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Une même parole utilisée par deux individus différents peut vouloir dire chez l’un la plus grande des vérités, et chez l’autre, le plus grand des mensonges.[Madârij e-sâlikîn d’ibn el Qaïyim (3/521).]

 

Voir notamment : el ibâna de Mohammed el Imâm, et qui fut préfacé par cinqsheïkh du Yémen, et lu et révisé par Sheïkh Rabî’.

 

Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

Introduction 

 

Les jugements des grandes références sur les narrateurs sont fondés sur la forte probabilité (ghalabat e-zhan) qui est un paramètre reconnu par le Législateur. Quand unImâmdit qu’un tel s’est trompé, cela ne veut pas forcément dire qu’il a raison au même moment. Néanmoins, nous nous appuyons sur son hypothèse dans la mesure où elle est la plus vraisemblable.[1] Ainsi, le risque d’erreur, aussi minime soit-il, est tout à fait concevable !

 

C’est la raison pour laquelle, la critique des rapporteurs est sujette à la divergence, comme n’importe quelle autre discipline. Prenons l’exemple de l’initiateur de la spécialité, Shu’ba ibn el Hajjâj. Celui-ci délaissa les narrations d’Abû e-Zubaïr el Makkî, ‘Abd el Mâlik ibn Abî Sulaïmân, Hakîm ibn Jubaïr, jugés faibles à ses yeux. Pourtant, ce même Shu’ba compte dans sa panoplie de narrateurs des noms beaucoup moins illustres que ces derniers (Jâbir el Ju’fî, Ibrahim ibn Muslim el Hajarî, Mohammed ibn ‘Ubaïd Allah el ‘Arzamî, etc.). C’était tellement gros qu’on lui fit la remarque : « Tu délaisses ‘Abd el Mâlik ibn Abî Sulaïmân et tu prends Mohammed ibn ‘Ubaïd Allah el ‘Arzamî ?

-           Oui, confirma-t-il sûr de lui ! »

 

Il avait ses raisons. Plus d’un grand spécialiste ne lui concédait pas son jugement. ‘Atâ et Ayyûb e-Sikhtiyânî, pour ne citer qu’eux, rendaient crédible Abû e-Zubaïr. Sufiân e-Thawrî crédibilisait ‘Abd el Mâlik ibn Abî Sulaïmân, et Yahyâ ibn Sa’îd ne voyait pas d’inconvénient à relater les narrations de Hakîm ibn Jubaïr, selon les propres allégations de son élève Alî ibn el Madînî.[2]  Un même grand critiqueur, à l’instar de Yahyâ ibn Ma’în, pouvait avoir plusieurs avis, sur un même rapporteur.

 

C’est ce qui pousse à conclure de grands spécialistes, comme Dhahabî, que la divergence dans le domaine de la critique des narrateurs est comparable aux efforts d’interprétation (ijtihâd) dans le fiqh recensant plusieurs opinions pour une même question.[3] El Mundhirî en explique la raison. Selon lui, un juge va juger de la pertinence d’une accusation soulevée devant lui. C’est un ijtihâd. De la même manière, un traditionniste va juger de la pertinence de la critique de tel et tel rapporteur. C’est également un ijtihâd.[4]

 

Mieux, les conséquences des décisions des critiqueurs sont plus graves que celles des juges, car en parlant sur un savant, cela implique de délaisser ses connaissances ![5]Il va sans dire qu’un savant est récompensé pour son effort d’interprétation, même en cas d’erreur. Il serait impossible ou presque, pour reprendre les termes d’ibn Taïmiya, d’avoir raison dans toutes ses appréciations.[6]

 

La critique détaillée prévaut sur la critique non détaillée

 

Lorsque, pour un même rapporteur, s’oppose une critique positive et négative, il incombe de revenir à celle qui est détaillée.[7] Cependant, contrairement aux idées reçues, il ne suffit pas qu’une critique négative soit détaillée pour régler la question, mais, en plus de cela, celle-ci doit être acceptable.

 

Prenons l’exemple du grand Shu’ba, qui, de par son érudition, fit dire à Abû Hâtim, qu’il donnait l’impression d’avoir été créé pour la critique du hadîth.[8] Yahyâ ibn Sa’îd el Qattân considérait que sa connaissance sur les narrateurs était inégalable.[9]Pourtant, les spécialistes lui refusèrent plusieurs de ses critiques négatives détaillées. Il critiquait, notamment, Nâjiya, pour l’avoir vu joué aux échecs,[10] et el Minhâl ibn ‘Amr, pour avoir entendu des bruits de tambours en direction de sa maison.[11]

Des fois, les différences de tendances poussent à dire du mal ou à être exigeant avec un tel qui est de l’autre côté de la barrière, et du bien ou être beaucoup plus complaisant avec un autre qui est du notre côté. Une critique non détaillée reste aléatoire.[12] Les grands spécialistes réclament, en cas d’opposition, que la critique, qu’elle soit positive ou négative, soit détaillée, pour éloigner tout risque d’erreur.[13]

 

On voit toujours la paille dans l’œil de son frère, mais jamais la poutre qui est dans le sien

 

Ibn Hibbân a dit : « Il incombe à l’homme sensé de rester sain, et de, au lieu d’espionner chez les défauts des gens, essayer d’arranger les siens. En se préoccupant de ses défauts, on en oublie ceux des autres. C’est plus reposant pour le corps et moins fatigant pour le cœur. À chaque fois qu’on se découvre un défaut, on est moins exigeant avec son frère qui est éprouvé par le même. Mais, quand on s’occupe des défauts des autres, en oubliant les siens, le cœur s’aveugle et le corps se fatigue, en même temps qu’il devient extrêmement difficile de corriger les siens. Le plus défaitiste des hommes est celui qui critique les défauts des autres, mais, plus défaitiste encore, est celui qui reproche aux autres ce qu’il a en lui. Qui critique sera critiqué ! »[14]

 

Bakr ibn ‘Abd Allah el Muzanî : « Si vous voyez un homme se sentir investi de chercher les défauts des autres, tout en oubliant les siens, alors sachez qu’Allah est en train de ruser avec lui. »[15]

 

Selon Sufiân ibn Husaïn, un jour, j’étais chez Iyâs ibn Mu’âwiya. Il y avait un autre homme dont je craignais qu’il parle sur moi après mon départ. Je préférai rester jusqu’à ce qu’il quitte les lieux en premier. Une fois qu’il était dehors, je me tournais vers Iyâs pour lui souffler ce que je pensais sur lui. Ce dernier me fixa droit dans les yeux et me laissa finir ce que j’avais à dire. Puis, il me lança au visage : « Étais-tu à la conquête deDaïlam ?

-          Non, répondis-je abasourdi !

-          Et à celle du Sind ?

-          Non !

-          As-tu déjà fait la guerre aux Romains ?

-          Non !

-          Ha, alors, tu as épargné Daïlam, le Sind,l’Inde et les Romains, et tu n’épargnes ton frère ! »[16]   

 

C’est pourquoi, la science du jarh wa ta’dîl, réclame une grande érudition et un scrupule religieux contre tout épreuve.[17] Certains hommes de haute moralité s’abstiennent facilement de sombrer dans la débauche (adultère, boisson enivrante, vol, etc.), mais ils sont incapables, paradoxalement, de retenir leur langue, et parlent sur tout le monde sans n’épargner les morts.[18] Pourtant, comme le souligne ibn Daqîq el ‘Îd, l’honneur des musulmans est précieux ; deux catégories d’individus qui y sont confrontés, jouent, en permanence, avec le feu : les traditionnistes et les gouverneurs.[19]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

[1] Fath el Bârî d’ibn Hajar (1/756).

 

[2] El ‘ilâl d’e-Tirmidhî (2/709-710).

 

[3]Voir : Dhikr man yu’tamad qawluhu fî e-jarh wa e-ta’dîl (p. 72) ; voir également (p. 30).

 

[4] Tahrîr ‘ulûm el hadîth (p. 515).

 

[5]Voir : e-tankîl d’el Mu’allimî (1/53-54).

 

[6] Majmû’ el fatâwâ (20/252).

 

[7]Voir : e-tankîl d’el Mu’allimî (1/61).

 

[8] Muqaddima el jarh wa e-ta’dîl d’ibn Abî Hâtim (p. 129).

 

[9] Muqaddima el jarh wa e-ta’dîl d’ibn Abî Hâtim (p. 127).

 

[10] El kifâya d’el Khatîb el Baghdâdî (n° 286).

 

[11] El kifâya d’el Khatîb el Baghdâdî (n° 287).

 

[12] Irshâd el fuhûl de Shawkânî (1/332).

 

[13]Voir : e-tankîl d’el Mu’allimî (1/73).

 

[14] Rawdhat el ‘uqalâ wa nazhat el fudhalâ (p. 125).

 

[15] Safwat e-safwa (3/246).

 

[16] El jâmi’ li shu’ab el îmân d’el Baïhaqî (10/246).

 

[17]Voir : El mawqizha (p. 320) et mîzân el i’tidâl (3/46) d’e-Dhahabî 

 

[18] E-dâ wa e-dawâ d’ibn el Qaïyim (p. 183).

 

[19] El iqtirâh fî bayân el istilâh d’ibn Daqîq el ‘Îd (p. 30).

LE JARH WA TA’DÎL À LA LOUPE (1/5)

LE JARH WA TA’DÎL À LA LOUPE (2/5)

 ‘Ubaïd Allah ibn el Hasan : « Je préfère être un simple suiveur dans la vérité qu’une tête de file dans l’égarement. » [Tahdhîb el kamâl (29/107).]

 

Voir notamment : el ibâna de Mohammed el Imâm, et qui fut préfacé par cinqsheïkh du Yémen, et lu et révisé par Sheïkh Rabî’.

 

L’opinion de la grande majorité des spécialistes passe avant celle d’un savant isolé, sauf s’il détient en main une preuve imparable

 

L’Imâm Dhahabî fait remarquer à l’occasion de la biographie de Qaïs ibn Abî Hâzim, juste après avoir recensé les critiqueurs qui avaient parlé sur lui : « …Les savants s’entendent à l’unanimité à prendre sa narration, et celui qui parle sur lui ne se fait du mal qu’à lui-même. »[1]

 

Le même Dhahabî nous offre le mode d’emploi sur les critiques du grand Yahyâ ibn Ma’în : « Nous adoptons toujours son opinion dans la critique ; opinion que nous faisons passer devant celle de nombreux érudits, à condition, toutefois, qu’il n’aille pas, dans ses efforts d’interprétation, à l’encontre de la majorité. S’il est le seul à rendre crédible un narrateur que la majorité remet en question, ou de rendre faible un narrateur dont la majorité accepte la narration, nous nous remettons au jugement des grandes références, sans tenir compte d’une opinion isolée. »[2]

 

Ce dernier renchérit à propos d’el Wâqidî : « De la même manière que nous ne faisons pas attention à l’opinion de ceux, comme Yazîd, Abû ‘Ubaïd, e-Sâghânî, el Harbî, et Ma’in (dix traditionnistes en tout) qui le crédibilisent. Aujourd’hui, en effet, un consensus s’est dégagé pour dire qu’il n’est pas une référence, et que ses hadîth sont à mettre au compte des médiocres. »[3]

 

Continuons avec notre spécialiste qui ramène une règle extraordinaire disant, en substance, que les querelles entre grandes références ne sont pas prises compte en matière de critique, surtout s’il s’agit d’un narrateur rendu objectivement crédible par un grand nombre.[4] Notre grand chroniqueur reproche également à Shu’ba de dénigrer Hishâm ibn Hassân et Khâlid el Hadhdhâ, deux narrateurs crédibles. Tout le monde peut se tromper dans ses ijtihâd, même le grand Shu’ba.[5]

 

À propos d’Abd e-Rahmân ibn Shuraïh el Masrî, il affirme : « Crédible, sa narration est acceptée à l’unanimité. Seul ibn Sa’d prétend qu’elle est contestable. »[6]

 

Ce même ibn Sa’d contestait les compétences de Mohammed ibn Ismâ’îl ibn Abî Fudaïk el Madînî. Ibn Hajar lui conteste ce jugement que ne lui accordent pas les grandes références en la matière.[7] El ‘Asqalânî ne cautionne pas non plus à Nasâî sa critique sur Habîb el Mu’allim, et qui va à l’encontre du consensus.[8] Kulaïb ibn Wâil el Bakrî était crédible aux yeux de tous les savants, sauf Abû Zur’a dont la critique, non consistante, ne faisait pas le poids.[9] El Fadhl ibn ‘Anbasa était tout autant crédible, n’en déplaise à ibn Qâni’, non plus convainquant.[10]

 

Ahmed ibn Sâlih a dit : « On ne délaisse pas le hadîth d’un narrateur, sauf si les critiqueurs sont unanimes dessus. Il est possible de dire qu’il est faible, mais de là à prétendre qu’on ne prend pas de lui, il faut attendre pour cela que tout le monde s’entende sur la chose. »[11]

 

Dhahâbî enfin : « Nous ne disons pas que les spécialistes en critique de rapporteurs étaient infaillibles. Néanmoins, ils ont plus souvent raison que quiconque, beaucoup moins enclins à l’erreur, beaucoup plus impartiaux, et scrupuleux. S’ils sont unanimes à critiquer en mal un rapporteur, alors accroche-toi à leur jugement sans te tourner vers rien d’autre au risque de le regretter. Et, ne fais pas attention à celui d’entre eux qui se distingue de l’opinion générale… »[12]

 

Peut-on se fier à l’opinion d’un seul critiqueur ?

 

Ibn ‘Abd el Barr établit dans son fameux tamhîd que l’information d’une seule personne est acceptable à l’unanimité des savants.[13] Or, le problème est de savoir si cette règle englobe également le domaine de la critique des rapporteurs. Non, crient la plupart des spécialistes, qui imposent, pour se justifier, deux critiqueurs minimum. Un « non » que les grands spécialistes, à l’image de Nawawî, contestent avec force.[14] Ibn Kathîr est de ce camp-là,[15] tout comme ibn e-Salâh, pour qui un seul témoignage suffit pour valider la crédibilité d’un rapporteur au même titre que l’information en règle générale, comme nous l’avons vu plus haut.

 

C’est l’un des points de différence entre la narration et le témoignage qui réclame de recouper l’information devant un juge (deux témoignages au minimum). Le critiqueur joue, en effet, le rôle de juge, non de témoin.[16] Même son de cloche pour ibn Hajar.[17] Celui-ci, néanmoins, précise que seul le critiqueur expérimenté est à même de juger qu’un tel est crédible ou non, pour éviter d’ouvrir la porte à n’importe qui.[18] 

 

Il est possible qu’un rapporteur soit critiqué en mal par un ou deux spécialistes, et au même moment, qu’il soit critiqué en bien par un nombre équivalent de critiqueurs. Dans ce cas, à l’unanimité des savants, il incombe de faire passer avant la critique négative (à condition qu’elle soit détaillée). La raison, c’est que la critique négative apporte une information supplémentaire, à laquelle, en général, tout le monde n’a pas accès (et qui est souvent le fruit d’une enquête poussée), y compris l’auteur de la critique positive.[19]

 

Il est possible, toutefois, d’accepter une critique négative non détaillée (jarhmubham), à condition qu’il n’existe aucune critique positive sur laquelle on peut se reposer. La raison, comme le souligne ibn Hajar, c’est que déjà, le rapporteur est anonyme, et qu’en plus, il ne serait pas pertinent de faire abstraction dans notre enquête de l’avis d’un spécialiste en la matière.[20]

 

Les grandes références peuvent diverger sur un cas à la manière des spécialistes en fiqh ; dans ce cas, chacun y va de son ijtihâd pour trancher entre eux, à condition que la divergence soit acceptable

 

Quand ibn el Mubârak, Yahyâ ibn Sa’îd et Sufiân ibn ‘Uaïyna divergeaient sur un cas, Abû Hâtim optait pour l’avis de Yahyâ ibn Sa’îd.[21]

 

‘Alî el Madînî qui était l’élève d’Abd e-Rahmân ibn mahdî y va de son ijtihâd : « Si Yahyâ ibn Sa’îd [el Qattân] et Abd e-Rahmân ibn Mahdî s’accordent à délaisser un rapporteur, je ne prends pas sa narration, mais dès qu’ils divergent, je me tourne vers l’avis du second, car il était le plus modéré des deux. Yahyâ était un peu dur. »[22]

 

Sakhâwî voyait que pour le peu de cas sur lesquels divergeaient ces deux grandsImâms, le critiqueur devait remuer ses méninges (ijtihâd) en vue de trancher entre eux.[23]

 

Dhâhabî également, est l’auteur des paroles : « L’opinion d’Abû Zur’a en matière de critique me plait beaucoup. Elle dégage un grand scrupule religieux et une grande expérience, à l’inverse de son ami, Abû Hâtim, qui dénigrait à outrance. »[24]

 

Les différences d’opinion sur un cas particulier ne justifient pas la division et encore moins d’imposer la sienne aux autres 

 

D’après el Jawzujânî, j’ai entendu dire Ahmed ibn Hanbal : « Il n’est pas permis, pour moi, de rapporter la narration de Mûsâ ibn ‘Ubaïda.

-           Abû ‘Abd Allah, il n’est carrément pas permis, m’exclamai-je ?

-          J’ai dit pour moi. »

Sufiân rapportait la narration de Mûsâ ibn ‘Ubaïda, et même Shu’ba. C’est ce qui fit dire à Abû ‘Abd el ‘Azîz e-Rabdhî (qui lui-même est jugé faible par la plupart des spécialistes) : « Si Shu’ba avait découvert la même chose que les autres, il n’aurait jamais rapporté sa narration. »[25]

 

Yahyâ ibn Sa’îd s’acharnait sur e-Rabî’ ibn ‘Abd Allah ibn Khattâb, et se justifiait en disant : « Je le connais mieux que personne. Je suis d’ailleurs surpris qu’Abd e-Rahmân ibn mahdî ne dise pas un mot sur lui. » Pour Abd e-Rahmân ibn Mahdî, en effet, il était crédible dans ses narrations.[26]

 

Abd e-Rahmân ibn Mahdî : «Yahyâ ibn Sa’îd n’a pas été juste avec Hammâm ibn Yahyâ, car il ne sait rien sur lui et ne s’est jamais assis avec lui. »[27]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

 

[1] mîzân el i’tidâl d’e-Dhahabî (3/393).

 

[2] E-ruwât e-thiqât el mutakallimu fîhim (p. 29-30).

 

[3] Siar a’lâm e-nubalâ (9/469).

 

[4] Siar a’lâm e-nubalâ (7/40-41).

 

[5] mîzân el i’tidâl d’e-Dhahabî (4/296).

 

[6] mîzân el i’tidâl d’e-Dhahabî (4/289).

 

[7] Hadî e-sârî (p. 437).

 

[8] Hadî e-sârî (p. 461).

 

[9] Fath el Bârî d’ibn Hajar (6/528).

 

[10] Taqrîb e-ta-dhîb d’ibn Hajar.

 

[11] Rapporté par el Fasawî dans el ma’rifa wa e-târikh (2/191), et el Khatîb dans el kifâya (1/341-342).

 

[12] Siar a’lâm e-nubalâ (11/82).

 

[13] E-tamhîd (1/2).

 

[14] Irshâd tullâb el haqâiq (p. 111).

 

[15] Ikhtisâr ‘ulûm el hadîth.

 

[16] Tahrîr qawâ’id e-jarh wa ta’dîl d’Amr ibn ‘Abd el Mun’im (p. 21).

 

[17] E-nuzha du Hâfizh ibn Hajar (p. 142) ; voir également : sharh e-nukhba (p. 135 et 137).

 

[18] E-nuzha du Hâfizh ibn Hajar (p. 142).

 

[19] Voir : el kifâya d’el Khatîb el Baghdâdî (p. 123) ; voir également e-nukat el wafiya limâ fî sharh el alfiya d’el Buqâ’î (p. 220).

 

[20] E-nuzha du Hâfizh ibn Hajar (p. 144).

 

[21] El jarh wa e-ta’dîl d’ibn Abî Hâtim (2/21).

 

[22] Voir : el anwâr el kâshifa d’el Mu’allimî (p. 305) ; l’annale est rapporté par el Khatîb dans târikh Baghdâd (10/243).

 

[23] Fath el mughîth (4/439).

 

[24] Siar a’lâm e-nubalâ (13/81).

 

[25] Tahdhîb el kamâl (29/107).

 

[26] E-dhu’afâ d’el ‘Uqaïlî (2/49).

 

[27] Tahdhîb e-tahdhîb (11/61).

Yahyâ ibn Ma’în : « Je cache toutes les erreurs que je vois sur quelqu’un ; je préfère montrer une bonne image de lui. Je n’ai jamais mis quelqu’un mal à l’aise, mais je le prends à part et lui montre son erreur entre lui et moi. S’il accepte, c’est tant mieux, sinon, je le délaisse. » [Siar a’lâm e-nubalâ(11/83).]

  

Voir notamment : el ibâna de Mohammed el Imâm, et qui fut préfacé par cinqsheïkh du Yémen, et lu et révisé par Sheïkh Rabî’. 

 

Plusieurs grands spécialistes étaient trop souples avec certains narrateurs faibles, mais cela ne remettait pas en question leur intégrité 

 

Selon Abû Dâwûd e-Tiyâlisî, Shu’ba a dit : « Ne prenez de Sufiân e-Thawrî que les narrateurs que vous connaissez, car peu lui importe de qui il prend ses narrations. Il vous rapporte celles d’Abû Shu’aïb el majnûn.

-          D’après Sufiân e-Thawrî, selon un tel,s’exclama alors un homme dans l’assemblée, et quand je me suis renseigné sur lui auprès de sa tribu, j’ai appris qu’il était un voleur qui dévalisait les maisons. »[1]

 

Toujours selon Shu’ba : « Sufiân est un homme merveilleux, si ce n’est qu’il pioche n’importe où. »[2]

 

Selon Mohammed ibn Bashshâr : « ’Abd e-Rahmân ibn Mahdî a tourné le dos à plus de quatre-vingts sheïkh dont e-Thawrî prenait la narration. »[3]

C’est au tour de Yahyâ ibn Sa’îd el Qattân de dire : « Ne retranscris rien de Ma’mar, quand il prend d’un inconnu, car peu lui importe de qui il prend ses narrations. »[4]

 

Ibn el Mubârak : « Baqiya a un discours sincère, mais il prend les narrations du premier venu. »[5]

 

Certaines grandes références prennent envers un narrateur une position qui n’engage qu’eux

 

Selon Abû Zur’a, l’Imâm Ahmed ibn Hanbal refusait de retranscrire les narrations d’Abû Nasr e-Tammâr ni celles de Yahyâ ibn Ma’în ni d'aucuns de ceux ayant cédé à la répression abbasside imposant le crédo du caractère créé du Coran.[6]

El Maïmûnî a dit : « Je détiens une preuve sûre que l’Imâm n’a pas assisté aux obsèques d’Abû Nasr e-Tammâr, je pense que la raison, c’est qu’il a cédé à la répression sur le Coran… » Selon Hajjâj ibn e-Shâ’ir, j’ai entendu dire Ahmed ibn Hanbal : « Si je devais rapporter la narration de quelqu’un ayant cédé à la répression, ce serait Abû Ma’mar et Abû Kuraïb. »[7] 

 

Lors de la biographie de Yahyâ ibn Ma’în, l’Imâm Dhahabî se plaint de la réaction d’ibn Hanbal vis-à-vis de lui. Il n’avait, en effet, pas le choix, car il devait sauver sa vie ; surtout que la religion autorise de blasphémer en cas de force majeure, ou, en tout cas, elle n’en tient pas rigueur.[8]

 

Ismâ’îl ibn ibrahim, connu sous le nom d’ibn ‘Aliya fut éprouvé par la même animosité de la part de ses confrères. Dhahabî condamne catégoriquement ce genre de critique à l’égard des grands savants qui furent motivés par la contrainte, mais qui, au fond d’eux, donnaient foi au caractère incréé du Coran, sans la moindre contestation possible.[9]

 

Les querelles entre savants de même hiérarchie

 

Qatâda a dit : « À chaque fois que des gens jouissent de bienfaits, ils attirent les envieux. »[10]

 

L’Imâm Ahmed : « Sachez – qu’Allah (I) vous fasse miséricorde – qu’Allah peut faire don à un homme parmi les savants, d’un savoir que ses égaux et ses confrères n’ont pas. C’est alors que, poussés par la jalousie, ils lui imputent de fausses accusations. C’est vraiment un mauvais défaut qui touche les savants ! »[11]

 

Pour ibn Rajab, il est connu que les qualités rendues publiques fassent des envieux.[12]

 

Selon l’opinion la plus vraisemblable des savants, pour reprendre les termes d’ibn ‘Abd el Barr, on ne tient pas compte des récriminations faites à l’encontre d’un rapporteur dont la réputation n’est plus à refaire, sauf si celles-ci sont fondées sur des preuves objectives et irréprochables. L’Histoire nous montre que de grands hommes, avec les Compagnons à leur tête, perdent le contrôle de leurs paroles sous l’effet de la colère. Ce sont, avant tout, des êtres humains qui n’ont pas les mêmes réactions en temps normal. Les grands spécialistes prennent en compte ce paramètre, et font la sourde oreille quand de tels événements se produisent.[13]

 

Dans Siar a’lâm e-nubalâ’, l’Imâm e-Dhahabî fait également mention de cette fameuse règle.[14] Il explique ailleurs que les savants ne sont pas à l’abri de la jalousie ou de l’esprit partisan.[15] Quand les passions entrent en jeu, il est difficile de garder sa lucidité. C'est pourquoi ce genre de critique reste toujours aléatoire. Selon la formule consacrée, on range au placard les querelles entre savants, sans les étaler au grand jour (khilâf el aqrân yutwâ wa lâ yurwâ).[16] Si, toutefois, les savants contemporains aux deux ennemis en conflits s’accordent à critiquer l’un des deux. Dans ce cas, leur jugement fait autorité, wa Allah a’lam ![17]

 

Or, cette règle est valable dans la mesure où trois conditions sont réunies :

1-      La réputation du narrateur critiquée doit être irréprochable.

2-      Il doit exister entre les deux antagonistes une raison justifiant des attaques réciproques.

3-      Souvent, la critique est non détaillée et injustifiable, mais, s’il le contraire s’avérait, alors elle a toutes ses raisons d’être.[18]

 

Exemples

 

Quand l’Imâm el Bukhârî arriva à Nîsâbûr, Mohammed ibn Yahyâ e-Dhuhlî recommanda à ses élèves de participer à ses assemblées qui devinrent une grande attraction dans la région. Il en coûta à e-Dhuhlî qui voyait de moins en moins de monde autour de lui. Fut-il emporté par la jalousie, mais le fait est qu’il en vint à mettre en garde contre l’auteur de l’ouvrage le plus illustre après le Coran.[19]

L’Imâm Muslim avait prévenu : « Seul un jaloux peut te détester. »[20]

 

Les savants ne tinrent pas compte non plus des critiques du grand défenseur duhadîth Yahyâ ibn Ma’în à l’encontre du Hâfizh Ahmed ibn Sâlih qui illuminait l’Égypte de son érudition, et qui n’avait rien à lui envié au niveau du savoir.[21] Pour la défense d’ibn Ma’în, il est possible qu’il fît allusion à un autre rapporteur du même nom. Ahmed ibn Sâlih e-Shumûmî, qui avait pris La Mecque pour résidence, aurait été confondu avec le maitre du pays des Pyramides. Il y aurait donc eu erreur sur la personne.[22]

 

Ce même Ahmed ibn Sâlih eut un démêlé célèbre avec l’Imâm Nasâî qui avait fait des kilomètres et des kilomètres pour le visiter sur les bords du Nil. Cependant, le grand érudit du coin ne recevait personne avant de se renseigner sur lui, et, comme il ne connaissait rien sur son hôte, il dédaigna le recevoir. L’auteur du recueil des sunan en avait tellement gros sur le cœur qu’il dénicha toutes ses erreurs de hadîth, mais en vain. Les grandes références sont unanimes à dire que Nasâî n’avait pas de raison valable pour s’acharner contre cet Imâm.[23]  La morale, c’est quant on s’acharne injustement sur son frère, on ne se fait du mal qu’à soi-même.[24]

 

Jusqu’où ces conflits peuvent aller….

 

Il s’est passé des choses incroyables entre de grandes sommités anciennes.[25] Un jour, pour se venger d’une ancienne affaire, Rabî’a fit un traquenard à Abû e-Zinâd en l’enfermant dans une maison pour le laisser mourir de faim. Mais, prit par le remord, Rabî’a intervint pour le faire délivrer. Quand on ouvrit la porte, on trouva un homme vautré sur le sol, les lèvres en bave en train de rentre l’âme, et fut sauvé in extremis ![26] Ce même Rabî’a dissuada e-Laïth en visite à Médine d’interroger Abû e-Zinâd et le priva ainsi de grandes connaissances.[27] Il lui avait assuré qu’il n’était pas crédible,[28]en allant ainsi à l’encontre de l’unanimité des savants.[29] Ainsi, l’Histoire de retint pas l’animosité de Rabî’a.[30]

 

Ash’ab ibn ‘Abd el ‘Azîz consacrait dans ses prosternations, des invocations contre l’Imâm Shâfi’î. Comme nous l’avons vu, nous devons fermer les yeux dans ce genre de situation et invoquer la miséricorde divine pour les deux antagonistes.[31]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

 

 

[1] El kifâya d’el Khatîb el Baghdâdî (n° 243).

 

[2] El ma’rifa wa e-târikh (1/728-729).

 

[3] El kâmil d’ibn ‘Adî (1/100).

 

[4] El muhaddith el fâsil (p. 418).

 

[5] Muqaddima sahîh Muslim (1/88).

 

[6] Siar a’lâm e-nubalâ (11/322).

 

[7] Idem.

 

[8] Siar a’lâm e-nubalâ (11/87).

 

[9] Siar a’lâm e-nubalâ (9/117-118).

 

[10] Rapporté par Ahmed dans el ‘ilal (n° 116).

 

[11] Siar a’lâm e-nubalâ (10/58).

 

[12] Latâif el ma’ârif (p. 61).

 

[13] Jâmi’ bayân el ‘ilm wa fadhlilî d’ibn ‘Abd el Barr (2/155).

 

[14] Siar a’lâm e-nubalâ (8/71).

 

[15] Mîzân el i’tidâl (1/111).

 

[16] Siar a’lâm e-nubalâ (10/93).

 

[17] Siar a’lâm e-nubalâ (11/432).

 

[18] Tahrîr qawâ’id e-jarh wa ta’dîl d’Amr ibn ‘Abd el Mun’im (p. 35-36) ; voir également : e-tankîl d’el Mu’allimî (1/57).

 

[19] Siar a’lâm e-nubalâ (12/453).

 

[20] El irshâd d’el Khalîl (3/960-961) ; la thèse ès Magistère de notre ami ‘Abd e-Rahmân de Médine porte sur ce conflit ; il en conclut que l’Imâm e-Dhuhlî fut motivé par un effort d’interprétation (ijtihâd).

 

[21] Siar a’lâm e-nubalâ (11/82).

 

[22] Tahdhîb e-tahdhîb d’ibn Hajar (1/36) ; voir également : e-thiqât d’ibn Hibbân (8/25).

 

[23] Tahdhîb e-tahdhîb (1/36).

 

[24] Tahrîr qawâ’id e-jarh wa ta’dîl d’Amr ibn ‘Abd el Mun’im (p. 147-148).

 

[25] Siar a’lâm e-nubalâ (12/61).

 

[26] Siar a’lâm e-nubalâ (5/448).

 

[27] Rapporté par el Fasawî dans el ma’rifa wa e-târikh (1/649).

 

[28] El kâmil d’ibn ‘Adî (1/100).

 

[29] Siar a’lâm e-nubalâ (5/449).

 

[30] Mîzân el i’tidâl (2/418).

 

[31] Siar a’lâm e-nubalâ (10/72).

LE JARH WA TA’DÎL À LA LOUPE (3/5)

Voir notamment : el ibâna de Mohammed el Imâm, et qui fut préfacé par cinqsheïkh du Yémen, et lu et révisé par Sheïkh Rabî’. 

 

L’équité est de mise

  

‘Aïn e-ridhâ ‘an kulli ‘aïb kalîlatun

Kamâ anna ‘aïn e-sakhat tubdî el masâwî

L’œil ami ne voit toujours presque aucun défaut

Là où l’œil ennemi ne laisse rien échapper

 

Il est connu que deux savants aux vertus équivalentes ne seront pas vus de la même façon par leurs adeptes respectifs. L’un sera encensé par les siens qui auront naturellement plus confiance en ses opinions que celles des autres. Ces derniers seront plus enclins à le suivre, et éprouveront éventuellement de la répulsion pour ses paires, soit par jalousie soit par animosité à l’instar des Juifs qui combattirent avec force Mohammed (r) alors qu’il avait le même discours que Mûsâ.[1]

En outre, comme le souligne ibn Taïmiya, le phénomène action/réaction entraine aux extrêmes, à l’image des chrétiens, qui, face à l’animosité des Juifs envers Jésus et leur rigueur dans la loi de la Thora, en vinrent en moins de cent ans, à l’adorer et à s’émanciper, dans un laxisme quasi libertin, de l’ancienne tradition. Le porc était l’un des symboles qui incarnera pour toujours la haine du Juif.[2]

 

C’est ce qui pousse à décrire son leader avec les plus beaux superlatifs qui soient et son opposant, à tort ou à raison, avec les pires qualificatifs. L’homme sensé est celui qui, lucide, fait la part des choses, et qui distingue le vrai du faux dans ces querelles. Pour se faire, il met les passions de côté, et l’objectivité est la devise qu’il garde constamment entre les yeux. Ses jugements ne sont pas faussés par ses sentiments, contrairement à ceux qui, aveuglés par un chauvinisme haïssable, transforment les qualités de leurs adversaires en défaut, et ferment les yeux sur les défauts de leur leader quand ils n’y voient pas des qualités.[3]

 

Exemples d’objectivité des anciens

 

Un homme, qui interrogea Shu’ba sur les narrations d’Ayyûb, eut pour réponse : « Tu es fou ! Tu m’interroges sur un hadîth d’Ayyûb, alors que Hammâd est juste à côté de toi ! »[4]

 

Selon ‘Abd el Wahhâb e-Thaqafî, j’ai entendu dire ibn ‘Awn : « Revenez à Ayyûb, car il est plus savant que moi. » Yûnas avait exactement le même discours.[5]

 

Ibn Mahdî a dit : « Ghundtar est plus sûr que moi dans ses narrations de Shu’ba. »[6] 

 

Ishâq ibn Râhawaïh : « Allah n’a pas honte de la vérité, Abû ‘Ubaïd [ibn sallâm] est plus savant que moi, qu’ibn Hanbal et que Shâfi’î. »[7]

 

Ahmed ibn Hanbal lui-même disait : « Ishâq ibn Râhawaïh est le plus grand savant de l’autre côté du pont du Khurâsân, bien qu’il divergeait avec nous sur certains points. La divergence d’opinions a toujours existé. »[8]

 

Ce même Ahmed ne tarissait pas d’éloges sur Shâfi’î et lui reconnaissait son érudition.[9] Shâfi’î le lui rendit en avouant que son contemporain était plus versé que lui dans la science des rapporteurs.[10] Mais, est-ce étonnant que les vertueux de même hiérarchie se reconnaissent entre eux les vertus ?[11]

 

Classification des critiqueurs du hadîth

 

L’Imâm e-Dhahabî nous propose deux classifications : quantitative, et qualitative

 

Classification quantitative des critiqueurs

 

1-      Ceux qui ont eu une opinion sur la plupart des narrateurs : ibn Ma’în et Abû Hâtim e-Râzî.

2-      Ceux qui ont eu une opinion sur de nombreux narrateurs : Mâlik et Shu’bâ ibn el Hajjâj qui est l’investigateur de la spécialité.

3-      Ceux qui ont parlé sur certains narrateurs : ibn ‘Uayïna et Shâfi’î.[12]

 

Classification qualitative des critiqueurs

 

1-                          Les durs (muta’annitûn) : ceux qui sont prompts à critiquer à la moindre erreur ou presque. L’avantage avec eux, c’est que leur critique positive est un vrai « label de qualité ». En revanche, il faut prendre avec des pincettes leur critique négative, et la comparer avec une critique positive éventuelle. En cas de divergence entre critiqueurs, seule la critique négative détaillée sera prise en considération ; comprendre que la critique négative non détaillée ne fait pas le poids devant une critique positive. Dans cette catégorie, nous comptons ibn Ma’în, Abû Hâtim et el Jawzujânî.

2-                          Les souples (mutasâhiûn) : Tirmidhî (ce qui est fort contestable, il est plutôt à ranger dans la catégorie des modérés), elHâkim, el Baïhaqî.

3-                          Les modérés (mu’tadilûn) : el Bukhârî, Ahmed, Abû Zur’a, ibn ‘Adî.[13]

 

Certains experts jonglent entre deux catégories. D’un côté, ibn Hibbân, comme nous l’avons vu, se contente des apparences et des aptitudes morales des narrateurs, sans n’être sourcilleux sur leurs aptitudes intellectuelles. C’est la raison pour laquelle, ses critiques positives sont jugées trop souples. En revanche, il dénigre les narrateurs crédibles à la moindre erreur. C’est la raison pour laquelle, ses critiques négatives sont jugées trop dures.[14]

 

Dhahabî se plaint de la dureté de certains grands pieux à travers l’Histoire, et des mauvaises répercussions qu’elle engendra.[15] Il traita même l’un d’eux de muhaddith(spécialiste en hadith ou traditionniste) de bas niveau ayant un faible bagage scientifique.[16] Il impute notamment à ibn Najjâr décrivant Abû Ja’far el Hâshimî : « Il était retiré pour se consacrer à la dévotion, et menait une vie austère. Il était ferme dans ses positions, à tel point qu’il entraina les gens simples à importuner tout le monde ; des dissensions se créèrent, le sang coula, et les savants subirent les pires injures. Sa virulence le mena en prison. »[17]

 

‘Alî el Madînî : « Abû Nu’aïm et ‘Affân sont acceptables (sadûq), mais je ne prends aucune de leur parole sur les rapporteurs, car tout le monde y passe avec eux ! »[18]

 

Le plus étonnant, c’est que malgré leur crédibilité, et leur participation active dans le domaine de la critique, pratiquement aucun recueil spécialisé ne fait mention de leurs jugements.[19]

 

Shu’ba : « Je ne connais pas quelqu’un ayant le plus invectivé les savants de Médine que Sa’d ibn Ibrahim. À chaque fois que je lui faisais l’éloge de l’un d’entre eux, il s’empressait de le discréditer. »[20]

 

‘Abbâs ibn ‘Abd el ‘Azhîm jure : « Par Allah en dehors de qui il n’y a d’autre divinité ! ‘Abd e-Razzâq est un grand menteur, et el Wâqidî est plus sincère que lui. » Déclaration qui ne passe pas pour Dhahabî. Outre le fait qu’elle s’inscrit en faux contre le consensus sur el Wâqidî, elle dénigre l’un des piliers de la profession.[21] Cela n’empêche pas à Dhahabî de vanter l’érudition de ce fameux ‘Abbâs.

 

Ailleurs, il reproche à Abû el Hasan el Qattân de manquer d’équité envers Hishâm ibn ‘Urwa.[22] Sakhâwî décrit Abû Shâma comme un grand pieux, humble malgré sa grande érudition. Son défaut, c’est qu’il n’arrêtait pas de dire du mal de grands noms de son époque. Il fut déchu aux yeux de beaucoup et eut droit à son tour à maintes critiques. Deux individus respectables lui tinrent un guet-apens pour le frapper violemment, mais, à cause de sa mauvaise réputation, personne ne vint à son aide.

 

L’un de ses contemporains, loin d’avoir son niveau de science, connut un sort encore plus tragique à cause de sa mauvaise langue. Devenu insupportable, il fut chassé de sa ville et vécut des épreuves dont il ne se remit pas.[23]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

 

 

 

 

[1] Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (14/325).

 

[2] Manhâj e-sunna (1/320).

 

[3] Miftâh dâr e-sa’âda d’ibn el Qaïyim (1/444-445).

 

[4] Sharh ‘ilâl e-Tirmidhî d’ibn Rajab (1/167).

 

[5] Sharh ‘ilâl e-Tirmidhî d’ibn Rajab (1/167).

 

[6] Mîzân el i’tidâl (3/502).

 

[7] Siar a’lâm e-nubalâ (10/500).

 

[8] Siar a’lâm e-nubalâ (11/371).

 

[9] Siar a’lâm e-nubalâ (10/58).

 

[10] Muqaddima el jarh wa e-ta’dîl d’ibn Abî Hâtim (p. 203).

 

[11] Siar a’lâm e-nubalâ (9/563-580).

 

[12] Voir : Dhikr man yu’tamad qawluhu fî e-jarh wa e-ta’dîl (p. 158).

 

[13] El mawqizha d’e-Dhahabî ; voir : Tahrîr qawâ’id e-jarh wa ta’dîl d’Amr ibn ‘Abd el Mun’im (p. 59-60).

 

[14] Tahrîr qawâ’id e-jarh wa ta’dîl d’Amr ibn ‘Abd el Mun’im (p. 60).

 

[15] Voir : el ‘ibar (3/340-341), tadhkira el huffâzh (1/1407), et Siar a’lâm e-nubalâ(17/186-187 et 20/590-591).

 

[16] Siar a’lâm e-nubalâ (17/186-187 et 20/590-591).

 

[17] Siar a’lâm e-nubalâ (9/563-580).

 

[18] Muqaddima el jarh wa e-ta’dîl et Tahdhîb el kamâl (20/168).

 

[19] Muqaddima el jarh wa e-ta’dîl.

 

[20] Rapporté par ibn ‘Asâkir dans târikh Dimashq (20/223).

 

[21] Siar a’lâm e-nubalâ (9/571-572).

 

[22] tadhkira el huffâzh (1/1407).

 

[23] Fath el mughîth (4/435-436).

LE JARH WA TA’DÎL À LA LOUPE (4/5)

Voir notamment : el ibâna de Mohammed el Imâm, et qui fut préfacé par cinqsheïkh du Yémen, et lu et révisé par Sheïkh Rabî’.  

 

Comment prodiguer le conseil aux personnes respectables ?

 

L’homme intelligent sait comment aborder un leader ayant commis une faute. Déjà, il ne le fait pas en public, car, de par son rang, il risque de ne pas l’accepter et de se complaire dans son erreur. Ce qui, malheureusement, aggraverait son cas, et serait contraire aux ambitions recherchées. La discrétion est donc de rigueur.[1]

 

Un chauvinisme très subtil se cache souvent dans les débats entre deux savants respectables les poussant, éventuellement, à chercher tout ce qui leur tombe sous la main en vue de conforter leur position et faire flancher celle de l’autre, quand bien même ils seraient convaincus qu’elle est plus forte. Les plus objectifs et impartiaux ne sont pas épargnés par ce sentiment, surtout en présence de témoins. Il est extrêmement difficile dans ces conditions de faire abstraction de son orgueil. Peu se font violence et acceptent de perdre la face au nom de la vérité.[2]

 

Dans certains cas, le conseil peut consister à rappeler à la raison un savant qui critique sans raison valable l’un de ses confrères.

 

‘Abbâd ibn ‘Abbâd raconte : « Shu’ba voulait prendre à partie Khâlid el Hadhdhâ, une grande sommité du hadîth. Alors, nous sommes venus le voir Hammâd ibn Zaïd et moi pour le réprimander : « Tu es devenu fou ! Tu es plus savant ! » Il renonça alors face aux pluies de menaces qui lui tombaient dessus. »[3]

 

La patience est la meilleure des armes face à la calomnie

 

Dhahabî note que seul un envieux ou quelqu’un qui ne connait pas l’homme peut dire du mal de Shâfi’î. Selon une loi universelle,[4] quand Allah veut élever en rang l’un de ses élus, il envoie contre lui les armées du mal et les langues acerbes.[5] Les savants de même hiérarchie ne sont pas épargnés par les passions subtiles. Quand l’un d’entre eux atteint les sommets de la « gloire », il devient souvent la cible de ses adversaires.[6]Le tout est de prendre son mal en patience et d’attendre la victoire d’Allah.

 

Le grand biographe Mohammed ibn Ishâq était considéré par l’Imâm Mâlik comme un charlatan et un vulgaire menteur. E-Dhahabî nous en explique la raison. Le premier prétendait à tort que la famille du second était sous la protection et la captivité des Banû Taïm.[7] Il va sans dire que les savants n’ont pas tenu compte des considérations personnelles de l’Imâm. ‘Alî el Madînî s’étonnait d’ailleurs qu’il parlât sur un homme qu’il n’avait jamais rencontré, et qui n’avait rapporté aucune narration de Médine ![8] 

 

Mohammed ibn Ishâq ne se gênait pas non plus pour lui lancer des piques, qui n’affectèrent en rien à la notoriété de son contemporain. Bien au contraire. Ce dernier devint comme une étoile au milieu du ciel.[9]

 

Mohammed ibn Yahyâ e-Dhuhlî adressa un courrier à Abû Hâtim et Abû Zu’ra pour les mettre en garde contre l’Imâm el Bukhârî. Ces deux « tamiseurs » prirent alors la décision de boycotter ses narrations. Cela ne changea rien. L’Histoire faisait son cours. El Bukhârî allait devenir l’une des plus grandes perles jamais connues sur terre.[10] 

 

Attention aux rumeurs !

 

Selon el Marwazî, J’ai interrogé Abû ‘Abd Allah [l’Imâm Ahmed] sur Humaïd el Khazzâz, et voici ce qu’il m’a répondu : « Nous étions descendu chez lui Khalaf et moi à l’époque d’Abû Usâma qui l’honorait réellement. » Je lui demandais alors : « On peut retranscrire ses narrations ?

-           je pense, répondit-il, »

Puis, il fit ses éloges. J’expliquais ensuite : « J’ai interrogé à son sujet Yahyâ qui le critiqua durement. Voici ce qu’il lui reprochait notamment : « Cet homme a volé le livre de Yahyâ ibn Âdam à ‘Ubaïd ibn Ya’îsh, et ensuite il se l’appropria à lui-même.

-           Abû Zakariya, demandais-je, tu as entendu de tes propres oreilles ‘Ubaïd ibn Ya’îsh raconter cela ?

-          Non, mais certains de nos amis me l’ont rapporté. »

C’était le seul argument qu’il avait en main. Abû ‘Abd Allah, qui entra alors en colère, s’écria : « Gloire à Allah ! Peut-on accepter ce genre d’histoire sur lui ? Peut-on faire tomber un homme pour cela ?

-  On peut retranscrire ses narrations, m’empressai-je de demander ?

-          je pense, répondit-il»[11]

 

wa Allah a’lam !

 

 

 

Par : Karim Zentici

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[1] E-turuq el hakimiya d’ibn el Qaïyim (p. 58).

 

[2] Adab e-talab de Shawkânî (p. 81).

 

[3] Rapporté par el ‘Uqaïlî dans e-dhu’afâ (2/4).

 

[4] Voir les v. 51 de la s. ghâfir et les v. 69-70 de la s. el ahzâb.

 

[5] Siar a’lâm e-nubalâ (10/48).

 

[6] Siar a’lâm e-nubalâ (10/8-9).

 

[7] Siar a’lâm e-nubalâ (8/71).

 

[8] ‘ulûm el hadîth d’ibn Salâh ; voir : e-taqyîd wa el idhâh d’el ‘Irâqî (p. 138).

 

[9] Siar a’lâm e-nubalâ (7/41).

 

[10] Siar a’lâm e-nubalâ (12/463).

 

[11] Târikh Baghdâd (8/165).

LE JARH WA TA’DÎL À LA LOUPE (5/5)

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