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EL ‘UTHAÏMIN ET LE ‘UDHR BI EL JAHL DANS LE SHIRK AKBAR  (1/3)

 

 

 

Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

 

 

Par le passé, nous avons vu la position de Sheïkh ‘Abd e-Rahmân e-Sa’dî sur le ‘udhr bi el jahl et qu’il formula sous forme de débat.[1] Il rejoint exactement la tendance d’ibn Taïmiya et de son élève ibn el Qaïyim, qui n’en épousent aucune autre, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire.[2] Ses thèses seront reprises par son élève Sheïkh Sâlih el ‘Uthaïmîn, bien que certains soient convaincus du contraire. Ces derniers s’appuient sur des fatwas contextuelles du doyen de Qasîm et qui ne permettent pas en elle-même de définir sa position.[3] C’est ce que cet article tend à démontrer.

 

Il incombe de regrouper toutes les paroles d’un même auteur pour définir sa tendance

 

Ibn Taïmiya établit dans l’un de ses ouvrages qu’il n’est pas pertinent d’interpréter les paroles d’un auteur d’une autre façon que selon ses propres intentions.[4] Sinon, cela revient à mentir sur lui qu’on en ait conscience ou non. Pour mieux comprendre ses passages ambigus, il incombe de regrouper tout son discours ; c’est en tout cas, ce que réclame la rigueur scientifique.

 

Une démarche défaillante consisterait à lui donner tort d’emblée, sans chercher à lui offrir des circonstances atténuantes ni à donner à ses paroles la meilleure interprétation possible et à les ramener à ses principes généraux. Il est plus pertinent de conjuguer entre ses discours que de pointer du doigt les passages où il semble s’être trompé.[5]

 

Or, cette démarche est valable à condition de ne pas connaitre ses intentions, mais dès que c’est possible, elle n’a plus lieu. Ce serait faire preuve de laxisme que de chercher à s’en faire une bonne interprétation.[6]

 

Il est très dangereux de s’en tenir à un discours vague d’un imam pour définir sa position. C’est de cette façon que sont nées les pires tendances parmi les adeptes des quatre écoles.[7] Il est aussi très perfide de fouiner dans les opinions faibles des savants en vue soit de les adopter soit de les décrier.[8]

 

Il n’est pas pertinent non plus d’attribuer à un auteur les implications de son discours, sauf s’il l’assume lui-même, ou si des indices formels prêtent à le dire.[9] Comme il n’est pas pertinent de lui attribuer un discours qu’il a tenu pendant sa période de formation ou sur lequel il serait revenu dans ses derniers ouvrages.[10]

 

Un savant est même susceptible d’avoir deux discours tout aussi justes l’un que l’autre, sauf qu’il adapte ses réponses en fonction de ses interlocuteurs, de peur de les perturber.[11] Il peut tout bonnement avoir deux opinions à deux périodes différentes de sa vie et qu’il fait part à deux auditions différentes.[12]

 

La distinction entre théoriser une question et faire une fatwâ

 

Il existe deux sortes de sentences : théorique (lorsqu’un savant théorise une question) et pratique (quand il l’applique dans la pratique en tenant compte de plusieurs facteurs ; ex. : la fatwâ).[13] En mélangeant entre les deux, on peut faire des dégâts énormes, comme le souligne ibn el Qaïyim.[14]

 

Comprendre les paroles d’un auteur à la lumière du contexte

 

Enfin, et ce point est d’une extrême importance, il n’est pas pertinent de sortir un passage de son contexte, car cela revient à le tronquer, ou, au meilleur des cas, à le vider de sa substance. Il faudrait, au minimum prendre la peine de le ramener en entier, en vue de mettre en lumière les réelles intentions de l’auteur.

 

Si cela est clair, voici une synthèse des paroles de Sheïkh el ‘Uthaïmîn sur la question :

 

L’ignorance n’est pas toujours un facteur excusable

 

Sheïkh el ‘Uthaïmîn souligne que l’ignorance qui est à l’origine d’un laisser-aller (tafrît) dans l’étude de la religion n’est pas excusable. Ex. : on sait qu’on va à l’encontre de la vérité dans une question, mais on ne fait pas l’effort de la rechercher.[15]

Il souligne à ce sujet : « Je ne pense pas que le Sheïkh (Sheïkh ibn ‘Abd el Wahhâb ndt.) ne tienne pas compte du ‘udhr bi el jahl ; sauf s’il fait allusion à celui qui reste ignorant par négligence de sa part, et qui, par exemple, se détourne de la vérité. Ce dernier en effet est inexcusable.[16] Si je dis cela, c’est parce que le Sheïkh est l’auteur d’autres paroles qui expriment le contraire…

 

Ainsi, l’ignorant est excusable pour les actes provenant de ce dernier qui relèvent de la mécréance (en sachant que la mécréance est plus vaste que le shirk ndt.)… »[17]

 

En règle générale, à ses yeux, il n’est pas tenu rigueur de l’erreur motivée par l’ignorance que ce soit dans n’importe quel domaine de la religion. Néanmoins, il faut savoir que certains ignorants font preuve d’une sorte d’obstination (‘inâd). Ils entendent la vérité, mais ils n’y prêtent pas attention et ils ne la recherchent pas spécialement. Ils se contentent plutôt de la parole de leur sheïkh et de ceux qu’ils encensent. Ils préfèrent les suivre aux dépens de la vérité. À vrai dire, ce cas d’ignorance n’est pas excusable ; ils devraient au moins prendre la peine de vérifier la vérité qu’on leur ramène, car, au pire des cas, c’est un argument ambigu qu’il incombe de dissiper. Ces suiveurs ignorants sont comparables à ceux que le Coran décrit ainsi : [Nous avons trouvé nos pères sur une voie, et nous nous contentons de suivre leurs traces]. Un autre Verset nous apprend : [et nous nous contentons d’imiter leurs traces].

 

Les ignorants non négligents sont excusables

 

Quoi qu’il en soit, l’ignorance est un paramètre excusable dans la situation où on n’a aucune connaissance de la vérité, et qu’on n’en a jamais entendu parler. C’est dans ce cas qu’elle n’est pas tenue rigueur. On juge l’individu en fonction de ses actes. S’il se prétend musulman et qu’il atteste qu’il n’y a d’autre dieu digne d’être adoré en dehors d’Allah et que Mohammed est Son Messager, on doit le considérer comme tel. S’il n’adhère pas à l’Islam, on le rallie à la religion à laquelle il adhère sur terre. Quant à son statut dans l’au-delà, il est le même qu’en périodes de « rupture ». Allah décidera de son sort le jour de la résurrection. Selon l’opinion la plus vraisemblable, il subira une épreuve qui décidera de son devenir ; s’il la passe correctement, il ira au Paradis, et s’il échoue il ira en Enfer.

 

Or, il faut savoir qu’à notre époque, le message du Prophète (r) s’est répandu pratiquement sur toute la surface de la Terre grâce aux moyens de communication modernes et aux mélanges des cultures. La plupart du temps, la mécréance est motivée par l’obstination.[18]

 

Selon l’érudit de ‘Unaïza, la question du ‘udhr bi el jahl touche indifféremment les péchés et la mécréance. Si l’erreur commise dans l’un de ses deux domaines nous dit-il, n’est pas le fruit d’une négligence, et que le fautif n’a absolument pas conscience qu’il enfreint un interdit, alors dans ce cas, il n’y aura rien contre lui, à condition qu’il soit musulman.[19]

 

La question du ‘udhr bi el jahl prend ses racines dans le sens général des textes scripturaires de l’Islam. Personne n’est à même de ramener une preuve la remettant en question.[20] (Il n’est donc pas pertinent de taxer de murjites les partisans de cette tendance ndt.). Il est vrai que la négligence en soi est condamnable. Il est intolérable de ne pas accorder attention à l‘étude de la religion. Quand on entend qu’une chose est interdite, on n’a pas le droit de rester indifférent. De ce point de vue, certes, on manque à ses devoirs et on est donc coupable d’un péché. Mais de là à dire qu’un individu vivant au milieu d’une société dans laquelle tel péché est répandu, et que personne n’est au courant que c’en est un ; de là à dire qu’il lui en est tenu rigueur sans n’avoir reçu la preuve céleste, c’est un peu tiré par les cheveux !

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

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[1] Voir : e-tibyân fî ta-sîl masâil el kufr wa el îmân de Fathî el Mawsilî (232-238) ; ce débat est retranscrit dans les fatâwâ e-sa’diya (578-584). Voir pour le texte traduit : http://www.mizab.org/#!el-udhr-bi-el-jahl-dans-le-shirk-akbar/c1qe3

 

[2] Voir : http://www.mizab.org/#!ibn-el-tamiya-et-le-udhr-bi-el-jahl/c1k91

http://www.mizab.org/#!ibn-el-qayim-et-le-udhr-bi-el-jahl/c1iw7

 

[3] Voir : https://www.islamtoday.net/bohooth/artshow-86-135122.htm

 

[4] Voir : el jawâb e-sahîh (4/44).

 

[5] Majmû’ el fatâwâ (6/61).

 

[6] Majmû’ el fatâwâ (6/61).

 

[7] Majmû’ el fatâwâ (6/61).

 

[8] El fatâwâ el kubrâ (2/226).

 

[9] Majmû’ el fatâwâ (29/41-42).

 

[10] Majmû’ el fatâwâ (11/137).

 

[11] Majmû’ el fatâwâ (6/60).

 

[12] Majmû’ el fatâwâ (29/40).

 

[13] El muswadda (p. 504).

 

[14] I’lâm el mawqi’în (3/79).

 

[15] Voir : Durûs wa fatâwâ el haram el makkî de Sheïkh el ‘Uthaïmîn (année 1411 h. cassette n° 9/a). Pour Sheïkh el ‘Uthaïmîn, tout le monde s’accorde sur le principe du ‘udhr bi el jahl, mais s’il y a divergence entre les savants, c’est dans la façon dont cela se traduit dans la pratique. Il est même possible que, parfois, elle porte plus sur la forme qu’autre chose. Voir : Fatâwâ arkân el islâm.

Ailleurs, il tranche sur la question en rejoignant le parti des pro ‘udhr dans le shirk akbar dans la mesure où le fautif n’a pas conscience d’aller à l’encontre de la vérité en commettant du shirk. Sharh el mumti’ (6/193).

Il ramène la divergence des savants au laisser-aller et à la négligence des uns et des autres dans la recherche de la vérité (tafrît), et qui n’offre aucune circonstance atténuante. Voir : sî’at Rahmat Rabbi el ‘Âlamîn lil Juhhâl el Mukhâlifîn li e-Sharî’a min el Muslimîn de Saïd ibn Sa’d e-Dîn el Ghabashi (p. 83).

 

[16] C’est le fameux kufr i’râdh et le kufr ‘inâd d’ibn el Qaïyim. Sheïkh Sâlih Âl e-Sheïkh tient un discours de ce genre dans son sharh kashf e-shubuhât.

 

[17] Sharh kashf e-shubuhât (p. 46-62).

 

[18] Voir : Majmû’ fatâwâ e-Sheïkh el ‘Uthaïmîn (2/question nº 222).

 

[19] Voir : Ta’lîq ‘alâ kitâb e-tawhîd (1/173). Sheïkh el ‘Uthaïmîn va jusqu’à nuancer un passage de l’auteur.

 

[20] Voir : Liqâ-ât el bâb el maftûh de Sheïkh el ‘Uthaïmîn (33/question nº 12).

EL ‘UTHAÏMIN ET LE ‘UDHR BI EL JAHL DANS LE SHIRK AKBAR  (2/3)

 

 

 

Le Sheïkh insiste sur ce point

 

Il n’y a pas de place pour les sentiments dans les questions qui touchent à la religion ; seuls les textes font autorité. Or, le Seigneur (U) nous dit bien : « Ma Miséricorde devance Ma Colère ! » Comment peut-on être coupable d’un péché quand on n’a même pas conscience que s’en est un ![1] Il se demande comment ses élèves peuvent encore douter de la chose. Il s’étonne qu’elle soit encore confuse dans leur esprit.

 

Il va jusqu’à qualifier l’autre opinion, celle des anti ‘udhr, de faible ! Selon lui, elle va à l’encontre des grandes références qui ne font pas la différence entre les formes d’ignorance ; de la même façon qu’il est concevable que certains ne connaissent pas le statut de la prière, il en est de même pour celui qui ne sait pas qu’il est interdit de se prosterner devant une idole. Ces questions ne sont pas laissées à l’initiative des uns et des autres ; la raison n’y a pas sa place. Il revient uniquement aux textes de trancher sur la chose. Nous ne sommes pas plus avisés que le Législateur, et nous n’avons pas le droit de nous insérer dans Sa Miséricorde ni de la réduire à notre compréhension étroite.

 

Il remet complètement en cause l’allégation selon laquelle le mîthâq qu’Allah a pris sur la descendance d’Adam avant leur création est suffisant pour établir la preuve céleste contre elle. À quoi servirait l’envoi des messagers si tel était le cas, interpelle-t-il ? Ensuite, il impute la distinction entre les usûl et les furu’ dans les questions du takfîr aux théologiens du kalâm.[2] Il reprend exactement la démonstration d’ibn Taïmiya que nous avons étalée dans un autre article.[3] Il est même l’un des contemporains qui a le mieux exposé la question. Comment peut-on avancer après cela que Sheïkh el ‘Uthaïmîn ne voit pas le ‘udhr bi el jahl dans le shirk akbar ?

 

Fa innaha la tu’mî el absâr…

 

Ainsi, il est possible d’être condamnable en suivant les autres sans se poser la question de savoir si ce que l’on fait est autorisé ou non. Dans ce cas, la négligence est tenue rigueur, et le fautif peut être inexcusable. Cependant, il est possible également qu’il ne lui vienne même pas à l’esprit qu’il enfreint un interdit, surtout dans la mesure où il n’a pas un savant sous la main pour lui attirer l’attention sur son erreur. Dans ce cas, il est excusable.[4] En un mot, l’ignorance est un facteur excusable, mais la négligence dans l’étude de la religion n’entre pas dans ce registre.[5]

 

Sheïkh el ‘Uthaïmîn applique ce principe au shirk

 

L’immolation pour un wali ou pour une tombe relève de la grande association et son auteur est un mushrik apostat. Il a beau dire lâ ilâh illâ Allah et faire la prière, il n’est plus musulman. Il est possible toutefois que, vivant loin des pays musulmans, il ne sache pas que cette pratique soit interdite, et il n’y voit aucun mal. Dans ce cas, il est excusable, mais il incombe de l’informer sur la gravité de son erreur. Après cela, s’il s’entête, alors la preuve céleste est établie contre lui, et il devient un mécréant apostat et un païen. Il n’y a pas de mal à le qualifier ainsi. On le somme de se repentir sous peine de condamnation à mort.[6]

Avant l’iqâma el hudja, on est coupable de shirk, mais sans avoir le statut de mushrik. Il incombe de ramener le coupable à la raison, en lui disant que son acte relève de l’association ; et s’il ne veut pas entendre, à ce moment-là et seulement à ce moment-là, il sort de la religion.[7]

 

La négligence est au minimum un péché

 

Quand on lui posa une question sur les ignorants qui reçoivent l’influence des savants hérétiques, loin des pays où règne l’orthodoxie, voici quelle fut sa réponse : « Dans la situation où ils entendent le message des prédicateurs orthodoxes, ils n’ont aucune excuse en raison de leur négligence ; nous ne pouvons toutefois nous prononcer formellement sur leur cas (mot à mot : dire qu’ils sont ou ne sont pas apostats ndt.). Vue sous un certain angle, en effet, leur négligence ne dépasse pas l’état de péché. Quand des prédicateurs les mettent en garde contre le caractère païen de leurs pratiques, ils doivent au minimum s’en abstenir et faire des recherches, malgré leurs appréhensions et la préférence qu’ils portent à leurs propres savants. Ils sont donc éventuellement coupables de ne pas faire des recherches, mais ils restent musulmans en raison de leur ignorance.

Or, vue sous un autre angle, leur négligence ne leur offre aucune circonstance atténuante, car le devoir de recherche incombe à chacun. Je pense qu’ibn Taïmiya – qu’Allah lui fasse miséricorde – considère qu’ils manquent à leur devoir de rechercher la vérité ; à ses yeux, ils sont donc fautifs, mais sans devenir apostats. Je dis cela de tête, donc à vous de vérifier, et ne prenez pas mes propos pour argent comptant. »[8]

 

Remarque

 

C’est à la lumière de ces explications qu’il incombe d’orienter le passage de Sharh el mumti’ (6/194) disant que les ignorants négligents ne sont pas excusables, et cela pour plusieurs raisons :
 

  1. Déjà, il n’est pas formel sur leur takfir en utilisant des termes exprimant l’éventualité, l’hypothèse (qad + verbe au présent, rubbama). Au pire, cette catégorie n’est pas excusable, mais ce n’est pas le cas des ignorants non négligents.
     

  2. la raison l’ayant poussé à exposer cette éventualité, c’est qu’il existe une divergence sur la chose, comme il le souligne plus haut. Il ne fait donc qu’exposer les deux points de vue, puis il tranche, comme nous allons le voir.
     

  3. Il impute l’opinion qui ne kaffar par une certaine négligence à ibn Taïmiya, même si sa mémoire lui fait défaut. Nous avons vu dans l’article précédent que c’est effectivement l’opinion du lion du Shâm.[9]
     

  4. Il va jusqu’à ramène la divergence des savants sur la question du ‘udhr au laisser-aller et à la négligence des uns et des autres dans la recherche de la vérité (tafrît), et qui n’offre aucune circonstance atténuante.[10]
     

  5. À la suite du passage controversé, il tranche sur la question en rejoignant le parti des pro ‘udhr dans le shirk akbar dans la mesure où le fautif n’a pas conscience d’aller à l’encontre de la vérité en commettant du shirk (son statut est donc différent de celui de ahl el fatra).[11]

 

Voici le passage controversé en question : « Néanmoins, certains ignorants n’ayant aucune ambiguïté sont convaincus de détenir la vérité (que ce soit au niveau de la croyance ou des paroles). Il va sans dire qu’ils ne cherchent nullement à aller à l’encontre de la religion, ni de sombrer dans le péché et la mécréance. Nous ne pouvons les juger apostats quand bien même ils ignoreraient un fondement de la religion. Re(-)connaitre la zakât et son caractère obligatoire est l’un de ces crédos fondamentales, on peut l’ignorer tout en restant musulman.

Ainsi, nous pouvons mieux appréhender la situation de nombreux fidèles à travers diverses contrées islamiques où le recours aux morts (el istighâtha bi el amwât) est monnaie courante. Ils ne savent pas que ces pratiques sont interdites. On leur fait même miroiter qu’elles rapprochent d’Allah, et que certains occupants des tombes sont des walis, etc. Ils adhèrent pourtant à l’Islam et font preuve d’un grand zèle vis-à-vis de ses enseignements. Ils sont convaincus de faire le bien, et personne ne les a prévenus du contraire. Ils sont donc excusables, contrairement à l’entêté qui lui est condamnable ; il sait très bien que les savants disent que c’est du shirk, mais il préfère s’en tenir aux coutumes de ses ancêtres. Celui-ci est directement concerné par le Verset : [Nous avons trouvé nos pères sur une voie, et nous nous contentons de suivre leurs traces].[12] »[13]

 

Ailleurs, il conteste la position anti ‘udhr fî usûl e-dîn, et affirme explicitement que cela reviendrait à kaffar de nombreux musulmans aujourd’hui qui seraient des mushrikins bien qu’affiliés à l’Islam.[14]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

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[1] Idem. C’est le constat que fait l’auteur de l’excellente recherche, que l’adversaire se targue de mettre en avant ‘âridh el jahl, et qui n’est autre que Râshid e-Râshid. Celle-ci, rappelons-le, fut préfacée par Sheïkh el Fâwzân, connu pour ses positions fermes sur le sujet. Il explique en effet : « … Quant à celui qui commet du shirk, dans la mesure où il n’a pas accès à la science, comme ceux qui vivent dans les pays non-musulmans et dans les sociétés où il n’y a pas de prédicateurs qui appellent au tawhîd, de sorte qu’il ne peut remédier à son ignorance, dans ce cas, il est excusable, selon l’opinion la plus vraisemblable des savants. » ‘âridh el jahl (p. 224).

 

[2] Sharh sahîh el Bukhârî (cass. n° 21/b)

 

[3] Voir : http://www.mizab.org/#!ibn-tamiya--le-udhr-bi-el-jahl-dans/cqhr

 

[4] Liqâ-ât el bâb el maftûh de Sheïkh el ‘Uthaïmîn (39/question nº 3).

 

[5] Idem.

 

[6] Liqâ-ât el bâb el maftûh de Sheïkh el ‘Uthaïmîn (48/question nº 15).

 

[7] Idem.

 

[8] Sharh kutâb e-tawhîd min sahîh el Bukhârî (cas. n° 21/b).

 

[9] Voir : http://www.mizab.org/#!le-kufr-irdh/c1ch3

 

[10] Voir : sî’at Rahmat Rabbi el ‘Âlamîn lil Juhhâl el Mukhâlifîn li e-Sharî’a min el Muslimîn de Saïd ibn Sa’d e-Dîn el Ghabashi (p. 83).

 

[11] Sharh el mumti’ (6/193).

 

[12] Les ornements ; 22

 

[13] Sharh el mumti’ (6/194).

 

[14] Voir : manzhûma usûl el fiqh.

EL ‘UTHAÏMIN ET LE ‘UDHR BI EL JAHL DANS LE SHIRK AKBAR (3/3)

 

 

Sharh kashf e-shubuhât

 

Dans sharh kashf e-shubuhât, Sheïkh el ‘Uthaïmîn donne une longue explication pour dissiper l’impression que Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb taxe les musulmans d’apostasie (kaffar) sans faire de détail. Il s’inspire notamment des paroles d’ibn ‘Abd el Wahhâb lui-même, d’ibn Taïmiya, et de plusieurs passages d’el mughnî d’ibn Qudâma.

 

Il démontre notamment qu’il faut distinguer entre le hukm e-zhâhir (le statut apparent d’un cas particulier) et le hukm el bâtin (son statut véritable), comme il faut distinguer entre el hukm el mutlaq (le statut de manière générale ou absolue d’un acte) et le hukm el mu'ayin (le statut d’un cas particulier), pour pouvoir appréhender correctement ce point pour le moins sensible. De cette façon, il devient aisé de concorder entre les paroles de l’Imam, qui peuvent sembler contradictoires et incohérentes. Il dissipe ainsi les ambigüités qui peuvent naitre d’une certaine lecture des paroles du réformateur, en sachant qu’il existe une divergence entre les savants sur la question du ‘udhr bi el jahl (considérer l’ignorance comme excuse pour l’auteur d’un acte qui relève de la mécréance). 

 

En explication des paroles du premier homme de la da’wa najdite : « Il peut le dire par ignorance, bien que l’ignorance n’est pas une excuse (lâ u’dhur bi el jahl) », Sheïkh el ‘Uthaïmîn nous apprend en effet : « Je ne pense pas que le Sheïkh ne tienne pas compte du ‘udhr bi el jahl ; sauf s’il fait allusion à celui qui reste ignorant par négligence de sa part, et qui par exemple se détourne de la vérité. Ce dernier en effet est inexcusable.[1] Si je dis cela, c’est parce que le Sheïkh est l’auteur d’autres paroles qui expriment le contraire. Il dit notamment : « … Si l’on sait que nous ne taxons pas d’apostasie ceux qui adorent la stèle érigée au-dessus des tombes d‘Abd el Qadîr, d’Ahmed el Badawî, etc. en raison de leur ignorance, et car ils n’ont personne pour leur éclaircir la chose, comment pouvons-nous dès lors le faire pour celui qui n’associe rien à Allah sous prétexte qu’il n’a pas émigré chez nous, dans la mesure où il n’a pas apostasié ni combattu la vérité. Gloire à Allah ! Quelle énorme calomnie ! »[2] 

 

La divergence qui existe sur la question du ‘udhr bi el jahl entre dans le registre des divergences de figh qui relèvent de l’effort d’interprétation. Il est même possible que parfois, cette divergence existe uniquement dans les termes non dans les faits, en raison de la position de chacun envers un cas particulier.

 

En d’autres termes, tout le monde s’entend à dire que telle parole ou tel acte relève de la mécréance, ou que telle abstention relève de la mécréance. Néanmoins, est-ce que ce statut s’applique à un cas particulier qui voit remplies contre lui les conditions pour le faire dans la mesure où toute restriction qui ferait obstacle à ce statut est exclue, ou bien que certaines de ses conditions uniquement ne soient pas remplies, ou que certaines restrictions interviennent dans le jugement ?

 

L’ignorance qui relève de la mécréance est en effet de deux sortes :

 

Premièrement : elle peut provenir d’un individu qui n’est pas affilié à l’Islam et qui n’a jamais eu à l’esprit qu’une autre religion pouvait aller à l’encontre de la sienne. Il faut dans ce cas appliquer contre lui la loi terrestre (el ahkâm e-zhâhir fi e-duniya). Quant à son sort dans l’au-delà, il est entre les Mains d’Allah. Selon l’opinion la plus vraisemblable sur la question, c’est qu’il est éprouvé dans l’au-delà[3] (…) Une chose est sûre, c’est qu’il ne peut entrer en Enfer sans n’avoir été coupable de quoi que ce soit (dans le sens où il entrera en Enfer s’il le mérite réellement, car Allah ne commet aucune injustice envers quiconque. Cela ne veut pas dire qu’il n’ira pas en Enfer ndt.). Lorsque nous disons qu’il faut appliquer contre lui la loi terrestre, c’est parce qu’il n’est pas musulman et qu’il n’est pas possible de lui donner ce statut. (…)

 

Deuxièmement : elle peut provenir de quelqu’un qui est affilié à l’Islam, mais qui tout au long de sa vie commet un acte de mécréance, sans forcément se rendre compte qu’il va à l’encontre de la religion. Personne ne lui en a jamais fait la remarque. Dans ce cas, il faut lui appliquer les lois musulmanes terrestres (el ahkâm el Islâm e-zhâhir). Quant à son sort dans l’au-delà, il est entre les Mains d’Allah, comme le démontre le Coran, la sunna, et les paroles des savants sur la question.

 

Allah révèle : [Nous n’allions châtier personne avant d’envoyer un messager].[4] [Des messagers avertisseurs et annonciateurs afin que les hommes ne puissent opposer contre Allah aucun argument après leur venue][5] ; [Ton Seigneur n’allait pas faire périr les cités avant d’envoyer à leur cité mère un messager qui leur récite Nos versets][6] ; [Peu s’en faut qu’elle n’explose de rage ; toutes les fois qu’un groupe y est jeté, ses gardiens leur lancent : un avertisseur ne vous est-il pas venu ? • Si, répondent-il, un avertisseur nous est bien venu, mais nous l’avons démenti et avons prétendu qu’Allah n’a rien révélé][7] ; etc.

 

D’après Muslim, selon Abû Huraïra (t), le Prophète (r) a dit : « Par Celui qui tient l’âme de Mohammed entre Ses Mains ! Quiconque dans cette communauté, qu’il soit juif ou chrétien, entend parler de moi, et qui ne croit pas en mes enseignements avant de mourir, comptera parmi les gens du feu… »[8]

 

Puis, il a ramené plusieurs citations.[9]

 

Sheïkh el islam affirme notamment « Quant à moi, – ceux qui s’assoient avec moi le savent très bien –, je compte parmi ceux qui défendent avec le plus d’acharnement de condamner une personne en particulier d’apostat, de pervers, ou de désobéissant sauf s’il devient certain que les arguments prophétiques ont été fournis à son encontre (qâmat el hujja e-risâliya) de sorte que toute personne qui les contredit soit condamnable d’être soit apostat, soit pervers, ou soit désobéissant. J’ai par ailleurs établi qu’Allah pardonne les erreurs commises par les membres de cette communauté : Cela concerne aussi bien les erreurs qui relèvent des masâil el khabariya el qawliya (el usûl pour certains ndt.) que les masâil el ‘ilmiya (el furû’ pour certains ndt.). les anciens se divisent encore sur ces questions. Personne n’a condamné l’un d’entre eux au kufr, au fisq ou à la ma’siya (…) J’expliquais que les paroles des anciens et des grandes références qui parlent du takfîr el mutlaq en disant : celui qui fait telle et telle chose est un kâfir ; j’expliquais qu’elles étaient justes, mais qu’il incombait également de faire la différence entre le mutlaq et le mu’ayin. »[10]

 

Puis, Sheïkh el ‘Uthaïmîn enchaîne : « Si cette opinion est conforme au Coran, à la sunna et aux paroles des savants, elle est également conforme à la Sagesse, la Miséricorde et la Bonté divine. Allah ne châtie personne avant de lui offrir des excuses. La raison n’est pas à même de connaitre ce que l’individu doit à Son Seigneur. Si cela avait été le cas, la preuve divine ne dépendrait pas de la venue des messagers aux hommes. En principe, toute personne affiliée à l’Islam est considérée comme musulmane jusqu’à la preuve du contraire et qui est basée sur les textes. Il n’est pas permis de prendre la chose à la légère au risque de commettre deux interdits :
 

 

  1. Mentir sur Allah en taxant quelqu’un de ce qu’il n’est pas, au nom d’Allah à qui revient le droit exclusif de juger si quelqu’un est musulman ou non.[11]
     

  2. Accuser quelqu’un d’une chose dont il est complètement innocent, comme le fait de dire : yâ kâfir ! yâ ‘aduw Allah ! Auquel cas, ce jugement erroné revient contre son auteur comme le formulent certains hadîth.[12] (…) La plupart du temps, ceux qui se permettent de juger leurs frères (ce point mérite plus amples détails ndt.) sont motivés par l’instinct d’orgueil et ont une haute opinion de leur personne, alors qu’Allah condamne formellement l’orgueil.

 

(…) Ainsi, l’ignorant est excusable pour les actes provenant de ce dernier qui relèvent de la mécréance (en sachant que la mécréance est plus vaste que le shirk ndt.)… »[13]

 

Gloire à Toi Ô Allah ! Et à Toi les louanges ! J’atteste qu’il n’y a d’autre dieu (digne d’être adoré) en dehors de Toi ! J’implore Ton pardon et me repens à Toi !

 

 

Par : Karim Zentici

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[1] Ibn el Qaïyim dit à ce sujet : « Deux individus méritent le châtiment : le premier consiste à se détourner de la preuve d’Allah par négligence et à ne pas la vouloir ni la mettre en pratique ni mettre en pratique ce qu’elle implique. Le deuxième consiste à s’en détourner par orgueil après l’avoir reçue et à délaisser ses implications.

Le premier c’est du kufr i’râdh,

Et le deuxième, c’est du kufr ‘inâd.

Quant au kufr el jahl sans que la preuve d’Allah ne soit venue et sans avoir la possibilité d’y avoir accès, c’est ce genre de kufr au sujet duquel Allah n’applique pas le châtiment, pas avant que la preuve prophétique ne soit appliquée. » [Voir : tarîq el hijrataïn (p. 414)].

 

[2] Fatâwa wa masâil e-Sheïkh (p. 11) et e-Durar e-Sunniya (1/66).

 

[3] Voir : tariq el hijrataïn d’ibn el Qaïyim.

 

[4] Le voyage nocturne ; 15 voir les tafsîr d’e-Tabarî et d’ibn Kathîr.

 

[5] Les femmes ; 165 voir les tafsîr d’el Baghawî et de Shanqîtî.

 

[6] Les récits ; 59

 

[7] La royauté ; 8-9

 

[8] Rapporté par Muslim (152). Pour l’explication de ce hadîth, voir : ikmâl el mu’allim (1/468), el mufhim (1/368), et sharh sahîh Muslim d’e-Nawawî (2/188).

 

[9] Voir notamment el mughnî d’ibn Qudâma (8/131).

 

[10] Dans majmû’ el fatâwa (3/229).

 

[11] Il revient uniquement aux textes scripturaires de définir les éléments qui font ou qui ne font pas sortir de la religion. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre que le takfir est le droit exclusif d’Allah. Cela ne signifie nullement qu’on n’a pas le droit de taxer un musulman d’apostasie dans l’absolu, comme on pourrait le comprendre des paroles de Sheikh el ‘Uthaïmin. (N. du T.).

 

[12] Voir notamment sahîh Muslim (212, 213, 214).

 

[13] Sharh kasf e-shubuhât (p. 46-62).

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