus de Marco Polo, qui fut pratiquement son contemporain. Il aimait également plagier les ouvrages d’ibn e-Jubaïr, quoique cela soit compréhensible dans une certaine mesure. Il décrivait des lieux qu’il n’avait pas visités,[7] comme les pyramides ou des événements auxquels il n’avait pas participé. Au sujet de la caravane du Mahmal qui part du Caire pour se rendre annuellement au pèlerinage de La Mecque, nous pouvons lire en bas de notes de la traduction française de son recueil : « Il est par conséquent peu probable qu’Ibn Battûta ait pu jamais assister à cette procession, puisque pendant le mois de radjab 726 (juin 1326) il se trouvait en haute Égypte et à son voyage de retour en 1348 il précise qu’à son arrivée au Caire la caravane de radjab était déjà partie. »[8]

 

4- Il nous habitue à ce genre d’anachronisme, comme en témoigne son passage à Médine, où il dit avoir rencontré un homme, qui lui a révélé un drôle de songe, et au sujet duquel il affirme : « il vint à la ville de Dihly, capitale du pays de l’Inde, dans l’année quarante-trois. Il se mit sous ma protection, et je racontai devant le roi de l’Inde l’anecdote de sa vision. » Stéphane Yérasimos, le commentateur de la présente traduction fait remarquer : « 1342-1343 mais à cette date Ibn Battûta avait déjà quitté Dihli. »[9] Là aussi, Abû ‘Abd Allah est excusable dans une certaine mesure. Il avait plus la vocation de faire la fresque de ces aventures qui s’étendent sur de nombreuses années, une fois de retour au pays, que de s’imposer le journal scrupuleux de sa vie quotidienne. C’est pourquoi, pour sa défense, comme le lui conçoit l’auteur de l’introduction française, il se peut qu’il décrive une ville qu’il prétend avoir vu à l’aller, ou à son premier voyage aux Lieux saints, alors qu’il ne l’a pas visité avant son retour. C’est peut-être ce qu’il faut comprendre dans les paroles du commentateur soulignant : « Sindjar, qui se trouve à cent vingt kilomètres à l’ouest de Mossoul, est complètement en-dehors de l’itinéraire d’Ibn Battûta qui se dirige vers Mardin ; il n’aurait pu la visiter qu’à son retour. »[10] La note suivante est encore plus éloquente : « Ibn Battûta, parti du Caire vers le 17 juillet et arrivé à Damas le 7 août (1326 ndt.), n’a pu effectuer qu’un trajet direct entre Jérusalem et Damas. Le très grand nombre des lieux visités ci-dessous ont dû l’être pendant ses passages en 1332 et 1348. »[11]

 

5- L’homme de Tanger nous donne une vision païenne et parfois « animiste » de la religion de ses ancêtres qui n’a rien à envier aux Juifs, aux chrétiens, aux soufis et aux shiites duodécimains. Son parcourt initiatique est jonché de mausolées présumés des grands personnages qui traversent de long en large le patrimoine arabo-musulman. En sombrant dans le fantastique, voire dans le fétichisme, il conforte l’idée que le sceau des Prophètes (r) s’inspire des coutumes païennes en vogue dans la péninsule, pour fonder sa religion. Il sape ainsi le premier principe sur lequel repose la dernière religion monothéiste et qui consiste à rendre le culte exclusif au Seigneur de l’univers. Opposant farouche à ibn Taïmiya, ne serait ce que dans les faits, personnage mystique et attrayant, il est l’instrument idéal entre les mains d’un orientalisme militant. Parfois même, il glisse et raconte des aberrations, ou pour le moins, il ne vérifie pas ses sources ! En voici trois exemples :

 

-          Il prétend que le tombeau de Zacharie est planté au milieu de la mosquée omeyyade à Damas, alors qu’il est habituellement attribué au prophète Yahya (Jean-Baptiste).[12]

-          Dans la même page, il avance avoir lu l’assertion fondée sur l’autorité de sufiân e-Thawrî selon laquelle : « La prière dans la mosquée de Damas équivaut à trente mille prières. »[13] La prière y serait ainsi plus honorifique qu’à Médine et à el Quds.

-          Selon lui enfin, les voyageurs qui naviguent sur la mer de la Chine ont coutume, lorsque le vent leur est contraire et qu’ils craignent les pirates, de faire un vœu à Abû Ishâq.[14] En cela, ils en font plus que les païens d’antan qui : [lorsqu’ils montent en bateau, ils implorent Allah en lui vouant le culte exclusif].[15]

 

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 


 

[1] Rihla ibn Battûta (1/110).

 

[2] Voir : Hayât Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya de Mohammed Bahjat el Baïtâr (p. 43-49) et l’introduction à la recension de Sharh hadîth e-Nuzûl d’ibn Taïmiya faite par le D. Mohammed el Khumaïs (p. 34-38).

 

[3] Terme emprunté à Yahya Michot, qui, malheureusement parfois, lâche maladroitement sa plume contre ibn Taïmiya. Peut-être, nous montre-t-il ainsi qu’il sait se détacher d’un homme pour qui il voue son admiration !

 

[4] Voir : Sharh hadîth e-Nuzûl (p. 359), mais aussi (p. 78). Pour les détails du terme « haraka » (mouvement, déplacement), voir : daf’ e-shubah el habashiya ‘an Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya de Murâd Shukrî Suwaïdân (p. 121-123).

 

[5] Ibn Battûta Voyages I. De l’Afrique du Nord à La Mecque : Traduction de l’arabe de C. Defremery et B.R. Sanguinetti (1858) Introduction et notes de Stéphane Yérasimos (p. 168). La version arabe parle du 19ramâdhan.

 

[6] Voir : sîra Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya d’Islâm el Husâmî el ‘Abbâdî (405-429).

 

[7] Voir : la traduction française que nous avons signalée ci-dessus (p. 104).

 

[8] Idem. (p. 111).

 

[9] Idem. (p. 230). Ibn Taïmiya explique que parfois des djinns se présentent à quelqu’un en rêve sous une forme humaine pour lui embellir l’idée qu’il est plus méritoire de se réfugier auprès du mausolée d’untel [voir : (talkhîs kitâb el istighâtha (2/591)].

 

[10] Idem. (p. 387).

 

[11] Idem. (p. 133).

 

[12] Idem. (p. 177). Tout rite consacré à cet endroit relève de l’innovation honteuse [(voir : majmû’ el fatâwa(27/48)].

 

[13] Idem. Selon Sheïkh el Islâm, il n’y a aucun texte prophétique authentique vantant les vertus de la grande mosquée de Damas [(voir : majmû’ el fatâwa (27/48)]. 

 

[14] Idem. (p. 355).

 

[15] L’araignée ; 65​​​​​​​

Calomniez… Calomniez… Il en restera toujours quelque chose ! 

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Calomniez… Calomniez… Il en restera toujours quelque chose ! 

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6- Ibn Taïmiya nous offre son analyse sur l’origine des mausolées dont visita la plupart ibn Battuta, son contemporain. Il n’y avait pas en terre musulmane (le Hijâz, le Yémen, le Shâm, l’Égypte, l’Iraq, le KHurasân et le Maghreb) à l’époque des Compagnons ni à celles de leurs fidèles successeurs, de mosquée construite sur des tombes ni de pèlerinage consacré aux mausolées.[1] Combien de Mashhadque les gens encensent recouvrent-ils en vérité la dépouille d’un non-musulman ? C’est le cas pour la tombe de Noé qui se trouve au pied de la montagne du Liban. On y trouva des ossements de géants de la période des Amorrites et on supposa donc qu’ils appartenaient au patriarche. Il en est de même pour le mausolée du Caire où serait ensevelie la tête de Husaïn et qui habite en fait, selon une certaine hypothèse, le cadavre d’un chrétien. Nous pouvons en dire autant pour le tombeau damascène d’Ubaï ibn Ka’b.[2] Il est également courant que la grande mosquée de Damas abrite le corps du prophète Hûd, lui qui fut enterré sur sa terre natale au Yémen, ou selon une autre hypothèse, sur sa terre d’émigration à La Mecque. Il s’agirait de la tombe de Mu’âwiya ibn Abî sufiân !

 

Quant à Uwaïs el Qarnî, il ne serait pas mort à Damas qu’il n’aurait jamais foulée. L’historiographie révèle qu’il est tombé à Siffîn, comme le reconnait ibn Battuta lui-même. Quant à la mère des croyants Um Salama, celle-ci a rendu l’âme à Médine et n’a jamais non plus mis les pieds dans la capitale de la Syrie, tout comme d’ailleurs ‘Âisha sa coépouse. Il est possible qu’il s’agisse d’une autre Um Salama, mais certainement pas de la femme du meilleur des hommes (r). En outre, Mûsa n’est jamais passé par l’ancienne Babylonie ; il n’a donc pas pu y laisser l’empreinte de son pied. Il est en fait extrêmement difficile de déterminer avec exactitude les traces des grands hommes de l’histoire musulmane, à l’exception de la tombe du Prophète (r) qui n’est un secret pour personne. Celle-ci n’échappe cependant pas à l’interdiction d’y consacrer l’adoration.[3]

 

Nous ne connaissons pas le lieu exact de l’enterrement d’Ibrahim el Khalîl lui-même. Nous savons tout au plus qu’il se trouve dans les environs d’Hébron, bien que la plupart des savants affirment que l’emplacement actuel est le bon. N’allez pas dire cela aux chambellans qui se remplissent gracieusement les poches sur le dos des visiteurs incrédules. Ces derniers sont d’ailleurs souvent à l’origine de ce genre de mythe.[4] Néanmoins, deux grands facteurs expliquent l’expansion de ce phénomène. Primo, les différentes dynasties fatimides qui s’installèrent le long du bassin méditerranéen méridional et qui étendirent leur autorité au Hijâz, et parfois même jusqu’à Bagdad, encouragèrent la propagande des mashâhid (pl. demashhad). Secundo, en raison de la présence des ismaéliens et des shiites duodécimains en Égypte et au Moyen-Orient, les croisés réussirent à s’emparer des « Lieux saints » de Jérusalem et firent camp tout le long du littoral. Après leur départ, les vainqueurs ont repris à leur compte leurs coutumes païennes et leurs mausolées.[5] Des siècles plus tard, l’orientalisme allait reprendre le flambeau des croisés, de manière plus subtile, avec la propagation du soufisme et du shiisme en terre musulmane.

 

Historiquement, on ne connait pas avec exactitude les tombes des premières générations de l’ère islamique. Cela prouve deux choses :

-                 Qu’Allah a voulu ainsi protéger Sa religion contre le paganisme hérité de l’antiquité par les Juifs et les chrétiens.[6]

-                 Que ce n’était pas un sujet de préoccupations à cette époque, sinon, les musulmans auraient été les plus prompts à répertorier ces endroits avec la plus grande minutie.

 

Ainsi, le doute plane sur la tombe de Khâlid ibn el Walîd à Hims (Homs : l’ancienne Émèse), celle d’Abû Muslim el Khawlânî à Dâriya qui est un faubourg de la Ghuta, celui de Bilâl à Damas ou de Fâtima à Médine. On ne peut fonder une réalité historique sur des songes mystiques ou sur des annales fabriquées de toutes pièces ou encore sur des miracles qui se produisent à proximité des mausolées ; indépendamment du fait qu’ils aient effectivement lieu ou non. D’autant plus que lesshayâtîn, qui ont pour vocation d’égarer les hommes, se cachent souvent derrière ce genre d’événement.[7] En outre, le Prophète (r) annonça la nuit de l’Ascension, que le tombeau de Moïse se trouvait sous la colline de sable rouge (el kathîb el ahmar). Ce lieu est habituellement identifié à une localité située au sud-ouest de Jéricho (Ariha) où Baybars avait bâti une mosquée en 1270. Pourtant, les Compagnons ne lui ont jamais consacré un pèlerinage et ils ne se sont jamais rendus au mont Tûr dans le Sinaï.[8] Serait-ce un manque de foi ? Il fallut attendre des siècles plus tard pour voir émerger des pratiques qui n’ont aucun lieu avec la dernière des religions révélées. C’est pourquoi il existe un gros point d’interrogation sur la tombe de Joseph qui fut découverte trois cents ans après l’hégire.[9]

 

Selon la plupart des savants, on ne connait pas la tombe de la majorité des prophètes comme Yûnas, Iliâs, Shu’aïb, et Zakariya.[10] Il est connu également qu‘Ali n’est pas enterré à Najaf comme le reconnait ibn Battuta qui ne portait pas les shiites duodécimains et les ismaéliens dans son estime. Il s’agirait en fait d’el Mughîra ibn Shu’ba. Pour protéger la dépouille du quatrième khalife et probablement également pour parer à toute tentation, il fut mis en tombe dans le palais du khalifat à Kûfa,[11] tout comme son successeur, Mu’âwiya le cinquième khalife à Damas.

 

Nous pouvons ici proposer un autre facteur à l’origine de la propagation des mausolées dans le monde musulman. Certains historiographes et chroniqueurs en effet, ne sont pas habilités pour juger de l’authenticité des informations qu’ils répertorient dans leurs ouvrages. Contrairement à des références comme e-Zubaïr ibn Bakkâr l’auteur de kitâb el ansâb, et Mohammed ibn Sa’d l’auteur des tabaqât, et plus tard ibn Kathîr et e-Dhahabî, qui, eux, avaient un gros bagage en hadîth, ils n’ont pas les moyens matériels de vérifier leurs sources. Ils ont ainsi ouvert la porte à tous les débordements… [12]

 

Par : Karim Zentici  

 

 

 


 

[1] Voir : talkhîs kitâb el istighâtha (2/529) et majmû’ el fatâwa (27/366) tout deux d’ibn Taïmiya.

 

[2] Idem. (2/591). Les Arabes avaient pour habitude de ramener la tête du vaincu à sa famille, c’est pourquoi certains historiens affirment que la tête de Husaïn fut ramenée à Médine pour être enterrée au côté de son frère el Hasan. D’autres historiens avancent qu’elle fut ramenée à Ka’bala où gisait l’autre partie de son corps [voir : majmû’ el fatâwa (27/468-469).

 

[3] Est-il nécessaire de rappeler que l’interdiction de  consacrer l’adoration auprès des tombeaux et des lieux encensés frappe également les lieux de pèlerinage juifs ou chrétiens comme Bethléem ou Sion [voir : majmû’ el fatâwa d’ibn Taïmiya (27/14).]

 

[4] Voir : Iqtidhâ e-sirât el mustaqîm d’ibn Taïmiya (2/158-166). Il ne faut pas donner foi aux annales mensongèrement attribuées au Prophète (r) et prétendant qu’il aurait prié, la nuit de l’Ascension, auprès de la tombe de Moïse et d’Ibrahim. [Voir : majmû’ el fatâwa (27/9).]

 

[5] Idem. (2/352-353) Notons que Jérusalem n’a pas le statut de Lieux saints, contrairement à Médine et à La Mecque [voir : majmû’ el fatâwa d’ibn Taïmiya (27/14-15)].

 

[6] Voir : majmû’ el fatâwa (27/272-273).

 

[7] Idem. (27/170).

 

[8] Idem. (27/272-273).

 

[9] Idem. (27/336).

 

[10] Idem. (27/445). Rappelons que Shu’aïb n’est pas Jethro le beau-père de Moïse : (voir : Jâmi’ e-Rasâild’ibn Taïmiya (1/61-66).

 

[11] majmû’ el fatâwa (27/466).

 

[12] Idem. (27/468) et (27/479).

Calomniez… Calomniez… Il en restera toujours quelque chose ! 

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7- Ibn Taïmiya ne faisait pas le sermon du vendredi à la grande mosquée de Damas, contrairement à ce que laisse entendre ibn Battuta. Il y avait simplement une chaise sur laquelle il sermonnait les fidèles au milieu d’une assemblée pleine, et qu’il utilisait notamment le vendredi entre la prière du jumu’a et celle du ‘asr. À l’époque où ibn Battuta visita Damas, c’est l’imam des shâfi’îtes de l’époque, Jalâl e-Dîn Mohammed ibn ‘Abd e-Rahmân el Qazwînî, qui remplissait cette fonction. Comment cela a-t-il pu échapper à notre historien ?[1]

 

 

8- Apparemment ibn Battuta n’est pas le premier à lancer cette accusation. Abû ‘Alî e-Sukûnî l’aurait devancé. Le problème, c’est que la date de son décès ne fait pas l’unanimité des chercheurs. Il est cependant plus vraisemblable qu’elle remonte à 717 h. Donc, avant l’affaire de 726 h. Pour la raison que nous avons évoquée dans le point précédent, cette accusation n’a pas plus de valeur historique que celle d’ibn Battuta. En revanche, il existe un autre accusateur dont la version colle plus à la réalité que ses deux prédécesseurs. Son auteur est Abû ‘Alî e-Dimashqî dont voici l’histoire : « Nous étions assis dans la cour intérieure de la grande mosquée omeyyade dans l’assemblée d’ibn Taïmiya au milieu de laquelle il faisait un rappel et un sermon. Il en vint à évoquer l’istiwâ d’Allah sur Son Trône. Il déclara notamment « Allah est établi sur Son Trône comme moi actuellement. ».[2] Or, cette histoire s’écroule également pour la raison suivante :

 

 

9- La suite de l’histoire nous indique qu’elle ne tient pas debout. Toute la populace en effet se serait levée contre lui pour le faire descendre de sa chaise et le frapper très fort avec les mains et les scandales, etc. Passons sur le fait qu’ibn Battuta déforme cette version des faits, ce qui rend son discours encore moins plausible, mais arrêtons-nous sur les dernières paroles d’Abû ‘Alî e-Dimashqî. Un tel événement n’aurait pu échapper aux oreilles des détracteurs d’ibn Taïmiya qui cherchaient éperdument à lui mettre les autorités à dos pour moins que cela. Ils étaient à l’affut de tous ses faits et gestes et cherchaient la moindre faille pour le discréditer aux yeux de la population et plus particulièrement du sultan. Faute d’argument, ils durent avoir recours au mensonge pour le faire jeter dans la citadelle de Damas. Cette dernière condamnation portait sur la question des pèlerinages des tombeaux saints et prétendait qu’il interdisait de visiter la tombe du Prophète (r) une fois à Médine ; alors que, nuance, il interdisait de consacrer un voyage spécialement pour la visiter. Or, ils n’ont jamais retenu l’argument d’Abû ‘Alî e-Dimashqî contre lui, bien qu’il soit de taille, et l’historiographie n’en a jamais fait mention. Ainsi, cette anecdote s’écroule d’elle-même wa Allah a’lam ! De plus :

 

 

10- Toutes les œuvres d’ibn Taïmiya (manuscrites ou imprimées) entre nos mains prennent la défense de leur auteur. Que ce soit celles où il étale son crédo, qui est, en fait, le crédo des anciens, comme el hamawiyael wâsitiyael asfahâniya, où celles où il répond à ses détracteurs, comme jawâb el i’tirâdhât el masrîya ‘alâ futiya el hamawiya, dont malheureusement une partie seulement nous est parvenue[3] ; que ce soit ses longues réfutations, ou encore ses fatâwas ; rien des accusations qu’on lui colle n’y apparait. Ibn Taïmiya est l’un des plus grands savants ayant exposé avec le plus de clarté le dogme traditionnaliste qui reconnait les Noms et les Attributs divins sans les assimiler avec la création ; ils les reconnaissent sans faire de tashbîh (qui consiste à les assimiler à la création) et ils épargnent Allah de tout défaut sans faire de ta’tîl (qui consistent à les renier) comme le formule le Verset : [Rien ne Lui ressemble, Lui qui est l’Entendant et le Voyant].[4] [Rien ne Lui ressemble] s’oppose au tashbîh, et [Lui est qui l’Entendant et le Voyant] s’oppose au ta’tîl. Ainsi, ibn Taïmiya reconnait la Main d’Allah, Son Visage, Son istiwâ sur le Trône, Sa descente au premier ciel d’une façon qui Lui convient et sans en faire la description. Il ne cherche pas à l’assimiler aux attributs des créatures comme l’établit la tendance des salafs (les anciens) à laquelle adhèrent les khalafs (les nouvelles générations). Il ne dit pas que Sa main est comme la notre, que Son Visage est comme le notre, que son élévation sur le Trône est comma la notre, et que Sa descente au premier ciel est comme la notre. Il dit que la Main est Son Attribut sans chercher à la décrire, etc.[5]

 

 

Ainsi, il devient évident, à la lumière de l’analyse, que les accusations qu’ibn Battûta impute à ibn Taïmiya sont complètement fausses… qu’Allah lui pardonne !

 

 

Gloire à Toi Ô Allah ! Et à Toi les louanges ! J’atteste qu’il n’y a d’autre dieu (digne d’être adoré) en dehors de Toi ! J’implore Ton pardon et me repens à Toi !

 

 

Par : Karim Zentici

 

 

 


 

[1] Voir : l’introduction à la recension de Sharh hadîth e-Nuzûl d’ibn Taïmiya (p. 36-37).

 

[2] Voir : da’âwî el munâwîn li Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya qui une thèse ès doctorat du D. ‘Abd Allah el Ghusn (p. 140-141).

 

 

[3] À l’origine, cette œuvre fait quatre volumes. Les seuls fragments qui nous restent, et qui furent tout récemment imprimés en un volume pour la première fois, sont d’une valeur historique inestimable.

 

[4] La concertation ; 11

 

[5] Voir : Sharh hadîth e-Nuzûl d’ibn Taïmiya (p. 37-38).

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