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Voir : el ashâ’ira fî mîzân ahl e-sunna (p. 573-579) de Faïsal el Jâsim.

 

Selon certains contemporains, quelques anciens interprétaient (awwalû) l’Attribut du Visage (wajh) dans le Verset suivant : [Où que vous vous tourniez, vous trouverez le wajh Allah].[1] Selon Mujâhid, en effet, il s’agit de laqibla (direction) d’Allah. Pour e-Shâfi’î, c’est la direction où Allah vous a orienté.

 

En réponse, il faut savoir tout d’abord que les anciens ont divergé sur le fait de ranger ce Verset dans la catégorie des Attributs d’Allah. Pour la plupart, il n’entre pas dans ce registre. Dans la langue arabe en effet, le terme wajh prend souvent le sens de direction. Le contexte nous indique d’ailleurs qu’ici, il a ce sens. Ainsi, il n’y a aucun ta-wîl du Verset en question. Comme sa définition l’indique, le ta-wîl consiste à donner à un Verset quelconque un autre sens que son sens courant.

 

Or, tous les savants qui ont orienté ce Verset dans ce sens, comme Mujâhid et autres, ne s’avancent pas à le faire pour les autres textes où le Visage d’Allah est évoqué. Allah révèle notamment : [mais il restera le Visage de Ton Seigneur qui détient la Majesté et la Magnificence].[2] Aucun ancien ne conteste de réellement attribuer à Allah un Visage.

 D’après e-Dâraqutnî, selon une version imputée à e-Dhahhâq : « La récompense en plus, sera de contempler le Visage d’Allah (U). »[3]

 

Dans son fameux ouvrage sharh usûl el i’tiqâd, e-Lalakâî donne en titre à un chapitre : citation d’exégèses des Versets du Livre d’Allah (U)disant que les croyants verront Leur Seigneur de leurs yeux, le Jour de la Résurrection.

Allah (U) révèle : [Ceux qui auront bien œuvré auront leur récompense et une chose en plus][4]Selon un hadîthauthentique, le Prophète (r) donne l’explication de ce Verset en disant qu’il s’agit de la vision d’Allah (U).

Cette exégèse est rapportée également par les Compagnons : Abû Bakr e-Saddîq, Hudhaïfa ibn el Yamân, Abû Mûsâ el Ash’arî, ibn Mas’ûd, et ibn ‘Abbâs.

Parmi les tâbi’îns (les successeurs des Compagnons ndt.), nous avons : ‘Abd e-Rahmân ibn Abî Laïla, Sa’îd ibn el Musayib, el Hasan, ‘Ikrima, ‘Âmir ibn Sa’d el Bajalî, Abû Ishâq e-Subaï’î, Mujâhid, ‘Abd e-Rahmân ibn Sâbit, Qatâda, e-Dhahhâq, Abû Sinân, etc.

 

L’auteur a ensuite mentionné une annale qu’il rapporté par la voie d’ibn Abû Hâtim, avec une chaine narrative qui termine à Mujâhid, au sujet du Verset : [Ceux qui auront bien œuvré auront leur récompense et une chose en plus][5]Mujâhid explique : la récompense, c’est le Paradis, et la chose en plus (ou en prime), c’est la vision du Seigneur.[6]

 

Toujours selon Mujâhid, au sujet de l’exégèse du Verset : [Toute chose est vouée à la disparation, sauf Son Visage],[7] sauf les choses pour lesquelles on désire Son Visage.[8]

 

Ainsi, les annales du Prophète (r), des Compagnons, et de leurs successeurs sur le Visage d’Allah sont communément transmises (mutawâtir). Aucun recueil sur le dogme n’omet d’évoquer cet Attribut divin. e-Dâraqutnî lui consacre même un ouvrage ayant pour titre : E-ru-ya.

 

Or, l’exégèse du Verset : [Toute chose est vouée à la disparation, sauf Son Visage][9] ; pour e-Dhahhâq et Abû ‘Ubaïda, il s’agit d’Allah en personne et pour el Bukhârî, il s’agit des œuvres pour lesquelles on désire Son Visage. Celui-ci n’entre pas dans le registre du ta-wîl, étant donné qu’il est possible d’évoquer une entité par certaines de ses caractéristiques. Ainsi, « Son Visage » fait allusion à Allah Lui-même, Lui qui est doté d’Attributs dont le Visage. Si le Visage d’Allah ne périt pas, cela concerne Allah Lui-même à fortiori. Cela coule de source. L’exégèse d’e-Dhahhâq et d’Abû ‘Ubaïda n’a pas pour prétention de contester cet Attribut divin, bien au contraire. Sinon, cela voudrait dire que le Créateur est également voué à disparaitre, qu’Allah nous préserve d’une telle allégation !

 

Pour preuve, comme nous l’avons vu précédemment, l’Imam el Bukhâri consacre le chapitre suivant : Chapitre : concernant le Verset : [Toute chose est vouée à la disparation, sauf Son Visage].[10]

 

Il dit ensuite : selon Qutaïba ibn Sa’îd, selon Hammâd ibn Zaïd, selon ‘Amr, Jâbir ibn ‘Abd Allah affirme : « Lorsque fut révélé le Verset : [Dis : Il est Capable de vous envoyer un châtiment au-dessus de vous], le Prophète (r) a dit : « Je me réfugie auprès de Ton Visage ! » Il fut révélé ensuite : [ou en dessous de vos pieds], le Prophète (r)a dit :« Je me réfugie auprès de Ton Visage ! » Et lorsque fut révélé : [ou qu’Il vous divise en groupe], le Prophète (r) a dit : « C’est déjà plus supportable ! »

 

Il a ainsi utilisé l’expression : « Je me réfugie auprès de Ton Visage ! » pour expliquer le Verset : [sauf Son Visage]. Ces deux Textes confirment que le Visage est un Attribut du Seigneur. Ainsi, l’explication précédente d’el Bukhârî ne s’oppose nullement au fait qu’Allah ait un Visage, puisqu’il l’établit dans un autre passage.

 

Ibn Kathîr qui fera bientôt l’objet d’une analyse à part in shâ Allah, donne l’explication suivante dans son tafsîr, au sujet du Verset : [Toute chose est vouée à la disparation, sauf Son Visage][11]: « Allah nous informe qu’Il est permanent, toujours existant, le Vivant, et le Qaïyûm (que certains traduisent par : le Subsistant ndt.), toute les créatures sont vouées à la mort, mais Lui restera toujours Vivant, comme Il nous l’apprend : [Toute chose sur terre est vouée à périr • mais il restera le Visage de Ton Seigneur qui détient la Majesté et la Magnificence].[12] Il a donc utilisé le Visage pour parler de Sa personne. C’est le même procédé ici dans le Verset : [Toute chose est vouée à la disparation, sauf Son Visage],[13] c’est-à-dire : sauf Lui.

 

Il est certifié dans le recueil e-sahîh, par la voie d’Abû Salama, selon Abû Huraïra, que le Messager d’Allah (r) a dit :« La meilleure parole qu’un poète ait pu dire, c’est :

 

Toute chose, en dehors d’Allah, n’est-elle pas vaine ! »

 

Au sujet de : [Toute chose est vouée à la disparation, sauf Son Visage], Mujâhid et e-Thawrî font l’exégèse suivante : « c’est-à-dire : sauf les choses pour lesquelles on désire Son Visage. » El Bukhârî  se sert de cette annale dans son recueil e-sahîhpour établir ce point. Ibn Jarîr [se sert d’un fameux vers pour l’établir également.]

Cette opinion ne va pourtant pas à l’encontre de la première opinion. Il s’agit simplement ici d’informer que toutes les œuvres conformes à la religion, pour lesquelles on ne désire pas le Visage d’Allah (U), sont vaines. En revanche, la première opinion sous-entend que toutes les entités en dehors d’Allah, sont vouées à la disparition ; Il est en effet le Premier et le Dernier, Il est avant et après toute chose. »[14]

 

Règle en or :

 

Lorsqu’il existe une divergence entre les anciens qui s’appuient sur des annales authentiques, il faut, aux yeux d’ibn el Qaïyim, se pencher du côté le plus solide pour départager les avis.[15] Ibn Taïmya renchérit en soulignant que dans l’hypothèse où le ta-wîl ait eu lieu de la part d’un Compagnon, nous devons l’accepter étant donné qu’il ne peut que l’avoir entendu du Prophète. S’il provient d’un autre parmi les générations suivantes, nous pouvons l’accepter à condition que les grandes références de l’Islam lui aient donné leur aval. Cependant, s’il est le seul à le proposer, nous le rejetons sans appel, au même titre que n’importe quelle interprétation des nouvelles générations (khalaf).[16]

 

Or…

 

Traduit par :

Karim Zentici

 


 

[1] La vache ; 115

 

[2] Le Miséricordieux ; 27

 

[3] E-ru-ya d’e-Dâraqutnî (p. 162).

 

[4] Yûnas ; 26

 

[5] Yûnas ; 26

 

[6] Voir : sharh usûl el i’tiqâd d’e-Lalakâî (3/454-463).

 

[7]Les récits ; 88

 

[8] Rapporté par ibn Abî Hâtim (9/3028).

 

[9]Les récits ; 88

 

[10]Les récits ; 88

 

[11]Les récits ; 88

 

[12] Le Miséricordieux ; 27

 

[13]Les récits ; 88

 

[14] Tafsîr ibn Kathîr (3/404).

 

[15] Voir : mukhtasar e-sawâ’iq el mursala (2/262).

 

[16] Naqdh e-ta-sî (manuscrit : 2/220).

L’IMAM SHÂFI’Î ET LE TA-WÎL (1/2)

L’IMAM SHÂFI’Î ET LE TA-WÎL (2/2)

Voir : el mâturîdiya de Shams el Afghân (2/216-219). 

 

Or, dans une audience célèbre qui l’affrontait à ses juges inquisiteurs, en présence des plus grandes référencesnéo-ash’arites et maturiditesSheïkh el Islâm ibn Taïmiya qui devait rendre des comptes sur sa ‘aqîda el wâsitiya, lança ce défit historique : « Je n’ai fait que retranscrire la croyance de tous les pieux prédécesseurs… qui est la croyance de Mohammed (r).J’ai pourtant lancé l’appel à plusieurs reprises à mes détracteurs. Je leur ai laissé un délai de trois ans : si l’un d’entre eux me donne une seule parole parmi les trois premières générations au sujet desquelles le Prophète (r) a fait les éloges… alors, je reviendrais sur ma croyance… »[1]

 

« Personne ne sera jamais capable de rapporter une seule parole des anciens qui ne prouvent ni explicitement ni implicitement que ces derniers avaient pour conviction qu’Allah n’était pas sur Son Trône, qu’Il n’avait ni l’ouïe ni la vue, ni une Main réelle… »[2] 

« Allah sait qu’après avoir fait une recherche complète, après avoir feuilleté ce que j’ai pu avoir sous les yeux des paroles des anciens, je n’ai jamais trouvé qu’aucun d’entre eux, disait explicitement ou implicitement, voir indirectement qu’il fallait renier les Attributs textuels… Leurs condamnations portaient uniquement sur le tashbî’ (anthropomorphisme ndt.). »[3]

« C’est pourquoi, le jour de la grande audience, Je leur ai laissé un délai de trois ans : si l’un d’entre eux me donne une seule parole parmi les anciens allant à l’encontre de mon discours, il aura alors les preuves de son côté. Mes détracteurs se sont alors précipités à feuilleter dans les livres le moindre argument qui pourrait aller en leur faveur. Ils tombèrent sur l’annale d’el Baïhaqî dans son ouvrage el asmâ wa e-sifât, au sujet du Verset : [vous trouverez le wajh Allah],[4]et disant, selon Mujâhid et e-Shâfi’î, qu’il s’agit de la qibla d’Allah.

L’audience suivante, l’un de leurs chefs de file lança [sûr de lui: j’ai trouvé une annale des anciens sur le ta-wîl !

-                 Vous faites certainement allusion au Verset : [vous trouverez le wajh Allah],[5] rétorquais-je.

-                 Oui, assura-t-il timidement. »

Sheïkh el Islâm lui fit comprendre alors que ce Verset n’entrait pas dans ce registre, comme nous l’avons expliqué, ce qui laissa son assemblée pantoise. En sachant que ce n’était pas l’envie qui manquait de le réfuter à la moindre faille, mais c’était peine perdue d’avance. Ils n’ont jamais réussi à sortir de cette impasse dans laquelle il les avait fait entrer…

 

D’ailleurs, des grandes références, dont notamment des mentors du kalâm, établissent sans détour que le ta-wîl, une vulgaire innovation, n’entre pas dans le vocabulaire des anciens ; voir : e-risâla e-nazhzhâmiya de l’imam elHaramaïn (p. 22), el KHutat d’el Maqrîzî (2/356), ibn Hajar lui-même dans fath el Bârî (13/370, 390), d’ailleurs el Kawtharî n’a jamais réussi à répondre à ce fâcheux dilemme, sharh el fiqh el akbar d’el Qârî (p. 59), et j’en passe...

 

Ainsi, comme nous le verrons plus tard, le ta’wîl n’est l’apanage ni des Compagnons, ni des fils des Compagnons, ni des fils des fils des Compagnons, pour reprendre l’expression d’un internaute animé d’un grand zèle… Ensuite, on reproche aux traditionalistes de partager le tawhîd en trois catégories, mais ne précipitons pas les événements in shâ Allah, car nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

 

Traduit par :

Karim Zentici

 

 

 

 

 

[1] Majmû’ el fatâwâ (3/161).

 

[2] Majmû’ el fatâwâ (5/109).

 

[3] Majmû’ el fatâwâ (5/109).

 

[4] La vache ; 115

 

[5] La vache ; 115

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