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… Lorsque, dans notre relation tumultueuse avec l’Orient musulman, la tempête menace, ce ne sont pas les réflexes de l’appréhension et les raccourcis de l’ignorance qui doivent guider nos politiques mais bien les ressorts de la connaissance scientifique, qu’il faut plus que jamais prendre le temps de mobiliser. (François Burgat).

 

Rappelons les faits : au cours d’une conférence que le Pape Benoit XVI a donnée en Allemagne à l’université de Regensburg dans laquelle il a enseigné, ce dernier a fait la déclaration suivante –nous ne voulons pas entrer dans certaines considérations sur lesquelles portait son discours, alors nous irons droit au but – :

« L’empereur en arrive à parler du thème du jihad », « l’empereur savait certainement que dans la sourate II, 256, il est écrit pas de contrainte en matière de foi – c’est l’une des sourates primitives datant de l’époque où Muhammad lui-même était privé de pouvoir et se trouvait menacé. Mais l’empereur connaissait aussi les dispositions inscrites dans le Coran – d’une époque plus tardive – au sujet de la guerre sainte ».

 

En d’autres termes, le chef du « Saint Siège » estime que le Verset 256 de la Surate la vache est pré-hégirienne (autrement dit, elle remonterait à la période mecquoise), ère à laquelle le Jihâd n’était pas encore légiféré. Il sous-entend ainsi que l’Islam tolère en la personne de Muhammad (r) la présence des autres cultes pour des raisons de conjonctures, étant donné qu’il ne fut pas suffisamment puissant pour forcer aux hommes de se convertir par le glaive. S’il est vrai que les dispositions du Jihâd fut inscrites dans le Coran en plusieurs étapes et s’il est vrai également que le Législateur tient compte de certaines conjonctures afin que celui-ci soit en vigueur, il n’en demeure pas moins que la raison pour laquelle il fut légiféré est différente dans son essence, comme nous allons le démontrer, de celle avancée par le premier homme du Vatican. Voyons plutôt ce que Sheïkh el Islam ibn Taïmiya pense de ses propos à travers une réponse qui comme chacun a pu le constater, est anachronique :

 

 

La Surate la vache est médinoise dans son ensemble ; celle-ci comprend plus d’un Verset qui commande le Jihâd dont notamment : (Il vous a été prescrit la guerre). Comment oser dire dès lors que le Verset en question (le Verset 256 en l’occurrence ndt.) s’inscrit dans le temps bien avant l’institution de la guerre. Par ailleurs, le « contexte de la révélation du Verset » nous apprend que l’événement auquel il se rattache eut lieu après que la guerre fut prescrite. Les spécialistes relèvent quatre hypothèses concernant cet événement ; chacune confirme qu’il eut bien lieu avant l’ordre de combattre un ennemi quelconque. Ibn ‘Abbâs et d’autres exégètes nous en relatent la plus célèbre.

 

Selon ces derniers en effet, une femme parmi les Ansâr était stérile (Miqlât : qui ne garde pas ses enfants). Celle-ci fit le vœu si elle gardait un enfant vivant de le convertir à la religion juive, car contrairement aux païens, les juifs détenaient entre leurs mains un Livre Sacré. Ils étaient ainsi plus proches du savoir et de la religion que les arabes. Quand la tribu juive de Banû e-Nadhîr fut expulsée de Médine, il y avait dans leurs rangs certains enfants des Ansâr dont les pères se sont alors écriés : « Cher Messager d’Allah ! Nos enfants ! » Dès lors, le Verset en question fut révélé.[1]

 

Ne nous détrompons pas, le chef de l’Église catholique romaine est un érudit. Certaines nuances ne peuvent lui échapper. De deux choses l’une, soit le Pape est ignorant car qui ne dit mot consent, auquel cas nous lui rappelons les paroles du poète :

 

Toi, si tu ne le savais pas c’est déjà un malheur

 Mais tu le savais, alors c’est encore pire

 

Soit il détourne sciemment la vérité… mais revenons à notre propos : Sheïkh el Islam ibn Taïmiya démontre dans certains passages de ses divers ouvrages, que le Jihâd appelé « Guerre Sainte » par certains orientalistes n’a nullement pour vocation d’exterminer les non musulmans ou de les convertir par la force. Il souligne en effet :

 

Si l’essence de la guerre légitime s’incarne à travers le Jihâd, qui a pour ambition de rendre la religion entière au Seigneur et de rendre Sa parole la plus Haute, quiconque constitue une entrave à ce dessein doit être combattu à l’unanimité des musulmans.[2] Au début, le Prophète (r) a reçu l’ordre de combattre les mécréants avec la parole sans utiliser les mains. Il se concentrait sur le Prêche à travers le sermon et la polémique effectuée dans les limites de la bienséance. Son grand combat d’alors fut de fustiger ses adversaires à coups de Versets du Coran. Il ne devait pas cependant avoir recours aux armes étant donné que les musulmans se trouvaient dans une situation de faiblesse. Par la suite, il émigra à Médine où il trouva un soutient. Dès lors, il reçut le droit de se défendre. Puis, lorsque les musulmans devinrent une puissance, la guerre leur fut prescrite. Ils n’avaient pas le droit toutefois de s’attaquer à des tribus avec lesquelles ils étaient liés par des accords de paix ; ils ne pouvaient se permettre dès lors de combattre tout le monde. Après qu’Allah ait conquis la Mecque, que la guerre contre les Quraïshites qui étaient les rois des arabes pris fin, et que les délégations de la Péninsule se rendaient à Médine pour annoncer leur conversion, le Très-Haut donna l’Ordre à Son Prophète (r) de déclarer la guerre à tous les infidèles.[3]

 

Les Khalifes après lui en les personnes d’Abû Bakr et de ‘Omar, à la tête des Muhâjirîns (émigrés mecquois) et des Ansârs (auxiliaires médinois) encore vivants à leur époque, qui sont ses partisans les plus fidèles, les plus obéissants, et les plus respectueux envers ses engagements, ont ouvert un front contre les romains (byzantins ndt.) et un front contre les perses (sassanides ndt.). Leurs deux ennemis de l’époque étaient les « gens du Livre » et les mazdéens. Ils combattaient uniquement ceux qui les combattaient. Sinon, la Jiziya (le tribut) fut soumise à l’ennemi qui s’y résignait ; ils devaient la remettre en main propre en signe de soumission.[4] Quand ‘Omar ibn el Khattâb a conquis le Shâm, il prit de ses habitants laJiziya qu’ils devaient remettre de main en main en guise de soumission. beaucoup d’entre eux dont Seul Allah (I) en connaît le nombre ont embrassé l’Islam. la plupart du commun des gens, des paysans, et autres étaient chrétiens.

 

Les musulmans ne savaient pas cultiver la terre et ils avaient une seule mosquée où se réunir à Damas tellement ils étaient peu nombreux. Par la suite, la plupart des habitants du Shâm et d’autres contrées se sont convertis de leur propre gré, non par la force ! il n’est pas permis en effet de soumettre par la force les Dhimmis à l’Islam comme le stipule le Verset : (nul contrainte en religion. Le droit chemin s’est distingué de l’égarement. Quiconque renie les Tâghût (Tyrans) et croit en Allah, il se sera attaché à un lien bien solide qui ne peut se dénouer • Allah est l’Allié des croyants, Il les sort des ténèbres pour les mener à la lumière. Quant aux mécréants, ils sont les alliés des Tâghût qui les sortent de la lumière pour les mener aux ténèbres ; ceux-là sont les habitants de l’Enfer dans lequel ils demeurent à jamais).[5]

 

Ainsi, selon le Verset suivant : (Combattez sur le sentier d’Allah ceux qui vous combattent mais ne transgressez pas les limites),[6] il n’est pas permis de s’en prendre à des innocents.[7] Parmi les limites à ne pas transgresser, il y a notamment le meurtre des femmes et des enfants, et de faire la guerre à des peuples qui ne prennent pas les armes.[8] La guerre fut légiférée en cas de nécessité dans le sens où si les hommes avaient cru aux Versets et aux preuves évidentes du Coran, il n’y aurait pas eu besoin d’en venir aux armes. Il incombe donc de manière absolue et principale de présenter aux hommes le message de l’Islam. Quant aux Jihâd, il est uniquement légiféré en cas de nécessité.[9] Si l’Islam considère comme un forme de corruption sur terre de s’attaquer gratuitement à la végétation et aux animaux, il est beaucoup plus scrupuleux concernant la vie humaine.[10]

 

Par conséquent, si Allah (I) autorise à prendre la vie de certains hommes, c’est dans le but de réformer l’humanité, comme le formule le Verset : (La tentation est pire que le meurtre).[11]Autrement dit, s’il est vrai que la guerre engendre le mal et le désordre, la tentation dont font preuve les mécréants constitue un plus grand mal et un plus grand désordre. C’est pourquoi, si quelqu’un ne cherche pas spécialement à empêcher aux musulmans d’établir la religion d’Allah sur terre, les méfaits de sa mécréance ne reviennent qu’à lui-même.[12] Ainsi, la condition de pouvoir combattre une personne, c’est qu’elle prenne les armes.[13] Il n’est pas permis de tuer un mécréant d’origine (contrairement à l’apostat) qui ne prend pas part au combat selon la plupart des savants à l’instar d’Abû Hanîfa, de Mâlik, et d’Ahmed.[14] Il ne faut pas tuer quiconque ne participe ni de près ni de loin aux hostilités tel que les femmes, les enfants, les moines, les aveugles, et les vieillards conformément à la tendance de la majorité des savants,[15] contrairement à ceux qui associent leur voix ou qui prêtent main forte aux combat à l’exemple de Hind et de certaines autres femmes qui ont connu un sort tragique lors de la prise de la Mecque.[16]

 

En principe, le sang humain est sacré ; il est interdit d’y toucher si ce n’est que pour une raison valable. Tuer une personne sous prétexte qu’elle est mécréante n’est pas un principe sur lequel s’entendent les différentes législations divines à travers les époques contrairement à la mise à mort pour meurtre que s’accordent à reconnaître la religion et la raison.[17] Le jour de la Conquête de la Mecque, le Prophète (r) a laissé en vie tous les combattants ennemis à l’exception de certains d’entre eux qu’il n’a pas épargnés et dont le crime ne pouvait rester impuni comme celui de ‘Abd Allah ibn Khatal. Ainsi, il ne tuait pas un ennemi simplement sous prétexte qu’il était mécréant ou qu’il était en guerre.[18]

 

Quant au Verset : (Tuez-les partout où vous les trouvez),[19] celui-ci revient deux fois dans le Coran dont notamment à la suite du Verset [que nous avons évoqué précédemment] : (Combattez sur le sentier d’Allah ceux qui vous combattent mais ne transgressez pas les limites • Tuez-les partout où vous les trouvez et sortez-les d’où ils vous ont sorti)[20] (…) tout homme armé qui s’attaque aux croyants doit être tué là où il se trouve. La sentence qui le concerne ne s’applique pas uniquement au champ de bataille.

Toute personne parmi les combattants ennemis qui sème la terreur au milieu des musulmans doit périr par les armes qu’il soit debout, assis, ou couché, et même s’il est prisonnier. Le Prophète (r) a exécuté plus d’un prisonnier à l’exemple de ‘Uqba ibn Abî Mu’aït, et e-Nadhr ibn el Hârith. Par ailleurs, Sa’d ibn Mu’âdh a prononcé contre les Banû Quraïzha lorsque ces derniers se sont rendus à son jugement, d’exécuter les combattants et de capturer les femmes et les enfants. Deux cent combattants furent exécutés.[21] [Les textes scripturaires judaïques prescrivent le même sort à leurs prisonniers dans le meilleur des cas, sinon tous les vaincus sont passés au fil de l’épée sans ne laisser aucun survivant parmi les femmes et les enfants  voir : Deutéronome 20 ; 10-17 ndt.]

 

En fait, l’Imam a le choix concernant le sort des prisonniers, entre les exécuter, les mettre en captivité, les libérer, ou les échanger contre une rançon. Son choix va dépendre de l’intérêt supérieur des musulmans.[22] Il est permis de tuer (sans condition contrairement aux dissidents musulmans pour lesquels l’expédition punitive est soumise à certaines restrictions) tout ennemi non musulman même s’il est fait prisonnier parce qu’il a tenu les armes mais aussi pour prévenir contre toute nuisance à venir. Rien ne lui empêche à l’avenir en cas de libération ou de demande de rançon, de causer du tort aux musulmans.[23]Dans le cas des Banû Quraïzha, le Législateur savait qu’à l’avenir les musulmans n’étaient pas en mesure d’empêcher le mal immense qu’ils cogitaient contre l’Islam.[24]

 

Par ailleurs, le Prophète (r) et les croyants qui étaient avec lui faisaient prisonniers des hommes et des femmes parmi les païens ; il ne leur a jamais imposé de se convertir sous la contrainte. Il a en effet capturé Thumâma ibn Aththâr qui était polythéiste, il l’a ensuite libéré sans ne l’avoir jamais contraint à l’Islam. Il s’est d’ailleurs converti de lui-même. Certains prisonniers de la bataille de Badr ont prie la même initiative. Quant aux femmes captives, celles-ci furent nombreuses mais le Prophète (r) n’a jamais imposé à l’une d’entre elle de se convertir ; il ne l’a fait ni pour aucune femme ni pour aucun homme.

 

Le jour de la Conquête de la Mecque, il a laissé ses habitants libres et n’a pas cherché à les convertir par la force. Il les a relâchés alors qu’ils s’étaient rendus. C’est pourquoi, ils furent appelés les Tulaqâ (les libérés), qui sont les convertis de la Grande Conquête. Le terme libéré vient en opposition à celui de prisonnier. Cela prouve qu’ils furent bel et bien prisonniers ; il les a libérés comme on libère des prisonniers, et sans les contraindre à la religion musulmane. Safwân ibn Umaïya et tant d’autres qui étaient restés polythéistes ont rejoint les rangs des musulmans à la bataille de Hunaïn. Ils n’ont reçu aucune menace mais ils se sont convertis par la suite de leur plein gré. Y-a-t-il plus éloquent pour affirmer qu’il n’y eu aucune conversion forcée ! Nul n’est en mesure de prouver qu’un seul homme fut invité à embrasse l’Islam sous la menace, qu’il s’y soit soumis ou non.

 

D’ailleurs, il n’y a aucun intérêt à ce qu’un tel individu se convertisse, mais nous devons plutôt recevoir la conversion de celui qui l’exprime même si nous pensons qu’il l’ait fait par crainte de l’épée, à l’exemple des païens ou des adeptes du Livre qu’il est permis de tuer sur le champ de bataille. À partir du moment où l’un d’eux extériorise sa conversion, son sang et ses biens deviennent sacrés, conformément aux paroles du Prophète (r) : « J’ai reçu l’ordre de combattre les hommes jusqu’à ce qu’il atteste qu’il n’y a de dieu en dehors d’Allah et que Mohammed est le Messager d’Allah. S’ils l’attestent, ils se préservent contre moi leur sang et leurs biens sauf ce que le droit en réclame, et leur compte revient à Allah. »[25] Il a en outre reproché à Usâma ibn Zaïd de tuer un homme en plein champ de bataille alors qu’il s’était converti. Pourtant, Usâma maintenait que sa victime s’était soumise à l’Islam sous la pression de l’épée.[26]

 

Or, il y a une différence entre le fait que le Prophète (r) puisse ou que quelqu’un puisse forcer l’ennemi à se convertir et le fait de leur faire la guerre en vue de parer à leur injustice et à leur animosité contre la religion. Une fois convertie, la personne compte parmi les membres de l’Islam, il n’est donc plus permis de la combattre. Ainsi, si le Prophète (r) savait que quelqu’un ne causait aucun tord à la religion et à ses adeptes, il évitait de s’en prendre à lui, que ce dernier adhère à la religion du Livre ou non (…) le Prophète (r) ne s’est jamais attaqué au non musulmans avec lesquels il avait noué un traité de paix. Les ouvrages sur la biographie prophétique, de Hadith, d’exégèse, de Figh, et sur les expéditions prophétiques témoignent de cette réalité communément transmise. Il n’a jamais pris l’initiative des hostilités contre quiconque ; si Allah lui avait imposé de tuer tous les mécréants, il leur aurait alors déclenché la guerre sans sommation.

 

Quant aux chrétiens, il n’a jamais combattu l’un d’entre eux en vue qu’il se convertisse. Il envoya ses messagers après l’accord de paix conclu à el Hudaïbiya aux rois de la terre afin de les inviter à l’Islam. Il fit transmettre un courrier à Chosroes  (empereur Sassanide ndt.), César (l’empereur romain qui fut Héraclius à cette époque ndt.), el Muqawqas (le gouverneur d’Égypte ndt.), le Négus (le roi d’Abyssinie ndt.), et les rois arabes des régions du Nord et du Shâm. Une partie des chrétiens et d’autres ont alors embrassé l’Islam. Les armées chrétiennes ont alors fait route vers le Shâm où ils ont éliminé à  Ma’âncertains convertis parmi leurs élites. Ce sont les chrétiens qui ont ouvert les hostilités contre les musulmans à travers une campagne inique d’élimination de tous ceux qui avait renoncé à leur religion. Le Prophète (r) n’a fait qu’envoyer des courriers dans lesquels il invitait les peuples à embrasser la nouvelle religion de leur plein gré non par la force. Il n’a forcé personne à le faire. En réaction à l’hostilité des chrétiens, il fit sortir ses troupes à la tête de Zaïd ibn Hâritha ; le martyre lui fit remettre l’étendard à Ja’far puis celui-ci revint à ibn Rawâha. La première bataille qui eut lieu entre les musulmans et les chrétiens se déroula à Mu-ta dans les terres du Shâm où une grande armée chrétienne s’était réunie.[27]

 

 Quant à la Jiziya, elle permet au non musulman de préserver son sang. Le glaive ne sert nullement à éliminer les mécréants comme il ne peut les préserver contre les châtiments de l’Au-delà. Il sert plutôt à parer à leur mal et à leur tentative de détourner les hommes de la vraie religion. La seule façon de remédier à ce mal, c’est de les soumettre au tribut. En les Soumettant à un pacte de dépendance, ils ne s’attaqueront plus à l’Islam ni par la parole ni par les actes. Par ailleurs, les Dhimmîs ne participent pas à la guerre, ce sont plutôt les musulmans qui défendent leurs biens et leur vie contre un ennemi éventuel. Le tribut est une sorte de butin qui permet d’entretenir les armées musulmanes ; en cela, c’est une marque de bienfaisance envers le vaincu.[28] Ainsi, le sang est préservé soit par l’adhésion à l’Islam soit par le tribut et l’état de soumission. Soit l’individu se soumet à l’adoration du Seigneur soit il devient utile aux musulmans. Le croyant remplit son devoir en adorant Allah et le non musulman est utile au croyant en lui versant ce qui permet de compenser (du moins sur terre) sa non soumission au Tout-Puissant. Il fut épargné ainsi dans l’esprit qu’Allah le guide et qu’il se repente. Les « gens du Livre » plus particulièrement détiennent la preuve dans leurs écriture de la prophétie de Mohammed (r) ; cet intérêt en lui-même justifie de les épargner. Vouloir les punir à cause de leur mécréance, ne remédie en rien à leur situation quoi que haïssable. [29]

 

En conclusion :

 

Certains font un amalgame lorsqu’ils comparent Jésus le prophète de l’amour et Mohammed le prophète de la haine car l’Islam est la religion du corps et de l’esprit, du spirituel et du temporel, du culte et de l’état, du Livre et du sabre, de l’amour et de la rigueur. Loin d’être utopiste, la dernière des Grandes Religions est dans son prosélytisme, pragmatique et rationnelle. L’amour et la haine sont en fait deux sentiments aussi inhérents à l’homme que les deux ailes d’un oiseau, s’il en manque une, il ne peut s’envoler. Il est aussi ridicule de condamner le concept du Jihâd – sous sa forme originelle bien sûr – que de condamner la présence de l’armée française sans laquelle le drapeau national ne pourrait arborer les murs de l’Élysée.

 

Quand aux nouveaux penseurs musulmans, sous couvert de défendre l’Islam, ces néo-rationalistes essayent d’adapter ses textes scripturaires à la pensée moderne qui signifie en fait la pensée européenne contemporaine. Cette approche n’est en rien objective et est encore moins fidèle à l’esprit critique car la rigueur scientifique veut d’étudier un phénomène selon ses sources non selon la représentation qu’on s’en fait ou qu’on veut lui donner. Ce n’est pas de cette façon que l’on mène le troupeau Yâ Sa’d !

Quand à la Raison, nous disons au Pape que la raison saine ne s’oppose nullement à la vraie religion mais celle-ci à ses limites, elle ne peut transcender les voies du ciel qui sont impénétrables mais le sujet est long, il faudrait si Dieu nous prête vie y consacrer une étude à part, mais certes Dieu Seul le sait !

 

Par : Karim Zentici                         

 


 

[1] Qâ’ida Mukhtasara fi Qitâl el Kuffâr wa Muhâdanatihim wa Tahrîm Qatlihim li Mujarrad Kufrihim (127-128) deSheïkh el Islam ibn Taïmiya.

 

[2] Majmû’ el Fatâwa (28/354).

 

[3] El Jawâb e-Sahîh li Baddala Dîn el Masîh (1/237). L’auteur va expliquer ce point par la suite plus en détail.

 

[4] Majmû’ el Fatâwa (4/205).

 

[5] La vache 256-257

 

[6] La vache ; 190

 

[7] E-Sârim el Maslûl ‘ala Shâtim e-Rasûl (2/207).

 

[8] Qâ’ida Mukhtasara fi Qitâl el Kuffâr (115).

 

[9] El Jawâb e-Sahîh (1/238).

 

[10] Qâ’ida Mukhtasara fi Qitâl el Kuffâr (202-203).

 

[11] La vache ; 191

 

[12] Majmû’ el Fatâwa (28/355).

 

[13] E-Sârim el Maslûl (2/513).

 

[14] Majmû’ el Fatâwa (28/354).

 

[15] Majmû’ el Fatâwa (20/102). Certains contemporains voient en cela un progrès par rapport aux sociétés primitives, mais c’est surtout un progrès par rapport aux sociétés les plus évoluées car les sociétés dites primitives ne sont pas capable d’organiser des massacres à grand échelle comme ce fut le cas pour l’extermination de la race indienne. Plus récemment l’impérialisme européen dont le nazisme est l’une des illustrations, s’est manifesté à travers les colonisations.

 

[16] Qâ’ida Mukhtasara fi Qitâl el Kuffâr (191).

 

[17] E-Sârim el Maslûl (2/210). Il faut resituer ce discours dans son contexte historique, car malheureusement à notre époque beaucoup de valeurs sont inversées. Nous devrions d’ailleurs demandé au Souverain Pontife ce qu’il pense de la peine de mort !

 

 [18] Idem. (2/266).

 

[19] La vache ; 191 et Les femmes ; 91

 

[20] La vache ; 190-191

 

[21] Qâ’ida Mukhtasara fi Qitâl el Kuffâr (102-103). Certaines sources estiment que le nombre des exécutions varie entre six cents et sept cents [voir : Zâd el Ma’âd d’ibn el Qaïyam (3/135)]. Quoi que cet événement puisse être choquant, il faut le replacer dans son contexte historique. Nous sommes au septième siècle de l’ère chrétiennes, il faut s’imaginer ce que les puissances de l’époque étaient capables de faire à leurs prisonniers. Mohammed (r) n’étaient pas soumis aux Conventions de Genève que les fondateurs eux-mêmes ne respectent pas à l’aube du troisième millénaire. Accusés de haute trahison, il ne faut pas voir dans ce jugement prononcé contre la tribu des Banû Quraïdha une épuration ethnique comme l’allèguent certaines personnes mal intentionnées. Pour preuve, les femmes, les enfants, et toute personne n’ayant pas participée au combat en général furent épargnés. En outre, les deux autres tribus juives de Médine, les Banû e-Nadhîr et les Banû Qaïnuqar qui étaient liés avec les autres habitants de la ville par un pacte d’entraide furent accusés également de trahison, mais ils n’ont pas connu le même sort que leurs coreligionnaires. D’ailleurs il existe un amalgame entre la religion juive et la race juive ; quoiqu’il en soit l’Islam interdit formellement de s’en prendre gratuitement à toute personne appartenant à cette ethnie religieuse. Contrairement au judaïsme, l’Islam ne fait aucune discrimination raciale comme le souligne ibn Taïmiya en disant : « Si tu t’imprègnes de ce qu’était réellement la Tradition prophétique, tu te rendras compte que le Messager (r) n’a jamais fait de distinction entre un arabe et un non arabe (…) il n’a jamais privilégié les arabes dans la religion, ni en ce qui concerne le tribut, ni en ce qui concerne la captivité. Il ne les jamais favorisé dans les traités de paix, il n’a jamais décrété qu’un non arabe n’était pas du même rang qu’un arabe au niveau du mariage, et il ne leur a jamais permis de jouir d’une chose indépendamment des autres. Il fondait cependant ses jugements sur les hommes en fonction des noms que le Coran leur donne comme : croyant/mécréant, vertueux /pervers. » [Qâ’ida Mukhtasara fi Qitâl el Kuffâr (179, 183).]      

 

[22] E-Sârim el Maslûl (2/469).

 

[23] Qâ’ida Mukhtasara fi Qitâl el Kuffâr (195-196).

 

[24] Idem. (200).

 

[25] Rapporté par el Bukhârî (25, 392) et Muslim (20, 21). Ce Hadith donne la raison pour laquelle le Prophète (r) fait la guerre aux hommes, cela ne signifie pas qu’il doit combattre chaque être humain pour obtenir sa conversion. VoirQâ’ida Mukhtasara (95-96). 

 

[26] Rapporté par el Bukhârî (4021) et Muslim (96).

 

[27] Qâ’ida Mukhtasara fi Qitâl el Kuffâr (129-138).

 

[28] Idem (214-215).

 

[29] Idem (218-219).

IBN TAÏMIYA (M. 728/1328)

RÉPOND À BENOÎT XVI (1/3)

IBN TAÏMIYA (M. 728/1328)

RÉPOND À BENOÎT XVI (2/3)

J’ai complété d’Issa la lumière imparfaite.
Je suis la force, enfants ; Jésus fut la douceur.
Le soleil a toujours l’aube pour précurseur.

(Victor Hugo).

 

…quand l’hôpital se moque de la charité : Le successeur de Jean-Paul II poursuit : « Sans entrer dans des détails comme le traitement différent des « détenteurs d’Écritures » et des « infidèles », il s’adresse à son interlocuteur d’une manière étonnamment abrupte – abrupte au point d’être pour nous inacceptable –, qui nous surprend et pose tout simplement la question centrale du rapport entre religion et violence en général. Il dit : « Montre moi ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu ne trouveras que du mauvais et de l’inhumain comme ceci, qu’il a prescrit de répandre par l’épée la foi qu’il prêchait » (3). Après s’être prononcé de manière si peu amène, l’empereur explique minutieusement pourquoi la diffusion de la foi par la violence est contraire à la raison. Elle est contraire à la nature de Dieu et à la nature de l’âme. « Dieu ne prend pas plaisir au sang, dit-il, et ne pas agir selon la raison (‘σύν λόγω’) est contraire à la nature de Dieu. La foi est fruit de l’âme, non pas du corps. Celui qui veut conduire quelqu’un vers la foi doit être capable de parler et de penser de façon juste et non pas de recourir à la violence et à la menace… Pour convaincre une âme douée de raison, on n’a pas besoin de son bras, ni d’objets pour frapper, ni d’aucun autre moyen qui menace quelqu’un de mort… » (4) »

 

Le Pape soulève ici diverses questions qui s’entremêlent les unes aux autres et sur lesquelles une mini introduction s’impose bien que notre premier article ait répondu à certaines d’entre elles ; son discours est riche car les mots qui émanent d’un érudit, ne s’y enchaînent pas par le simple fruit du hasard et il est par la même très intéressant pour un observateur, de se décarcasser quelque peu afin de remettre les pendules à l’heure. C’est pourquoi, il convient de sectionner les idées qui y sont exposées, pour mieux les décortiquer.

Le premier constat que l’on peut faire, c’est que son discours joue sur les sentiments et enrobe les réalités par des artifices pour le moins émotifs, qui ne résistent pas malgré tout à la critique. En outre, il est très délicat de fustiger ce genre de discours, -en sachant qu’un immense amalgame est fait au sujet de l’Islam dans l’esprit de certains spécialistes[1] avant de l’être dans celui du « vulgaire » - si ce n’est en l’opposant à un discours rationnel et objectif à la lumière du savoir qui domine de sa lueur, les ténèbres de la passion. Il nous faudrait donc plusieurs articles pour traiter des différentes questions dont ce discours fait notion. Le premier point sur lequel porte la réfutation d’ibn Taïmiya[2] consiste à montrer ce que Mohammed a apporté de nouveau à l’humanité et s’il est vrai qu’on y trouvera que du mauvais et de l’inhumain comme ceci, qu’il a prescrit de répandre par l’épée la foi qu’il prêchait.[3] Faisons donc un tour dans l’Histoire des hommes pour mieux comprendre, à travers une longue analyse, qu’elle fut l’évolution de la religion d’Abraham, et quelle part celle-ci a-t-elle eu dans le « choc des civilisations » :

 

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya a dit : nous pouvons répondre à cela en plusieurs points :

Premièrement : il existe trois sortes de Loi céleste : une loi basée sur l’excellence, une loi basée sur la justice, et une loi qui réunit à la fois l’excellence et la justice dans le sens où elle ordonne la justice et recommande l’excellence (à un niveau moindre). En ce sens, le Coran offre la Loi la plus complète possible car il réunit entre la justice et l’excellence. Nous ne contestons pas que Moïse (u) ait pu ordonner la justice et recommander l’excellence comme le Messie également ait pu le faire. Quant à prétendre que Jésus ordonnait l’excellence et qu’il interdisait à l’opprimé de se faire justice ou que Mûsâ ne prônait pas la charité, c’est se méprendre au sujet des différentes missions prophétiques. Nous pouvons avancer par contre que la Thora est essentiellement basée sur la justice à l’inverse de l’Évangile qui axe son message sur l’excellence. Le Coran pour sa part a la particularité de proposer une harmonie parfaite entre ces deux notions (ou encore de les utiliser à leur paroxysme ndt.)

Le Coran mentionne que les « bienheureux » seront les occupants du Paradis ; les alliés de Dieu se partagent en deux catégories : il y a les « vertueux modérés » et les « élus devanciers ». Le premier degré s’obtient en s’imposant la justice qui consiste à observer les obligations et à s’éloigner des interdictions divines. Le plus haut degré cependant s’obtient uniquement par l’excellence ; cela consiste à non seulement observer les obligations mais aussi les œuvres recommandées ; en parallèle, il faut s’éloigner des interdictions mais aussi des œuvres déconseillées. La religion musulmane est donc parfaite car elle associe l’excellence et la justice. Par exemple, le Seigneur (I) révèle : (Si vous devez punir, faites subir la même chose que l’on vous a fait subir…), comme le réclame la justice, et quiconque ne s’y conforme pas s’expose à une sanction sur terre et dans l’autre monde : (…mais si vous voulez patienter, cela vaut mieux d’être patients).[4] C’est faire preuve d’excellence qui est simplement recommandé dans le sens où un tel individu sera récompensé par le Très-Haut pour son attitude et il pourra ainsi gravir les échelons de la piété, mais s’il choisit de se venger il n’aura aucun grief à son encontre. En outre, Allah interdit l’injustice et commande la justice dans toute chose ; vers la fin de laSurate La vache, Il traite des différents comportements envers l’argent. Il y a en effet, les bienfaiteurs qui font l’aumône, les justes à un niveau moindre qui sont équitables dans leurs transactions commerciales, et les injustes qui pratiquent l’usure.

 

Deuxièmement : il existe deux tendances bien connues concernant les Commandements du Seigneur (les Obligations et les interdictions). L’une assume qu’ils reviennent à la simple Volonté divine sans que celle-ci coïncident forcément avec l’intérêt des créatures. Il est possible toutefois qu’elle réponde dans la réalité à un certain intérêt.[5]

L’autre opinion, qui est conforme à celle de la majorité des savants affirme qu’Allah a envoyé les Messagers aux hommes en vue de satisfaire leur intérêts (présents et futurs) si ces derniers se soumettent à leur appel, comme le spécifie le Verset suivant : (Nous ne t’avons envoyé si ce n’est par miséricorde envers l’humanité).[6] Le Très-Haut a dit également : (Si une bonne voie vous vient de Moi… quiconque suit Ma voie ne pourra être malheureux ni s’égarer • Mais quiconque se détourne de Mon Rappel, il aura une vie malheureuse et Nous le ferons ressusciter aveugle le Jour de la Résurrection • Seigneur ! dira-t-il, pourquoi m’as-Tu ressuscité aveugle alors que j’étais voyant (sur terre) • Il dira : C’est ainsi que Mes Signes te sont parvenus mais tu les as négligé ; De la même façon alors, Nous te négligeons aujourd’hui).[7]

 

Si l’on s’en tient à la première tendance, l’envoi des prophètes aux hommes ne répond à aucune sagesse divine, mais en regard de la deuxième tendance, l’avènement de Mohammed (r) a été beaucoup plus bénéfique aux hommes que celui de Mûsâ ou du Christ. Il a rapporté beaucoup plus d’avantages qui reviennent en bien aux hommes ici-bas et dans l’au-delà que ces deux prophètes ont pu le faire envers leur communauté respective, tant au niveau de l’Ordre divin (Loi textuelle ndt.) qu’au niveau matériel (la création). Sa religion propose une meilleure voie (au niveau du savoir ndt.) et une pratique (Dîn el Haqq) plus complète (au niveau des actes ndt.). En outre, Allah a fait soumettre un plus grand nombre d’hommes à sa religion. Ainsi, sa religion a plus de mérite à deux niveaux : au niveau qualitatif car sa religion est meilleure et au niveau quantitatif car un plus grand nombre d’adeptes y adhère et qui plus est de la meilleure façon. La Loi de Moïse concernait exclusivement les juifs mais ces derniers ont fait preuve d’une grande rébellion tant au cours de sa vie qu’après sa mort, comme cela ne peut échapper à personne.

 

Or, la Loi de la Thora n’est pas aussi parfaite que celle du Coran. Le Coran parle de la Résurrection en détail et il établit par la preuve qu’elle aura effectivement lieu. Contrairement à la Thora, il fait une description précise de l’Enfer et du Paradis ; il relate les histoires de Hûd, Sâlih, Shu’aïb, et bien d’autres prophètes qui ne sont pas cité dans la Thora ; il traite des Noms et des Attributs divins, de la description des anges en mettant en lumière leurs différentes catégories, et de la création des génies et des hommes comme l’ « Ancien Testament » ne l’a pas fait de façon aussi détaillée ; il établi l’Unicité[8] divine avec toutes les sortes de preuve possibles, il évoque les différentes confessions répandues sur terre comme la Thora ne l’a pas fait ; il polémique avec les opposants aux prophètes et avance les preuves venant établir les fondements de la religion alors que la Thora n’en a pas fait autant.

 

Pourtant, aucun Livre révélé ne propose une meilleure voie que celle du Coran et de la Thora ; leCoran autorise les bonnes choses et interdit les mauvaises choses contrairement à la Thora qui interdit à ses adeptes bon nombre de choses qui leur étaient pures, par punition envers leurs mauvais agissements. Le Coran prescrit de recevoir le prix du sang contrairement à la Thora et en libérant ses adeptes des chaînes et des contraintes qui furent légiférées dans la Tawrât, il démontre qu’Allah les fait jouir de plus grands bienfaits.

 

L’Injîl pour sa part ne détient pas une Législation autonome, il n’y est pas question des notions de l’Unicité, de la création du monde, ou encore des aventures des prophètes avec leurs différents peuples. Il se contente pour ses notions-là de renvoyer la plupart du temps à la Thora. Néanmoins, le Messie a proscrit certaines interdictions de l’Ancien Testament et prône notamment la vertu, la clémence vis-à-vis de l’injuste, d’endurer le mal des autres, l’abstinence dans ce bas monde ; et il a ramené certaines paraboles pour expliquer ces notions. Le nouveau testament se distingue en gros de la Thora à travers les vertus qu’il encourage, l’ascétisme qu’il recommande, et certaines proscriptions des interdictions dont étaient frappés les adeptes du Livre avant lui.

Cependant, le Coran n’a rien à lui envier de ce côté-là ; il est même plus enrichissant. Il n’y a pas un savoir utile ni une œuvre pieuse que la Thora, l’Évangile ou la prophétie en général propose sans qu’il n’en fasse autant voir mieux. Celui-ci se distingue toutefois par des enseignements qui sont inexistants dans les livres anciens.

 

Or, les chrétiens ne suivent en fait ni le nouveau ni l’ancien testament car ils ont innové une religion qui ne s’accorde avec les enseignements d’aucun prophète. Ils ont composé le « symbole » à l’Empereur Constantin, et quarante ouvrages qui traitent du droit canoniques, et certains enseignements prophétiques. La plupart des textes qu’ils composèrent s’opposent à la prophétie, et sur de nombreux points les chrétiens sont revenus au crédo des religions païennes qui ont la particularité d’adorer des divinités en parallèle à Dieu et de démentir la révélation. La religion chrétienne entachée par le paganisme a transformé le monothéisme et la Loi de l’Évangile. C’est pourquoi, il règne une confusion énorme dans l’esprit de la plupart de ses adeptes au sujet de la provenance de leurs sources. Ils ne font même pas la différence entre les éléments de la Thora que le Messie a abrogés et ceux qu’il a entérinés, avant de pouvoir la faire avec les lois qu’ils ont inventées.

 

Jésus ne leur a jamais prescrit d’encenser des images qu’ils auraient façonnées et encore moins d’invoquer les personnages qu’elles représentent. Aucun prophète avant lui n’a prévu pour ses adeptes une chose pareille. Il n’a jamais été question dans la Loi d’un prophète d’invoquer les anges et de solliciter leur intercession et encore moins de vouer le culte aux tombeaux des saints et des prophètes avant de pouvoir le faire à leur statut, ce qui est le principe même du paganisme (association) contre lequel les messagers ont mis leurs peuples en garde.[9] Ces pratiques sont à l’origine du paganisme ayant corrompu les générations qui vivaient entre Adam (u) et Nûh (u). Allah (I) révèle en effet au sujet du peuple de Noé :(Ne délaissez pas vos divinités, ne délaissez pas Wadd, Suwâ’, Yaghûth, Ya’ûq, et Nasra • Ils en ont égaré énormément).[10] Bon nombre d’exégètes dont notamment ibn ‘Abbâs affirment que ces idoles étaient des membres vertueux du peuple du premier messager venu aux hommes. Après leur mort, leurs descendants ont encensés leurs tombes et ils leur ont façonnés des images avant de les adorer. ‘Îsâ lui-même et les savants chrétiens après lui n’ont pas manqué de rappeler cette réalité.

 

Le Messie (u) n’a ordonné à personne de l’adorer et il n’a jamais revendiqué qu’il était Dieu et il n’a jamais prescrit la trinité et l’incarnation que les chrétiens ont innovés. Il n’a jamais dit qu’il avait proscrit toutes les interdictions qu’Allah a défendu aux juifs dans la Thora et qu’il autorisait ainsi de consommer de la nourriture impure comme le porc ou autre. Les chrétiens se sont ainsi autorisés de manger de la viande impure et ils ont transformé la Thora et l’Évangile. Le Messie n’a jamais prescrit de prier en direction de l’Orient ni d’encenser la croix ou encore de ne plus se circoncire, de se consacrer à la vie monacale ou de se vouer aux enseignements qu’ils ont innovés après son ascension.

Ainsi, étant donné que la religion chrétienne avait atteint ce degré de corruption, certains lettrés à l’instar d’Abû ‘Abd Allah e-Râzî en ont conclu la chose suivante : « Seule une portion infime des chrétiens qui se trouvait avant l’avènement de Mohammed (r) ont vraiment profité de la religion du Christ. La religion que la plupart des chrétiens connaissaient n’avait aucun lieu avec Jésus. » Pour mieux comprendre cela, nous disons :

 

Troisièmement : supposons que les deux religions du Livre permettent de se passer de la dernière Loi révélée aux hommes, cela serait possible dans la mesure où les deux lois en questions serait bien gardées et bien respectées. Mais malheureusement, ce n’est pas le cas. Ils ont perdu la trace de bon nombre de leurs enseignements respectifs. Les « gens du livre » se sont déjà énormément divisés sur la personne même du Messie et autre comme le souligne le Verset suivant : (Parmi ceux qui disent : « Nous sommes chrétiens », Nous avons pris leur alliance mais ils ont négligés (ou oubliés) une partie de ce qui leur a été rappelé. Nous avons alors suscité entre eux la haine et l’animosité jusqu’au jour de la Résurrection ; Allah leur rappellera bientôt ce qu’ils faisaient).[11] Cela, en sachant qu’Allah a dit : (Les hommes étaient une seule communauté)avant de se diviser, (Allah envoya ensuite des prophètes annonciateurs et avertisseur, et Il a fait descendre avec eux le Livre en toute vérité afin de trancher entre les hommes sur leur divergences…).[12] À l’époque où Allah envoya Mohammed (r), plus personne ne mettait en évidence la prophétie révélée avant lui. Son avènement a eu lieu après une période d’intervalle (fatra) sans prophète.

 

D’après Sahîh Muslim en effet, selon ‘Iyâdh ibn Himâr, le Messager d’Allah (r) a déclaré : « Allah a contemplé les occupants de la terre et les a alors exécré –les arabes et les non arabes – à l’exception des derniers adeptes du Livre. »[13] À cette période, il y avait soit les illettrés païens et adorateurs des idoles soit les détenteurs de l’écriture qui avaient falsifié ses lois et changé son interprétation de sorte qu’il n’était plus possible d’y distinguer le vrai du faux.[14] Le sceau des prophètes est venu avec un Livre qui confirme et qui a autorité sur les anciennes écritures : il permet désormais de distinguer entre le vrai qui s’y trouve et le faux, entre la lumière et les ténèbres.

Allah (I) révèle : (Ô gens du livre ! Notre Messager vous est venu pour vous dévoiler ce que vous cachiez et il se tait sur beaucoup de choses ; il vous est venu de la part d’Allah une lumière et un Livre clair • Il guide quiconque recherche Sa Satisfaction sur les sentiers du salut et il vous sort des ténèbres pour vous mener à la lumière par Sa Volonté, et il vous guide sur un chemin droit • Ceux qui ont dit : « Allah est le Messie fils de Mariam » sont devenu mécréants. Dis : Qui peut intervenir dans le royaume d’Allah s’Il décide de faire périr le Messie fils de Mariam, sa mère, et même tous les habitants de la terre. À Allah appartient le royaume des cieux et de la terre et ce qui se trouve entre eux ; Il crée ce qu’Il veut et Il est capable de toute chose)jusqu’à : (Ô gens du Livre ! Un Messager vous est venu pour vous montrer le chemin après un intervalle sans messager… Vous ne direz pas qu’aucun annonciateur ni avertisseur ne vous ai venu, il vous est plutôt venu un annonciateur et un avertisseur ; Allah est certes capable de toute chose).[15]

Quatrièmement : la Thora penche plus vers la rigueur et la dureté tandis que l’évangile penche plutôt vers la douceur et la tolérance. Le Coran pour sa part se trouve au juste milieu en réunissant ces deux qualités à la fois comme le formule le Verset : (Ainsi, Nous avons fait de vous une communauté médiane afin que vous soyez des témoins à l’encontre les hommes).[16] Le Seigneur décrit la communauté du Prophète (r) de la façon suivante : (Mohammed le Messager d’Allah et ceux qui le suivent sont durs envers les mécréants et charitables entre eux).[17] Il a dit également : (Allah viendra alors avec un peuple qu’Il aime et qui L’aiment ; humbles envers les croyants et fiers envers les infidèles).[18]

 

Ainsi, le Prophète de l’Islam (r) qui est le meilleur et le plus parfait d’entre tous était à la fois le Prophète de la Miséricorde mais aussi le Prophète de la guerre. En cela, il est plus parfait que celui qui inclinerait plus soit vers la dureté soit vers la douceur. Pour expliquer cette prépondérance et cette répartition des sentiments dont se distinguent chaque communauté, une certaine hypothèse assume que les juifs vivaient sous la domination et la persécution de Pharaon. Face à cet état d’esclavage et d’humiliation, il leur fut légiféré la colère afin de se défendre et pour les rendre plus courageux, mais ces derniers n’ont pas répondu à l’ordre de Moïse lorsqu’il leur ordonna d’entrer en terre de Canaan sous prétexte qu’elle était habité par des tyrans.[19] (…) Cependant, après qu’Allah leur ai offert le triomphe, le pouvoir fut emparé par des jeunes qui firent régner la tyrannie à la manière de Pharaon. La mission de ‘Îsâ offrait de nouvelles dispositions ; celle-ci fut basée essentiellement sur l’indulgence, la vertu, et la douceur pour remédier à l’esprit dur et tyrannique dont les juifs s’étaient investis.

 

Dès lors, les adeptes de la nouvelle religion étaient tellement doux qu’ils sombrèrent dans le laxisme ; ils ont ainsi renoncé à répandre la morale (ordonner le bien et interdire le mal), à la « Guerre Sainte », et ils ne voulaient même plus appliquer la justice entre eux et les peines corporelles. Les plus pieux d’entre eux se retiraient dans des monastères.

Pourtant, si les premiers chrétiens furent persécutés, quand ils eurent le pouvoir –à l’image du premier Empereur chrétiens qui imposa par le glaive la religion qui lui fut dictée au Concile de Nicée, [20] et fit massacrer ses opposants parmi les « gentils » en commençant par les juifs – leurs rois n’y allaient pas de main morte avec leurs sujets bien qu’ils n’appliquaient pas les Lois d’Allah. Ils faisaient impunément couler le sang des innocents que ce soit sous l’emprise de leurs savants et de leurs dévots ou bien selon leur propre caprice. En cela, ils n’étaient pas différents des juifs.[21] Par contre, Mohammed (r) propose une Législation parfaite et modérée qui ne sombre ni d’un côté ni de l’autre. Ses adeptes sont cependant durs envers les ennemis d’Allah et doux envers Ses élus. Ils sont cléments et indulgents pour ce qui les concerne mais ils sont intransigeants lorsqu’il s’agit des droits du Seigneur. Cette religion est plus prompt à la vertu et aux bonnes mœurs que l’Évangile mais elle est aussi plus prompt à la guerre sur le sentier d’Allah et à la justice que la Thora ; elle incarne le summum de la perfection. C’est ainsi que certains ont pu dire que Moïse incarnait la majesté, Jésus incarnait la beauté, et Mohammed incarne la perfection…

Les philosophes reconnaissent eux-mêmes que le monde n’a jamais connu un « génie » (Nâmûs : traduction très approximative) comme Mohammed. Ils lui reconnaissent même une prépondérance par rapport à Mûsâ (u) et à ‘Îsâ (u). Pourtant, ils ne manquent pas de dénigrer les grands hommes des autres civilisations, mais ils n’ont pas osé le faire pour le sceau des prophètes, si ce n’est quelques marginaux qui enfreignent le code de la philosophie qui impose de fonder les jugements sur la science et l’objectivité.[22]

 

Cinquièmement : avant l’avènement de la Thora, Allah frappait d’un châtiment par une Loi universelle, tous les peuples qui reniaient ses envoyés. Il a fait périr le peuple de Noé sous les eaux, le peuple de Hûd par un vent glacial, celui de Sâlih par un cri strident, le peuple de Shu’aïb par une canicule, et celui de Loth par une tempête de pierres (selon l’une des opinions ndt.), et celui de Pharaon par la noyade. Après la révélation de la Thora, il fut prescrit la « Guerre Sainte » pour les détenteurs du Livre ; si certains d’entre eux ont vaillamment répondu à cet appel, d’autres y ont renoncé. Ainsi, il y avait désormais deux moyens de répandre la lumière prophétique ; le savoir et la force…[23]

 

En cela, il n’y a rien de nouveau dans la mission de Mohammed, si ce n’est qu’il a apporté la plus parfaite et la plus répandue des religions qui restera universelle jusqu’à la fin des temps, et cela sans ne jamais subir ni réforme ni abrogation.

(À suivre…)

 

Traduit et compilé par :

Karim ZENTICI

 


 

[1] Il est possible de classer les orientalistes en deux catégories : il y a les orientalistes scrupuleux et les orientalistes partisans ; si les premiers sont moins dominés par les passions que par l’analyse scientifique comme un certain Henry Laoust, nous ne pouvons pas en dire autant des autres dont les objectifs sont plus que flagrants. Claude Gilliot pour ne citer que lui, avance des allégations si pernicieuses, que celles-ci dépassent les simples idées reçues. Peut-on d’ailleurs s’attendre à autre chose de la part d’un spécialiste acharné ?

 

[2] Celle-ci peut tout aussi correspondre au célèbre article à sensation paru dans le Figaro, écrit par le « philosophe » Robert Redecker qui parle pour Jésus (t) du Prophète de l’amour et pour Mohammed (r) du prophète de la haine. Sans vouloir donner des leçons au philosophe ni au prof de philo, nous lui rappelons que l’homme est un « animal politique », ce qui implique qu’il soit un « animal social » et par voie de conséquence, un « animal guerrier » dans sa lutte perpétuelle pour sa survie qui s’incarne dans ses deux sentiments les plus primitifs qui sont l’amour et la haine ; l’amour des plaisirs qu’il cherche à se procurer et la haine contre la douleur qu’il cherche sans cesse à repousser (voir :Traité de l’amour en Dieu d’ibn Taïmiya dont le texte est actuellement disponible en arabe).

 

[3] Nous ne voulons pas entrer dans une étude comparative entre les conquêtes musulmanes et les croisades ni parler du rôle que la religion chrétienne « universelle et impérialiste » à joué dans la traite des noirs par les européens –faut-il le rappeler –, l’extermination de la race indienne, les colonisations, et un antisémitisme latent dont le nazisme est l’une des expressions.

 

[4] Les abeilles ; 126

 

[5] Benoit XVI allègue à ce sujet juste après le passage que nous avons cité en introduction : « L’affirmation décisive de cette argumentation contre la conversion par la force dit : « Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu » (6). L’éditeur du texte, Théodore Khoury, commente à ce sujet: « Pour l’empereur, byzantin nourri de philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine musulmane, au contraire, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n’est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle qui consiste à être raisonnable ». Khoury cite à ce propos un travail du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui note que Ibn Hazm va jusqu’à expliquer que Dieu n’est pas même tenu par sa propre parole et que rien ne l’oblige à nous révéler la vérité. Si tel était son vouloir, l’homme devrait être idolâtre. » Sheïkh el Islam se contente ici de réfuter succinctement (non d’un point de vue dogmatique) cette allégation, que nous allons traiter plus amplement in shâ Allah, dans un prochain article.

 

[6] Les prophètes ; 107

 

[7] Ta-Ha ; 123-126

 

[8] Le terme « Unicité » qui marque la spécificité  et l’exclusivité dans la Seigneurie et l’adoration est plus adéquat que celui d’ « Unité » utilisé par H. Laoust dans ses traductions d’ibn Taïmiya, et qui évoque l’union particulière (Hulûl) si chère aux partisans de l’incarnation comme chez les chrétiens et les soufis les plus modérés, et l’union générale ou l’indivisibilité (Ittihâd) si chère aux partisans du monisme et du panthéisme comme chez ibn ‘Arabî et ses coreligionnaires qui se rendent ainsi plus éloignés du principe de l’Unicité que les chrétiens eux-mêmes. 

 

[9] Malheureusement, certains milieux shiites et soufis notamment ont été contaminés par ses pratiques chrétiennes et païennes qui reposent sur le culte des saints.

 

[10] Nûh ; 23, 24

 

[11] Le Repas Céleste ; 14

 

[12] La vache ; 213

 

[13] Rapporté par Muslim (4/2197).

 

[14] Dans un autre passage, l’auteur parle également des anciennes philosophies perse, hindoue, et grecque.

 

[15] Le Repas Céleste ; 15-19

 

[16] La vache ; 143

 

[17] La grande conquête ; 29

 

[18] Le Repas Céleste ; 54

 

[19] Voir : Le Repas Céleste ; 21-24

 

[20] L’histoire chrétienne est pavé de réforme qui l’éloigne à chaque fois un peu plus de la religion de Jésus ; c’est ainsi qu’elle a dû à ses débuts faire d’énormes concessions avec l’autorité romaine pour échapper à la percussion comme le souligne ibn Patrick, l’un des plus célèbres chroniqueurs chrétiens des premiers siècles. Le premier concile a eu pour résultat de faire adopter aux romains païens et nourris de philosophie, une religion mixte entre le paganisme et le monothéisme, en incarnant la divinité dans un corps mixte. A travers les siècles, ils ont toujours fait preuve de laxisme, lorsqu’il s’agissait de préserver leurs privilèges ou bien d’asseoir une plus grande autorité. Paradoxalement, cela ne les a pas empêché de mener des campagnes de persécution lorsqu’ils se sentaient suffisamment fort pour le faire. Le Pape Benoît XVI n’a certainement pas échappé à la règle lors de son discours à RATISBONNE ; il a voulu faire une démonstration rhétorique pour rappeler que l’Eglise était encore dans la course pour la grande Europe chrétienne ; il s’avait très bien qu’ici les concessions étaient uniquement d’ordre rhétorique car la religion chrétienne avait perdu son essence depuis longtemps… il s’est alors tourné vers la tête de turc favorite. Etait-ce un mauvais calcul ? L’histoire nous le dira…

 

[21] La question qui se pose d’elle-même, c’est de savoir lequel entre l’Empereur Manuel II et le Pape Benoît XVI se moque-t-il vraiment de la charité ?

 

[22] Il est concevable qu’un Pape soit motivé par l’ardeur religieuse mais un philosophe digne de ce nom, M. Redecker, peut-il par essence se laisser aveugler par le feu de la passion ou bien est-ce sa conscience qui lui en dicte le droit ? Vous devriez interrogez vos élèves sur la question !

 

[23] Extrait d’El Jawâb e-Sahîh li man baddala dîn el Masîh d’ibn Taïmiya (5/résumé des pages 58 à 113 avec certaines modifications).

Certaines personnes sensées assument qu’il est possible de se représenter le crédo de la plupart des confessions à l’exception de celui des chrétiens ; ceux qui l’ont composé ne se rendaient pas compte de ce qu’ils disaient car ils parlaient avec ignorance et ils ont établi des concepts complètement contradictoires. D’où la parole de certain disant que si dix chrétiens se réunissaient pour polémiquer, ils en sortiraient avec une onzième tendance. Selon un certain autre, si tu interrogerais simplement un chrétien, avec sa femme, et son fils sur leur croyance, ils auraient tous les trois une opinion différente. (Ibn Taïmiya El Jawâb e-Sahîh(3/299).     

 

Le Pape et la Raison : « L’affirmation décisive poursuit Benoit, de cette argumentation contre la conversion par la force dit : « Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu » (6). L’éditeur du texte, Théodore Khoury, commente à ce sujet: « Pour l’empereur, byzantin nourri de philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine musulmane, au contraire, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n’est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle qui consiste à être raisonnable ». Khoury cite à ce propos un travail du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui note que Ibn Hazm va jusqu’à expliquer que Dieu n’est pas même tenu par sa propre parole et que rien ne l’oblige à nous révéler la vérité. Si tel était son vouloir, l’homme devrait être idolâtre. »

 

Sous la rubrique « le Pape et la Raison »,[1] il incombe, dans la continuité du discours précédent, de parler de la transcendance divine. Dans un premier temps, Sheïkh el Islam ibn Taïmiya traite exclusivement de la nature de Dieu, mais nous aurons l’occasion par la suite de parler plus en détail in Shâ Allah de la Volonté divine qui occupe la deuxième partie du raisonnement du « Saint Pontife ».

 

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya a dit : La religion musulmane repose sur le principe qu’il faut décrire Allah comme Lui-même s’est décrit dans Son Livre ou comme Ses messagers l’ont décrit sans altérer le sens de Ses Noms et Attributs ou les renier, ni chercher non plus à savoir comment ou à les assimiler. Les musulmans attribuent au Seigneur (I) ce qu’Il s’est attribué à Lui-même, et ils Lui refusent ce qu’Il se refuse à Lui-même.  

 

En cela, ils se conforment aux paroles des prophètes et ils s’interdisent tout discours qui serait contraire aux-leurs. Les prophètes ont décrit le Très-Haut avec des Attributs parfaits et ils l’ont « purifié » de tout défaut ou de tout Attribut qui n’exprime pas la perfection. Dans le domaine de ce qu’ils lui attribuent (attributs positifs), ils s’expriment avec détails mais ils évitent de faire toute ressemblance ; s’ils lui reconnaissent certaines caractéristiques en détail, ils restent concis concernant celles qu’ils Lui renient (dans le domaine des attributs négatifs). Quiconque renie les Attributs qu’Il se reconnaît à Lui-même est un négateur (Mu’attil), et quiconque cherche à le faire ressembler à Ses créatures est un assimilateur[2](Mummaththil). Le négateur adore le néant tandis que l'assimilateur adore une idole. Ainsi, (Rien ne lui ressemble) va à l’encontre des Mummaththil et (mais Il est Entendant et Voyant) va à l’encontre des négateurs. Par exemple, les prophètes ont dit qu’Allah était Vivant et ils l’ont « purifié » de la mort, ils disent qu’Il est Savant et ils le purifient en même temps de l’ignorance, etc. Ces règles concernent aussi bien le Coran et la Sunna que la Thora et la prophétie en général. Celles-ci font l’unanimité des prophètes et concernent aussi bien les musulmans que les « gens du Livre ».

Ainsi, le « symbole » des chrétiens, n’est pas conforme au discours de Jésus ni à celui des prophètes en général ; ces derniers ont plutôt innové un crédo qui ne figure pas dans la Révélation. Ni le Messie ni aucun autre prophète n’a jamais attribué aucune hypostase à Dieu qui serait au nombre de trois ou plus. Les prophètes n’ont jamais avancé qu’Allah avait trois Attributs et ils n’ont jamais donné le nom de « fils » ou de « père » au moindre de Ses Attributs ; ils n’ont jamais affirmé que la Vie du Seigneur pouvait s’appeler l’ « Esprit » ou que Dieu avait un fils ;  il n’a jamais été question dans leur discours d’un « Vrai Dieu » venu d’un « Vrai Dieu » d’une même substance que le Père, qui serait créateur au même titre que le créateur, etc.

 

Leur symbole proclame en effet : « Nous croyons en un seul Dieu, le Père Tout-Puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles. » jusqu’ici ils ont raison, mais le pire est à venir : « Nous croyons en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, Dieu venu de Dieu, engendré et non créé, d’une même substance que le Père et par qui tout a été fait ; qui, pour nous les hommes et pour notre salut, est descendu des cieux et s’est incarné par le Saint-Esprit dans la vierge Marie et a été fait homme. Il a été crucifié sous Ponce Pilate, il a souffert et il a été mis au tombeau. Il est ressuscité des morts le troisième jour, conformément aux écritures : il est monté aux cieux où il siège à la droite du Père. De là, il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts et son règne n’aura pas de fin. Nous croyons en l’Esprit-Saint, qui règne et donne la vie, qui procède du Père (par le Fils), qui a parlé par les prophètes. » Il n’est pas question dans les Écritures Saintes que Dieu serait à la fois le Père, le fils et le Saint-Esprit qui aurait tout autant que le fils des pouvoirs divins, ni d’hypostase (terme qu’ils ont emprunté aux romains) du nom de Jésus ou du Saint-Esprit. Le Seigneur n’a pas non plus engendré l’un de Ses Attributs qui serait à la fois engendré et prééternel, et Il ne s’est pas incarné en la personne d’un être humain.

 

Certains évêques ont innovés un crédo qui s’oppose tant aux Textes Sacrés qu’à la raison saine. C’est pourquoi, ils pourront vainement dire le Jour de la Résurrection : (Si nous avions écouté et réfléchi, nous ne serions pas parmi les gens du Feu).[3] Ils se réfèrent tout au plus à l’Évangile de Mathieu qui est le seul a rapporté les paroles suivantes du Christ : « Baptisez les hommes au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. »[4] Si Jésus est vraiment l’auteur de ces paroles, leur sens n’a rien à voir avec celui que les chrétiens veulent lui donner. Le fils prend ici le sens d’élu et de bien-aimé parmi les humains de la même façon que certains autres versets utilisent le même terme en parlant de Jacob ou des apôtres. Quant au Saint-Esprit, il s’agit de l’Ange Gabriel ou du « souffle » qu’Allah insuffle à Ses Prophètes en vue de les guider et de les seconder comme celui qui est descendu sur David,[5] les Apôtres, ou encore sur les « saints ». Dans ce cas, si le Fils et le Saint-Esprit étaient des Attributs, cela reviendrait à dire que Dieu se serait incarné dans certaines créatures comme Il l’aurait fait pour Jésus. En outre, la Thora proclame que les tribus d’Israël sont les enfants et les aînés de Dieu,[6] et elle dit la même chose pour David.[7] Jésus lui-même déclare au sujet des apôtres : « je monte vers mon Père qui est votre Père et mon Dieu qui est votre Dieu. »[8] Il leur a ordonné de dire également au cours de leur prière : « Notre Père qui es aux cieux. »[9] Cela signifie-t-il pour autant que les prophètes, les apôtres, les enfants d’Israël et les « saints » soient des idoles ?

  

Qu’ils le veuillent ou non les chrétiens reconnaissent trois divinités. Il suffit de se représenter la trinité pour constater qu’elle est complètement aberrante sans avoir recours à aucun argument pour la réfuter tant celle-ci est contraire à la raison. Est-il la peine de prouver que un ne fait pas trois et inversement ? Les opposés ne peuvent rationnellement se réunir, c’est comme vouloir prouver qu’une chose est à la fois existante et inexistante, ce qui est impossible. S’ils s’étaient contentés de dire que Dieu a plusieurs Attributs, la plupart des tendances musulmanes le leur auraient accordé, bien qu’il reste le problème de les restreindre à trois. Dans l’hypothèse même où la Trinité serait rationnellement possible, ils n’auraient pas le droit d’y adhérer en se référant à un Texte ambiguë au dépend des multiples autres Textes qui eux sont formels au sujet de l’Unicité. Par contre, s’ils établissent la divinité de Jésus sous prétexte que certains passages de l’Évangile le surnomment dieu ou en raison des miracles dont il fut l’auteur, il n’est pas en cela différent de Moïse que la Thora désigne comme le dieu de Aaron et de Pharaon et qui fit des miracles bien plus grandioses que ceux de leur prétendu dieu.

 

Par ailleurs, leur crédo les fait sombrer dans des difficultés imparables comme pour la question d’engendrer une chose qui provient automatiquement de deux entités distinctes. Venant d’une seule entité, il n’est pas question d’engendrement et il est encore moins pertinent d’avancer que Dieu a engendré l’un de Ses Attributs dans l’hypothèse où Jésus compterait parmi Ses Attributs, surtout en ce qui concerne les Attributs « intrinsèques » comme la Vie et le Savoir ; cela consisterait à dire par exemple qu’Il aurait engendré Son Savoir ou Sa vie ; ce qui n’a aucun sens pour toute personne sensée affiliée à n’importe quelle confession.

 

Il serait insensé de dire par exemple que le ciel engendre ses dimensions ou sa couleur, que le soleil engendre sa chaleur, que le feu engendre sa lueur, etc. bien qu’il soit possible de dire que le soleil engendre les rayons qui reflètent sur la terre étant donné que ces derniers proviennent de deux origines différentes. Aucune langue du monde, aucune religion céleste, et aucune raison n’utilisent le terme engendrer pour désigner une chose qui résulte d’elle-même. Pour sortir de cette impasse, ils ne leur reste qu’à dire que Marie est la compagne de Dieu ; certains extrémistes l’ont d’ailleurs fait et sont même allés plus loin en lui concédant la divinité et en l’appelant « Mère de Dieu ! »

 

C’est pourquoi, les sectes chrétiennes se maudissent les unes les autres ; les adeptes du symbole maudissent les ariens qui à leur tour les maudissent, et les trois tendances et autres qui adhèrent aux symboles se maudissent les unes les autres. Les Melkites et les Jacobins maudissent ceux qui prétendent que Marie n’a pas engendré dieu ; ils prétendent qu’elle a engendré à la fois une nature humaine et une nature divine. Au même moment, ces mêmes Melkites s’associent aux Nestoriens pour maudire ceux qui allèguent que cette fusion formerait une seule substance, aurait une seule nature et serait dotée d’une volonté unique.

En fait, les chrétiens et les égarés en général dont font parties les sectes juives et musulmanes, inventent un vocabulaire auquel ils font correspondre leurs textes pour lui donner plus de crédit quitte à leur donner les interprétations les plus invraisemblables. Les trois confessions reconnaissent que leurs textes respectifs ont été falsifiés au niveau du sens et, concernant la religion juive et chrétienne certains passages furent falsifiés dans les termes, bien qu’ils soient peu nombreux certes en regard de la quantité des textes qui furent conservés.

 

C’est comme pour le « Logos » qui est une « substance » autonome ; ni ce terme ni d’ailleurs celui de substance ne fait partie du vocabulaire des prophètes. Ils entrent plutôt dans le registre des philosophes à l’instar d’Aristote qui était un païen parmi les adorateurs des idoles. Les grecs avaient une mauvaise connaissance du Seigneur ; ils ne pensaient pas qu’Il était le Créateur des cieux et de la terre et qu’Il était Savant et Capable de toute chose. Adorateurs des astres du monde supérieurs, des idoles du monde inférieur, et des démons, ils se sont réellement soumis à Dieu qu’avec l’avènement du Christ, plus de trois cent ans après la mort du macédonien Alexandre le Grand que les ignorants confondent à tord à Dhû el Qurnaïn, et qui eu Aristote comme conseiller politique. Les écrits des chrétiens affirment que Paul se rendit à Athènes, la capitale de la philosophie, où il trouva sur l’autel d’un monument sacré l’inscription : au dieu inconnu qui serait en fait, le Créateur des cieux et de la terre.[10]

 

Les nazaréens ont fabriqué une religion à partir de deux origines différentes : le monothéisme prophétique et le paganisme grec auquel ils empruntèrent certaines idées et certaines pratiques.[11] Ils leur ont emprunté le terme d’hypostase et les images gravées ont remplacées les images sculptées ; la prière en direction du soleil, de la lune et des astres au lieu de prier en l’honneur des astres ; le jeûne au printemps afin de concorder entre la religion et la nature, etc. Les « intellects » ou « l’être » à la base de la théorie des péripatéticiens n’ont aucune réalité dans le langage des prophètes et de leurs adeptes. Les adeptes d’Aristote ne reconnaissent ni les anges ni les démons. Leur discours porte sur les « corps naturels » mais très peu initié à la théologie, ils commettent dans ce domaine des erreurs énormes. D’ailleurs les théories les plus aberrantes d’Aristote furent réfutées par certains de ses successeurs à l’exemple de Thâbit ibn Qurra. En fait, ils sont plus branchés sur les sciences de la nature et des mathématiques. La métaphysique, nom qu’ils donnent pour définir le domaine du divin, se trouve au summum  (ou à la limite ndt.) de leur philosophie.

 

Les chrétiens admirent les philosophes et les adeptes de la logique, en pensant qu’en lisant leurs ouvrages, ils sont à même de percer les mystères qui touche au Divin. Ils trahissent ainsi une grande ignorance de la Révélation et de la raison pure. Ni le Messie ni ses adeptes à l’exemple des apôtres n’ont éprouvé une quelconque admiration pour ces penseurs ; ils ne se sont jamais inspirés d’eux et ils se sont encore moins tournés vers eux. Ils les considéraient plutôt comme les chefs des ténèbres et de la mécréance. Cela est aussi valable pour Moïse, Mohammed, et les prophètes en général et leurs adeptes. Concernant la raison, comment peuvent-ils encenser les individus les plus ignorants qui soit dans le domaine de la théologie. Ils étaient certes ingénieux dans des domaines tels que les mathématiques, les sciences naturelles, la géométrie, et à un niveau moindre en astronomie ; ils maitrisaient également les sciences de l’éthique, des mœurs, et de la politique urbaine et domestique, qui fait partie de l’héritage de la prophétie. Même après avoir été falsifiées et abrogées, les adeptes de la religion juive et chrétienne sont beaucoup plus évolués qu’eux dans le domaine de la théologie, des mœurs, et de la politique, avant de l’être dans les autres domaines. L’erreur des platoniciens, c’est qu’ils fondent leurs jugements théologiques sur des concepts théoriques et restent dans le monde des idées sans tenir compte de la réalité des choses et des lois naturelles, ce qui les poussent à des erreurs monumentales dans leur conception du Divin.[12]

 

Or, il est notoire que les successeurs des philosophes qui sont affiliés à l’Islam, à l’instar d’el Fârâbî, ibn Sînâ (Avicenne), ibn Rushd (Averroès) qui en est devenu le maître incontesté, ont une meilleure maîtrise de leur savoir que les chrétiens. Les livres que les musulmans ont hérités des grands philosophes dans les domaines de la médecine, la logique, etc. ont été remanié par les philosophes musulmans, qui ont réussi à dépasser le savoir des anciens dans ces matières. Les juifs et les chrétiens reposent leurs connaissances sur ces nouveaux philosophes alors que ces derniers sont considérés par les savants musulmans, comme les plus ignorants et les plus égarés qui soient en matière de théologie. Que dire alors de leurs pères spirituels qui font l’admiration des juifs et des chrétiens ! Les grecs eux-mêmes sont revenus au bon chemin quand ils ont embrassé la religion chrétienne à l’époque où elle ne fut pas encore falsifiée ni abrogée.

 

Quiconque s’imagine que le discours des prophètes s’accorde avec celui des grecs fait preuve d’une grande ignorance dans les domaines de la prophétie et de la philosophie. Le patrimoine philosophe a plutôt pris pied dans les milieux des « penseurs libres » affiliés aux trois grandes religions, comme chez les musulmans les auteurs des lettres Ikwân e-Safâ, et les Mulhidûn du même genre qui sont soit affiliés au shiisme soit affiliés au soufisme,[13] comme ibn ‘Arabî, ibn Sib’în, et d’autres. [14]

 

 

Traduit et compilé par :

 

 

 

 


 

[1] Que nous aurions pu aussi bien appeler « à la charge ! » étant donné que l’Islam n’est pas dans une position défensive face à ses adversaires qui devrait plutôt surveiller leurs arrières car il est pour le moins ridicule de jeter la pierre sur la maison du voisin, quand la nôtre est faite en verre.

 

[2] Certains orientalistes traduisent Mumaththil par anthropomorphiste qui signifie d’attribuer une forme humaine ou ce qui est caractéristique à l’être humain au Créateur. En cela, il ne prend pas le termeMumaththil dans toute son essence qui englobe de faire la ressemblance avec des créatures vivantes ou inertes, autre que les humains.

 

[3] Le royaume ; 10

 

[4] Mathieu; 28.19

 

[5] Les Psaumes ; 51-12, 14

 

[6] L’exode ; 4-22

 

[7] Les Psaumes ; 2

 

[8] Jean ; 20-17

 

[9] Mathieu ; 6-9

 

[10] Voir Les actes des Apôtres ; 17-23, 25

 

[11] Dans sa préface de l'histoire du christianisme Ed­ward Gibbon écrit : «S'il est vrai que le christianisme a triomphé du paganisme, il n'en demeure pas moins que le paganisme a réussi à corrompre le christianisme. L'église de Rome a remplacé le déisme pur des premiers chrétiens, par l'incompréhensible dogme de la Trinité. Pareillement, de nombreuses doctrines païennes inventées par les Egyptiens et idéalisées par Platon ont été adoptées parce que considérées comme digne de foi

 

[12] Dans son article paru en anglais, Les musulmans et les grandes écoles philosophiques (en 1927), Sulaïmân e-Nadawî avance que les travaux des deux philosophes anglais John Mill et David Hum aboutissent aux mêmes conclusions que Sheïkh el Islam ibn Taïmiya dans sa réfutation de la logique aristotélicienne ; il ouvre ainsi la porte à un superbe sujet de recherche.

 

[13] Un orientaliste anglais du 19ème siècle estime que pour corrompre les musulmans, il faut propager dans leurs rangs l’une de ces deux doctrines : le soufisme ou le shiisme.

 

[14] Extrait d’El Jawâb e-Sahîh li man baddala dîn el Masîh d’ibn Taïmiya (voir 4/405- 501 et 5/5-56 avec certaines modifications).

IBN TAÏMIYA (M. 728/1328)

RÉPOND À BENOÎT XVI (3/3)

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