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Voir : e-tibyân fî ta-sîl masâil el kufr wa el îmân de Fathî el Mawsilî (232-238).

 

Le grand exégète Sheïkh ‘Abd e-Rahmân e-Sa’dî nous offre une étude exceptionnelle sur le ‘udhr bi el jahl sous forme de débat.[1] Il rejoint exactement la tendance d’ibn Taïmiya et de son élève ibn el Qaïyim, qui n’épousent aucune autre opinion, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire. Ses thèses seront reprises par son élève Sheïkh Sâlih el ‘Uthaïmîn, qui sera malheureusement accusé de murjite au service du Pouvoir saoudien. La logique voudrait qu’on porte également cette accusation contre sonSheïkh. Nous pouvons remarquer que l’adversaire d’aujourd’hui utilise les mêmes arguments. Des arguments qui ne font pas de poids face à l’évidence : il existe une divergence sur la question. Ce qui discrédite le chantage au murjisme qu’on cherche à faire peser sur nous.

 

L’érudit e-Sa’dî a dit : débat sur le takfîr d’un cas particulier ayant commis un « acte » de mécréance.

 

Le premier intervenant (A) : le Coran, la sunna, et le consensus des savants musulmans établissent que l’invocation d’une idole (que ce soit un ange, un prophète, un pieux, une statue, etc.) fait sortir de la religion. Son auteur est un kâfir (mécréant) mushrik (païen) condamné à l’Enfer éternel. Ce principe est connu de façon élémentaire par tous les musulmans. Personne ne peut le renier. Tout coupable est unkâfir mushrik. Peu importe qu’il l’ait fait par obstination (‘inâd), ignorance (jahl), erreur d’interprétation (ta-wîl), ou suivisme aveugle (taqlîd). Allah ne distingue pas dans le Coran entre les catégories de mécréants. Ils ont tous le même statut. Aucune différence n’y est faite entre les leaders et les suiveurs ni entre les obstinés et les ignorants. Ils avancent pourtant l’excuse : [Nous avons trouvé nos ancêtres sur une voie et nous avons suivi leurs traces].[2]

 

Il va sans dire que la plupart d’entre eux pensent qu’ils sont sur la vérité, comme le relate le Verset :[ceux qui s’égarèrent au cours de leur vie alors qu’ils pensaient bien faire • Ce sont ceux qui mécrurent aux signes de Leur Seigneur].[3] Leur conviction qu’ils sont sur le droit chemin n’intercède nullement en leur faveur. Ainsi, invoquer une créature, ou l’appeler au secours pour des choses que Seul Allah est à même de faire rend mécréant et païen, indépendamment de savoir qu’on l’ait fait par obstination ou non, qu’on eût connaissance des textes ou non.

 

Sinon, quelle serait la différence entre les ignorants affiliés à l’Islam qui commettent l’association et les ignorants juifs, chrétiens, etc. ? Et quelle serait la différence entre celui qui renie la Résurrection même par ignorance et celui qui invoque une idole et qui recherche son aide et son secours. Tous deux ont le même statut ! Le Messager a transmis clairement le message, et la preuve céleste (hujja) est établie contre ceux qui reçoivent le Coran qu’ils l’aient comprise ou non.

 

Le second intervenant (B) : vous avez évoqué, en vous appuyant sur les textes du Coran et de la sunna et du consensus que l’invocation et l’appel au secours des idoles relèvent de la mécréance et de l’association menant à l’Enfer éternel. Point sur lequel il n’y a aucun doute. En revanche, vous mettez sur le même pied d’égalité toutes les formes d’ignorance. D’un coté, nous avons les différentes confessions mécréantes (juive, chrétienne, etc.) qui ne donnent pas foi à la prophétie de Mohammed (r). D’un autre coté, nous avons les ignorants qui donnent foi à tous ses enseignements et qui adhèrent pleinement à son obéissance. Cependant, ces derniers commettent l’association sans s’en rendre compte, en invoquant une créature. Ils pensent ainsi rendre hommage à la personne qu’ils invoquent. À leurs yeux, c’est la religion elle-même qui le leur réclame.

 

Or, faire une telle comparaison est une erreur grossière. Elle va à l’encontre des textes scripturaires (Coran et sunna), du consensus des Compagnons et de leurs fidèles successeurs (tâbi’în). Il est en effet connu de façon élémentaire par tous les musulmans que tous les ignorants mécréants, dont les juifs et les chrétiens, sont voués à l’Enfer éternel. Personne ne peut le contester. L’autre catégorie concerne ceux qui donnent foi à tous les enseignements du Prophète (r) et qui adhèrent totalement à sa religion, mais qui font une erreur dans la croyance, les paroles et les actes soit par ignorance, une mauvaise interprétation ou par suivisme. Allah révèle à leur sujet : [Seigneur ! Ne nous tiens pas rigueur de nos erreurs et de nos oublis].[4]

 

La communauté mohammadienne est soulagée des fautes commises par erreur, oubli, ou sous la contrainte. Ainsi, en règle générale, nous taxons de mécréant celui qui commet une faute relavant de la mécréance dans les paroles et la croyance. Cependant, nous pouvons nous abstenir de nous prononcer dans certains cas si une restriction comme l’ignorance vient changer la donne. Il échappe à certains fautifs que leurs actes relèvent de la mécréance ou de l’association. C’est ce qui nous pousse à nous abstenir de les kaffar en personne, bien qu’au même moment nous soyons convaincus qu’ils ont commis du kufr.

 

C’est de cette façon que les Compagnons et leurs successeurs directs (tâbi’în) se comportèrent envers l’innovation (la bid’a). Dès leur époque, plusieurs mouvements hérétiques (kharijismemu’atazilisme,qadarisme, etc.) virent le jour. Tous s’accordaient à aller à l’encontre des textes scripturaires de l’Islam. Ils les démentaient et les falsifiaient pour les faire aller dans leur sens, ce qui en soi est un acte de mécréance. Cependant, les anciens s’abstinrent de les sortir un à un de la religion. Ils étaient en effet motivés par une mauvaise interprétation des textes. Les kharijites démentaient les textes sur l’intercession et ceux démontrant que les auteurs des grands péchés étaient affiliés à la foi. C’est ce qui les poussa à autoriser moralement (istihlâl) le sang des Compagnons et des musulmans en général. Lesmu’tazilites également démentaient les textes du l’intercession en faveur des auteurs des grands péchés, ils démentaient la prédestinée, les Attributs divins, etc.

 

Il n’y a aucune différence entre ces formes d’apostasie et celle préconisant d’invoquer et de demander secours aux morts. Le ta-wîl est leur dénominateur commun. Dans de nombreux ouvrages (e-radd ‘alâ el bakrîe-radd ‘alâ el Akhnâî, etc.) Sheïkh el Islâm affirme explicitement que certains de ses contemporains, qui étaient des savants, adhéraient à certaines de ces pratiques païennes. Il explique qu’il est impossible de les kaffar, compte tenue de la propagation de l’ignorance à son époque et de l’atténuation du savoir prophétique. Il faut donc attendre avant de se prononcer de leur démontrer la preuve céleste qui s’applique contre tous ceux qui la renient après l’avoir eu entre les mains. Son discours sur le sujet est connu par tout le monde.

 

Il devient clair que l’ignorance, le suivisme aveugle, et la mauvaise interprétation des textes – non basée sur l’obstination – sont des facteurs atténuants. Ils nous empêchent de condamner ces cas particuliers à l’apostasie.

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 


 

[1]Ce débat est retranscrit dans les fatâwâ e-sa’diya (578-584).

 

[2]Les ornements ; 22

 

[3]La caverne ; 104-105

 

[4]La vache ; 286

EL ‘UDHR BI EL JAHL DANS LE SHIRK AKBAR (1/2)

EL ‘UDHR BI EL JAHL DANS LE SHIRK AKBAR (2/2)

Voir : e-tibyân fî ta-sîl masâil el kufr wa el îmân de Fathî el Mawsilî (232-238).

 

L’intervenant (A) : quant au Verset : [Seigneur ! Ne nous tiens pas rigueur de nos erreurs et de nos oublis][1] ; il fait allusion aux erreurs commises dans les questions subsidiaires de la religion et qui sont basées sur l’effort d’interprétation, non aux fondements de la religion. L’Unicité (tawhîd), qui est le fondement de tous les fondements, n’admet aucune erreur ; l’erreur involontaire a le même statut que l’erreur volontaire, comme nous l’avons souligné au sujet des suiveurs des confessions mécréantes. Il est faux de dire que les fautifs en question donnent foi au Prophète (r) et adhèrent pleinement à son obéissance, étant donné que leurs actes les font mentir. Comment peut-on à la fois croire au Prophète (r) et démentir ses paroles imposant d’unifier Allah dans le culte, dans les invocations, l’appel au secours, etc. ? Comment peut-on prétendre adhérer à l’obéissance du Prophète, et lui désobéir ensuite sur le premier fondement de la religion, le tawhîd ?

 

Peut-on invoquer une créature et oublier Son Seigneur ? Peut-on s’attacher à des créatures et se détourner de Lui ? On ne peut plus parler ni d’adhérence à la religion ni de croyance au Prophète ! De simples revendications n’ont aucune valeur sans les faire pas suivre par les actes.

 

Vous pouvez toujours faire un rapprochement entre ces pratiques païennes et les innovationskharijites et mu’tazilites, mais cela revient à comparer l’incomparable. Le tawhîd en effet est le premier fondement de la religion. La prédication de tous les messagers repose sur ce principe. Le dernier d’entre eux a pris les armes en vue de le défendre. Le Coran porte toute son attention pour l’établir, l’expliquer en détail et l’éclaircir. La situation des innovateurs est différente étant donné qu’ils commettent certes des erreurs au niveau de la croyance et de leurs pratiques, mais ils restent fidèles au premier élément du dogme, le tawhîd. Cette comparaison n’a pas lieu d’être, c’est l’évidence même !

 

Le second intervenant (B) : dire que le Verset en question, et bien d’autres arguments textuels, font allusion aux erreurs commises dans les questions subsidiaires de la religion, non sur les questions élémentaires est une allégation dénouée de tout fondement. Ni le Coran ni le Prophète (r) ne font cette distinction.[2] Nous avons souligné plus haut que les anciens n’ont pas kaffar les premiers innovateurs dont les erreurs d’interprétation touchaient aux questions élémentaires de la religion, comme les Attributs parfaits d’Allah. Le tawhîd tourne autour de deux principes : la reconnaissance de ces fameux Attributs et l’unicité du culte.

 

Si nous donnons des circonstances atténuantes à un cas particulier qui fait des erreurs (ignorance, mauvaises interprétations des textes, et suivisme aveugle) dans le premier domaine, nous devons le faire pour celles qui touchent au second ; et cela, pour les mêmes raisons. La restriction qui est valable pour l’un est aussi valable pour l’autre. La mission du Messager (r) portait indistinctement sur ces deux domaines. Les hérétiques de sa communauté se sont égarés dans l’un ou l’autre domaine, voire dans les deux à la fois. Ils vont à l’encontre des enseignements connus de façon élémentaire par tous les musulmans. Le Prophète (r) avait pourtant mis en garde contre l’hérésie. C'est pourquoi s’obstiner à renier ses enseignements qui touchent à ces deux domaines, après en avoir eu connaissance, relève de la mécréance incontestable.

 

Un musulman qui adhère à l’Islam au niveau du cœur et des actes peut s’égarer dans certains points, car il n’a pas les éléments en mains pour le faire parvenir à la vérité. Dans ce cas, nous ne sommes pas formels sur son apostasie, étant donné qu’il existe une restriction faisant obstacle à cette condamnation. D’où l’importance d’établir contre lui la preuve céleste ; une preuve céleste qui s’applique contre tout obstiné (mu’ânid).[3]

 

C’est pour cette raison, et vous êtes d’accord avec nous, que nous nous sommes abstenus de kaffarcertains cas comme e-Sarsarî, qui appellent à invoquer, à rechercher le secours du Prophète (r), et lui demander de répondre aux besoins. Ces derniers sont directement concernés par les paroles de Sheïkh el Islam auxquelles nous avons fait allusion précédemment.

 

Par ailleurs, vous dites qu’il n’y a pas la moindre hésitation à kaffar celui qui renie la Résurrection, comme le révèlent les textes du Coran et de la sunna. Ils ne font pas la différence, selon vos dires, entre le fait d’être motivé ou non par l’obstination.

Ce à quoi nous pouvons répondre que cette question est du même registre. Les erreurs d’interprétation offrent des circonstances atténuantes. Ces erreurs sont courantes dans le domaine des Attributs divins et de l’Unicité chez beaucoup de ceux qui donnent foi à tous les enseignements du Prophète (r). Cependant, il est rare de trouver quelqu’un qui renie la Résurrection [tant elle coule de source]. Malgré cela, en supposant qu’un bédouin ou un nouveau converti n’en ait pas connaissance, nous devons le mettre au courant. C’est seulement après cette démarche que nous pourrons le sortir de l’Islam.

 

Quiconque croit en Allah et à Son Messager, et qui adhère totalement à leur obéissance, mais qui renie un enseignement de la religion par ignorance (il peut ignorer que le Messager l’ait apporté), nous devons nous abstenir de nous prononcer sur son cas. Nous reconnaissons que son acte fait sortir de la religion, mais il bénéficie d’une circonstance atténuante, qui est l’ignorance. Il n’y a pas de différence en cela entre les questions élémentaires et les questions subsidiaires de la religion. La mécréance consiste à renier tout au partie les enseignements du Prophète (r) et en toute âme et conscience. Ainsi, nous pouvons mieux distinguer entre un suiveur mécréant[4] et un croyant qui renie un enseignement de la religion, soit par égarement et ignorance, soit par obstination et en toute connaissance de cause.

 

Fin de citation.

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

[1]La vache ; 286

 

[2]Voir pour une explication détaillée de ce principe : majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (23/346-347).

 

[3]Voir : majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (12/180).

 

[4]Voir : tarîq el hijrataïn d’ibn el Qaïyim (411-412).

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