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LE MURJISME (1/8)

 

 

Louange à Allah, nous Le louons, nous implorons Son aide et Son pardon. Nous cherchons refuge auprès d’Allah contre les maux de nos âmes et les méfaits de nos actions. Celui qu’Allah guide, nul ne peut l’égarer et celui qu’Il égare nul ne peut le guider.  J’atteste qu’il n’y a d’autre divinité (digne d’être adoré) en dehors d’Allah, Seul et sans associé, et j’atteste que Mohammed est Son serviteur et Son Messager.

 

 

Le chantage à l’irjâ

 

Je ne prétends pas faire ici une étude exhaustive du sujet. Je me suis contenté de poser certains jalons, à une époque où on distribue l’étiquette de murjite à tout va sans savoir vraiment ce que c’est. Certaines questions comme l’istithnâ, ont volontairement été occultées, et d’autres ont été abordé succinctement, étant donné que d’autres articles les reprennent en détail, wa Allah el musta’ân !

 

La définition de la foi

 

Au niveau de la langue, la foi (imân), aux yeux de Sheïkh el fawzân, est synonyme de tasdîq : le fait de considérer (un énoncé) comme vrai et, par extension, considérer quelqu’un de sincère dans ses paroles. Ex. : [Lût le crut][1] : âman lahû = saddaqahu. Lût  donna foi à Ibrahim. Autre ex. : [Tu n’allais pas nous croire][2] ; tu n’allais pas donner de la crédibilité à nos paroles. [3]

 

De nombreux linguistes et traditionalistes rejoignent cette définition. El Marwazî explique que l’imân correspond au tasdîq, qui, lui, est synonyme de ma’rifa.

 

Dans un long entretien que Sheïkh el Albânî accorde à Khâlid el ‘Anbarî, il soutient cette définition avec force. Son hôte voulait lui expliquer en vain que le tasdîq n’était pas suffisant pour expliquer la foi au niveau de la langue, et il avait raison.

 

Dans kitâb el imân, ibn Taïmiya part dans une longue démonstration pour prouver que la foi n’était pas synonyme de tasdîq, et que le terme lui convenant le mieux était « iqrâr ».

 

La différence entre l’imân et le tasdîq, c’est que le deuxième touche uniquement au domaine des informations ou des enseignements (khabar), tandis que le premier réclame en plus de cela de se soumettre à cet enseignement (inshâ) ; et touchant au domaine des commandements (amr). C’est ce qu’on appelle l’iltizâm qui consiste à y adhérer avec le cœur, dans le sens où le cœur s’apaise et se réconforte à l’écoute de cet enseignement (tu-manîna, amn).

 

La deuxième étape consiste donc à s’engager (iltazama) à obéir. On parle pour quelqu’un qui se contente de croire sans s’engager à obéir de tasdîq qui est l’antonyme de takdhîb non de imân qui est l’antonyme du kufr au niveau de la langue.

 

C'est pourquoi il est plus adéquat de définir la foi par le terme iqrâr qui réclame deux étapes :

  1. Le khabar, dans ce sens, il est synonyme du tasdîq et de la shahâda.

  2. Inshâ el iltizâm qui touche au domaine du amr.

 

  Ainsi, la foi touche au deux domaines : le khabar et le amr. La foi s’est donc l’iqrar qui ne se confine pas dans le tasdîq, mais elle renferme qawl el qalb (tasdîq) et ‘amal el qalb (el inqiyâd).[4]

 

Le plus étonnant, c’est que Sheikh el Albanî a fait la recension de kitâb el imân ! Est-ce un oubli ?

 

Bref, si tout cela est clair, j’aimerais soulever un point extraordinaire et qui est en relation avec Mohammed Yâsir e-Dawsarî, et sa compréhension de ‘adam el iltizâm et de l’istihlâl qu’il comprend du texte de e-sârim el maslûl qu’il ramène.

 

Nous avons vu que l’origine de la foi, c’est le tasdîq et l’inqiyad. En parallèle, l’origine du kufr touche à ses deux domaines, soit au qawl el qalb/’amal el qalb, contrairement à la pensée des murjites.

 

Dans e-sârim el maslûl, ibn Taïmiya explique à ce sujet que l’istihlâl au sens strict, ou asl el istihlâl provient du cœur, et plus exactement du qawl el qalb.

 

Qu’en est-il alors pour l’iltizâm. Il se charge lui-même d’y répondre dans le même livre, à travers des paroles extraordinaires que voici : « La Parole d’Allah est composée des enseignements (khabar) et des commandements (amr). Les enseignements réclame de croire (tasdîq) aux paroles de l’interlocuteur, et les commandements réclame de s’y soumettre (el inqiyâd et l’istislâm), qui correspond aux actes du cœur (‘amal el qalb), renfermant la soumission totale (khudu’ et inqiyad) aux commandements, même sans les mettre en pratique (in lam yaf’al el ma-mur bihi). En répondant à l’enseignement par le tasdîq et au commandement par l’inqiyâd, on obtient l’origine de la foi dans le cœur, qui n’est autre que l’apaisement (tu-manîna) et l’iqrâr. »[5]

Il explique la page suivante : « La foi est composée des paroles et des actes – je veux dire à l’origine – des paroles du cœur (qawl el qalb) et des actes du cœur (‘amal el qalb). La foi, conformément aux Paroles d’Allah et à Sa Révélation, renferme Ses enseignements et Ses commandements. L’individu croit aux enseignements (tasdîq), ce qui va engendrer un état dans le cœur dont l’intensité sera en fonction de l’enseignement. Le tasdîq est une forme de savoir et de qawl. Puis, il se soumet au commandement ; c’est l’inqiyâd et l’istislâm qui est une forme de volonté et d’acte (irâda wa ‘amal). Il ne peut être croyant sans fournir les deux en même temps. En délaissant (taraka) l’inqiyâd, il devient un orgueilleux et compte ainsi parmi les mécréants, quand bien même il fournirait le tasdîq. »[6]

 

Selon certains chercheurs, la différence entre le juhûd, le takdhîb, l’istihlâl, et l’inkâr, est très subtile. C’est la raison pour laquelle, certains savants peuvent utiliser l’un de ces termes pour en désigner un autre. L’essentiel, c’est de savoir que toutes ces formes de kufr touchent au qawl el qalb. Le juhûd est souvent accompagné du ‘inâd qui en fait en est la motivation.[7] Selon ibn Taïmiya, les légistes qui parlent de renier (juhûd) le caractère obligatoire des piliers de l’Islam, font allusion à la fois au takdhîb (en démentant son caractère obligatoire) qui touche au qawl el qalb, et à l’imtinâ’ (refuser) de les reconnaitre et d’y adhérer (iltizâm), et qui touche au ‘amal el qalb.[8] C’est la raison pour laquelle, aux yeux d’ibn Taïmiya, on peut avoir un tasdîq correct, et en même temps être un mécréant, ce que ne conçoivent pas les murjites.

 

La nuance entre le takdhîb et le juhûd se résume en deux points :

  • Le kufr juhûd consiste à démentir avec la langue, tout en ayant connaissance de la chose au fond de soi.

  • Le kufr juhûd est alimenté par l’obstination.[9]

 

Iblîs n’a pas refusé de se prosterner, car il reniait l’aspect obligatoire de l’ordre qu’il avait reçu ; Allah en effet s’était adressé à lui directement. Cependant, il fut motivé par l’orgueil et l’obstination et rejoignit ainsi les rangs des mécréants.[10] Juste après le passage que Dawsarî utilise, ibn Taïmiya donne plus de précision en disant : «Ainsi, on peut facilement distinguer entre ce cas et le désobéissant, qui est convaincu de devoir faire telle obligation, mais qui succombe à ses passions et à sa mauvaise volonté (nufra). C’est ce qui le pousse à ne pas s’y plier. Sa foi renferme le tasdîq, le khudhû’ et l’inqiyâd, qui relève du qawl et du ‘amal, mais sans parfaire le ‘amal. »[11] Il parle pour le premier ‘amal, du ‘amal el qalb, et pour le deuxième, du ‘amal el jawârih.

 

« C’est la raison pour laquelle, explique ibn Taïmiya, juste avant le passage qu’utilise e-Dawsarî, selon les savants, celui qui désobéit à Allah par orgueil, comme Iblîs est un mécréant, à l’unanimité. Et celui qui Lui désobéit en ayant succombé à ses passions ne devient pas mécréant pour les traditionalistes. Ce sont les kharijites qui considèrent qu’il est mécréant. Le désobéissant orgueilleux qui reconnait (tasdîq) qu’Allah est Son Seigneur, mais qui ensuite, s’obstine et s’oppose à lui, il remet littéralement en cause son tasdîq. »[12]

 

À suivre…

Par : Karim Zentici

 

 

 

[1] L’araignée ; 26

 

[2] Yûsaf ; 17

 

[3] Voir : sharh usûl el îmân, mais aussi sharh el usûl e-thalâtha de Sheïkh el Fawzân.

 

[4] Voir : majmû’ el fatâwa d’ibn Taïmiya (7/638).

 

[5] E-sârim el maslûl d’ibn Taïmiya (p. 521).

 

[6] Idem. (p. 522).

 

[7] Voir : nawâqidh el îmân el i’tiqâdiya qui est une thèse universitaire du D. Mohamed el Wuhaïbî (2/57).

 

[8] Voir : majmû’ el fatâwa (20/97-98).

 

[9] Voir : madârij e-sâlikîn d’ibn el Qaïyim (1/367).

 

[10] Majmû’ el fatâwâ (20/97).

 

[11] E-sârim el maslûl (p. 521-522).

 

[12] Idem.

LE MURJISME (2/8)

 

 

Au niveau de la religion, selon les traditionalistes, la foi renferme trois éléments : la prononciation verbale, la croyance du cœur, et les actes ; elle peut monter grâce aux bonnes œuvres et descendre à cause des péchés.

 

Cette explication nous rend le sens textuel de la foi. Il faut savoir que l’on peut expliquer les mots de trois façons : il y a le sens linguistique (haqîqa lughawiya), le sens textuel ou légal (haqîqa shar’iya), et le sens admis par l’usage ((haqîqa ‘urfiya). La religion musulmane s’intéresse à la haqîqa shar’iya.

 

Les trois éléments de la foi sont indissociables : les karrâmites reconnaissent uniquement la prononciation verbale ; les ash’arites s’en tiennent, quant à eux, à la croyance du cœur ; et les hanafites reconnaissent certes ces deux éléments à la fois, mais ils négligent les actes. La bonne tendance consiste à tous les réunir.[1]

 

Celle-ci réclame d’exprimer verbalement qu’on renferme telle croyance. Ces deux éléments sont indissociables : la conviction du cœur et la parole. La parole sans la conviction est aussi inutile que celle des hypocrites qui : [… disent avec leurs langues, ce qu’ils ne croient pas au fond du cœur].[2]

La foi réclame un troisième élément indispensable : les actes (se soumettre aux obligations et s’éloigner des interdictions). Cette définition de la foi englobe toute la religion. Néanmoins, il faut distinguer entre les éléments de la religion qui composent l’essence de la foi et ceux qui composent une foi parfaite.

 

Dans deux hadîth différents, le Prophète (r) nous familiarise un peu plus avec la « foi » qui contient des piliers (le hadîth de Jibrîl) et des branches (le hadîth : « La foi est composée de plus de soixante-dix  branches »).

 

Lorsque les termes imân et islâm sont évoqués dans un même contexte, ils ont un sens différent ; le premier fait allusion aux six piliers de la foi touchant au cœur et le second représente les cinq piliers de l’Islam en relation avec les actes. De ce point de vue, il y a une nuance entre eux, bien qu’ils soient indissociables. Autrement dit, il est réclamé au musulman de fournir à la fois les piliers de la foi et ceux de l’Islam.

 

Le Prophète (r) a dit : « La foi est composée de plus de soixante-dix branches – ou selon une version : plus de soixante branches – »[3]

 

Il ne peut vous échapper qu’il existe de nombreuses branches de la foi. L’Imam el Baïhaqî y consacre un gros ouvrage qui est disponible en version résumée.

 

Les savants s’inspirent des textes pour appuyer la définition qu’ils donnent de la foi Dans le hadîth sur les branches de la foi, on retrouve les trois éléments de sa définition. En voici la démonstration : « La plus haute est l’attestation qu’il n’y a d’autre dieu [digne d’être adorée] en dehors d’Allah » : correspond à la parole ; « et la plus basse est d’enlever une entrave de la route » : représente les actes ; « la pudeur étant une branche de la foi » : fait allusion à la croyance du cœur étant donné que la pudeur est un sentiment intérieur.[4]

 

La différence entre les piliers et les branches

 

La foi est composée de piliers et de branches, mais il serait intéressant de savoir quelle est la différence entre ces deux notions. Les piliers sont indispensables et font partie intégrante de l’entité. En d’autres termes, s’il en manque un seul, la foi disparait ou n’est plus valable, car reposant dessus. Les branches de la foi sont là pour la parfaire, la compléter. S’il manque une branche (qui est soit obligatoire soit recommandée), la foi tient toujours. Ainsi, en négligeant une obligation ou en commettant une interdiction, on garde le nom de musulman selon la tendance des traditionalistes. Néanmoins, on perd la foi parfaite réclamée pour devenir un pervers ou un musulman ayant la foi faible.[5]

 

En commettant un grand péché (alcool, vol, adultère, etc.) on ne sort pas de la religion et on ne perd pas entièrement la foi. On prend le statut de pervers qui est passible éventuellement d’être condamnée à une punition corporelle (cela dépend de ce que la Loi dit sur le sujet).

 

En parallèle, en négligeant une obligation (comme le respect des parents, l’entretien des liens de sang), on devient également un désobéissant et on accuse tout autant une baisse de foi. Ainsi, il existe deux facteurs à l’origine de la baisse de foi : les péchés et les manquements aux devoirs. Sans perdre la foi, on reste un croyant, mais avec une foi faible.

 

Les kharijites et les mu’atazilites

 

À l’opposé des traditionalistes, nous avons les kharijites et les mu’atazilites qui font sortir de l’Islam l’auteur d’un grand péché. Les kharijites le sortent carrément de la religion et ils le vouent à l’Enfer éternel. Les mu’atazilites, moins formels, prétendent quant à eux, qu’il se trouve entre ces deux statuts : il n’est ni musulman ni mécréant. En revanche, pour ce qui est de son statut après sa mort, ils rejoignent les kharijites en le vouant à l’Enfer éternel, s’il ne s’en est pas repenti au cours de sa vie.

 

Ces doctrines hérétiques sont contraires à l’enseignement du traditionalisme qui se caractérise pour être fidèle aux textes. L’erreur méthodologique est à l’origine de leur déviation, étant donné qu’elles ne prennent en compte qu’une partie des textes touchant à la menace divine (wa’îd). Ces dernières font abstraction des textes sur la promesse divine (wa’d), comme le Verset : [Allah ne pardonne pas qu’on Lui associe quoi que ce soit, mais il pardonne les péchés moindres à qui Il veut].[6] Celui-ci démontre que l’auteur de n’importe quel péché en dehors de l’association garde l’espoir de gagner le pardon, bien que le châtiment plane au-dessus de lui.

 

Il ne va pas en contradiction avec l’autre Verset : [Celui qui désobéit à Allah et à Son Messager sera jeté dans le feu de la Géhenne où il restera à jamais].[7] Les kharijites le prennent au premier degré en considérant que tous les péchés dans l’absolu font sortir de l’Islam. Or, en concordant entre les textes, la vérité s’impose. Autrement dit, le désobéissant est soumis à la Volonté d’Allah qui peut ou non lui accorder Son Pardon. En outre, certains facteurs peuvent intervenir pour lui effacer ses péchés. C’est ce qu’on appelle les mukaffirât qui sont multiples. Ex. : les épreuves et les malheurs qu’il subit sur terre, le châtiment qu’il peut recevoir dans la tombe, ou qui peut être retardé au Jour de la résurrection, etc. Ce principe est conforme au crédo traditionaliste.

 

Ainsi, les piliers de la foi sont indispensables ; ils n’acceptent aucune défection. Voici des exemples de croyance touchant à ces piliers et qui font sortir de la religion : renier le tawhîd ou faire du shirk (touchant au premier d’entre eux), renier un seul prophète, un ange, la résurrection, le Paradis, l’Enfer, le Pont jeté au-dessus de la Géhenne, la Balance des comptes, le destin (en disant que tout vient du hasard ou de la chance à la manière des mu’tazilites ultra), etc.

 

En revanche, en faisant défection d’une branche, on reste affilié à l’Islam, mais on porte atteinte à la foi parfaite imposée ou encore à la foi recommandée.[8]

 

Le murjisme

 

Pour reprendre les paroles de Sheïkh el Fawzân, Les murjites furent appelés ainsi étant donné qu’ils font reculer (arjâ) les actes, dans le sens où ils les « excluent » de la définition de la foi. L’irjâ signifie en effet : ajourner quelque chose, comme dans le Verset : [Ils dirent : fais-les attendre lui et son frère].[9] C’est-à-dire : reporte leur affaire afin de l’étudier. L’irjâ a donc le sens de faire reculer quelque chose. Ils reçurent le nom de murjites pour avoir fait reculer les actes de la véritable foi ; ils les ont ainsi exclus de la définition de la foi.

 

L’avènement de l’irjâ

 

Les premiers balbutiements de l’irjâ se firent ressentirent dans la deuxième partie du premier siècle, après la mort d’ibn el Ash’ath, en réaction au kharijisme, à la fin des années 70 plus exactement.[10] La plupart de ses premiers adeptes venaient de Kûfa, mais ils ne comptaient pas parmi les élèves d’ibn Mas’ûd ni de l’Imam Ibrahim e-Nakha’î.[11]

 

À suivre…

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

[1] Voir : sharh usûl el îmân de Sheïkh el Fawzân.

 

[2] La grande conquête ; 11

 

[3] La première version est rapportée par el Bukhârî (9), tandis que Muslim (35) rapporte les deux versions, selon Abû Huraïra (t).

 

[4] Voir : sharh el usûl e-thalâtha de Sheïkh el Fawzân.

 

[5] Ce passage de Sheïkh el Fawzân réclame plus de précision. Nous allons voir avec l’analyse de ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân que certaines branches, comme la première et celles qui s’en rapprochent sont indispensables à la foi, et qui en fait, sont des piliers, wa Allah a’lam !

 

[6] Les femmes ; 48

 

[7] Les djinns ; 23

 

[8] Voir : sharh el usûl e-thalâtha de Sheïkh el Fawzân.

 

[9] El a’râf ; 111, et les poètes ; 36

 

[10] Voir : ârâ el murjiya fî musannafât Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya qui est une thèse ès Doctorat du D. ‘Abd Allah ibn Mohammed e-Sanad (p. 93-101).

 

[11] majmû’ el fatâwa (13/38).

LE MURJISME (3/8)

 

 

Il existe quatre sortes d’irjâ

 

La plus mauvaise, est celle des jahmites qui confinent la foi dans la connaissance du cœur, sans avoir besoin d’y adhérer. C’est la pire forme d’irjâ.

Deuxièmement : la foi s’avère au niveau du cœur uniquement (c’est la croyance du cœur), sans avoir besoin de la traduire verbalement. Cette tendance est celle des ash’arites.

Troisièmement : la foi se confine dans les paroles, sans obligatoirement que cela se matérialise au niveau du cœur. C’est la tendance des karrâmites.

Quatrièmement : la foi se situe au niveau du cœur et de la parole. C’est la tendance hanafite.

 

Cette dernière tendance est celle des fuqaha-murjites ou des murjites traditionalistes. Ils sont considérés ainsi, car pour eux, la foi se compose uniquement de la croyance du cœur, et de la parole. Cependant, à leurs yeux, les actes n’entrent pas dans la réalité de la foi. Les actes seraient simplement une condition ou auraient simplement pour fonction de compléter la foi.[1] C’est la raison pour laquelle, ils furent appelés murjites, étant donné qu’ils font reculer (arjâ) les actes de la définition de la foi. Nul doute qu’ils se trompent. L’important est de savoir qu’ils représentent la tendance murjite la moins grave, pour reprendre les paroles de Sheïkh el Fawzân.[2]

 

Les anciens n’ont pas kaffar cette tendance.[3] Ibn Taïmiya explique que celui qui croit le contraire, c’est gravement trompé.[4] Il va plus loin en disant que les divergences avec eux portent plus sur la forme que sur le fond. Nous sommes donc loin des propos disant que Sheïkh el Albânî et ses élèves sont des murjites ultra (ghulât), car, au pire des cas, ils seraient comparables au fuqaha-murjites.

 

Deux tendances extrêmes

 

L’auteur d’un grand péché ne sort pas de la religion pour les traditionalistes. Il accuse simplement une baisse de foi, et porte le statut de pervers. Pour les kharijites et les mu’atazilites, le grand péché fait sortir de l’Islam. À l’opposé, nous avons les jahmites et les murjites qui considèrent qu’il n’affecte la foi en rien. Les kharijites pensent que son auteur devient mécréant et qu’il est voué à l’Enfer éternel. Les mu’atazilites prétendent quant à eux, qu’il se trouve au milieu des deux statuts : il n’est ni musulman ni mécréant. En revanche, pour ce qui est de son statut après sa mort, ils rejoignent les kharijites en disant qu’il est voué à l’Enfer éternel, s’il ne s’en est pas repenti au cours de sa vie.

 

Pour les murjites, la foi est dans le cœur, et les péchés n’ont aucune influence négative sur celle-ci. Les traditionalistes pour leur part, affirment que l’auteur d’un grand péché en dehors de l’association a une foi faible. Son sort est à la merci d’Allah, Il peut ou non lui pardonner. Sans sortir de l’Islam, le fautif a le statut de pervers ; on dit qu’il est croyant pour la foi qu’il décèle et pervers en raison de son grand péché. La menace divine plane sur lui.

 

Les éléments de la foi

 

Il faut savoir qu’à l’unanimité des anciens, la foi est composée des paroles et des actes, ou en d’autres termes, de la croyance, des paroles et des actes, comme le rapporte el Bukhârî et d’autres, soit de quatre éléments :

 

  • Il y a la prononciation du cœur ou la parole intérieure (qawl el qalb) : elle consiste à croire aux enseignements qui proviennent du Seigneur (ou de Son Messager) au sujet de Lui-même, de Ses Noms, de Ses Attributs, de Ses Actions, de Ses anges, de Sa rencontre, etc.

  • Il y a la prononciation verbale ou la parole extérieure (qawl e-lisân) : elle consiste à exprimer ces enseignements, à les prêcher, à les défendre, à dénoncer l’innovation qui va à leur encontre, à évoquer le Seigneur, et à répandre Sa religion.

  • Il y a les actes du cœur (‘amal el qalb) : comme le sentiment d’amour envers Allah, de sincérité (el ikhrâs), de patience face à Ses commandements et à Son destin. Il incombe de s’en remettre à Lui, de revenir à Lui, d’avoir peur et espoir en Lui. Il faut également L’agréer, agréer pour Lui, aimer et détester en Lui, se dévouer à Lui, être apaiser à Son rappel, etc. cette étape est plus importante que la précédente.

  • Il y a enfin les actes physiques (‘amal el jawârih) : comme la prière, le djihad, les pas en direction de la mosquée pour la prière quotidienne ou celle du vendredi, venir en aide aux personnes faibles, etc.[5]

 

Pour d’autres savants, la foi est composée de 5 éléments, soit qawl el qalb qui est le tasdîq, ‘amal el qalb, qawl e-lisân qui est l’attestation de foi, ‘amal e-lisân comme le dhikr, et ‘amal el jawârih. C’est ce que révèlent certains manuscrits d’el wâsitiya d’bn Taïmiya ; chose que contestent l’ancien mufti d’Arabie Saoudite Mohammed ibn Ibrahim et Sheïkh Mohammed Amân el Jâmî. Les ultras auxquels adhèrent el Ash’arî, selon l’une de ses tendances, reconnaissent uniquement qawl el qalb, la plupart d’entre eux reconnaissent ‘amal el qalb, ce qui est contradictoire. Les murjiya el fuqaha reconnaissent qawl el qalb et qawl e-lisân ; ils ne reconnaissent aucun ‘amal, pas même celui du qalb. S’ils sont certes plus modérés que les jahmites, sauf sur ce dernier point, ils n’en sont pas moins des murjites, comme le souligne ibn Taïmiya. [6]

 

Pour les sectateurs la foi est indivisible

 

Or, sans entrer dans les détails, toutes les sectes dissidentes, avec les murjites d’un côté et les kharijites et les mu’tazlites de l’autre, s’accordent à dire que la foi est indivisible. Par rapport à ce principe, ils prétendent que la foi ne peut ni monter ni descendre.[7] C’est pourquoi, comme le souligne Sheïkh Hammad el Ansarî, les traditionalistes se distinguent pour reconnaitre cinq choses. C’est ce qu’il appelle les 5 nûn : arkân (actes), janân (croyance), lisân (parole), yazîd bi tâghat e-Rahmân (la foi monte) et yanqus bi tâghat e-shaitân wa el ‘isiyân (et descend).

 

Quelle est la preuve que la foi monte et descend ?

 

La preuve que la monte monte : [Les croyants sont uniquement ceux dont le cœur frémit au rappel du Seigneur, et dont la foi augmente à la récitation de Ses Versets].[8] Ce Verset démontre que la foi augmente à l’écoute du Coran. Un autre Verset nous apprend : [Quand une sourate est révélée, certains d’entre eux disent : lequel d’entre vous a-t-il senti sa foi monter ? Quant aux croyants, elle leur a effectivement fait monter la foi, et ils s’en réjouissent].[9] Voici un autre argument que la foi monte grâce à la révélation d’une nouvelle sourate, à l’écoute et à la méditation sur les Versets du Coran. [Nous n’avons mis que des anges comme gardiens de l’Enfer ; et leur nombre n’a été fixé que pour éprouver les mécréants, pour convaincre les détenteurs du Livre, et pour faire monter la foi aux croyants].[10] Ainsi, la foi monte grâce aux bonnes œuvres et à la conviction.

 

La preuve que la monte descend : d’une part, toute chose qui est susceptible de monter est susceptible également de descendre.

D’autre part, plusieurs textes vont dans ce sens, dont :

 

• Le hadîth authentique : « Le jour de la résurrection, Allah (I) dira : Sortez de l’Enfer quiconque décèle dans son cœur la foi la plus infime (mot-à-mot : ne serait-ce que l’équivalent d’un grain de moutarde ndt.).[11] C’est la preuve que la foi peut descendre tellement bas qu’il n’en reste qu’à peine l’équivalent d’un grain de moutarde.

• Le Verset : [Ce jour-là, ils étaient plus proches de la mécréance que de la foi].[12] La foi peut descendre jusqu’à pratiquement atteindre la mécréance.

• Le hadîth : « Celui d’entre vous qui voit un mal, qu’il le conteste avec la main ; s’il ne peut le faire, alors avec la langue, et s’il ne peut le faire, alors avec le cœur ; en sachant que c’est le degré de foi le plus faible. »[13] C’est la preuve que la foi s’affaiblit dans le sens où elle descend.

 

Ainsi, la foi monte grâce aux bonnes œuvres et elle descend à cause des péchés.[14]

 

À suivre…

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

[1] Nous avons développé ce point dans l’article l’Albanî et l’irjâ. Nous y reviendrons peut-être à l’avenir avec d’autres précisions.

 

[2] Voir : sharh silsilat e-rasâil fî el ‘aqîda.

 

[3] Voir : el imân (p. 377) et majmû’  el fatâwa (7/394) tout deux d’ibn Taïmiya.

 

[4] Majmû’  el fatâwa d’ibn Taïmiya (7/507, 3/351-352, et 23/348)

 

[5] Voir : tajlîd e-tawhîd d’el Maqrîzî.

 

[6] Voir sur le sujet l’excellente thèse universitaire arâ el murjiya fî musannafât Sheïkh el Islam ibn Taïmiya du D. ‘Abd Allah e-Sanad.

 

[7] Voir la thèse universitaire : ziyâda el îmân wa nuqsânuhu de Sheïkh ‘Abd e-Razzâq el ‘Abbâd.

 

[8] Le butin ; 2

 

[9] Le repentir ; 124

 

[10] L’homme enveloppé sous son manteau ; 31

 

[11] Rapporté par el Bukhârî (22), et Muslim (184), selon Abû Sa’îd el Khudrî (t).

 

[12] La famille d’Imrân ; 167

 

[13] Rapporté par Muslim (49), selon Abû Sa’îd el Khudrî (t).

 

[14] Voir : sharh el usûl e-thalâtha de Sheïkh el Fawzân.

LE MURJISME (4/8)

 

 

Témoignage des pieux prédécesseurs

 

Les anciens l’avaient bien compris, comme en témoignent ces annales ; en ayant assisté à l’émergence du murjisme, ils sont donc plus â même de nous en décrire les symptômes.

 

• Sufiân e-Thawrî a dit : « Les murjites s’opposent à nous sur trois choses : nous disons que la foi est composée des paroles (qawl) et des actes (‘amal), alors que pour eux, elle est composée des paroles sans les actes ; nous disons qu’elle monte et qu’elle descend, alors que pour eux, ni elle monte ni elle descend ; nous disons que nous sommes croyants en prononçant l’attestation de foi (iqrâr), alors qu’eux disent : nous sommes croyants auprès d’Allah. »[1]

 

• Ibn Shaïbân ibn Farrûkh demanda à ‘Abd Allah ibn el Mubârak à la fin de sa vie : « Que dis-tu de celui qui commet l’adultère et qui boit de l’alcool, etc. ? Est-il musulman ?

- Je ne le sors pas de la foi.

- Serais-tu devenu murjite à ton âge ?

- Abû ‘Abd Allah ! Les murjites ne m’acceptent pas ; moi, je dis que la foi monte contrairement à eux. »[2]

 

• ‘Abd Allah ibn el Mubâraka dit : « Celui qui dit que la foi se compose des paroles et des actes, et qu’elle monte et qu’elle descend, sort de l’irjâ par toutes ses portes sans exception. »[3]

 

• On interrogea l’Imam Ahmed sur celui qui dit que la foi monte et descend. Ce dernier répondit : « Il n’a aucun lien avec l’irjâ. »[4]

 

Les actes font partie intégrante de la loi

 

Les actes extérieurs (‘amal el jawârih) sont un pilier (rukn) dans la définition de la foi.

 

En fait, pour être plus précis, la classification des actes en deux catégories ; ceux qui permettent de parfaire la foi imposée (kamâl el imân et wâjib) et ceux qui permettent de parfaire la foi recommandée (kamâl el imân el mustahab). Les musulmans qui ne fournissent pas la première catégorie sont exposés à la menace divine.

 

À l’unanimité des traditionalistes, en fournissant la croyance et les quatre piliers de l’Islam, et en délaissant les autres branches pratiques de la foi tout en les reconnaissant avec le cœur, cela n’implique pas nécessairement de perdre l’essence de la foi (asl el imân). On perd uniquement la foi parfaite imposée (kamâl el imân et wâjib), à la différence des murjites pour qui elle reste parfaite ; et des kharjites qui kaffar les auteurs des grands péchés.[5]

 

Concernant les quatre piliers de l’Islam, les savants divergent sur le takfîr de celui qui délaisse l’un d’entre eux tout en reconnaissant leur aspect obligatoire.[6] Ainsi, les deux tendances sont affiliées au traditionalisme et aux anciens :

  • Celle qui ne kaffar pas celui qui les délaisse tout en partie.

  • Celle qui kaffar celui qui les délaisse tout en partie.

 

Néanmoins, tout le monde s’accorde à dire qu’ils relèvent des branches pratiques de la foi. Ainsi, il n’est pas pertinent de taxer la première tendance de murjite, comme il n’est pas pertinent de taxer la deuxième de kharijite.

 

   Les actes dans le vocabulaire du Coran et des anciens englobent toutes les branches pratiques de la foi qui n’ont pas le même statut. Il en existe deux sortes : les actes obligatoires et les actes recommandés. Les actes obligatoires se subdivisent en deux : les quatre piliers et les autres branches pratiques de la foi. Et les actes recommandés ne sont pas tous du même degré.[7]

   Sheïkh ibn Bâz l’avait bien compris et faisait preuve d’une précision extraordinaire en distinguant entre les actes qui relèvent du shart sihha comme la prière (en sachant qu’il existe une divergence sur la question), et ceux qui touchent à la foi parfaite imposée, comme les autres actes.[8] Quand on lui posa la question : « Selon certains savants, celui qui délaisse (tark) les actes extérieurs, tout en fournissant l’attestation de foi, et l’essence de la foi émanant du cœur (asl el imân el qalbî) reste musulman. Est-ce qu’ils sont des murjites. »

Voici ce que fut sa réponse : « Non, ce sont des traditionalistes ! »[9]

 

Remarque

 

Nous venons de voir la place qu’occupent les actes dans la foi, mais quel est le statut de celui qui les délaisse (tark) ?

Nous disons que les actes par rapport à la foi n’ont pas tous le même degré. De la même façon, le tark sera différent en fonction de l’importance que leur donne le Législateur. En délaissant les actes recommandés, on affaiblit le kamâl el mustahab, et en délaissant les actes obligatoires on affaiblit le kamâl el wâjib, en sachant que pour cette dernière catégorie, ils n’ont pas tous le même degré. S’ils comptent parmi les quatre piliers, nous avons que les anciens divergent sur le statut de celui qui les délaisse tout en partie. La plus grosse divergence porte particulièrement sur la prière.

 

S’ils comptent parmi les autres branches pratiques de la foi, nous avons vu qu’on affaiblit le kamâl el wâjib, sans remettre en question l’essence de la foi, contrairement à la tendance kharijite.

 

Ibn Taïmiya met en lumière un point d’une extrême importance. Il nous dit en effet : « Le Législateur n’infirme (yanfî) pas la foi à un individu pour avoir délaissé un acte recommandé, mais pour un acte imposé ; étant donné qu’il a délaissé ce qu’on lui impose de faire de façon parfaite (kamâl et tamâm), non ce qu’on lui recommande. »[10]

 

Récapitulatif

 

‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan nous offre l’analyse suivante : « La foi est composée des paroles et des actes.

Il existe deux sortes de paroles : la parole du cœur qui se matérialise par la croyance, et la parole verbale qui se matérialise par l’attestation de foi.

Il existe deux sortes d’actes : les actes du cœur qui consiste à s’orienter vers Allah, Le choisir comme divinité, L’aimer, chercher Sa satisfaction, et à Lui donner foi.

Les actes extérieurs comme la prière, l’aumône, le pèlerinage, le djihad, etc.

 

S’il n’y a plus la croyance du cœur (tasdîq), accompagnée des actes intérieurs, la foi s’annule entièrement. Si ce sont simplement certains actes extérieurs qui sont délaissés, comme la prière, tout en gardant à la fois la croyance et la parole du cœur, il y a divergence entre les savants sur le statut qui lui correspond : est-ce que la foi s’annule entièrement ou non en délaissant l’un des cinq piliers de l’Islam ? Est-ce que le coupable devient mécréant ou non ? Faut-il distinguer la prière des autres piliers ou non ?

 

Les traditionalistes s’accordent à dire qu’il faut absolument fournir les actes du cœur (l’amour d’Allah, Sa soumission, et la recherche de Son Agrément).

 

Pour les murjites, le tasdîq est suffisant pour devenir croyant. La divergence entre les traditionalistes concerne donc les actes extérieurs : devient-on un mécréant en les délaissant ou non ? Selon la tendance notoire des anciens, on devient mécréant en délaissant l’un des quatre piliers venant après l’attestation de foi.

 

Selon une deuxième tendance : seul celui qui les renie est voué à la mécréance.

Une troisième tendance distingue entre la prière et les autres piliers. Toutes ces tendances sont notoires. »[11]

 

Asl el îmân

 

En outre, sous un certain angle, il n’est pas faux de distinguer entre la foi et les actes, si on entend par foi, l’essence (asl) sur laquelle germent les actes. Sheïkh el Islâm explique à ce sujet : « En outre, celle-ci – en parlant de la foi – a deux sens dans le Coran, une essence et une partie subsidiaire imposée (far’ wâjib). L’essence qui se situe au niveau du cœur engendre les actes. C’est la raison pour laquelle, certains Versets distinguent entre eux, comme : [… Ceux qui croient et qui font de bonnes œuvres][12] ; d’autres les regroupent, comme celui-ci : [Les croyants sont uniquement ceux…].[13] » Puis loin, il conclut : « Son essence est dans le cœur et sa perfection se matérialise dans les actes extérieurs, contrairement à l’Islam, qui a pour essence les actes extérieurs et pour perfection, le cœur. »[14]

 

Or, dans la phrase : [… Ceux qui croient et qui font de bonnes œuvres], la coordination n’exprime nullement une séparation entre la foi et les actes contrairement à la tendance murjite, mais c’est une coordination d’un autre type ; soit une coordination d’une partie dans un tout (el jiz-u ‘alâ el kull).[15] Autrement dit, les actes font partie de la foi.

 

Ainsi, compte tenu de cette distinction entre l’asl et le far’, les anciens ont basé leur discours sur la question de l’istithnâ (dire : je suis croyant in shâ Allah). À leurs yeux en effet, il est possible d’émettre cette condition pour parler du far’, non du asl, comme l’établit l’Imam Ahmed,[16] et el Âjurrî.[17] Ils font donc une distinction entre l’essence de la foi qui implique la croyance du cœur et la parole, et les actes qui confirment la réalité de la foi. C’est donc de ce point vue que les anciens distinguent entre la foi et les actes.

 

À suivre…

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

[1] Voir : sharh e-sunna d’el Baghawî (1/80).

 

[2] Voir : musnad ishâq (3/670).

 

[3] Rapporté par ibn Batta dans el ibâna el kubrâ (278).

 

[4] Rapporté par el Khallâl dans e-sunna (n° 1009).

 

[5] Voir : fath el Bârî d’ibn Rajab (1/27).

 

[6] Majmû el fatâwa d’ibn Taïmiya (7/609).

 

[7] Voir : tabriya el imâm el muhaddith min qawl el murjiya el muhdath de Sheïkh Ibrâhim e-Ruhaïlî.

 

[8] Voir : aqwâl dhawî el ‘irfân du D. ‘Isâm e-Sinânî (p. 146), et mukhâlafât fî fath el Bârî d’Abd el ‘Azîz e-Shibl (p. 28).

 

[9] Hiwâr hawl masâil e-takfîr

 

[10] Majmû el fatâwa d’ibn Taïmiya (7/647).

 

[11] Voir : usûl wa dhawâbit fî e-takfîr.

 

[12] La vache ; 25

 

[13] La vache ; 62

 

[14] Majmû’ el fatâwa (7/637).

 

[15] Voir : sharh e-Tahâwiya (p. 389).

 

[16] Voir : e-sunna d’el Khallâl (3/600).

 

[17] Dans e-Sharî’a (p. 136).

LE MURJISME (5/8)

 

 

L’importance des actes

 

Ainsi, une foi parfaite au niveau du cœur implique une foi parfaite au niveau des actes extérieurs, contrairement aux murjites, pour qui il est possible d’avoir une foi parfaite dans le cœur sans fournir le moindre acte extérieur. C’est ce qui les pousse à dire qu’aucun péché n’affecte la foi de la même façon qu’aucune bonne action n’est utile au mécréant.

 

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya établit que la foi intérieure implique les actes extérieurs en fonction de son intensité. Avec une foi forte, on fournit plus d’actes, tandis qu’avec une foi faible, on fournit moins d’actes. Cette analyse est extraordinaire. Elle permet de trancher entre les traditionalistes qui imposent une interaction entre la foi et les actes, et les murjites, qui ne l’imposent pas.

 

Quoi que cette règle générale mérite de plus amples explications, alors laissons le soin à ibn Taïmiya lui-même de les donner : « Il devient clair que les bonnes œuvres extérieures ne sont pas le fruit ni les effets de la foi intérieure, si ce n’est que dans la mesure où elle les impose ou les réclame. Dès lors, il y a une interdépendance entre les deux et une relation de cause à effet. Si on fournit moins d’actes extérieurs, c’est en raison d’une foi faible. Il est donc inimaginable qu’en ayant une foi parfaite imposée (kamâl el îmân el wâjib) dans le cœur, on ne fournisse aucun acte extérieur imposé. En fournissant l’un parfaitement (kâmilan) on fournit obligatoirement l’autre parfaitement. De la même façon qu’en fournissant l’un faiblement (naqs), on fournit l’autre faiblement.

Imaginer une fois parfaite (tamm),[1] dans le cœur sans fournir de parole ou d’acte extérieur, c’est comme imaginer une interdépendance parfaite avec l’un des deux éléments manquants, ou une cause parfaite sans effet. »[2]

 

L’interaction entre le cœur et les actes

 

Comme nous l’avons vu, ibn Taïmiya établit qu’il existe une interdépendance entre le cœur et les actes entre le bâtin (intérieur) et le zhâhir (extérieur). Il est impossible que la foi imposée soit parfaite au niveau du cœur sans que cela ne se traduise dans les actes.[3] Il en conclut que le jins el ‘amal, qui fait tant débat, est l’une des implications de la croyance du cœur, indépendamment de savoir si les actes sont considérés comme faisant partie des implications de la foi ou bien s’ils font partie intégrante de la foi.[4]

 

Il explique également que cette interaction va dans les deux sens, soit que les actes sont la preuve de la foi qui se trouve dans le cœur.[5] En sachant que cette règle n’est pas valable dans tous les cas, et que, pour ce qui est, du jugement terrestre, nous devons uniquement nous contenter des apparences, comme s’était le cas pour les hypocrites à l’époque du Prophète (r).[6] Quant au statut de la personne auprès d’Allah, personne ne peut le savoir en dehors de Lui.

 

Or, aux yeux d’bn Taïmiya, celui qui reconnait cette interdépendance et qui conteste ensuite que les actes fassent partie de la foi, en disant qu’ils sont l’implication et la « concrétisation » de ce qu’il y a dans le cœur, avec lui, la divergence porte entièrement sur la forme.[7]

 

Il faut savoir que les murjites prétendent qu’il est possible d’avoir une foi parfaite imposée au niveau du cœur, sans fournir le moindre acte.[8] Et cela, contrairement dans tous les cas à Sheïkh el Albânî, wa bi Allah e-tawfîq !

 

Jins el ‘amal

 

Plusieurs savants établissent qu’à l’unanimité des traditionalistes, sans jisn el ‘amal, on ne peut prétendre à la foi. Nous avons parmi eux :

  • El Humaïdî.[9]

  • E-Shâfi’î.[10]

  • Abû ‘Ubaïd el Qâsim ibn Salâm.[11]

  • El Âjurrî.[12]

  • Ibn Taïmiya.[13]

 

La place des actes du cœur dans la pensée murjîte

 

Ibn Taïmiya explique qu’il existe trois sortes de murjites. Premièrement : Ceux qui disent que la foi s’avère uniquement dans le cœur. Ceux de cette tendance se divisent ensuite en deux catégories.

  • Ceux qui entrent les actes du cœur dans la définition de la foi conformément à la plupart des sectes murjites, comme le relève Abu el Hasan el Ash’arî.

  • Ceux qui n’entrent pas les actes du cœur dans la définition de la foi, comme Jahm et e-Sâlihî. El Ash’arî et la plupart de ses adeptes optent pour cette tendance.

 

Deuxièmement : ceux qui disent que la foi se résume à la parole verbale. Avant el karrâmiya, personne en particulier n’avait avancé cette opinion.

 

Troisièmement : tasdîq el qalb et qawl e-lisân. C’est la tendance notoire des fugaha et des pieux parmi eux.[14]

 

Or, el ‘Anbârî a compris en lisant ce texte que la plupart des murjites voient les actes du cœur, mais en réalité, il s’agissait de la première catégorie d’entre eux. Sinon, pour le reste, dont les murjiya el fugaha, ils n’entrent pas les actes du cœur dans la foi. C’est ce qui a poussé ibn Taïmiya, a les mettre au pied du mur en disant (pour reprendre la traduction d’un internaute) :

 

"S’ils n’incluent pas les actes du cœur dans la définition de la foi, cela implique de rejoindre les propos de Jahm et s’ils les incluent, cela implique qu’ils doivent inclure les actes extérieurs, car ces derniers y sont inhérents."

 

Il parle donc des murjiya el fugaha.

 

Ils rejoignent ainsi Mohammed ibn Kullab, le maitre à penser d’el Ash’arî ; el Ash’arî pour sa part, a en fait deux opinions, une qui rejoint les traditionalistes et l’autre qui rejoint el jahmiya et e-salihiya.

 

Pour les murjiya el fugaha, les actes du cœur n’entrent pas dans la foi

 

Ainsi, pour eux (ibn Kullab et les murjiya el fugaha) la foi c’est le qawl e-lisân et le tasdîq el qalb, ou le tasdîq et l’iqrâr. Certains d’entre eux ajoutent la ma’rifa au tasdîq, comme le souligne ibn ‘Abd el Barr.[15] Ils résument donc la foi dans le qawl ou le mantiq (la parole), soit qawl el qalb et qawl e-lisân.

 

Ainsi, Jahm, e-Sâlihî, et el Ash’arî s’accordent avec les murjiya el fugaha sur le fait que les actes du cœur ne font pas partie de la foi. La différence, c’est que les derniers reconnaissent qawl e-lisân.

 

Ailleurs, ibn Taïmiya explique que ces deux tendances confinent la foi dans le domaine du qawl. Il dit explicitement que la tendance qui adhère à qawl el qalb et qawl e-lisân, c’est la tendance notoire des murjites. Je vous laisse deviner de qui il parle !

Les premiers parlent du qawl el qalb et les deuxièmes du qawl el qalb wa e-lisân. Quand ils s’entendent à sortir les actes de la définition de la foi, ils entendent par là notamment, ‘amal el qalb et ‘amal e-lisân.

 

Ibn Taïmiya nous apprend que Hammad ibn Sulaïmân, le Sheïkh d’Abu Hanîfa est le premier à dire que la foi se résume au qawl, en parlant du qawl e-lisân et du qawl el qalb. Ainsi, de nombreux murjites sortent les actes du cœur de la définition de la foi.[16]

 

Ibn ‘Abd el ‘Izz explique qu’en disant : aimer les Compagnons fait partie de la foi, e-Tahawî se contredit, puisque le hubb est un acte du cœur alors que son Sheïkh Abû Hanîfa n’introduisait pas les actes du cœur dans la définition de la foi. Il existe deux sortes de ‘amal : ‘amal el qalb et ‘amal el jawârih.[17]

 

C’est ce qui pousse les murjites toutes tendances confondues à dire que les actes extérieurs ne font pas partie de la foi, sauf que pour certains, ils en font partie majâzan (de façon métaphorique), et qu’il est possible d’avoir une foi parfaite sans ne fournir aucun acte extérieur.

 

Or, pour être plus complet, il faut savoir que certains chercheurs considèrent que le tasdîq, c’est le ‘amal el qalb et que la ma’rifa, c’est qawl el qalb, en sachant que la limite entre le tasdîq et la ma’rifa est très subtile, c’est pourquoi, beaucoup n’en tiennent pas compte, wa Allah a’lam !

 

Dans certains passages, l’Imam Ahmed semble faire une distinction entre la ma’rifa et le tasdîq. Le premier correspondrait à qawl el qalb et le deuxième à ‘amal el qalb. Abû Thawr semble également utilisé le tasdîq pour désigner à la fois qawl el qalb et ‘amal el qalb. Pour trancher, il est possible de dire, comme l’établit implicitement ibn Taïmiya que le tasdîq implique ou est accompagné ou réclame ce que je j’appelle naw’ min ‘amal el qalb ou certains éléments du ‘amal el qalb comme le hubb, la khashya et le tawakkul. ibn el Qaïyim parle de l’inqiyâd.[18]

 

Mais, en réalité, cela ne reste pas clair. Il faudrait peut-être qu’un chercheur fasse une étude approfondie sur le sujet, si ce n’est déjà fait, et ce qui n’est pas dans mes compétences. Cette zone d’ombre pousse ibn Taïmiya à dire que la différence entre la ma’rifa et le mujarrad e-tasdîq dépourvu de l’inqiyâd et qui touche tous les deux à qawl el qalb est très subtile. La plupart des érudits contestent cette différence, en admettant qu’elle soit juste. Il n’est pas pertinent d’imposer aux hommes une chose qu’il est pratiquement impossible de se représenter. Ainsi, la théorie d’bn Kullâb et de son élève Abu el Hasan el ‘Ash’arî qui repose sur la différence entre les deux notions est complètement erronée. Les adeptes d’el Ash’arî eux-mêmes ne leur concèdent pas, et ne font pas cette différence.

 

Aux yeux d’ibn Taïmiya, il serait extrêmement difficile à l’individu de faire la différence entre son savoir (‘ilm) et son tasdîq dépourvu de l’inqiyâd et des autres ‘amal el qalb.[19] C’est peut-être ce qui explique le passage :

 

"S’ils n’incluent pas les actes du cœur dans la définition de la foi, cela implique de rejoindre les propos de Jahm et s’ils les incluent, cela implique qu’ils doivent inclure les actes extérieurs, car ces derniers y sont inhérents."

 

Dans le sens où entre les deux, leur cœur balance, wa Allah a’lam !

 

À suivre…

Par : Karim Zentici

 

 

[1] Ici, c’est le contexte qui nous fait traduire tamm par « parfaite », même si ailleurs, voire dans ce même passage, il peut avoir également le sens de « valable », wa Allah a’lam !

 

[2] Sharh hadîth Jibrîl (p. 492).

 

[3] Majmû’ el fatâwâ (7/582).

 

[4] Majmû ‘el fatâwâ (7/616 et 631).

 

[5] Sharh el asfahâniya (p. 142).

 

[6] Majmû’ el fatâwâ (7/620-621).

 

[7] Majmû el fatâwa (7/575-576).

 

[8] Majmû el fatâwa (7/621).

 

[9] E-sunna d’el Khallâl (3/586).

 

[10] Voir : majmû’ el fatâwa (7/209)

 

[11] El imân (p. 18-19).

 

[12] E-sharî’a (2/611).

 

[13] Majmû’ el fatâwa (7/187).

 

[14] Majmû’ el fatâwa (7/195).

 

[15] E-tamhîd (9/238).

 

[16] El îmân (p. 281-282).

 

[17] Voir : sharh el ‘aqîda e-tahâwiya.

 

[18] Voir : nawâqidh el îmân el i’tiqâdiya du D. Mohammed el Wuhaïbî (1/38-43).

 

[19] Majmû’ el fatâwa (7/397-400).

LE MURJISME (6/8)

 

 

Mais, nous allons essayer de donner quelques éléments de réponses. Nous avons déjà vu que pour les murjiya el fuqaha, la foi se confine dans le qawl, soit qawl el qalb et qawl e-lisân. Creusons un peu maintenant dans la conception de la foi chez les jahmites, et l’énigme se dissipera un peu plus.

 

Dans Majmû’ el fatâwa, ibn Taïmiya établit que la foi chez les jahmites se résume à mujarrad ma’rifa el qalb. C’est la pire des définitions de la foi. C’est pourquoi, les anciens comme Wakî’ et l’Imam Ahmed ont kaffar les auteurs d’une telle conception.[1]

 

Ailleurs, ibn Taïmiya dit qu’elle se résume, à leurs yeux :

  • au tasdîq qui est la ma’rifa. Celui qui renferme cette croyance, soit le ‘ilm est un croyant parfait, car selon eux, la foi est indivisible, si on enlève une partie, elle s’annule entièrement.

  • Mujarrad tasdîq el qulb wa ‘ilmuhu, cette tendance est celle de Jahm, e-Sâlihî, l’une des tendances d’el Ash’arî, et la plupart des ash’arites.

  • Qawl el qalb (‘ilm).

  • Mujarrad el ‘ilm.

 

Nous avons vu qu’il existe trois sortes de murjites. Premièrement : Ceux qui disent que la foi s’avère uniquement dans le cœur. Ceux de cette tendance se divisent ensuite en deux catégories.

  • Ceux qui entrent les actes du cœur dans la définition de la foi conformément à la plupart des sectes murjites, comme le relève Abu el Hasan el Ash’arî.

  • Ceux qui n’entrent pas les actes du cœur dans la définition de la foi, comme Jahm et e-Sâlihî. El Ash’arî et la plupart de ses adeptes optent pour cette tendance.

 

Deuxièmement : ceux qui disent que la foi se résume à la parole verbale. Avant el karrâmiya, personne en particulier n’avait avancé cette opinion.

 

Troisièmement : tasdîq el qalb et qawl e-lisân. C’est la tendance notoire des fugaha et des pieux parmi eux.[2]

 

Ibn Taïmiya explique que l’opinion de la première tendance implique de fournir pour la plupart d’entre eux certains actes du cœur, sauf chez Jahm et e-Sâlihî. Ces derniers reconnaissent le tasdîq sans ‘amal el qalb.

 

Ainsi, les jahmites se contentent de la ma’rifa sans l’iqrar de la parole (qui est qawl e-zhâhir), qui est pourtant, la condition sine qua none pour espérer être sauvé et gagner le bonheur éternel. C’est ce qui les différencie notamment avec les murjiya el fuqaha, pour qui le qawl e-lisân est indispensable.

 

Or, cela ne veut pas dire que pour eux, les actes ne sont pas obligatoires, mais nous parlerons peut-être de ce dernier point plus tard.

 

Dans une analyse très pointue, ibn Taïmiya explique que les jahmites sont comparables aux philosophes grecs, bien que les jahmites soient plus proches de la vérité dans l’ensemble, car ils imposent les actes d’adoration et sont convaincus qu’ils sont utiles, contrairement aux philosophes et aux soufis ultras.

 

Le point commun entre les philosophes péripatéticiens et les jahmites, c’est qu’ils résument le bonheur dans la connaissance, soit mujarrad el ‘ilm wa e-tasdîq pour les seconds et la connaissance des choses telles qu’elles sont pour les premiers.[3]

 

Nous avons vu aussi que les murjites toutes tendance confondues disent que les actes extérieurs ne font pas partie de la foi, sauf que pour certains, ils en font partie majâzan (de façon métaphorique), et qu’il est possible d’avoir une foi parfaite sans ne fournir aucun acte extérieur.

 

Les ash’arites rejoignent les jahmites sur leur conception de la foi. Pour contrer cette tendance, ibn Taïmiya explique que le ‘ilm et le tasdîq ne sont pas suffisants pour arriver à la foi, sans fournir les actes du cœur.[4]

 

La conception du kufr chez les traditionalistes

 

En fonction des membres avec lequel il se matérialise, le kufr se divise en effet en trois catégories :

 

  1. El kufr el qalbî : qui concerne les éléments de la croyance qui touchent au kufr akbar (comme le reniement, le scepticisme, l’association dans les trois domaines du tawhîd : rububiya, ulûliya, el asmâ wa e-sifât).
     

  2. El kufr el qawlî : qui concerne les paroles et touche aussi bien au kufr akbar qu’au kufr asghar. Il faut savoir ici que les paroles traduisent la croyance. Celui qui apostasie avec la langue apostasie immanquablement avec le cœur, contrairement aux jahmites pour qui les paroles extériorisent la croyance, sans relever du kufr en elles-mêmes ; c’est le dalîl zhâhir. Ainsi, peu importe que celui qui prononce le kufr soit convaincu par ses paroles ou non, étant donné qu’il les a dites en toute âme et conscience (tatâbuq e-zhâhir bi el bâtin). Seul le mukra (qui les prononce sous la contrainte) est excusable.
     

  3. El kufr ‘amalî : qui concerne les actes et qui se subdivise en :

  • Mukhrij min el milla qui correspond aux actes s’opposant littéralement à la foi (blasphémer, se prosterner devant une idole, uriner sur le Coran),

  • Et ghaïri mukhrij min el milla comme le hukm bi ghaïri mâ inzala Allah et târik e-sâlat comme le souligne ibn el Qaïyim.[5]

 

Ainsi, il est plus précis de classer le kufr de cette façon que de le classer en ‘amalî pour parler du kufr asghar et i’tiqâdî pour parler du kufr akbar étant donné que certains actes du domaine du kufr ‘amalî relèvent du kufr akbar.[6]

 

Les branches de la foi

 

Nous avons vu que la foi a une essence (asl) qui se diversifie en diverses branches. Chaque branche (far’) entre sous l’appellation de la foi. Lâ ilâh illâ Allah est la plus haute d’entre elles, et la plus basse consiste à enlever une entrave du chemin. Si certaines d’entre elles ne sont pas fournies, celles-ci annulent la foi à l’unanimité des savants, comme c’est le cas pour la première. En revanche, d’autres ne l’annulent pas à l’unanimité des savants quand elles sont négligées, comme c’est le cas pour la dernière. Or, entre ses deux branches, il en existe de multiples variétés. Les unes rejoignent la première ; elles en sont donc plus proches. Les autres rejoignent la dernière, et en sont donc plus proches.

 

En voulant mettre toutes ces branches sur le même pied d’égalité lorsque celles-ci sont rassemblées, on s’oppose ainsi aux textes et à la voie des anciens et des grandes références de cette communauté.

 

D’autres parts, la mécréance (kufr) se compose également d’une essence et de branches. Ainsi, de la même manière que les branches de la foi entrent dans la foi, nous pouvons en dire autant pour la mécréance. Tous les péchés sont des branches du kufr, comme en parallèle, les bonnes œuvres sont des branches de la foi. Il n’est donc pas pertinent de les mettre sur le même pied d’égalité au niveau des statuts et des noms légitimes qui leur sont accolés.

 

Il y a donc une différence entre délaisser la prière, l’aumône, ou le jeûne, ou commettre l’association, ou encore dénigrer le Coran, et entre commettre un vol, l’adultère, boire de l’alcool, piller, et afficher un certain muwâlât pour les non-musulmans à la façon de Hâtib.

 

Celui qui met sur le même pied d’égalité les différentes branches de la foi au niveau des noms et des lois qui leur correspondent, ou qui fait la même chose avec les branches du kufr, il s’oppose au Coran et à la sunna ; il s’écarte de la voie des anciens, et entre dans l’ensemble des adeptes de l’innovation et des passions.[7]

 

Concernant les péchés et les actes de désobéissance, les anciens distinguent entre ceux qui s’opposent catégoriquement à l’essence de la foi, et les péchés moins graves. Ils distinguent également entre ceux qui le Législateur qualifie de mécréance et les autres.

 

À suivre…

Par : Karim Zentici

 

 

 

[1] Idem. (8/229-230).

 

[2] Majmû’ el fatâwa (7/195).

 

[3] Voir : ârâ el murjiya fî musannafât Sheïkh el Islâm du D. ‘Abd Allah ibn Mohammed e-Sanad.

 

[4] Idem.

 

[5] E-salât wa hukm târikihâ (p. 37).

 

[6] Voir : e-takfîr wa dhawâbituhu de Sheïkh Ibrahim e-Ruhaïlî

 

[7] Voir : usûl wa dhawâbit fî e-takfîr d‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan.

LE MURJISME (7/8)

 

 

Il existe deux sortes de kufr :

 

Le kufr ‘amal (au niveau des actes) et le kufr juhûd wa ‘inâd (au niveau du cœur et de la croyance) qui consiste à renier une chose en sachant pertinemment qu’elle vient du Messager (r) par obstination et dénégation. Cela concerne les Noms du Seigneur, Ses Attributs, Ses Actions, Ses Lois qui ont pour base, Son tawhîd et Son adoration unique sans Lui vouer le moindre associer.

 

Cette forme d’apostasie s’oppose à la foi à tous les niveaux. Concernant le Kufr ‘amal, il y a certains actes qui s’opposent à la foi à tous les niveaux, comme se prosterner devant une idole, dénigrer le Coran, tuer voire offenser un prophète.

 

Quant au hukm bi ghaïr mâ anzala Allah et l’abandon de la prière, ils relèvent du kufr ‘amal non du kufr i’tiqâd.

 

Ces détails sont conformes à l’opinion des Compagnons, qui sont les plus éclairés de la communauté sur le Livre d’Allah, sur l’Islam, la mécréance, et leurs implications. Il n’est donc pas pertinent de se tourner pour ces questions vers quelqu’un d’autre. Les nouvelles générations ont mal appréhendé leur discours, c'est pourquoi elles se sont divisées en deux groupes :

Un groupe qui a sorti de la religion les auteurs des grands péchés, en les condamnant à l’Enfer éternel ; et un groupe qui les a considérés à l’opposée comme des croyants ayant une foi parfaite. Les premiers ont sombré dans le rigorisme et les seconds dans le laxisme. Néanmoins, Allah guida les traditionalistes, qui sont au milieu des tendances musulmanes comme l’Islam est au milieu des autres religions, sur la meilleure voie, qui est la voie du milieu.

 

Ainsi, on parle de kufr dûn kufr (mécréance sans être de la mécréance), de nifâq (hypocrisie) dûn nifâq, de shirk dûn shirk, et de zhulm (injustice) dûn zhulm.

 

Avoir certaines caractéristiques de la foi ne fait pas forcément de l’individu un croyant, de la même façon que d’avoir certaines caractéristiques de la mécréance, ne fait forcément pas de l’individu un mécréant, bien qu’il en porte en lui certains germes. C’est comme le fait d’avoir une certaine science, ou certaines connaissances en médecine, ou en figh cela ne fait pas de l’individu un savant ou un médecin ou un spécialiste en figh. Quant à l’acte de kufr proprement dit (issu de l’une des branches du kufr), il prend le nom de kufr, comme le mentionne le hadîth : « Il y a deux catégories d’individus dans ma communauté qui portent en eux certains germes du kufr : celui qui bafoue la lignée des autres et celui qui gémit à l’occasion d’un décès. »[1]

 

Dans un autre hadîth, il est dit : « Celui qui jure par un autre qu’Allah aura mécru. »[2] Il ne s’agit pas toutefois du kufr de façon absolue.

 

Celui qui pénètre correctement ces notions, comprendra mieux la pensée des anciens, qui se distinguaient par la profondeur de leur savoir et pour avoir le moins d’affectation possible.

 

Satan a tendu deux pièges immenses aux êtres humains, peu lui importe avec lequel il les capture.

Le premier : est l’excès et le rigorisme qui consiste à outrepasser les limites.

Le deuxième : c’est le manque de rigueur, le laxisme et le délaissement.[3]

 

Ainsi, la foi au niveau des actes s’oppose à la mécréance au niveau des actes et la foi au niveau de la croyance s’oppose à la mécréance au niveau de la croyance.[4]

 

La conception du kufr chez les murjites

 

1- Les murjiya el fuqahâ

 

Selon eux, il suffit d’adhérer (iltizâm) aux obligatoires sans nécessairement les faire. Ils confinent la foi dans le tasdîq et l’iltizâm. Sans cette iltizâm, on n’est ni croyant ni musulman. C'est pourquoi ils s’entendent à dire avec les traditionalistes qu’Iblîs et Pharaon sont des kuffârs, bien qu’ils fournissent le tasdîq.

 

Malgré qu’ils soient murjites, ils kaffar plusieurs sortes de paroles, sous prétexte que c’est un manque de considération (istkhfâf) et ils rendent murddad (apostat) tout coupable. Ils s’accordent également à dire avec les traditionalistes que le coupable de blasphème est un kâfir zhâhiran wa bâtinan (au niveau du cœur et des actes), contrairement aux jahmites, comme nous allons le voir.

 

La raison, c’est qu’à leur yeux, le blasphème n’est pas lié au tasdîq/takdhîb, mais il touche aux actes du cœur (le hubb, le ta’zhîm, la muwâlât, le bu’dh, la mu’âdât, et el istkhfâf). Ce constat en dit long, notamment sur la définition de la foi chez les murjiya el fuqahâ, qu’ils confinent, selon ibn Taïmiya, à la parole du cœur (qawl el qalb) et la parole extérieure (qawl e-lisân).

 

En fait, s’ils établissent que le blasphème est du kufr zhâhiran wa bâtinan, ils ne s’appuient pas sur le même résonnement que les traditionalistes. Ils disent en effet que le blasphème (sabb, shatm) est la preuve (dalîl) que le coupable n’est pas convaincu que son acte est interdit. Le kufr revient donc pour eux à l’istihlâl. Comme nous l’avons expliqué dans un autre article, ibn Taïmiya affirme que le blasphème entre dans les annulations de l’Islam. Celui-ci implique la mécréance zhâhiran wa bâtinan, peu importe que le fautif en face l’istihlâl ou non, ou qu’il soit convaincu que cela soit interdit ou non.[5]

 

L’erreur des murjiya el fuqahâ, c’est qu’ils confinent la foi dans le tasdîq. Ils pensent que le blasphème n’annule pas ce tasdîq de la même manière que l’iltizâm ne s’oppose pas à la désobéissance du Prophète (r). On peut dénigrer celui qu’on aime, comme on peut désobéir à celui à qui on doit obéissance ; et on peut commettre une interdiction en étant convaincu qu’elle est interdite.

 

Puis, comme ils ont constaté que le blasphème faisait sortir de la religion à l’unanimité des traditionalistes, ils ont cherché une fausse raison pour le justifier. Le kufr viendrait donc du takdhîb (qawl el qalb) non du dénigrement (‘amal el qalb). Simplement, le dénigrement serait la preuve de ce takdhîb.

 

Ainsi, ils émettent l’hypothèse que le coupable peut rester en même temps croyant, même si on doit le juger sur les apparences, soit sur son apostasie apparente.

 

Cette tendance est celle de ceux qui disent que la foi se confine dans l’i’tiqâd (croyance) et le qawl (la parole), qui est encore différente des ultras qui confinent la foi dans la parole (les karrâmiya).

 

Elle est encore différente des jahmites qui reconnaissent uniquement la ma’rifa et le tasdîq sans fournir la parole (qawl e-lisân). Pour ces derniers, le coupable peut dire une chose avec sa langue sans le penser avec son cœur. Il peut encenser le Prophète (r) au fond de lui, tout en montrant le contraire dans ses paroles. Ils le comparent à l’hypocrite, qui, à l’inverse, dit des choses avec la langue s’opposant à sa croyance.

 

Il est à constater enfin que les murjiya el fuqahâ condamnent l’irjâ. Cependant, il serait bien de savoir à qui font-ils allusion. Sheïkh el islam y répond en soulignant que, pour eux, les murjites sont ceux qui n’imposent pas de faire les obligations et de s’éloigner des interdictions.[6] Mieux, il explique que la tendance disant que délaisser les actes (tark el ‘amal) ne porte pas préjudice à la foi relève explicitement du kufr. Néanmoins, à sa connaissance, cette parole n’est affiliée à personne en particulier. Il est possible qu’elle provienne des ultras.[7]

 

2- Les jahmites

 

Pour finir, il serait intéressant de plus se pencher sur la conception du kufr chez les jahmites. À leurs yeux, en effet, le kufr se vérifie (en espérant qu’ici « vérifier » ne porte pas à confusion) au niveau du tasdîq. En d’autres termes, le kufr a lieu quand il n’y a plus aucun tasdîq dans le cœur, sans regarder les actions les plus affreuses qu’on peut commettre.

 

Ainsi, pour eux, en ayant le savoir (‘ilm), on obtient une foi parfaite et on devient un parfait croyant. On a la même foi que l’ange Jibrîl et les prophètes. Sans prononcer la shahâda, on devient un kâfir zhâhiran (en apparence) mais pas bâtinan (intérieurement). Cette tendance est celle de la plupart des ash’arites, de certains hanafites et des maturidites des générations plus récentes. La foi serait indivisible, soit elle part ou est absente entièrement, soit elle est présente entièrement. Il serait donc possible, à leurs yeux, d’être un parfait croyant tout en insultant délibérément Dieu et Son Prophète et en faisant tous les actes de kufr possible.

 

Ils disent que les paroles extérieures rendent leur auteur kâfir uniquement dans la mesure où son tasdîq disparait. Ses paroles impliquent qu’il n’y a plus de tasdîq. Si, en regard de son statut terrestre, on considère que c’est un mécréant, c’est parce que ses paroles sont la preuve, l’indice de son kufr. Mais Il peut au même moment avoir une conviction différente dans son bâtin.

 

Quand on leur amène les preuves que leur tendance va à l’encontre des textes et du consensus, et que le coupable est kâfir zhâhiran wa bâtinan ; ils disent qu’en réalité il perd son tasdîq et son ‘ilm. Pour eux, le kufr se résume à une seule chose, qui est l’ignorance (jahl) ou takdhîb el qalb. La foi se confinerait au (‘ilm) ou au tasdîq. C'est pourquoi ils ramènent les autres annulations émanant du cœur (shakk, istikbâr, i’radh, etc.) au takdhîb el qalb. Ils disent la même chose pour Pharaon et Iblîs.

 

Pour eux, on peut insulter Allah et rester croyant, tant qu’on garde le tasdîq, même si aux yeux des autres on devient mécréant.[8] Wa Allah a’lam !

 

Malheureusement de grandes sommités hanbalites, à l’image du Qâdhî Abû A’lâ, influencé par les néo-mutakallimîn, reprennent l’argument de l’istihlâl pour les cas de blasphème, à la manière du jahmisme primitif. Ce même Abû A’lâ a un autre discours dans lequel il rejoint les traditionalistes,[9] wa Allah el musta’ân !

 

À suivre…

Par : Karim Zentici

 

 

 

[1] Rapporté par Muslim, selon Abû Huraïra.

 

[2] Rapporté par ibn Hibbân, e-Tirmidhî, et Abû Dâwûd.

 

[3] Voir : usûl wa dhawâbit fî e-takfîr d‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan.

 

[4] Idem.

 

[5] Voir : e-sârim el maslûl (p. 324, 451-454, 562, mais aussi p. 495).

 

[6] Majmû’ el fatâwâ (13/41).

 

[7] Idem. (7/181).

 

[8] Voir : ârâ el murjiya fî musannafât Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya du D. ‘Abd Allah e-Sanad.

 

[9] Voir : e-sâlim el maslûl (1/516).

LE MURJISME (8/8)

 

 

Le kufr extérieur est l’indice du kufr intérieur

 

Pour bien comprendre cette règle, il incombe de distinguer entre deux tendances :

 

Premièrement : les murjites pour qui le kufr ne se vérifie pas au niveau des paroles et des actes, mais ceux-ci sont la preuve du kufr.

 

Deuxièmement : certains traditionalistes pour qui le kufr a lieu au niveau des paroles et des actes, mais en même temps, il est l’indice du kufr i’tiqâdî (intérieur). Cette opinion est correcte en regard de l’interaction entre la foi et les actes, comme nous l’avons vu.

 

Dans son fameux ouvrage e-sârim el maslûl, ibn Taïmiya considère que le kufr intérieur est la preuve (dalîl) du kufr extérieur. Qu’on en juge : « La foi et l’hypocrisie puisent leur essence dans le cœur. Ce qui apparait dans les paroles et les actes ne sont que la conséquence (far’) et la preuve (dalîl) de ce qu’il y a dans le cœur. Ce qui permet de juger une personne, c’est qu’elle exprime extérieurement ce qu’elle a dans le cœur.

 

Allah (I) nous informe que les hypocrites prennent en dérision et portent atteinte à la personne du Prophète (r). C’est la preuve de leur hypocrisie et sa conséquence. Il va sans dire qu’une conséquence et qu’une preuve témoigne de la présence d’une essence (ou d’une origine ndt.). Ces éléments extérieurs confirment l’état d’hypocrisie chez une personne ; peu importe qu’elle le soit avant d’avoir prononcé sa parole, ou tout simplement en l’ayant prononcé. »[1]

 

Ainsi, les actes extérieurs sont la preuve des sentiments, et les mauvais sentiments s’extériorisent obligatoirement. On ne peut dénigrer avec le cœur et dans les paroles une personne qu’on encense et à qui on doit obéissance. Ces deux sentiments sont incompatibles et opposés. Quand l’un se manifeste dans le cœur, c’est en raison de l’absence de l’autre. Dénigrer le Prophète (r) s’oppose littéralement à la foi.[2] Qui peut oser dire qu’ibn Taïmiya rejoint les murjites ? C’est ce qui nous pousse à parler du kufr el i’tiqâdî.

 

Le kufr el i’tiqâdî

 

Dans l’un de ses ouvrages, Sheïkh Sa’dî affirme : « En un mot, en démentant (takdhîb) Allah ou en démentant Son Messager dans les enseignements qu’il rapporte, on devient mécréant ; ou bien, en n’adhérant pas (lam yaltazim) aux commandements d’Allah et de Son Messager. Toutes ces choses s’opposent à la foi conformément au Coran et à la sunna. Tous les discours des légistes expliquant en détail les formes d’annulations reconnues de l’Islam reviennent à cette cause. »[3] La cause en question, c’est le takdhîb ou ‘adam el iltizâm. Ainsi, l’ambiguïté que peuvent susciter ces paroles se dissipe, car il veut dire que l’origine du kufr a lieu soit au niveau du qawl el qalb soit au niveau du ‘amal el qalb.

 

Sheïkh Hâfizh el Hakamî explique dans ce registre : « Si on nous demande : se prosterner devant une idole, dénigrer le Coran, insulter le Messager (r), se moquer de la religion, etc. relèvent du kufr ‘amalî (mécréance des actes), et pourtant ils font sortir de la religion, alors que vous avez défini le kufr ‘amalî par la mécréance mineure. » Puis, il enchaîne : « Sache que ces quatre annulations de l’Islam et autres relèvent du kufr ‘amalî uniquement dans le sens où elles proviennent des membres ; c’est ce qui apparait aux gens. Cependant, elles ne peuvent provenir sans perdre les actes du cœur (‘amal el qalb), comme l’intention, la sincérité exclusive, la soumission. Il ne reste plus rien de ces sentiments. Ainsi, bien qu’elles proviennent des actes en apparence, elles impliquent obligatoirement le kufr i’tiqâdî (la mécréance du cœur). Elles ne peuvent provenir que d’un hypocrite, renégat, obstiné et tyran. »[4] Il rejoint exactement le discours d’ibn Taïmiya cité précédemment.

 

Sheïkh Hâfizh el Hakamî explique qu’en fait, le kufr extérieur implique le kufr intérieur, et c’est dans ce sens qu’il utilise le terme kufr i’tiqâdî, non qu’à ses yeux, il n’y a pas de kufr ‘amalî mukhlij min el milla…

 

Ce qui a échappé à Dawsarî et à d’autres, c’est que certes le kufr akbar provient du cœur, de la parole, et des actes, mais les savants utilisent cette classification ou certaines de ses parties, pour désigner soit le kufr akbar soit le kufr asghar, en regard de différentes considérations. Certains d’entre eux en effet se permettent des dépassements dans le choix du vocabulaire, et utilisent un terme dans un autre sens que son sens premier ou son sens technique. Ils sont motivés par de multiples raisons qu’il serait trop long d’expliquer. L’essentiel est de savoir que selon l’usage courant, le kufr akbar désigne le kufr i’tiqadî et que le kufr asghar désigne le kufr ‘amalî. C’est donc, par condescendance. Quant au kufr el qawlî, il entre parfois dans le kufr akbar et parfois dans le kufr asghar.[5] Wa Allah a’lam !

 

Or, comme nous l’avons vu, il est plus précis de classer le kufr en mukhrij min el milla et ghaïri mukhrij min el milla que de le classer en ‘amalî pour parler du kufr asghar et i’tiqâdî pour parler du kufr akbar étant donné que certains actes du domaine du kufr ‘amalî relèvent du kufr akbar.[6] Wa bi Allah e-tawfiq !

 

Les points communs entre les traditionalistes et les murjiya el fuqaha

 

  1. Les actes sont obligatoires ; celui qui les délaisse (tark) et celui qui commet les interdits est condamnable et mérite le châtiment.

  2. La parole verbale est primordiale dans la foi, celui qui ne la prononce pas tout en étant capable de le faire est un kâfir.

  3. Iblîs et Pharaon sont des mécréants, bien que leur cœur renferme le tasdîq ; celui qui insulte Allah (I) et le Messager (r) est un kâfir zhâhiran wa bâtinan (intérieurement et extérieurement).

  4. Les auteurs des grands péchés sont condamnables et méritent le châtiment. Certains d’entre eux n’entreront pas en Enfer, et les autres, malgré qu’ils y entreront, ils en sortiront grâce à l’intercession (shafâ’a).

 

Les points différents entre les traditionalistes et les murjiya el fuqaha

 

  1. Ils pensent que la foi est une seule unité indivisible qui n’admet aucune subdivision, et qu’il n’existe aucune hiérarchie entre ses adeptes.

  2. Ils confinent la foi dans tasdîq el qalb et qawl e-lisân.

  3. Ils sortent les actes du cœur de la définition de la foi.

  4. Ils sortent les actes extérieurs de la définition de la foi.

  5. Pour eux, la foi ne peut monter ni descendre.

  6. Ils interdisent de dire je suis croyant in shâ Allah (el istithnâ).

  7. L’auteur d’un grand péché est un croyant ayant une foi parfaite.

  8. Ils pensent que les murjites sont ceux qui n’imposent pas de faire les obligations ni de s’éloigner des interdictions.

 

Ainsi, il devient plus facile de percevoir où règne la différence entre les traditionalistes et les murjiya el fugaha. Quand les savants disent que les divergences sont plus sur la forme que sur le fond, ils font allusion aux quatre points cités plus haut. Nous pouvons ajouter ici, que la divergence est aussi exclusivement formelle dans la situation où la personne reconnait que la foi qui se trouve dans le cœur réclame de s’exprimer extérieurement par la parole et les actes ; et qu’ensuite, elle conteste que les actes fassent partie intégrante de la foi, en disant qu’ils sont l’implication et la « concrétisation » de ce qu’il y a dans le cœur ; avec elle, la divergence porte entièrement sur la forme.[7]

 

Le problème, c’est de dire qu’il est possible d’avoir la foi réclamée dans le cœur (el imân el wâjib) sans effectuer la moindre obligation extérieure. C’est exactement la tendance des murjites que les anciens ont condamnée avec force.

 

Wa Allah a’lam !

 

Allah est Celui à qui nous demandons notre aide et sur qui nous reposons notre confiance ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Maître Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

[1] E-sârim el maslûl (p. 35)

 

[2] E-sârim el maslûl (p. 521-523, et 527).

 

[3] El irshâd ilâ ma’rifa el ahkâm (p. 210).

 

[4] 200 suâl wa jawâb fî el ‘aqîda (p. 99).

 

[5] Voir : e-takfîr wa dhawâbituhu (p. 110)

 

[6] Voir : e-takfîr wa dhawâbituhu de Sheïkh Ibrahim e-Ruhaïlî

 

[7] Majmû el fatâwa (7/575-576).

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