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… ainsi, selon l’interprétation que nous avons faite du Verset en question, nous estimons que le hukm bi ghaïr ma anzala Allah ne fait pas sortir de l’Islam, mais qu’il relève du kufr el ‘amalî. Un tel gouverneur sort en effet du droit chemin. Il n’y a pas de différence en cela, entre celui qui s’inspire des lois instaurées par d’autres et qu’il applique à son pays, et celui qui forge une législation. (Sheïkh el ‘Uthaïmîn).

 

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

Le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah est un péché odieux. C’est l’une des plus grandes raisons qui est à l’origine de l’absence de baraka dans les rangs, et qui donnent des idées de convoitise aux pays non-musulmans. Il suffit qu’Allah l’ait qualifiée de « mécréance » pour montrer son caractère odieux. Je me propose ici d’aborder un sujet des plus épineux, mais qui n’a pas échappé à la vigilance des grandes références traditionalistes tant contemporaines que passées. Il s’agit de légiférer des lois positives qui sont les prescriptions établies par les hommes responsables de communauté, letashrî’. Je n’ai pas la prétention ici d’en faire une étude exhaustive…

 

Or, avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de faire une mise au point. Plusieurs textes scripturaires de l’Islam mettent en avant que les décisions humaines qui ne sont pas en désaccord avec la Législation divine, n’entrent pas dans le registre duhukm bi ghaïr mâ anzala Allah. C’est le cas des conciliations et des arrangements, au grand mécontentement des premiers kharijites qui voyaient cela sous un mauvais œil. Les savants traditionalistes ont fait front à cette conception étroite du tashrî’, avec à leur tête, le noble Compagnon, ‘Abd Allah ibn ‘Abbâs lors de sa confrontation avec les rebelles deNahrawân. E-Shâtibî souligne que la tendance kharijite, qu’il accuse d’être motivé par les passions, perçoit mal des Versets tels que : [La Loi revient à Allah Seul].[1]

 

Ainsi, une question fut posée à Sheïkh ibn Bâz sur les lois forgées par les hommes. Ce dernier répondit : « … Quant aux lois qui s’opposent à la Législation divine, il n’est pas permis de les forger. Si certaines lois instaurées stipulent qu’aucune peine n’est prévue pour un cas d’adultère ou de consommation d’alcool, celles-ci sont complètement fausses. Dans la situation où le gouverneur l’autorise moralement (istahalla), il devient mécréant étant donné qu’il autorise ce que les textes explicites et le consensus interdisent. Nous pouvons dire la même chose pour tous ceux qui autorisent de manière générale n’importe qu’elle interdiction frappée d’un consensus. »[2]

 

Dans son épître hukm man darasa el qawânîn el wadh’iya aw tawalla tadrîsihâ, il précise également : « La deuxième catégorie : celui qui étudie le droit (el qawânîn) en vue de l’enseigner ensuite, de l’appliquer, ou d’offrir ses services dans ce domaine. Ce dernier est certes convaincu qu’Allah a interdit d’appliquer d’autres lois que les siennes, mais il se laisse guider par les passions ou l’amour du gain. Nul doute que ceux qui entrent sous cette catégorie sont des pervers. Ils dénotent de la mécréance (kufr), de l’injustice (zhulm), et de la perversité (fisq), mais il s’agit de la petite mécréance, de la petite injustice, et de la petite perversité qui ne font pas sortir du cercle de la religion.

 

Cette opinion est notoire dans les milieux savants. C’est celle qui fut adoptée par ibn ‘Abbâs, Tâwûs, ‘Atâ, Mujâhid, et un certain nombre de savants des nouvelles et des anciennes générations, comme l’évoquent le Hâfizh ibn Kathîr, el Baghawî, el Qurtubî, etc. ibn el Qaïyim a un discours qui va dans ce sens dans son kitâb e-salât, et Sheïkh ‘Abd e-Lâtif ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan – qu’Allah lui fasse miséricorde – a consacré unerisâla intéressante sur le sujet. Celle-ci est imprimée dans le troisième volume du premier recueil de majmû’ e-rasâil. »[3]

 

Cette opinion est aussi imputée au Compagnon ibn Mas’ûd, el Hasan el Basrî, e-Suddî, Ibrahim e-Nakha’î, ‘Ikrima, l’Imam Ahmed, el Qâsim ibn Salâm, el Marwazî qui rapporte l’annale de Tâwûs, ibn Batta, el Hâkim, ibn ‘Abd el Barr, ibn el Jawzî, ibn el ‘Arabî, e-Shâtibî, ibn Hajar el ‘Asqalânî, Abû Hayyân, el Buqâ’î, el Wâhidî, MohammedSaddîq Khân, des exégètes comme Tabarî, e-Sam’ânî, Abû Su’ûd, e-Nasafî, el Jassâs, e-Sa’dî, mais aussi ibn ‘Abd el ‘Izz, ibn Taïmiya comme nous allons le voir, el Qâsimî, Mohammed Rashîd Ridhâ, et enfin contre tout attente l’Imam Shanqîtî, l’auteur des paroles : « Celui qui n’applique pas les Lois d’Allah en étant convaincu qu’il commet un péché et un mal, dans son cas son kufr, son zhulm, et son fisqne font pas sortir de la religion. »[4] Cette tendance est corroborée par une fatwa de la lajna dâima.[5]

 

En outre, pour revenir au sujet, Sheïkh el ‘Uthaïmîn explique qu’il incombe de se soumettre aux réglementations instituées par l’État qui ne vont pas en contradiction avec la Législation musulmane, sous peine de commettre un péché.[6] Sheïkh el Fawzân a également des paroles qui vont dans ce sens. Dans ce registre, il faut se conformer aux traités internationaux qui ne vont pas à l’encontre de la religion, quand bien même ils nous imposeraient certaines concessions, car l’intérêt supérieur de la religion en dépend.[7]

 

Ainsi, après avoir réglé cette mise au point, nous pouvons passer au sujet :

 

Le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah est certes un péché terrible, comme nous l’avons signalé, mais il n’atteint pas systématiquement le degré d’apostasie ou de kufr abkar. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut prendre la chose à la légère. Les savants sont unanimes à dire que certains cas de figure du hukm bi ghaïr mâ anzala Allah font sortir de la religion. Cela concerne notamment celui qui n’applique pas les Lois d’Allah, car soit il les renie verbalement (juhûd)[8] soit, il autorise moralement (istihlâl) à ne pas le faire. D’autres cas de figure n’entrent pas dans ce registre. Ex. : un père injuste avec l’un de ses fils, ou qui ne les traite pas équitablement. Auquel cas, il n’applique pas les Lois d’Allah qui commande de mettre les enfants sur le même pied d’égalité.

 

Ibn Taïmiya explique à ce sujet : « Toute personne qui doit trancher entre deux parties prend la place de juge ; cela concerne aussi bien le militaire que l’administrateur des comptes, ou le membre du service de la morale publique. Les Compagnons considéraient même les enseignants des enfants comme des responsables de l’autorité(hukkâm). »[9]

 

Ainsi, le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah renferme plusieurs cas de figure, mais l’un d’entre eux a particulièrement remué les passions ces dernières années. Il s’agit de tout fautif qui est soit corrompu soit motivé par les passions ; ce qui le pousse à forger des lois lui-même ou à emprunter des lois humaines existantes. Dans la situation où ce dernier reconnait qu’il est en tort, est-il dans ce cas condamné à la grande mécréance ? C’est sur ce point que règne la divergence entre les savants, et c’est celui sur lequel nous allons nous arrêter, in shâ Allah !

 

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

[1] Le bétail ; 57, et Yûsaf ; 40, 67 Voir : El i’tisâm (1/303).

 

[2] Majmû’ fatâwa wa maqâlât (7/119).

 

[3] Majmû’ fatâwa wa maqâlât (2/326).

 

[4] Adhwâ el bayân (2/103).

 

[5] Voir : fatâwa e-lajna e-dâima (n° 5741), voir également la fatwa n° 5226.

 

[6] Audio : ahdâf el hamalât el i’lâmiya dhidd hukkâm wa ‘ulamâ bilâd el haramaïn.

 

[7] Voir : el mughnî d’ibn Qudâma el Maqdisî (13/161) et zâd el ma’âd d’ibn el Qaïyim (3/306).

 

[8] El juhûd : consiste à reconnaitre Allah avec le cœur, sans le traduire dans les paroles, comme c’est le cas pour Pharaon. Le kufr juhûd : se divise en deux catégories :

-      en kufr mutlaq qui concerne le tahwîd e-rububiya, les lois d’Allah ou la mission des messagers,

-      et en kufr muqaïyid qui consiste à renier une obligation, un interdit, ou n’importe quel enseignement de la religion. Voir : madârij e-sâlikîn d’ibn el Qaïyim (1/367).

 

[9] Majmû’ el fatâwa (18/170).

LE TASHRÎ’  (1/16)

LE TASHRÎ’  (2/16)

À l’avenir, les liens de l’Islam vont se délier un à un. Toutes les fois qu’un lien sera délié, les hommes s’agripperont au suivant. Le hukm est le premier qui sera délié, et le dernier sera la prière. [Hadîth authentifié par Sheïkh el Albânî dans sahîh el jâmi’(5705) et sahîh e-targhîb (571).]

 

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

Tout d’abord, pour mieux cerner les contours du sujet, faisons un tour d’horizon rapide sur les points qui ne font pas l’objet d’un désaccord.

 

1- C’est le cas où le hâkim renie verbalement la Loi divine. C’est ce qu’on appelle lejuhûd, comme nous l’avons vu précédemment. Il consiste à démentir (takdhîb) et à ne pas reconnaitre que telle Loi émane d’Allah. Ce cas de figure relève de la grande mécréance à l’unanimité des savants. Allah (I) révèle à ce sujet : [Bien qu’au fond d’eux ils en étaient convaincus, ils le renièrent motivés qu’ils fussent par un esprit d’orgueil et d’injustice][1] ; [Ils ne démentent nullement tes paroles, mais les injustes renient les signes d’Allah].[2]

 

La nuance entre le takdhîb et le juhûd se résume en deux points :

A-      Lekufr juhûd consiste à démentir avec la langue, tout en ayant connaissance de la chose au fond de soi.

B-      Lekufr juhûd est alimenté par l’obstination.[3]

 

2- C’est le cas où le hâkim considère qu’il est autorisé à ne pas appliquer les Lois d’Allah. C’est le fameux istihlâl. Ce cas de figure relève de la grande mécréance à l’unanimité des savants.

 

Ibn Taïmiya explique à ce sujet : « À partir du moment où quelqu’un autorise une loi qui est licite à l’unanimité des savants, ou bien une autre qui est illicite à l’unanimité des savants, ou encore qui remplace une loi (tabdîl e-shar’) qui est frappée également d’un consensus est un mécréant apostat à l’unanimité des légistes. C’est pour ce cas que, selon l’une des opinions, le Verset fut révélé : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Cela, étant donné qu’il autorise moralement (istahalla) à ne pas appliquer les lois d’Allah. »[4] Dans un autre passage, il souligne : « En explication à cela, nous disons que celui qui commet des péchés tout en les autorisant moralement(mustahill)est un mécréant à l’unanimité. Celui qui autorise moralement les interdictions venues dans le Coran ne peut prétendre à la foi. »[5] 

 

Il dit également : « Nul doute que quiconque n’est pas convaincu qu’il incombe d’appliquer les Lois qu’Allah a révélées à Son Messager est un mécréant. Quiconque autorise moralement (istahalla) à régner sur les hommes selon ce qu’il croit être juste, sans se conformer aux Lois d’Allah est un mécréant. »[6]

 

Des grandes références comme ibn Hazam,[7] ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân,[8]mais aussi ibn Kathîr,[9] et ibn Jarîr[10] ont un discours qui va dans ce sens et qui malheureusement peut parfois être mal interprété. Bon nombre de savants, à l’instar d’ibn Taïmiya lui-même,[11] utilisent le Verset suivant pour interdire l’innovation, considérée comme une forme de tashrî’ : [ont-ils des associés pour leur légiférer dans la religion ce qu’Allah ne leur a pas autorisé ?][12] Il n’est donc pas pertinent de s’en servir pour kaffar ceux qui innovent des lois dans la religion. Le Verset condamne certes une telle initiative, mais il ajoute à cela le fait de l’imputer au Seigneur. C’est ce qu’on nomme le tabdîl (qui est encore différent de l’istibdâl el ‘âm), comme nous allons le voir,in shâ Allah ! Ainsi, le takfîr s’applique à la combinaison des deux (tashrî’ + tabdîl), non au simple fait d’instaurer des lois nouvelles. Sinon, il faudrait sortir les innovateurs de la religion !

 

3-  C’est le cas où le hâkim met sur le même pied d’égalité les Lois d’Allah (I) et les lois positives. Ce cas de figure relève de la grande mécréance à l’unanimité des savants.

 

4- C’est le cas où le hâkim donne la prépondérance aux lois des hommes sur celles d’Allah (I). Ce cas de figure est pire que le précédent, car il dément le Verset disant : [Y a-t-il une Loi meilleure que celle d’Allah, pour les gens qui sont convaincus ?]

 

5- C’est le cas où le hâkim impute à la religion des lois inventées. Ce cas de figure relève de la grande mécréance à l’unanimité des savants. Allah révèle à ce sujet : [ont-ils des associés pour leur légiférer dans la religion ce qu’Allah ne leur a pas autorisé ?] Non seulement le coupable légifère des lois, mais, de surcroît, il les attribue à la religion, ce qui fait de son initiative un crime aggravé, le tabdîl.

 

Ainsi, selon une tendance des savants, il n’y a pas de différence dans la question duhukm bi ghaïr mâ anzala Allah, entre celui qui ne respecte pas scrupuleusement les Lois divines tout en reconnaissant ses torts et celui qui légifèrent des lois nouvelles. Sinon, il faudrait dire à partir de quel moment, l’auteur d’un tel crime sortirait-il de la religion, est-ce au bout d’une, de deux, de trois ou de cent transgressions ? En revanche, les paramètres du tabdîl et de l’istihlâl sont beaucoup plus précis, car ils s’appliquent à ne serait-ce qu’un seul cas. Cette opinion, qui a nourri d’énormes controverses ces dernières années est celle des trois grandes montagnes contemporaines : el Albânî, ibn Bâz et el ‘Uthaïmîn, mais aussi du grand savant de Médine, Sheïkh ‘Abd el Muhsin el ‘Abbâd,[13] et du grand Mufti du Sud Sheïkh Ahmed e-Najmî, qui n’a pas manqué d’évoquer que la question est sujette à divergence.[14] Cette tendance est corroborée par une fatwa de la lajna dâima.[15]

 

Ainsi, on ne peut sortir quelqu’un de la religion sans en avancer une preuve spécifique. C'est pourquoi nous nous proposons de ramener dans les prochaines lignes les principaux arguments de l’autre tendance, qui considère que l’édiction de nouvelles lois est un acte en soi faisant exclure de la religion. Ensuite, nous allons répondre au problème que pose chaque argument. En mettant les passions de côté, chacun pourra enfin se rendre compte que les choses ne sont pas aussi simples qu’on veut nous les présenter, wa Allah a’lam !

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

[1] Les fourmis ; 14

 

[2] El A’râf ; 51

 

[3] Voir : madârij e-sâlikîn d’ibn el Qaïyim (1/367).

 

[4] Majmû’ el fatâwâ (3/267).

 

[5] E-sârim el maslûl (2/971).

 

[6] Manhaj e-sunna e-nabawiya (5/130).

 

[7] Voir : el fisal (3/204).

 

[8] E-rasâil wa el masâil e-najdîya (3/42).

 

[9] E-tafsîr (3/329) et (7/198).

 

[10] E-tafsîr (25/13).

 

[11] Voir : el istiqâma (1/5) et iqtidhâ e-sirât el mustaqîm (2/582).

 

[12] La concertation ; 21

 

[13] Voir : dars sharh sunan Abî Dâwûd du 16/11/1420 h.

 

[14] Dont voici l’audio : http://z-salafi.com/zsalafi/zsalafi-1-1.php?s_menu=23&idFatwa=81

 

[15] Voir : fatâwa e-lajna e-dâima (n° 6310).

LE TASHRÎ’  (3/16)

Selon ibn Shâhîn, Sufiân e-Thawrî a dit : « Craignez toutes ces « passions » égarées. » Quand on lui demanda des explications, ce dernier répondit : « Les murjites disent….Puis, il évoqua certaines de leurs opinions avant d’enchaîner : Ils voient l’épée contre les adeptes de la Qibla. » [Voir : el kitâb e-latîf (15), e-sharî’a d’el Ajurrî (2062), et sharh usûl el i’tiqâd d’e-Lalakâî (1834).]

  

 

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

Nous proposons donc ici d’exposer les principaux arguments de la partie adverse et d’y répondre ensuite :

 

Le premier argument : Le Verset 44 de la s. el mâida voue à la mécréance toute personne qui n’applique pas les lois d’Allah, sans se tourner vers ses intentions ni sa croyance. Cela démontre que la croyance n’est pas prise en considération dans le jugement.

 

En réponse : nul doute que le Législateur condamne à la mécréance sur le simple fait de ne pas appliquer les Lois d’Allah, mais le fait est qu’il s’agit de la petite (kufr asghar) non de la grande mécréance (kufr akbar). Et cela, pour les raisons suivantes :

 

1- Si l’on s’en tient au sens général du Verset, il faudrait sortir tous les musulmans de l’Islam qui ne jugeraient pas équitablement entre deux personnes, même le père avec ses enfants. Les simples désobéissants ne seraient pas épargnés, car, en commettant des péchés, ils n’appliquent pas les Lois d’Allah. La phrase est construite de telle façon (avec les ism mawsûl « mâ » et « man »), qu’aucune distinction n’est faite entre les fautifs ni entre les formes de désobéissance. Ibn Hazm explique au sujet des trois Versets de la s. el mâida : «  Si les mu’tazilites s’en tiennent à leur raisonnement, ils doivent nécessairement sortir de l’Islam tout désobéissant, tout homme injuste ou pervers, étant donné que l’auteur d’un péché lam yahkum bi mâ anzala Allah. »[1]

 

Or, à l’unanimité des savants, contrairement aux mu’tazilites et aux kharijites, il ne faut pas prendre ce Verset au sens littéral, ou général, ou encore pour certains au sens premier. Les kharijites en effet ne tiennent pas compte des éléments extérieurs au Verset permettant de l’interpréter convenablement, soit selon la compréhension des anciens. Ibn ‘Abd el Barr explique à ce sujet : « Certains innovateurs parmi les kharijiteset les mu’atazilitesse sont égarés dans ce domaine. Ils se sont inspirés de certains Versets du Livre d’Allah qu’il ne faut pas prendre au sens littéral. Des Versets comme : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. »[2]

 

Toujours dans ce registre, Il a précisé : « À l’unanimité des savants, la tyrannie des sultans relève des grands péchés, pour ceux qui les font volontairement et en toute connaissance de cause… »[3] El Qurtubî a des paroles qui vont dans ce sens.[4]

 

Plus proche de nous, Mohammed Rashîd Ridhâ fait un constat qui en dit long. Bien avant la première guerre du Golf des années 90, l’auteur de la revue el manâr nous rapporte : « Beaucoup de musulmans ont innové des lois et des règlements, à la manière des générations anciennes. En se tournant vers ces législations, ils ont dû délaisser une partie des Lois qu’Allah leur a révélées. Ceux qui délaissent les Lois que le Coran renferme, sans n’être motivé par la moindre interprétation, mais en étant convaincu par la véracité de leur action, sont concernés par les trois Versets en question, ou ne serait-ce qu’en partie. Cela dépend des cas.

 

Se détourner (a’radha) de la Loi prévue pour le vol, la diffamation, ou l’adultère, car au lieu de s’y soumettre, on les trouve abjectes ; et dans la mesure où on donne la préférence aux réglementations humaines, cela relève de la mécréance (kâfir) sans le moindre doute.

 

En revanche, en délaissant les Lois d’Allah pour une autre raison, on devient un injuste (zhâlim), dans la situation où on lèse un ayant droit, ou en manquant de partialité et d’égalitarisme. Sinon, on est un simple pervers (fâsiq).

 

Nous voyons en parallèle que beaucoup de musulmans religieux considèrent les juges des tribunaux civils, qui s’inspirent du droit séculier, comme des mécréants. Ces derniers prennent au sens littéral le Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Cela implique de vouer à la mécréance le juge qui se réfère au qânûn, les émirs et les sultans, qui eux, ont instauré (ou forgés) ces codes. Bien qu’ils n’aient pas été dictés sous leur connaissance, ils ont reçu leur aval pour être mis en vigueur au niveau du pays. En outre, ce sont eux qui nomment les juges dans le but de les faire appliquer.

 

Or, aucune grande référence notoire en fighn’a pris ce Verset au sens littéral. Je dirais même que personne ne l’a jamais fait. (sic) »[5]

Cette dernière phrase pose un problème. L’auteur veut certainement dire que même les kharijites ne peuvent pas prendre ce Verset au « premier degré ». Cela imposerait en effet que les petits péchés fassent tout autant sortir de la religion. Ce qu’ils ne disent pas, wa Allah a’lam !

 

2- Le grand exégète mutarjim el Qur-ân ibn ‘Abbâs considère que le Verset en question fait allusion au kufr asghar non akbar. Donc, il ne nous revient pas d’avoir une opinion différente.

 

Pour l’anecdote : Sheïkh el ‘Uthaïmîn explique que nul doute que les Versets en questions donnent trois statuts : les savants divergent sur la façon de savoir si ces statuts concernent une seule personne ou bien trois personnes différentes. Ensuite, il souligne que les cas varient en fonction des intentions de chacun ; en faisant la distinction entre ceux qui acceptent la Loi d’Allah et ceux qui ne l’acceptent pas. Le statut de mécréant (kâfir) s’appliquant au deuxième.

 

Pour le premier, il est soit motivé par un esprit tyrannique (celui-ci est un zhâlim), soit par ses mauvais penchants (celui-ci est un fâsiq). Ensuite, il s’inspire de l’annale d’ibn ‘Abbâs pour dire qu’il s’agit dans le Verset en question du… kufr dûn kufr.[6]

 

Cela nous ramène au deuxième argument de la partie adverse.

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 

 

[1] El fisal (3/234).

 

[2] E-tamhîd (17/16).

 

[3] E-tamhîd (5/74-75).

 

[4] El mufhim (5/117). D’autres savants rappellent que cette compréhension erronée du Verset est celle des kharijites, comme el Ajurrî dans e-sharî’a (p. 27), el Jassâs dansahkâm el Qur-ân (2/534), et Abû Hayyân dans el bahr el muhît (3/493).

 

[5] Tafsîr el manâr (6/405-406).

 

[6] Voir : mawqif el mamlaka el ‘arabiya e-su’ûdiya min el irhâb (2/595-597) de Sulaïmân Abâ el Khaïr.

LE TASHRÎ’  (4/16)

Selon ibn Shâhîn, on demanda à ibn el Mubârak : « Est-ce que tu adhères à la pensée murjite ?

-        Comment pourrais-je être un murjite,a-t-il répondu, alors que je ne vois pas l’épée !» [Voir : el kitâb e-latîf (n° 17).]

 

 

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

Le deuxième argument : les annales d’ibn ‘Abbâs parlant du kufr asghar sont contestables au niveau de la chaîne narrative. Il y a celle disant : « il s’agit de la mécréance qui ne fait pas sortir de la religion. »[1] Celle-ci est rapportée par ‘Abd e-Razzâq, selon Sufiân, selon un rapporteur, selon Tâwûs, selon ibn ‘Abbâs. Sa chaîne narrative contient donc un rapporteur anonyme, ce qui l’a rend faible. Quant à l’autre annale affirmant : « Ce n’est pas la mécréance à laquelle vous pensez. »[2] Celle-ci est rapportée par Sufiân ibn ‘Uyaïna, selon Hishâm ibn Hujaïr, selon Tâwûs, selon ibn ‘Abbâs. Or, Hishâm ibn Hujaïr a été discrédité par des spécialistes comme Yahyâ el Qattân et ibn Ma’în. Nous pouvons dire la même chose pour l’énoncé : « « Il s’agit de la mécréance sans n’être de la mécréance. » ; celle-ci est rendue faible en raison de la présence de ce fameux Hishâm ibn Hujaïr dans sa chaîne narrative.

 

Il existe certes une version authentique qui remonte à ibn ‘Abbâs et dont voici l’énoncé : « Il est entaché par la mécréance. »[3] Celle-ci est rapportée par ‘Abd e-Razzâq,[4] selon Ma’mar, selon Tâwûs, selon son père, selon ‘ibn ‘Abbâs. Or, rien ne dit qu’il s’agit ici du kufr asghar. Même constat pour celle que recense Tabarî dans sontafsîr, selon Sufiân, selon Ma’mar ibn Râshid, selon Tâwûs, selon son père, selon ‘ibn ‘Abbâs. Son énoncé est plus long : « Il est entaché par la mécréance, mais qui ne consiste pas à mécroire en Allah, Ses anges, Ses Livres et Ses messagers. »

 

En réponse : cette analyse est intéressante, mais nous pouvons y répondre en plusieurs points, en sachant que cela ne nous dérange pas de dire que les annales d’ibn ‘Abbâs soient effectivement fausses :

 

1- Penchons-nous tout d’abord sur les deux dernières annales citées. Celles-ci ne font pas particulièrement allusion au kufr asghar en effet. Elles pourraient tout autant signifier le kufr akbar, si ce n’est peut-être la fin de la phrase : « mais qui ne consiste pas à mécroire en Allah, Ses anges, Ses Livres et Ses messagers. ». Quoi qu’il en soit, le kufr asghar est tout désigné pour les raisons suivantes :

 

A-     Tâwûs, qui est un élève d’ibn ‘Abbâs, affirme explicitement dans une annale qui, elle est authentique,[5] qu’il est question dans ce Verset de la mécréance ne faisant pas sortir de la religion. Il y a donc de fortes probabilités que l’opinion de son Sheïkh allait dans le même sens. En sachant que le Législateur prend en considération ce genre de paramètres (e-zhann el ghâlib). Nous pouvons donc dire que le discours des élèves explique celui de leurs maitres, surtout dans la mesure où il ne le contredit pas. Mieux, il est même arrivé des cas où les spécialistes ont rejeté la parole d’un Sheïkh sous le simple prétexte qu’elle contredisait celle de ses élèves.[6]

B-     À ma connaissance, pour reprendre les termes de Raîs, aucun savant des premières générations ne recense une autre opinion d’ibn ‘Abbâs sur le sujet. Il y a certes celle où il parle de juhûd,[7] Mais en dépit du fait qu’aux yeux de certains spécialistes sa chaîne narrative ne fait pas autorité, elle ne s’oppose nullement à la précédente, bien au contraire comme nous l’avons vu précédemment.

C-     Les insurgés de Nahrawân soutenaient justement que le V. 44 de la s. el mâidafaisait allusion au kufr akbar. Position qu’ibn ‘Abbâs contesta avec force lors de sa fameuse confrontation qui l’opposa aux harûrites.

D-     C’est d’ailleurs ce qui poussa ibn ‘Omar à prononcer sa parole célèbre : «  … ils utilisent contre les croyants des Versets qui furent révélés sur les mécréants. »[8]

 

2- Quand bien même, ces annales seraient faibles, nous avons vu précédemment qu’à l’unanimité des savants, il ne fallait pas prendre le Verset en question au premier degré. C’est d’ailleurs devenu un principe auquel les grandes références de l’Islam se réfèrent à travers les époques. Un jour, on demanda à l’Imam Ahmed de quelle forme de mécréance s’agissait-il dans le Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants] ? Ce dernier répondit exactement comme Tâwûs, l’élève d’ibn ‘Abbâs, soit en disant : « C’est la mécréance qui ne fait pas sortir de la religion. »[9]

 

3- Si nous disons cela, c’est par condescendance, car même aux yeux des savants qui les ont jugés faibles, elles ne sont pas d’une faiblesse extrême. Certains spécialistes en effet ont rendu crédible ce fameux Hishâm ibn Hujaïr. Nous avons dressé précédemment une liste de savants qui ont repris à leur compte le principe du kufr dûn kufr, qui est puisé de cette annale. Sans n’être exhaustive, elle montait déjà à plus de quarante noms.

 

4- Il suffit pour reprendre les termes de Sheïkh el ‘Uthaïmîn que des grandes références comme ibn Taïmiya[10] et son élève ibn el Qaïyim[11] aient corroboré le principe du kufr dûn kufr, qui n’est, rappelons-le, pas propre au hukm bi ghaïr mâ anzala Allah, mais qui s’étale sur de nombreux points de la religion, comme l’a développé en détail ibn el Qaïyim, mais aussi l’Imam ‘Abd e-Lâtif ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan.[12]

 

5- Cette annale a été authentifiée par el Hâkim dans el mustadrak.[13] Sa chaîne narrative répond aux conditions de Bukhârî et de Muslim, bien qu’ils ne l’aient pas utilisée dans leur recueil e-sahîh. E-Dhâhabî a corroboré son jugement. El Bukhârî a même choisi pour titre à l’un de ses chapitres : bâb kufr el ‘ashîr wa kufr dûn kufr.

6- En outre, il existe une autre voie par laquelle cette annale est rapportée. C’est celle des feuillets (sahîfa) d’Alî ibn Abî Talha. Il est vrai que ce dernier ne la pas entendu directement d’ibn ‘Abbâs, mais il est passé par Mujâhid et ‘Ikrima,[14] qui étaient ses contemporains. L’Imâm Ahmed dit du bien de cette fameuse sahîfa, et l’Imam el Bukhârî s’en est servi dans son Livre du tafsîr. Il reprend ses annales certes sans leur chaînes narratives (ta’liqât), étant donné qu’elles ne répondent pas à ses conditions, mais cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas authentiques. Surtout, dans la mesure où il utilise leur énoncé, et qu’il les rapporte à la forme personnelle, non impersonnelle ; un indice de plus en leur faveur…[15]

 

7- Dire que cette annale est faible, c’est indubitablement se contredire, car même les savants, connus pourtant pour adhérer à l’autre tendance, reconnaissent le principe du kufr dûn kufr ou du kufr ‘amalî. C’est le cas de l’ancien grand Mufti d’Arabie Saoudite, Mohammed ibn Ibrahim, qui souligne en effet : « De la même manière, il faut mettre en pratique la définition de Mohammed rasûl Allah. Cela consiste à appliquer sa législation, de s’y soumettre, et d’abandonner toutes les législations et les coutumes qui s’y opposent pour lesquelles Allah n’a donné aucune autorité. Ces législations qui vouent celui qui les applique en étant convaincu qu’elles conviennent et qu’il est permis de le faire, à la mécréance qui fait sortir de la religion. S’il ne le fait pas par conviction ni en autorisant à le faire, il est un mécréant qui relève du kufr ‘amalî et qui donc, ne fait pas sortir de la religion. »[16]

 

Or, nous n’en sommes pas à une contradiction près, comme nous allons le voir dans les prochaines lignes in shâ Allah !

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

[1] Ta’zhîm qadr e-salât (n° 573). Une autre version dit : « Il s’agit de la mécréance sans n’être de la mécréance, de l’injustice sans n’être de l’injustice, et de la perversité sans n’être de la perversité. » Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans silsilat el ahâdith e-sahîha(6/114).

 

[2] Ta’zhîm qadr e-salât (n° 569) ; Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans silsilat el ahâdith e-sahîha (6/114).

 

[3] Ta’zhîm qadr e-salât (2/521/570).

 

[4] Voir : tafsîr ‘Abd e-Razzâq (1/182, n° 713)

 

[5] Ta’zhîm qadr e-salât (n° 574) et tafsîr e-Tabarî.

 

[6] Voir : el imân  (p. 22) d’Abû ‘Ubaïd el Qâsim ibn Sallâm.

 

[7] Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans silsilat el ahâdith e-sahîha (6/114). Ibn Jarîr e-Tabarî explique dans son tafsîr (10/358) : « L’opinion la plus proche de la vérité d’après moi, est celle selon laquelle ces versets sont descendus à l’attention des « gens du Livre » infidèles, étant donné que les versets situés avant et après ceux-ci sont tous descendus à leur attention et ceux-ci les concernent. Dans la mesure où le contexte parle d’eux, les Versets en questions ne peuvent que les concerner. S’il est dit : Allah (U) informe indistinctement que cela touche toute personne qui n’applique pas les lois d’Allah. Comment pouvez-vous dès lors restreindre la chose ? Nous disons : ce verset concerne indistinctement les membres d’un peuple qui renient les lois d’Allah. Leur statut de mécréant s’applique donc dans la situation où ils ne veulent pas appliquer les lois d’Allah pour les avoir reniées. Cela est valable pour toute personne qui n’applique pas les lois divines par reniement (juhûd) ; nous la considérons mécréante de la même façon qu’ibn ‘Abbâs. »

 

[8] Voir : el i’tisâm (2/692).

 

[9] Voir : marwiyat el imâm Ahmed fî e-tafsîr (2/45), masâil ibn Hânî (2/192), et masâil Abû Dâwûd (p. 209).

 

[10] Voir notamment majmû’ el fatâwa (7/312).

 

[11] Voir : voir madârij e-sâlikîn (1/336) et e-salat wa hukm târikuha (p. 72).

 

[12] Voir : lettre à Mukhlif.

 

[13] El mustadrak (2/313).

 

[14] Pour l’opinion de ces deux derniers, voir : mukhtasar tafsîr el Khâzin (1/310).

 

[15] Voir : la revue e-salafiya (n° 6).

 

[16] El fatâwa (1/80).

LE TASHRÎ’  (5/16)

D’après Abû Ishâq el Fuzârî, j’ai entendu dire Sufiân et el Awzâ’î : « Le discours des murjites aboutit à l’épée !» [Rapporté par ‘Abd Allah ibn Ahmed dans e-sunna (363) avec une chaîne narrative authentique.]

  

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

Le troisième argument : en principe, comme l’établit Sheïkh el Islâm ibn Taïmiya lorsque le terme kufr est utilisé dans les textes, il fait allusion à son sens absolu soit aukufr akbar, sauf si le contexte spécifie qu’il s’agit du kufr asghar.[1]

 

En réponse : cet argument est lié au précédent. C’est pourquoi, tout d’abord, il convient de donner la même réponse. Autrement dit, c’est la parole d’un Compagnon qui nous permet de le faire.

De plus, il est possible d’utiliser tous les arguments qui empêchent de vouer à la grande mécréance celui qui ne juge pas équitablement entre deux personnes, voire qui commet simplement une injustice. Sans compter que, comme nous l’avons vu, ibn ‘Abd Barr s’inspire du consensus pour dire que la tyrannie des gouverneurs relève des grands péchés, non de la grande mécréance.

 

Le quatrième argument : qui est également lié au précédent : une lecture exhaustive (istiqrâ) des Textes du Coran et de la sunna ont permis à ibn Taïmiya de constater que le terme kufr introduit par la particule « el » fait automatiquement allusion à la grande mécréance.[2]

 

En réponse :

 

1- L’istiqrâ en question, comme le souligne Sheïkh el ‘Uthaïmîn, concerne le morphème el kufr, qui est à l’infinitif (masdar), alors qu’il prend la forme du participe présent (ism fâ’il) dans le Verset en question. Or, si le masdar exprime l’action, l’ism fâ’ilrenvoie à deux choses en même temps : l’action et le sujet de cette action, dans le sens où il est possible de désigner ceux qui commettent du kufr comme des mécréants. On peut indépendamment dire kâfirûn ou el kâfirûn. Dans les deux cas, il s’agit du kufr asghar.

 

2- La preuve, c’est qu’ibn Taïmiya estime lui-même que le fameux Verset parle de la mécréance mineure. Qu’on en juge : « Si, comme le disent les anciens, un individu peut déceler en même temps des signes de la foi et de l’hypocrisie, ou encore comme ils l’établissent également, des signes de la foi et de la mécréance ; il faut savoir qu’il ne s’agit pas de la mécréance qui fait sortir de la religion, comme le révèle ibn ‘Abbâs et ses élèves au sujet du Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Selon ces derniers en effet, ils commettent de la mécréance qui ne fait pas sortir de la religion. L’Imam Ahmed ibn Hanbal et d’autres grandes références les ont rejoints dans ce principe. »[3] Il rapporte même ailleurs qu’aucune divergence entre les anciens n’est constater sur ce point.[4]

 

3- Il est impossible qu’ibn Taïmiya puisse non seulement s’opposer à un consensus établi comme nous l’avons vu, mais qui plus est, assurer le contraire. Si cela avait été le cas, nous aurions dit sans détours, pour reprendre les fameuses paroles d’ibn el Qaïyim el Jawziya, si Sheïkh el Islam (en parlant d’el Harawî) nous est cher, la vérité nous est encore plus chère.

 

Ce même ibn el Qaïyim explique également : « Il n’incombe nullement à la nation de suivre ou de s’en remettre au jugement de quiconque inaugure un discours et établit des règles en fonction de sa propre compréhension et interprétation. Il importe avant tout d’exposer son discours aux enseignements du Messager. S’il correspond et est conforme à ceux-ci, on peut alors témoigner de sa véracité et l’approuver dans ces conditions uniquement. Sinon, il est impératif de le réfuter et de le rejeter. Dans le cas où l’on ne peut y distinguer ni la conformité ni la non-conformité aux enseignements prophétiques, il faut le laisser en suspens. Au pire des cas, il est tout juste légitimé de s’en servir comme loi ou comme fatwa ; il est possible encore de le délaisser. » Fin de citation.[5]

 

En commentaire à ce passage Sheïkh ‘Ubaïd el Jâbirî nous fait savoir : « Il est établi en effet chez les Imams parmi les pieux prédécesseurs que les paroles et les actes des hommes doivent être mesurés à la lumière des Textes et du consensus. Quiconque dont la pensée est conforme aux textes ou au consensus, il se verra approuvé tandis que s’il contredit l’une ou l’autre de ces références, il se verra désapprouvé quel que soit le rang de ce dernier. Si l’on se penche sur la situation des Imams, et des prêcheurs bien guidés parmi les pieux prédécesseurs en commençant par les Compagnons, les grandes références des Tâbi’în, et leurs fidèles successeurs, on se rendra compte qu’ils ont emprunté cette voie. Ils se tiennent ainsi face aux innovateurs et aux gens des passions grâce à des arguments irréfutables qu’Allah leur a concédés et à des preuves percutantes du Coran et de la Sunna. »[6]

 

 

Règle en or :

 

Lorsqu’il existe une divergence entre les anciens qui s’appuient sur des annales authentiques, il faut, aux yeux d’ibn el Qaïyim, se pencher du côté le plus solide pour départager les avis.[7] Ibn Taïmya lui-même souligne que dans l’hypothèse où le ta-wîlait eu lieu de la part d’un Compagnon, nous devons l’accepter étant donné qu’il ne peut que l’avoir entendu du Prophète. S’il provient d’un autre parmi les générations suivantes, nous pouvons l’accepter à condition que les grandes références de l’Islam lui aient donné leur aval. Cependant, s’il est le seul à le proposer, nous le rejetons sans appel, au même titre que n’importe quelle interprétation des nouvelles générations (khalaf).[8]

 

4- Le plus étonnant, c’est que certains adversaires nous reprochent d’aller à l’encontre d’un consensus, qui est pour le moins discutable, comme nous allons le voir in shâ Allah, alors qu’eux ne se privent pas d’aller ouvertement contre un consensus, qui lui est établi de façon irréfutable. Cela nous fait penser étrangement aux paroles d’Abû Umâma que relatent Shâtibî,[9] et  disant que les kharijites sont notamment concernés par le Verset : [Quant à ceux qui ont les cœurs égarés, ils s’attachent aux Versets ambigus en vue de semer la discorde et de les interpréter à leur façon ; mais personne ne connait leur interprétation en dehors d’Allah. Ainsi que les savants érudits qui disent : nous y donnons foi, tout vient de Notre Seigneur].[10]

 

Ibn Taïmiya souligne enfin que les adeptes des religions falsifiées et les égarés en général, s’appuient généralement sur des arguments ambigus au détriment des arguments formels, trahissant ainsi qu’ils sont plus animés par les passions que par la recherche de la vérité.[11] Ce manque de bonne foi ou, pour le moins, ce manque de rigueur les fait sombrer dans les contradictions les plus aberrantes.

 

Mais, il incombe, avant d’aller plus loin, de faire une petite mise au point dans le but de dissiper certaines confusions.

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

   

 

 

 

[1] Voir : iqtidhâ e-sirât el mustaqîm (1/211), sharh el ‘umda (p. 82).

 

[2] Voir : sharh el ‘umda (p. 82), et majmû’ el fatâwa (7/668).

 

[3]Majmû’ el fatâwa (7/312) ; ibn Rajab a également un discours qui va dans ce sens dans son fameux fath el Bârî (1/126).

 

[4] Voir : kitâb el imân avec la recension de Sheïkh el Albânî (p. 309-310).

 

[5] Zâd el Ma’âd (38/1).

 

[6] Kun Salafiyan ‘ala el Jadda de Sheïkh ‘Abd e-Salâm e-Sahaïmî.

 

[7] Voir : mukhtasar e-sawâ’iq el mursala (2/262).

 

[8] Naqdh e-ta-sî (manuscrit : 2/220).

 

[9] Voir : el i’tisâm (1/32, 77) et Qawt el Qulûb d’Abû Tâlib el Makkî (2/246).

 

[10] La famille d’Imrân ; 7

 

[11] Voir notamment : El Jawâb e-Sahîh li man baddala din el Masîh (2/710) et majmû’ el fatâwa (3/62-63).

LE TASHRÎ’  (6/16)

D’après e-Sâbûnî, avec une chaîne narrative authentique qui fait dire à Ahmed ibn Sa’îd e-Ribâtî, ‘Abd Allah ibn Tâhir m’a dit : « Ahmed ! Vous, vous ne savez pas pourquoi vous détestez ces gens-là – en parlant des murjites – alors que moi, je sais pourquoi je les déteste. Je les déteste parce que ; premièrement : ils ne voient pas l’obéissance au sultan… » [Voir : ‘aqîda e-salaf wa ashâb el hadîth (p. 109).]

  

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

Mise au point :

 

Nous avons démontré auparavant que le V. 44 de la s. el mâida faisait allusion aukufr asghar, mais cela ne veut pas dire qu’il ne peut s’agir du kufr akbar. Remplacer les Lois d’Allah (tabdîl) entre dans cette dernière catégorie. Le problème, c’est qu’il règne la confusion sur le sens du tabdîl dans l’esprit de certains gens. Ces derniers s’imaginent que le tabdîl englobe tous ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah de manière générale. Or, dans le vocabulaire des savants, le tabdîl ne consiste pas seulement à forger une loi, mais il faut en plus de cela l’attribuer à Allah. Le simple fait d’en forger une n’entre pas dans ce registre.

 

Ibn el A’abî explique à ce sujet : « Cela dépend des cas : s’il applique une loi qu’il a forgée tout en l’attribuant à Allah, cela revient à faire du tabdîl (la changer ou la remplacer) ; ce qui implique la mécréance. »[1]  El Qurtubî a des paroles qui vont dans ce sens.[2] Ibn Taïmiya explique pour sa part que le terme législation (sharî’ashar’) revêt trois sens dans l’usage :

1-       La Loi révélée (shar’ munazzal) : qui correspond aux enseignements du Prophète (r) auxquels il incombe de se conformer et de punir celui qui les transgresse.

2-      La loi interprétée (shar’ muawwal) : qui correspond aux opinions des savantsmujtahidîn, comme les fondateurs des quatre écoles ou autre. Il est toléré de suivre ces opinions sans que cela ne prenne un caractère obligatoire ni interdit. il n’est permis à personne d’imposer ou d’interdire aux gens de suivre l’une de ces tendances.

3-      La loi changée (shar’ mobaddal) : c’est le fameux tabdîl qui consiste à mentir sur Allah, sur Son Messager, et sur les hommes à travers les faux témoignages, l’injustice éclatante, etc. Quiconque attribue ces choses à la Législation divine devient mécréant, sans contestation possible. C’est le cas de celui qui prétend que le sang et la viande morte sont licites.[3]

 

Il s’agit donc d’attribuer mensongèrement une loi à Allah, non de simplement en forger une. Il suffit de se pencher sur le contexte de la révélation du V. 44 de la s. el mâida pour mieux s’en rendre compte. Le hadîth rapporté par el Barâ ibn ‘Âzib explique en effet que les Juifs ne se contentèrent pas de remplacer la lapidation par une sanction beaucoup plus laxiste, le tahmîm. Ils fouettaient les coupables et les faisaient tourner dans les marchés attachés sur un âne et couverts d’enduit.[4] En plus de cela, ils faisaient endosser cette punition à la religion, le tabdîl.

 

C’est de ce phénomène dont parle le passage d’ibn Taïmiya précédemment cité : « À partir du moment où quelqu’un interdit une loi qui est licite à l’unanimité des savants, ou bien qui autorise une autre qui est illicite à l’unanimité des savants, ou encore qui remplace une loi (tabdîl e-shar’) qui est frappée également d’un consensus est un mécréant apostat à l’unanimité des légistes. C’est pour ce cas que, selon l’une des opinions, le Verset fut révélé : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Cela, étant donné qu’il autorise moralement (istahalla) à ne pas appliquer les lois d’Allah. »[5]

 

Autre confusion :

 

Le terme iltizâm revient beaucoup dans le vocabulaire des savants. On entend souvent dans le discours d’ibn Taïmiya notamment que toute personne n’adhérant (iltazama) pas à telle chose devient apostate. Certains en ont compris qu’il s’agissait de délaisser une obligation ou de transgresser un interdit de façon permanente. En parlant d’un fautif éventuel, ils disent qu’il n’est pas multazim. Or, cette conception erronée rejoint exactement celle des premiers kharijites concernant l’auteur d’un grand péché. Nous nous proposons donc de rectifier le tir à travers un certain nombre de points :

 

1- Dire de quelqu’un qu’il n’est pasmultazim ne signifie nullement qu’il délaisse une obligation de façon permanente, contrairement aux idées reçues. Ibn Taïmiya parle de cette réalité au sujet de celui qui ne fait pas la prière. Il explique que l’opinion la plus répandue chez les anciens en commençant par les Compagnons et leurs successeurs, c’est qu’il sort de l’Islam. Or, la divergence porte sur celui qui certes la délaisse, mais qui reconnait son aspect obligatoire, et de surcroit, qui adhère (iltazama) à la faire, bien qu’il soit négligent.[6]

 

Ainsi, adhérer à une chose ne signifie pas qu’il faille la faire de façon permanente. On peut y adhérer sans pour autant la faire. L’iltizâm est en relation avec le cœur et la croyance non avec les actes. Celui qui n’adhère pas à telle loi avec le cœur devient en effet apostat. C’est ce qui pousse ibn Taïmiya a précisé qu’il existe un iltizâm des actes, bien qu’en lui-même il ne soit pas un paramètre dans la question du takfîr. Juste après le passage précédemment cité, il souligne qu’indépendamment du fait que le fautif ne renie pas le caractère obligatoire (le fameux juhûd) de la prière, il refuse d’adhérer à la faire en étant motivé soit par l’orgueil, soit par la jalousie, soit par la haine d’Allah et de Son Messager. Il reconnait qu’Allah l’a imposée aux musulmans, et que le Messager dit la vérité dans sa transmission du message, mais il refuse (imtana’a) de la faire soit par orgueil, soit par jalousie envers le Messager, soit par chauvinisme envers sa religion, ou soit encore par répulsion envers les enseignements du Messager. Cela relève également de la mécréance à l’unanimité des savants.

 

Iblîs en effet, n’a pas refusé de se prosterner, car il reniait l’aspect obligatoire de l’ordre qu’il avait reçu ; Allah en effet s’était adressé à lui directement. Cependant, il fut motivé par l’orgueil et l’obstination et rejoignit ainsi les rangs des mécréants.[7]

 

Il ne s’agit donc pas de ne pas adhérer à une chose dans les actes, mais il faut être motivé en cela par une croyance qui fait sortir de la religion ; soit, l’orgueil, la jalousie, la haine d’Allah et de Son Messager. Ainsi, il devient clair que la mécréance porte sur l’iltizâm du cœur, non sur l’iltizâm des actes.

 

Or, la question qui se pose d’elle-même ici : quelle est la définition de l’iltizâm ?

 

Nous pouvons donner en réponse celle que propose l’encyclopédie des légistes, et disant : « L’iltizâm dans l’usage des savants et le vocabulaire des légistes signifie : s’imposer une chose et s’y soumettre. »[8]

 

Remarque :

-          Il est possible de s’imposer une chose et de ne pas la faire par orgueil et obstination, comme l’a fait remarquer ibn Taïmiya plus haut. C’est ce qu’on appelle ‘adam el iltizâm, qui en soit est la marque du kufr.

-          Il ne faut pas confondre imtana’a (refuser de faire) et taraka (délaisser ou ne pas faire). or, selon l’une des tendances des savants, ne pas faire la prière fait sortir de la religion, quand bien même on y adhérerait avec le cœur. La prière fait donc exception, wa Allah a’lam !

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

[1] Ahkâm el qur-ân (2/624).

 

[2] Voir son tafsîr (6/191).

 

[3] Majmû’ el fatâwa (3/268).

 

[4] Les détails de cette histoire sont parsemés à travers plusieurs versions que recensent notamment el Bukhârî (3635, 4556, 6841, 7332, 7543) et  Muslim (4412-4418).

 

[5] Majmû’ el fatâwâ (3/267), voir également : (7/70-71).

 

[6] Majmû’ el fatâwâ (20/97).

 

[7] Majmû’ el fatâwâ (20/97).

 

[8] Mu’ajam lughat el fugahâ (p. 86).

LE TASHRÎ’  (7/16)

Ibn ‘Abbâs dépeint le profil des kharijites en ces termes : « Ils donnent foi aux Versets formels, mais les Versets ambigus les égarent. » Puis, il récita : [personne ne connait leur interprétation en dehors d’Allah. Ainsi que les savants érudits qui disent : nous y donnons foi, tout vient de Notre Seigneur] [La famille d’Imrân ; 7] [El musannif  d’ibn Abî Shaïba (15/313) ete-sharî’a d’el Ajûrrî (1/343).]

  

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

Nous sommes toujours avec le terme « iltizâm ».

 

2- Dire que l’iltizâm consiste à faire une chose de façon permanente engendre de fausses implications. Cela vaudrait dire en effet qu’il suffit de persister à faire une faute (soit en délaissant une obligation soit en commettant une interdiction à plusieurs reprises) pour sortir de l’Islam. Or, le dogme traditionaliste établit qu’il n’est pas permis de kaffar un adepte de l’Islam pour une faute qu’il a commise dans la mesure où il ne l’autorise pas moralement. Nous en revenons à l’istihlâl. Selon, ibn ‘Abbâs, il n’y a pas de petit péché avec récidive ni de grand péché avec repentir.[1] Nous avons vu plus haut que selon l’une des opinions des savants, cette règle ne concerne pas la prière.

Nous sommes donc loin de la croyance kharijite qui voue à la mécréance les musulmans auteurs des grands péchés.

 

3- Aucun texte du Coran et de lasunna ne vient appuyer l’idée que les fautifs récidivistes sont des apostats. Certains textes, comme le hadîth de la « carte », vont même dans le sens contraire. Le takfîr est un droit réservé à Allah et à Son Messager (r). Les passions et l’excès de zèle n’ont pas leur place dans ce domaine.

 

Le cinquième argument : d’autres Versets que le V. 44 de la s. el mâida vouent à la mécréance celui qui n’applique pas les Lois d’Allah. Il convient, avant d’aborder ces Versets en question, de se pencher sur une annale très riche en enseignements.

 

D’après ibn Wahb, selon Bukaïr, ce dernier demanda à Nâfi’ : « Quelle est l’opinion d’ibn ‘Omar sur les Harûrites ?

  •  Pour lui, ils sont les pires des hommes,répondit-il, car ils utilisent contre les musulmans des Versets qui furent révélés sur les mécréants. »

Très content de cette réponse, Sa’îd ibn Jubaïr fit le commentaire suivant : « Parmi les Versets ambigus que les harûrites utilisent, nous avons : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants][2] ; un Verset auquel ils font joindre : [Après cela, les mécréants lui donnent des égaux].[3] Dès qu’ils voient que l’Imam ne gouverne pas avec justice, ils prétendent qu’il devient mécréant. Or, étant donné que la mécréance consiste à donner des égaux au Seigneur, cela revient à commettre l’association. Ainsi, les membres de cette communauté sont des païens.

C’est alors qu’ils – les harûrites – s’insurgent et répandent le meurtre, comme nous avons pu le voir, en raison de l’interprétation erronée qu’ils font de ce Verset. »[4]

 

Nous pouvons passer maintenant à ces fameux Versets :

 

• Verset I : [Non, par Allah ! Ils ne peuvent prétendre à la foi tant qu’ils ne te soumettent pas leurs litiges, et qu’ensuite, ils ne soient pas infligés par ton jugement en s’y soumettant totalement].[5]

 

L’argument : en principe, la négation porte sur l’essence même de la foi (asl el îmân). Cela signifie que le gouverneur qui n’applique pas les Lois d’Allah commet un acte qui relève de la grande mécréance. On peut toujours avancer que le Verset fait allusion à la foi parfaite réclamée/imposée (kamâl el îmân el wâjib) comme le dénotent certains hadîth, mais rien ne prête à le dire en regard des textes.

 

En réponse : il existe pourtant plusieurs textes qui démontrent qu’il s’agit de la foi parfaite réclamée.

 

1- Il suffit de se pencher sur le contexte de la Révélation pour notamment s’en rendre compte. Il concernait selon un hadîth rapporté par el Bukhârî et Muslim un litige qui opposait e-Zubaïr ibn el ‘Awwâm et un ansâr. Ibn Taïmiya souligne que l’homme en question avait participé à la bataille de Badr, et qu’il ne pouvait s’agir d’un apostat ou d’un hypocrite.[6]

 

2- D’après el Bukhârî et Muslim également, un homme exprima au Messager d’Allah (r) son mécontentement au sujet d’un partage. Dans un élan téméraire, il s’écria : « Crains Allah, Messager d’Allah ! » Il trahissait ainsi qu’il ne s’était pas soumis pleinement à son jugement. Khâlid ibn el Walîd projeta de lui trancher la nuque, mais le meilleur des hommes l’en empêcha, sous prétexte notamment qu’il n’était pas à même de sonder les cœurs.

3- Toujours d’après ces deux références, les femmes du Prophète (r) se plaignirent du penchant de leur mari pour sa favorite, ‘Âisha. Elles lui réclamèrent alors de les traiter équitablement.

 

4- Ses deux recueils nous apprennent également que les ansars n’étaient pas satisfaits du partage du butin à la bataille de Hunaïn.

 

Ainsi, comme le souligne ibn Taïmiya, la négation de la foi porte dans ce genre de textes sur kamâl el îmân el wâjib.[7] Or, aux yeux des kharijites, elle porte sur asl el îmânSheïkh el Islâm explique à ce sujet : « Allah jure par Lui-même que celui qui n’adhère pas (iltazama) au jugement d’Allah et de Son Messager pour les litiges qui opposent les musulmans, n’a pas la foi. Quant à celui qui adhère intérieurement et extérieurement au jugement d’Allah, mais qui, dans un élan de désobéissance, obéit à ses passions, est considéré comme les autres désobéissants musulmans. Concernant le Verset en question : [Non, par Allah ! Ils ne peuvent prétendre à la foi…],[8] c’est le genre d’arguments que les kharijites utilisent pour kaffar les gouverneurs qui n’appliquent pas les Lois d’Allah. Puis, ils prétendent que leur croyance est conforme à la Loi d’Allah… »[9] Sheïkh ibn Bâz a un discours qui va dans ce sens.[10]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

  

 

 

 

[1] Rapporté par ibn Abî Hâtim et ibn Jarîr dans leur tafsîr.

 

[2] Le repas céleste ; 44

 

[3] Le bétail ; 1

 

[4] Voir : el i’tisâm de Shâtibî (2/692), e-sharî’a d’el Âjûrrî (1/341-342), et e-tamhîd d’ibn ‘Abd el Barr (23/334-335). Il va sans dire que cette accusation ne vise pas les savants traditionalistes qui prennent ces Versets à leur compte pour kaffar celui qui forge des lois.

 

[5] Les femmes ; 65

 

[6] Voir : majmû’ el fatâwâ (7/490).

 

[7] Voir : majmû’ el fatâwâ (7/37) et (22/530) ; voir également : el qawâ’id e-nûrâniya (p. 61).

 

[8] Les femmes ; 65

 

[9] Manhâj e-sunna (5/131).

 

[10] El fatâwâ (6/249).

LE TASHRÎ’  (8/16)

Ibn Shaïbân ibn Farrûkh demanda à ‘Abd Allah ibn el Mubârak à la fin de sa vie : « Que dis-tu de celui qui commet l’adultère et qui boit de l’alcool, etc. ? Est-il musulman ?

  •   Je ne le sors pas de la foi.

  •  Serais-tu devenu murjiteà ton âge ?

  •  Abû ‘Abd Allah ! Les murjite ne m’acceptent pas ; moi, je dis que la foi monte contrairement à eux. » [Voir :musnad ishâq (3/670).]

 

 

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

• Verset II : [Ne vois-tu pas ceux qui prétendent croire à la Loi qui te fut révélée et qui fut révélée avant toi, ils veulent soulever leurs litiges au tâghût, alors qu’il leur est demandé de le renier. Satan veut uniquement les faire sombrer dans un lointain égarement].[1]

 

Argument : ils sont devenus hypocrites, car ils voulaient soumettre leurs litiges auxtaghût. Ibn el Jawzî explique que le terme za’ama (vouloir) est employé dans la majeure partie des cas pour les volontés que l’on concrétise.[2]

 

En réponse : ce Verset ne constitue pas forcément un argument pour kaffar sur le simple fait de ne pas appliquer les Lois d’Allah. Et cela pour deux raisons :

 

La première : le Verset peut vouloir dire deux choses :

 

1-      Soit, ils sont effectivement devenus hypocrites pour avoir soumis leurs litiges aux taghût.

2-      Soit, le Verset veut signaler l’une des caractéristiques des hypocrites, ces soi-disant croyants. Or, ressembler aux hypocrites dans l’une de leurs caractéristiques n’est pas automatiquement synonyme de mécréance.[3] Ainsi, ne pas appliquer les Lois d’Allah est certes caractéristique aux hypocrites, mais cela ne fait pas sortir de l’Islam en soi. Seul un autre indice pour confirmer l’état d’apostasie. Par exemple, le mensonge est propre aux hypocrites, mais il ne fait pas pour autant sortir de la religion.

Ainsi, il n’est pas pertinent de condamner quelqu’un, qui en principe est musulman, sur une simple hypothèse.

 

La deuxième : dans le Verset en question, ils veulent certes soumettre leurs litiges aux taghût, mais il ne s’agit pas de n’importe quelle volonté. Cette volonté en question s’oppose à l’obligation fondamentale de renier le taghût qui relève de la croyance même. Il va sans dire que ne pas fournir cette croyance relève du kufr akbar (grande mécréance), comme le formule le Verset : [celui qui renie le tâghût et qui croit en Allah se sera alors accroché à un lien solide].[4]

 

Ibn Jarîr affirme à ce sujet : « Ils veulent soulever leurs affaires au tâghût dans les litiges qui les opposent. Le tâghût est celui qu’ils encensent, de la parole duquel ils s’inspirent, et à la loi duquel ils se réfèrent en mettant de côté celle d’Allah. Le fait est qu’il leur fut demandé de le renier… Allah leur a ordonné de démentir les décisions dutâghût auxquelles ils soumettent leurs affaires. Cependant, ils délaissèrent l’ordre d’Allah et se soumirent à celui de Satan. »[5]

 

• Verset III : [Les démons insufflent à leurs alliés de polémiquer avec vous. Si vous leur obéissez, vous deviendrez alors des païens].[6]

 

Argument : obéir aux lois forgées par les hommes est une forme d’association.

 

En réponse :

 

1- Le Verset ne fait pas de distinction entre les formes d’obéissance. Cela ne concerne pas seulement les lois positives, et personne ne prétend que toute désobéissance à Allah est un acte d’association en soi.

2-  Le Verset englobe tous les codes (qawânîn) qui s’opposent à la Législation divine, comme le confirme un autre Verset : [ont-ils des associés pour leur légiférer dans la religion ce qu’Allah ne leur a pas autorisé ?][7] Or, nous avons vu précédemment que les innovateurs sont concernés par cette menace, et qu’il s’agit en fait du tabdîl. Sinon, il faudrait sortir de la religion tous les innovateurs !

3- ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân souligne qu’il s’agit d’obéir à Satan en autorisant ce qu’Allah a interdit ou en interdisant ce qu’Il a autorisé.[8] Nous allons voir plus loin que ce discours rejoint celui d’ibn Taïmiya, et qu’il tourne autour de la croyance et de l’istihlâl. Nous avons déjà parlé de l’istihlâl, mais nous ajoutons ici qu’il est lié avec le cœur et la croyance. Ibn Taïmiya en donne la définition suivante : « l’istihlâl, c’est de croire que [cette choseest autorisée. »[9] Dans la même page, il explique qu’à l’unanimité des savants, celui qui commet un péché tout en l’autorisant moralement devient mécréant.[10]

 

Ibn el ‘Uthaïmîn donne plus de détail : « l’istihlâl : c’est croire qu’une chose interdite par Allah soit autorisée… quant à l’istihlâl des actes, il faut regarder : par exemple, quelqu’un qui pratique l’usure et qui récidive, il n’est pas considéré mécréant s’il n’est pas convaincu que son acte est licite, étant donné qu’il ne l’a pas autorisé moralement. »[11]

 

Ainsi, comme nous l’avons vu précédemment, je cite : « À partir du moment où quelqu’un autorise une loi qui est licite à l’unanimité des savants, ou bien une autre qui est illicite à l’unanimité des savants, ou encore qui remplace une loi (tabdîl e-shar’) qui est frappée également d’un consensus est un mécréant apostat à l’unanimité des légistes. C’est pour ce cas que, selon l’une des opinions, le Verset fut révélé : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Cela, étant donné qu’il autorise moralement (istahalla) à ne pas appliquer les lois d’Allah. »[12]

 

Nous avons vu également que la tyrannie des sultans relève des grands péchés. Ibn ‘Abd el Barr rapporte le consensus sur la question.[13]

 

Mais ne précipitons pas les événements…

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

[1] Les femmes ; 60

 

[2] Zâd el masîr (2/120).

 

[3] Voir : jâmi’ el bayân fî tafsîr el qur-ân (5/99).

 

[4] La vache ; 256

 

[5] Tafsîr e-Tabarî (5/96).

 

[6] Le bétail ; 121

 

[7] La concertation ; 21

 

[8] E-rasâil wa el masâil e-najdîya (3/42).

 

[9] E-sârim el maslûl (3/971). Ibn el Qaïyim a des paroles de ce genre [voir : ighâthat e-lahfân (1/372)].

 

[10] E-sârim el maslûl (3/971).

 

[11] Voir : el bâb el maftûh (3/97).

 

[12] Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (3/267).

 

[13] E-tamhîd (5/74-75).

LE TASHRÎ’  (9/16)

‘Abd Allah ibn el Mubâraka dit : « Celui qui dit que la foi se compose des paroles et des actes, et qu’elle monte et qu’elle descend, sort de l’irjâ par toutes ses portes sans exception. » [Rapporté par ibn Batta dans el ibâna el kubrâ (278).]

  

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

• Verset IV : [et qui n’associe personne dans Sa Loi].[1]

 

Argument : ne pas appliquer les Lois d’Allah revient à s’associer à Lui dans le domaine de la législation, ce qui relève de la grande mécréance.

 

En réponse :

 

1- Dans le cas du tabdîl et de l’istihlâl en effet, on s’associe à Allah dans le tashrî’, mais pas dans les autres cas, sinon :

 

2- Il faudrait considérer la tyrannie des sultans de ce domaine, alors que, comme nous l’avons vu, à l’unanimité des savants, elle entre dans les grands péchés. Par conséquent, il ne faut pas prendre ce Verset dans son sens général.

 

3- Le Verset en effet, comme le fait admirablement remarquer Sheïkh Sa’dî dans sontafsîr, fait allusion aux deux formes de Loi divine : la Loi universelle et la Loi textuelle qui s’incarne dans le Coran et la sunna. Personne n’est à même de s’associer à Allah dans Ses Lois universelles. Quiconque prétend qu’une créature participe dans l’agencement de l’Univers sombre immanquablement dans la grande association dans le domaine de la Seigneurie divine (rubûbiya).

Concernant la Loi textuelle, si quelqu’un autorise ce qu’Allah interdit et inversement, il devient apostat. Cependant, le simple désobéissant n’est pas concerné par ce statut, comme nous l’avons vu avec les paroles d’ibn Taïmiya. Il n’est pas différent des autres auteurs des grands péchés (adultère, vol, intérêt, alcool, etc.). C’est avis, qui est celui des traditionalistes ne s’accorde pas avec la tendance kharijite qui voue à la mécréance l’auteur des grands péchés.

 

• Verset V : [La Loi revient à Allah Seul, et Il a ordonné de n’adorer que Lui].[2]

Argument : ceux qui légifèrent des lois positives contestent une particularité qui est propre au Seigneur, ce qui relève de la grande association.

 

En réponse :

 

1- C’est le même argument que les premiers kharijites ont utilisé contre ‘Alî et ibn ‘Abbâs ; c’est cet argument que le mujrim ’Abd e-Rahmân ibn Muljim prit à son compte avant d’assassiner le quatrième khalife qui prononça sa phrase célèbre avant de mourir ; une phrase qui deviendra une règle en or chez les savants : « C’est prêcher le vrai pour faire passer le faux. » ; c’est aussi celui que l’Imam e-Shâtibî réfute, avec des Versets du Coran à l’appui dans son fameux el i’tisâm.[3] Ceux-ci dénotent que le Législateur remet certains jugements aux hommes.

 

2- Nous pouvons utiliser les arguments de la réponse précédente.

 

3- Nous ajoutons ici, que de créer des images ou que faire preuve d’orgueil est une particularité propre au Seigneur.[4] Pourtant, à l’unanimité des savants, le musulman orgueilleux ou qui fait des images n’est pas considéré comme un apostat. Nous pouvons dire la même chose pour celui qui légifère des lois ; il conteste certes une particularité propre au Très-Haut, mais cela ne le rend pas forcément mécréant, bien que cela ne diminue en rien à la gravité de son péché.

 

4- Ibn Taïmiya fait remarquer que ce Verset fait également allusion aux deux formes de Loi divine : la Loi universelle et la Loi textuelle.[5]

 

5- Nous avons vu précédemment qu’il existe trois formes de tashrî’ : La Loi révélée (shar’ munazzal) la loi interprétée (shar’ muawwal), la loi changée (shar’ mobaddal). Nous ajoutons ici qu’il existe plusieurs formes de tabdîl :

 

A- Certaines formes relèvent de la grande mécréance comme :

• Transformer le tawhîd en shirk ou en d’autres termes changer toute la religion, car la législation divine n’est rien d’autre que la religion d’Allah ; les lois qui régissent un État n’en représentent qu’une partie. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les paroles d’Abd el ‘Azîz ibn Yahyâ el Kanânî lorsque ce dernier condamne à la mécréance celui qui délaisse toutes les lois révélées par Allah.[6] Dans ce registre, nous avons lehadîth : « Celui qui change (baddalade religion, tuez-le. »[7] L’Imam Shâfi’î s’est chargé d’expliquer le sens du tabdîl que revêt ce hadîth.[8] Abû el Hasan el Mâlikî explique pour sa part qu’il faut distinguer entre le tabdîl qui relève de l’apostasie, car touchant à la croyance, et celui qui relève des grands péchés.[9]

• Une autre forme de tabdîl correspond à l’istihlâl (en l’attribuant mensongèrement à Allah ou en l’autorisant moralement) comme nous l’avons vu, mais il y a aussi le ‘inâdet l’istikhfâf qui consiste à dénigrer la Loi d’Allah.

 

B- D’autres formes de tabdîl ne relèvent pas de la grande mécréance :

• C’est le cas de celui qui change une partie de la religion qui ne touche pas aux annulations de l’Islam, soit en suivant ses passions, soit par corruption ou soit en étant motivé par la peur des gens.[10]

• C’est également le cas du ta-wîl et de l’effort d’interprétation. Concernant le mauvais ta-wîl, ibn Taïmiya met sur le même pied d’égalité le taqlîd aveugle à une école de figh ou à une voie soufie, les hadîth forgés, les innovations et le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah.[11] Ibn Taïmiya parle même des qânûn (codes) forgés par les adeptes dukalâm, et qui ne se basent sur aucune révélation. En cela, ils sont pires que les Juifs et les chrétiens, ou en d’autres termes les gens du Livre ont un plus grand respect de leurs références qu’eux sur ce point.[12] Ibn el Qaïyim explique quant à lui que les loismubaddala des innovateurs et les mauvaises opinions des savants sont pires que les lois abrogées des gens du Livre, qui ont au moins le mérite d’avoir une origine.[13]

 

Or, les législateurs contemporains qui forgent des qawânîn (pluriel de qânûn) touchant au profane et qui changent en partie les Lois d’Allah ne sont pas pires que les innovateurs qui touchent à la doctrine et à l’adoration. Il faut garder à l’esprit qu’ibn Taïmiya a vécu à l’époque des tatars qui suivaient la loi du Yâsiq. Il n’est donc pas pertinent de dire que les qawânîn sont un phénomène nouveau. Quoique cet argument se retourne contre l’adversaire, car c’est à lui de ramener une preuve spécifique lui permettant de kaffar les législateurs des temps modernes. Il est à noter également, et c’est un point sur lequel je reviendrais plus en détail dans le prochain article, que selon l’usage à notre époque, le nom de tashrî’ fut donné pour désigner les qawânîn. Cependant, il s’agit du sens étymologique du terme. Ainsi, les masâlih el mursala (intérêt général) comme le Code de la route entre sous cette appellation.[14] Wa Allah a’lam !

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

[1] La caverne ; 26

 

[2] Le bétail ; 57, et Yûsaf ; 40, 67

 

[3] El i’tisâm (1/303).

 

[4] Voir sur le sujet les hadîth rapportés par el Bukhârî (5953, 5954) et Muslim (5509, 5494).

 

[5] Voir : majmû’ el fatâwâ (3/413).

 

[6] Voir : tafsîr el baghâwî (3/61).

 

[7] Rapporté par el Bukhârî (2854), selon ibn ‘Abbâs (t).

 

[8] El umm (6/147).

 

[9] Kifâyat e-tâlib (1/123-124).

 

[10] Nous ne parlons pas d’ikrah qui est la contrainte, car nous ne sommes pas dans lekufr akbar. Ce point, qui est d’une grande importance, a malheureusement échappé à certains !

 

[11] Voir : majmû’ el fatâwâ (11/431 et 507).

 

[12] Dar ta’ârudh el ‘aql wa e-naql (1/5-7).

 

[13] Voir : i’lâm el mawqi’în (2/57-58) et e-rûh (p. 267).

 

[14] Voir pour cette démonstration : mushkila e-tasarru’ fî e-takfîr d’Usâma el ‘Utaïbî.

LE TASHRÎ’  (10/16)

On interrogea l’Imam Ahmed sur celui qui dit que la foi monte et descend. Ce dernier répondit : « Il n’a aucun lien avec l’irjâ. » [Rapporté par el Khallâl dans e-sunna (n° 1009).]

  

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

Avant de continuer, j’aimerais m’arrêter sur le terme qawânîn (codes), qui est le pluriel de qânûn.[1] En revenant à la définition de ce terme dans les ouvrages linguistiques, nous nous rendons compte qu’il n’a aucune connotation péjorative en lui-même.[2] C’est l’utilisation qui en est faite qui décidera de son statut.

 

Il existe trois sortes de qânûn :

 

Premièrement : mettre en place des codes en vue de régir certains aspects de la vie des hommes en société, et pour lesquels le Législateur ne prévoit pas de texte spécifique. Dans la mesure où ils ne s’opposent pas à la Législation divine, ils sont autorisés. Selon la règle en effet, les « moyens » peuvent avoir le même statut que leur « fin ». Ex : le Code de la route, les réglementations scolaires, les réglementations de forum internet, les règles de grammaire, de mustalah el hadîth, et d’asûl el figh, qui ne s’opposent pas à la religion.

 

Ces règles entre dans les masâlih el mursala (intérêt général) qui sont autorisés à l’unanimité des savants, à ma connaissance, pour reprendre les termes d’Usâma el ‘Utaïbî.

 

Deuxièmement : mettre en place des codes pour des activités interdites, comme ceux qui sont en vigueur dans les maisons de prostitution, les entreprises qui produisent de l’alcool, les sociétés d’intérêt, les associations de malfaiteurs, etc.

 

Dans la mesure où celui qui les met en place ne les autorise pas moralement, ou en d’autres termes, où il est convaincu que ces activités sont interdites par la religion, il ne devient pas mécréant. Il faut savoir que les codes d’intérêt était en vigueur à l’époque du Prophète (r). Ils ne sont pas différents dans leur essence de ceux d’aujourd’hui. Pourtant, il n’a jamais taxé d’apostat celui qui consigne des opérations d’intérêt dans un registre. Les Compagnons, leurs successeurs, et les grandes références anciennes avaient la même position.

 

Troisièmement : codifier des pratiques qui relèvent de l’apostasie (tawaf autour des mausolées, gestion des cérémonies où règnent des actes d’association), décréter par une loi qu’une telle interdiction est religieusement autorisée et inversement, établir des règles contraires au traditionalisme dans le domaine des Noms et Attributs divins, à la manière des adeptes du kalâm. Dans ce cas, le coupable devient apostat une fois que la preuve céleste soit établie contre lui (iqâma el hudja). Certains vont certes se précipiter pour dire que la preuve céleste est établie contre les chefs d’État actuel, mais nous répondons qu’il faudrait dire la même chose pour el Ghazâlî, Abû el Ma’âlî el Juwaïnî, el Qâdhî Abû Bakr el Baqallânî, les kharijites, les murjites, etc.[3]

C’est pour cette dernière catégorie que prévalent les paroles d’Ahmed Shâkir, non pour tous les cas.[4]

 

Nous pouvons donc continuer :

 

• Verset VI : [Ils ont pris leurs prêtres et leurs moines pour des maitres en dehors d’Allah].[5]

 

Argument : dans ce Verset, suivre aveuglément les savants et les dévots revient à leur attribuer la divinité.

 

En réponse : il existe deux sortes d’obéissance aveugle, comme le souligne ibn Taïmiya. Pour la première, il s’agit de les suivre dans le tabdîl. Autrement dit, les suivre dans la croyance que telle interdiction est autorisée ou que telle autorisation est interdite, ce qui est une forme… d’istihlâl. Pour l’autre, il s’agit de les suivre par désobéissance envers Allah, tout en étant convaincu qu’ils enfreignent Ses Lois.[6]Sheïkh Sâlih Âl e-Sheïkh a des paroles qui vont dans ce sens, dans son explication dukitâb e-tawhid, dans un chapitre qui vient juste avant celui que nos adversaires se targuent de prendre à leur compte.

 

• Verset VII : [La loi de toute chose sur laquelle vous divergez revient à Allah].[7]

 

Argument : ceux qui ne soumettent pas leurs litiges à Allah enfreignent l’ordre d’Allah.

 

En réponse : il est sûr que ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah commettent un grand crime, mais nous ne pouvons les sortir de la religion sans une preuve spécifique et explicite. Il va sans dire qu’il incombe à tous les musulmans sans exception de soulever leurs litiges au Coran, pas seulement aux gouverneurs, mais rien ne prête à dire en regard de ce Verset que tout transgresseur est coupable d’apostasie.

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici 

 

 

 

 

 


 

[1] Voir pour cette démonstration : mushkila e-tasarru’ fî e-takfîr d’Usâma el ‘Utaïbî.

 

[2] Voir : lisân el ‘arab d’ibn manzhûr (13/249-250), mukhtâr e-sihâh d’el Jawharî (p. 231), et el qâmûs el muhît (p. 1582).

 

[3] Voir : dar ta’ârudh el ‘aql wa e-naql d’ibn Taïmiya (1/5-7).

 

[4] Kalima el haqq (p. 88) dans l’article e-sam’ wa e-tâgha.

 

[5] Le repentir ; 31

 

[6] Voir : majmû’ el fatâwâ (7/70).

 

[7] Le repentir ; 31

LE TASHRÎ’  (11/16)

Parmi les tâghût, nous avons les gouverneurs tyrans qui changent (mughaïyr) les Lois d’Allah (Y)… Le gouverneur d’un pays impose par exemple d’effacer du Coran le Verset sur l’intérêt, en changeant ainsi la Loi d’Allah, ou d’enlever l’interdiction de commettre l’adultère que dénotent certains hadîth (…) Il faut bien faire attention au terme « changer » qui est ici synonyme d’abroger une Loi du Coran. Ce cas est différent de celui qui reconnait telle loi, mais qui en applique une autre. Il ne s’agit pas dans ce cas demughaïyr. Il ne prétend pas abrogé une Loi d’Allah, mais, il se donne des prétextes comme le contexte actuel qui rend l’application de cette loi difficile, etc. Il peut être excusable comme il peut ne pas l’être, c’est en fonction des cas. (SheïkhSâlih Âl e-Sheïkh).

  

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

• Verset VIII : [Ne vois-tu pas ceux qui prétendent croire à la Loi, qui te fut révélée et qui fut révélée avant toi, ils veulent soulever leurs litiges au tâghût, alors qu’il leur est demandé de le renier. Satan veut uniquement les faire sombrer dans un lointain égarement].[1]

 

Argument : Ce Verset est la preuve que celui qui n’applique pas les lois d’Allah est un tâghût. Il dit en effet : [ils veulent soulever leurs litiges au tâghût]. Il s’agirait ici de Satan, ou, selon une autre tendance, de Ka’b ibn el Ashraf el Yahûdî. Une troisième opinion parle des sorciers, car chaque tribu arabe avait sous la main un devin chez qui elle ramenait ses litiges.

 

En réponse :

 

1- La plupart des annales que l’adversaire utilise pour appuyer son idée sont faibles, dont celle de Sha’bî qui est mursal (interrompue au niveau des Compagnons).

 

2-  Il existe certes une annale provenant d’ibn ‘Abbâs. Dans l’hypothèse où celle-ci était authentique, elle parle spécifiquement des hypocrites, et nous avons déjà expliqué que de ressembler aux hypocrites dans l’une de leurs caractéristiques n’est pas forcément synonyme de mécréance.[2]

 

3-  Nous avons expliqué également qu’ils veulent certes soumettre leurs litiges auxtaghût, mais il ne s’agit pas de n’importe quelle volonté. Cette volonté en question s’oppose à l’obligation fondamentale de renier le taghût qui relève de la croyance même. Il va sans dire que ne pas fournir cette croyance relève du kufr akbar, comme le souligne Ibn Jarîr e-Tabarî.[3]

 

4- En prenant ce Verset à son compte, l’adversaire sombre dans une implication que lui-même ne s’impose pas, et qui exigerait de sortir de l’Islam celui qui n’applique pas les Lois d’Allah, ne serait-ce qu’une seule fois.

 

5- C’est implication erronée impose d’établir un vrai critère pour définir à quel moment on peut considérer qu’une personne ne renie pas le taghût au même titre que les hypocrites. Autrement dit, c’est… l’istihlâl.

 

6- Sheïkh el Fawzân explique à ce sujet : « Le Verset condamne à la mécréance l’auteur d’une telle initiative. Cela concerne celui qui n’applique pas sciemment les Lois d’Allah, et qui instaure des tribunaux civils pour régler les litiges entre les citoyens. Le but, étant de supprimer la sharî’a et de la confiner aux affaires d’État civil. Quant aux litiges qui opposent les citoyens, ils sont soulevés à des tribunaux civils. L’auteur d’une telle initiative est un kâfir.

 

Nous pouvons relever deux exceptions dans ce domaine :

Premièrement : celui qui n’applique pas les Lois d’Allah en raison d’une erreur d’interprétation, après avoir fourni un effort pour parvenir à la vérité. Dans la mesure où il est apte à fournir des efforts d’interprétation, il est récompensé pour son effort, et pardonné pour son erreur.

Deuxièmement : celui qui n’applique pas les Lois d’Allah, et qui a conscience de désobéir à Allah. Cependant, il est motivé soit par les passions soit par certaines ambitions financières soit par des gratifications illicites. Au même moment, il reste convaincu qu’il incombe de suivre les Lois d’Allah et qu’il est dans l’erreur. Le cas échéant, c’est un simple pécheur auteur d’un grand péché. »[4]

 

7- Qu’on n’aille pas dire que ce discours ne concerne pas celui qui se réfère à des lois forgées (qawânîn wadh’iya). Une fatwa de la lajna e-dâima ne fait aucune distinction entre les cas. Le seul paramètre qu’elle prend en considération, c’est… l’istihlâl.[5]

 

8- Sheïkh el Fawzân lui-même affirme en réponse à la question : « qu’Allah vous récompense ! Quelle est la différence entre changer les Lois d’Allah et ne pas appliquer les Lois d’Allah ?

En réponse : C’est la même chose. Néanmoins, l’accent est mis sur ceci dans le but de le condamner plus sévèrement. Ne pas appliquer les Lois d’Allah en effet, cela revient à les changer, et auquel cas on devient un tyran. La justice s’incarne dans les Lois d’Allah (I) et l’injustice dans les autres lois. »[6]

 

9- Ailleurs, il donne les mêmes détails qu’ibn Bâz. Qu’on en juge : « Gouverner par une autre législation que celle d’Allah est un acte d’apostasie dans la mesure où l’on pense que c’est autorisé, ou qu’il est autorisé de choisir entre la législation divine et les législations humaines (tant que les litiges des citoyens sont réglés selon certains ; ce but est indifféremment atteint avec n’importe quelle législation ; on peut adopter celle d’Allah ou celle des hommes, cela revient au même).

 

Nous disons : gloire à Allah ! Peut-on mettre sur un même pied d’égalité la législation divine et celle des taghût ?Appliquer les lois d’Allah (U) sur terre est un acte d’adoration. Il ne s’agit pas simplement de régler les différends, mais, avant tout, d’adorer le Très-Haut à travers l’application de Ses Lois. Ainsi, se soumettre à un autre législateur, c’est une forme de shirk au niveau de l’obéissance et celui de la législation. Que disent les Versets ? [ou bien ont-ils des associés qui leur légifèrent de la religion des lois pour lesquels Allah n’a descendu aucune autorité],[7] [Si vous leur obéissez, vous deviendrez des païens],[8] [Ils ont pris leurs prêtres et leurs moines pour des maitres en dehors d’Allah, ainsi que le Messie fils de Mariamjusqu’à : [Gloire à Lui, qui est au-dessus de ce qu’ils Lui associent].[9] Ceux-ci disent que c’est du shirk. Cela concerne celui qui met sur le même pied d’égalité la Loi d’Allah et celle des taghût.

 

En sachant, qu’un taghût correspond à toute loi qui n’est pas d’inspiration divine. Cela concerne aussi bien les coutumes bédouines que les législations non-musulmanes (française, anglaise, etc.). Le terme taghût englobe toutes ces lois à la fois. Dans ce registre, nous avons les décisions des sorciers. Prétendre qu’elles sont égales à celle d’Allah, relève de la mécréance. Pire, c’est de prétendre que les lois révélées par Allah sont moins bien que celles forgées par les hommes, sous prétexte que la religion musulmane ne convient pas à notre époque et qu’elle est dépassée ; la conjoncture moderne réclamant de se tourner vers les législations humaines et de suivre son époque. Nos tribunaux doivent se conformer à la tendance actuelle pensent-ils, mieux adaptée à nos besoins nouveaux que la Législation divine. Cette forme de mécréance est pire que de simplement mettre sur le même pied d’égalité la Loi d’Allah et celle des hommes.

 

En revanche, celui qui n’applique pas les Lois d’Allah, soit parce qu’il ne les connait pas, soit parce qu’il se soumet à ses passions, bien qu’au même moment il reconnaisse que la Loi d’Allah incarne la vérité et que son application nous est imposée, il commet un grand péché. C’est de la mécréance sans n’être de la mécréance (kufr dûn kufr). »[10]

 

Wa Allah a’lam !

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Les femmes ; 60

 

[2] Voir : jâmi’ el bayân fî tafsîr el qur-ân (5/99).

 

[3] Tafsîr e-Tabarî (5/96).

 

[4] Voir : sharh ma’na e-tâghût de Sheïkh el Fawzân.

 

[5] Fatâwa e-lajna (1/781-782).

 

[6] Voir : sharh ma’na e-tâghût de Sheïkh el Fawzân.

 

[7] La concertation ; 21

 

[8] Le bétail ; 121

 

[9] Le repentir ; 31

 

[10] Voir : sharh nawâqidh el islâm de Sheïkh el Fawzân.

LE TASHRÎ’  (12/16)

« Les savants sont comme les étoiles dans le ciel qui permettent de guider les hommes sur terre et sur mer dans les ténèbres de la nuit. Quand les étoiles disparaitre, ceux qui cherchent leur chemin vont droit à l’égarement.» [Hadîth rapporté par Ahmed (12600), selon Anas (t)].

  

 

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

• Verset IX : [Est-ce les lois de l’ère païenne qu’ils veulent ; y a-t-il une meilleure Loi que celle d’Allah pour les gens qui en sont convaincus].[1]

 

En réponse : nous avons déjà expliqué que certains musulmans peuvent avoir des caractéristiques de la mécréance sans pour autant être des mécréants. ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan explique ce principe en détail.[2] C’est la même chose pour ceux qui ont des caractéristiques de l’ère païenne, comme le dénote notamment lehadîth dans lequel le Prophète (r) prend à partie un Compagnon en ces termes : «  Tu l’as dénigré en t’attaquant à sa mère ! Tu es un homme qui a des restes de l’ère païenne. »[3]

 

Le fameux Abû ‘Ubaïd el Qâsîm ibn Sallâm explique pour sa part qu’un musulman n’appliquant pas les Lois d’Allah est comparable aux païens, non qu’il sorte de l’Islam.[4]

 

Le sixième argument : après en avoir fini avec la série de Versets que l’adversaire utilise, nous pouvons passer à l’argument suivant, qui est l’un des plus intéressants à plus d’un titre. Il est d’autant plus intéressant que l’adversaire en fait quasiment son cheval de bataille, bien que, paradoxalement, il soit né d’une confusion, comme nous allons le démontrer in shâ Allah ! L’adversaire assume en effet qu’à l’unanimité des savants, tout gouverneur qui délaisse les Lois d’Allah pour se tourner vers les lois humaines est un vulgaire apostat. Il s’inspire dans son argumentation des paroles suivantes d’ibn Kathîr : « Tout ceci va à l’encontre des Législations révélées par Allah à Ses serviteurs, les prophètes – que Ses Prières et Son Salut soient sur eux –. Quiconque délaisse la Loi formelle qu’Allah a révélée à Mohammed ibn ‘Abd Allah, le sceau des prophètes, et qui en applique une autre parmi celles qui furent abrogées devient mécréant. Que dire alors de celui qui se soumet à la loi du Yâsiq, et qui la préfère à celle-ci ? Un tel individu devient mécréant à l’unanimité des savants. »[5]

 

En réponse :

 

1- Cette parole d’ibn Kathîr est ambigüe, mais, en retournant à l’un de ses autres passages, tout devient plus clair. En exégèse au v. 44 de la s. el mâida, ce dernier en effet parle de juhûd qui est fait qasdan‘inâdan, et ‘amdan. Ce même ibn Kathîr n’a pas contesté le jugement d’el Hâkim sur l’annale d’ibn ‘Abbâs sur le sujet. Ce qui signifie qu’à ses yeux, celle-ci est authentique.[6] De toute manière, les savants que l’adversaire utilise, comme l’ancien muftî d’Arabie Saoudite, n’ont jamais discrédité cette annale. Bien au contraire, comme le confirme son fameux tahkîm el qawânîn !

 

2-  Le consensus en question porte comme nous l’avons vu à maintes reprises sur l’istihlâl, avec les détails que nous avons vus dans les premiers articles. Dans ce registre, nous avons le tabdîl.

 

3- ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan est l’auteur des paroles suivantes :

« … la sunna est venue pour expliquer que l’obéissance doit se faire dans les limites du convenable ; ces limites correspondent aux actes obligatoires et recommandés qu’Allah a imposé et agréé pour Ses serviteurs. Il est cependant interdit de se référer à des jugements qui puisent leur source dans une législation illégitime, et qui va à l’encontre du Coran et de la sunna, comme les lois grecques, franques, tatares ; tous ces codes qui proviennent de leur propre réflexion et penchants. Nous pouvons en dire autant des coutumes et des traditions bédouines en usage. Quiconque les autorise moralement (istahalla) dans les affaires de sang ou autre est un mécréant. Allah (I) révèle à ce sujet :[Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Certains exégètes expliquent au sujet de ce Verset qu’il s’agit ici du kufr dûn el kufr el akbar. Ils en comprennent en effet qu’il englobe également celui qui n’applique pas les lois d’Allah, sans toutefois l’autoriser moralement.

Néanmoins, ils ne contestent pas que son sens général concerne celui qui l’autorise moralement, et qu’il sort ainsi de la religion. »[7]

 

4- Mohammed ibn Ibrahim a des paroles qui vont dans ce sens : « De la même manière, il faut mettre en pratique la définition de Mohammed rasûl Allah. Cela consiste à appliquer sa législation, de s’y soumettre, et d’abandonner toutes les législations et les coutumes qui s’y opposent pour lesquelles Allah n’a donné aucune autorité. Ces législations qui vouent celui qui les applique en étant convaincu qu’elles conviennent et qu’il est permis de le faire, à la mécréance qui fait sortir de la religion. S’il ne le fait pas par conviction ni en autorisant à le faire, il est un mécréant qui relève du kufr ‘amalî et qui donc, ne fait pas sortir de la religion. »[8]

 

5-  Nous avons vu également, d’après Ibn ‘Abd el Barr, qu’à l’unanimité des savants, la tyrannie des sultans relève des grands péchés.[9]

 

6- Le consensus d’ibn Kathîr porte également sur l’istibdâl, qui est encore autre chose que le tabdîl. Il s’agit pour l’istibdâl de changer toute la religion, et de transformer en premier lieu le tawhîd en shirk, comme le souligne ’Abd el ‘Azîz ibn Yahyâ el Kanânî.[10]

 

7- Les tatars ne sont pas musulmans pour deux raisons :

Primo : ils autorisent moralement à ne pas appliquer les Lois d’Allah (istihlâl).

Secundo : ils préfèrent la loi du Yâsiq à celle d’Allah (le tafdhîl).

 

8- Dans une longue analyse, dont nous nous contentons de reprendre deux courts passages, ibn Taïmiya explique en parlant des tatars : « Ils considèrent l’Islam comme les religions juive et chrétienne. Elles seraient toutes des chemins menant à Allah, à la manière des écoles de figh chez les musulmans. Les avis sont partagés sur la religion qu’ils préfèrent entre les trois. »[11] Il explique plus loin qu’ils élèvent Gengis Khan au même rang que le Prophète (r), avant de conclure : « Il est connu de façon élémentaire à l’unanimité des musulmans que celui qui permet de suivre une autre religion que l’Islam est un mécréant, au même titre que celui qui ne croit au Livre qu’en partie. »[12]

 

9- Ibn Kathîr lui-même donne plus de détail sur le fameux Yâsiq que Gengis Khan imposait à ses sujets : « … C’est un livre qui rassemble diverses lois puisées des législations juive, chrétienne et musulmane. Nombre d’entre elles sont le fruit de ses pensées et de ses penchants. Le Yâsiq fut transmis à ses héritiers qu’ils préféraient dans leurs affaires au Livre d’Allah et à la tradition de Son Messager (r). Or, celui d’entre eux qui relève de ce cas, devient un mécréant qu’il incombe de combattre jusqu’à ce qu’il se soumette au Coran et à la sunna. Il n’incombe de rien suivre d’autres dans la moindre des lois. »[13]

 

10- Ibn Kathîr dit bien que les tatars auxquels il fait allusion préféraient le Yâsiq aux Lois d’Allah. Or, à l’unanimité des savants, cette croyance compte parmi les annulations de l’Islam. Le passage qu’utilise l’adversaire fait le même constat : « Que dire alors de celui qui se soumet à la loi du Yâsiq, et qui la préfère à celle-ci ? » Encore une fois, son propre argument se retourne contre lui.

 

11- Pour Ahmed ibn ‘Alî el Fizâzî el Qalqashandî, qui vécut au 8ème siècle de l’Hégire,  les tatars avaient fait du Yâsâ el kubrâ, l’ensemble des qawânîn institués par Gengis Khan, une religion.[14] Il s’agit donc du tabdîl qui relève de la mécréance à l’unanimité des savants.

 

12- En admettant qu’ibn Kathîr ne veuille pas nous dire cela, alors nous donnons la même réponse que nous avons donnée précédemment au sujet d’ibn Taïmiya. C’est en tout cas, la réponse que donna ibn Bâz à Salmân el ‘Awda et consorts au sujet d'ibn Kathîr. Il avait déjà utilisé cet argument en parlant de son propre Sheïkh Mohammed ibn Ibrahim, qui apparemment ne tenait pas compte de l’’istihlâl dans le sujet que nous traitons. Il nous disait en effet que, comme tous les savants, son Sheïkh n’était pas infaillible, et qu’il incombait de soumettre ses opinions aux textes.[15] Nous disons donc : ibn Kathîr n’est pas infaillible. Il à très bien pu se tromper, surtout dans la mesure où il contredirait ainsi le consensus des savants.

 

13- E-Shâtibî souligne à ce sujet : « Dans tous les cas, il ne faut pas suivre un savant si ce n’est que dans la mesure où il oriente vers la religion, en la mettant en pratique, et en appliquant ses lois dans tous ses détails. Celui qui ne s’y conforme pas dans la moindre partie ou le moindre élément subsidiaire, il perd sa place de juge et ne mérite absolument pas qu’on le suive dans le domaine où il s’est écarté de la vérité. »[16]

 

14- Ainsi, à la question posée par un internaute : « Akhy El Karim je voudrais te poser une question, qu’elle est la différence entre “la Torah et l’Évangile “ et les “ lois humaines“ qui sont la source de délibération et la constitution de la plupart des gouvernements arabes ou pays se disant musulmans ? Si tu me dis qu’il n’y en a aucune, dis-moi seulement comment avez-vous fait pour détourner le consensus établi sur le Tahkim de la Torah et l’Évangile en donnant exception aux Lois humaines ? »

 

Nous donnons la même réponse qu’ibn Taïmiya, qui est celle d’ibn Bâz et d’ibn Kathîr et qui rejoint un consensus, qui lui est bien fondé : il s’agit dans les deux cas de l’istihlâl(avec les détails que l’on connait), du tafdhîl (en les préférant à celles d’Allah), du tabdîlou de l’istibdâlwa bi Allah e-tawfîq !

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 


 

[1] Le repas céleste ; 50

 

[2] Voir : Lettre à Mukhlif.

 

[3] Rapporté par el Bukhârî (30) et Muslim (1661), selon Abû Dhar

 

[4] Voir : el îmân (p. 45).

 

[5] El bidâya wa e-nihâya (13/128).

 

[6] Voir : qurrat el ‘uyûn de Salîm el Hilâlî (p. 87)

 

[7] Manhâj e-ta-sîs wa e-taqdîs (p. 70-71).

 

[8] El fatâwa (1/80).

 

[9] E-tamhîd (5/74-75).

 

[10] Voir : tafsîr el baghâwî (3/61).

 

[11] Majmû’ el fatâwa (28/523), pour plus de détails voir également (28/520-528).

 

[12] Idem.

 

[13] Voir : tafsîr ibn Kathîr (2/88) en commentaire au v. 50 de la s. el mâida.

 

[14] Voir : el khutat (4/310-311).

 

[15] majallat el furqân n° 82.

 

[16] Voir : el i’tisâm (1/135).

LE TASHRÎ’  (13/16)

« Les savants sont les héritiers des prophètes qui ne léguaient ni dirham nidinar. Ils laissaient derrière eux uniquement le savoir ; celui qui s’en empare aura gagné une grande part de leur héritage. » [Hadîth rapporté par Ahmed (21715), Abû Dâwûd (3641), ibn Mâja (2234), et e-Tirmidhî (2682), selon Abû Dardâ (t)].  

 

 

  

Voir notamment : tabdîd kawâshif el ‘anîd fî takfîrihi li dawla e-tawhîd d’Abd el ‘Azîz e-Raîs, qui fut préfacé entre autre, par Sheïkh el Fawzân.

 

Le septième argument : prétendre que le hukm bi ghaïr mâ anzala Allah relève de la mécréance mineure pour celui qui ne l’autorise pas moralement (istihlâl) est la parole des murjites.

 

En réponse : cet argument est très intéressant. Nous allons prendre le temps d’y répondre in shâ Allah !

 

1- Cette parole est notamment imputée à Safar el Hawâlî qui est l’auteur d’une thèse universitaire ès doctorat. Zhâhirat el irjâ fî el fikr el islâmî, qui fut  encadrée par le fameux Mohammed Qotb, est l’un des ouvrages qui posent les jalons d’un néo-kharijisme en Arabie Saoudite.[1] Qotb, aura une grande influence sur le parcourt de Safar, qui était pourtant promis à un bel avenir et respecté dans les milieux savants. Si sa tendance vise en premier lieu Sheïkh el Albânî, elle n’épargne pas les savants de son pays.

 

2- En plus des sommités érudites des temps anciens, nous avons vu que des grands savants saoudiens comme ibn Bâz, el ‘Uthaïmîn, el Fawzân, adhèrent au principe de l’istihlâl. Nous avons vu également que l’ancien mufti n’a pas une position différente sur ce point. Même dans son fameux tahkîm el qawânîn, il tient compte du kufr ‘amalî, indépendamment de savoir dans quelles limites il le voit. Des fatwas de la lajna dâimavont dans ce sens.

 

3- Son grand-père ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan était sur la même longueur d'onde, comme nous l’avons vu. Nous ajoutons ici deux autres passages de cette Imâm. Dans le premier, il dit : « Il existe deux sortes de kufr : le Kufr ‘amal et le kufr juhûd wa ‘inâd qui consiste à renier une chose par obstination et dénégation, en sachant pertinemment qu’elle vient du Messager (r). Cela concerne les Noms du Seigneur, Ses Attributs, Ses Actions, Ses Lois qui ont pour base, Son tawhîdet Son adoration unique sans Lui vouer le moindre associer.

Cette forme d’apostasie s’oppose à la foi à tous les niveaux. Concernant le Kufr ‘amal, il y a certains actes qui s’opposent à la foi à tous les niveaux, comme se prosterner devant une idole, dénigrer le Coran, tuer voire offenser un prophète.[2] Quant au hukm bi ghaïr mâ anzala Allah et l’abandon de la prière, ils relèvent du kufr ‘amal non du kufr i’tiqâd. »[3] Il reprend ainsi exactement le même discours qu’ibn el Qaïyim.

 

L’autre passage nous apprend : « Tu as évoqué la différence au sujet des bédouins, entre ceux qui autorisent moralement à ne pas appliquer les Lois d’Allah (istihlâl)et ceux qui ne le font pas. Cette tendance est celle qui est en vigueur, et elle est la référence chez les savants. »[4]

 

En commentaire à ce dernier passage, son élève Sulaïmân ibn Sahmân est encore plus éloquent : « C’est-à-dire : celui qui autorise moralement à ne pas appliquer les Lois d’Allah et qui préfèrent la loi du tâghût à celle d’Allah… celui qui a cette croyance est un mécréant. En revanche, celui qui ne l’autorise pas moralement, qui considère que la loi du tâghût est complètement fausse, et que la Loi d’Allah et de Son Messager incarne la vérité, n’est pas un mécréant et ne sort pas de l’Islam. »[5]

 

Peut-on accuser aimmat e-da’wâ d’être à la solde du Roi ou d’être les prêtres de Pharaon, ou encore d’être les têtes de file des murjites ?

 

4- Revenons à notre époque pour nous familiariser avec Sheïkh e-Luhaïdân, qui nous donne la définition suivante de l’istihlâl : « L’istihlâl provient des actes du cœur. »[6]Ailleurs, on lui posa la question suivante : « Quel est le critère à prendre en considération pour juger celui qui n’applique pas les Lois d’Allah ? À quel moment peut-on dire qu’il est mécréant ; est-ce dans la situation où il ne les applique pas complètement, ou bien s’il ne les applique pas ne serait-ce qu’une seule fois ? »

 

Voici quelle fut sa réponse : « Il existe deux sortes de mécréance : l’une faisant sortir de la religion et l’autre dont la gravité est moindre. Il est établi chez les savants parmi les Compagnons et leurs successeurs qu’il existe plusieurs sortes de mécréance. C’est la raison pour laquelle, le Prophète (r) a considéré que d’être fier de sa lignée, ou de taxer les musulmans de mécréants était un acte de mécréance. Ne pas appliquer les Lois d’Allah entre dans ce registre. Néanmoins, un désobéissant peut être motivé par la croyance qu’il ne convient pas à notre époque de se tourner vers la Législation divine pour régler les affaires civiles, ou que les lois humaines sont meilleures que celles d’Allah et de Son Messager. Nul doute que dans ce cas, il devient un apostat.

 

Ainsi, quand le Prophète (r)dit : « Ne redevenez pas des mécréants après moi en vous tranchant la gorge les uns et les autres. »[7]Il ne veut pas dire qu’auquel cas ils ne seraient plus musulmans. Sinon, cela signifierait qu’ils seraient voués à l’Enfer éternel, et qu’ils n’auraient pas le droit à l’héritage ni de rester avec leurs conjoints. »[8]

 

5- Dans son excellent livre manhaj el ashâ’ira fî el ‘aqîda, qui est une réfutation à Mohammed ‘Alî e-Sâbûnû, Safar el Hawâlî lui-même rejoint le discours des savants traditionalistes. Écrit bien avant Zhâhirat el irjâ, en voici un passage : « … Cependant, si le terme « kufr » lui-même est utilisé dans les hadîth, sans vouloir parler du grand kufr, comme dans le hadîth : « Offenser un croyant relève de la perversion, et le tuer relève de la mécréance. »[9] ; Que dire alors des termes « fisq » et « dhalâl » qui représentent une moins grande menace que le terme « kufr » ? Pourquoi alors faire une différence entre les textes du Coran et de la sunna. Les anciens (y) ont pourtant expliqué le Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants].[10] Il s’agit du kufr dûn kufrou du kufr qui ne fait pas sortir de la religion.

 

Dans son livre, e-salât wa hukm târikihâ, ibn el Qaïyim affirme : « Cette opinion est celle de tous les Compagnons sans exception. » Celle-ci est rapportée selon ibn ‘Abbâs parmi les Compagnons, ‘Atâ, Tâwûs parmi les tâbi’îns, Abû ‘Ubaïd, l’Imam Ahmed parmi les successeurs des tâbi’îns. Elle est également rapportée par el Bukhârî dans son sahîh, et d’autres grandes références et une multitude de grands savants que Seul Allah (I) peut dénombrer. »[11]

 

Ainsi, soit Safar a la mémoire courte, soit il se contredit. Le plus doux des deux est déjà très amer !

 

Et, nous ne sommes pas au bout de nos surprises…

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

  

 

 


 

[1] Zhâhirat el irjâ (2/695-696).

 

[2] Les savants font une distinction entre ce que l’on appelle mâ yudhâd el iman mi kulli wajh (qui s’oppose à la foi à tous les niveaux) pour lequel le fautif devient unkâfir si les conditions sont réunies et les restrictions exclues et mâ lâ yudhâd el iman mi kulli wajh(qui ne s’oppose à la foi à tous les niveaux). Quant au deuxième cas, il incombe de l’interroger sur ses intentions, comme le Prophète l’a fait avec Hâtib ibn Abî Balta’a ; voirel umm de Shâfi’î (4/250).

 

[3] Voir : usûl wa dhawâbit fî e-takfîr de l’érudit ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibnHasan, qui fut édité avec les annotations de Sheïkh D. ‘Abd e-Salâm ibn Barjas – qu’Allah lui fasse miséricorde –.

 

[4] Voir : ‘uyûn  e-rasâil (2/605).

 

[5] Voir : ‘uyûn  e-rasâil (2/603).

 

[6] El ‘alâqa baïna el hâkim wa el mahkûm.

 

[7] Rapporté par el Bukhârî (121) et Muslim (65), selon Jarîr el Bajarî (t).

 

[8] Voir : dhawâbit e-takfîr dans le cadre de la série de conférences sur l’irhâb.

 

[9] Rapporté par el Bukhârî et Muslim.

 

[10] Le repas céleste ; 44

 

[11] manhaj el ashâ’ira fî el ‘aqîda (p. 74-75).

LE TASHRÎ’  (14/16)

« Allah ne reprend pas le savoir en l’enlevant de la poitrine des hommes, mais Il le reprend en faisant mourir les savants. Et lorsqu’il n’y aura plus de savants, les hommes se tourneront vers les chefs de file des ignorants qui émettront des opinions sans aucune science ; égarés, ils égareront les autres. » [Rapporté par el Bukhârî (100) et Muslim (2673), selon ‘Abd Allah ibn ‘Amr ibn el ‘Âs]. 

 

  

 

Restons avec Safar el Hawâlî, car des surprises, il y en aura d’autres, croyez-moi !

 

6- Safar considère que les savants contemporains, avec à leur tête Sheïkh el Albânî sont pires que les premiers murjites, notamment pour la question de l’istihlâl dans lehukm bi ghaïr mâ anzala Allah.[1] Je n’ai pas la prétention de donner ici un cours de‘Aqîda au D. Safar, mais il serait intéressant ici de parler un peu plus de l’irjâ.

 

7- Pour reprendre les paroles de Sheïkh el Fawzân, Les murjites furent appelés ainsi étant donné qu’ils font reculer (arjâ) les actes, dans le sens où ils les « excluent » de la définition de la foi. L’irjâ signifie en effet : ajourner quelque chose, comme dans le Verset : [Ils dirent : fais-les attendre lui et son frère].[2] C’est-à-dire : reporte leur affaire afin de l’étudier. L’irjâ a donc le sens de faire reculer quelque chose. Ils reçurent le nom de murjites pour avoir fait reculer les actes de la véritable foi ; ils les ont ainsi exclus de la définition de la foi.

 

Il existe quatre sortes d’irjâ :

 

La plus mauvaise, est celle des jahmites qui confinent la foi dans la connaissance du cœur, sans avoir besoin d’y adhérer. C’est la pire forme d’irjâ.

Deuxièmement : la foi s’avère au niveau du cœur uniquement (c’est la croyance du cœur), sans avoir besoin de la traduire verbalement. Cette tendance est celle desash’arites.

Troisièmement : la foi se confine dans les paroles, sans obligatoirement que cela se matérialise au niveau du cœur. C’est la tendance des karrâmites.

Quatrièmement : la foi se situe au niveau du cœur et de la parole. C’est la tendancehanafite.

Cette dernière tendance est celle des fuqaha-murjites ou des murjitestraditionalistes. Ils sont considérés ainsi, car pour eux, la foi se compose uniquement de la croyance du cœur, et de la parole. Cependant, à leurs yeux, les actes n’entrent pas dans la réalité de la foi. Les actes seraient simplement une condition ou auraient simplement pour fonction de compléter la foi. C’est la raison pour laquelle, ils furent appelés murjites, étant donné qu’ils font reculer (arjâ) les actes de la définition de la foi. Nul doute qu’ils se trompent. L’important est de savoir qu’ils représentent la tendancemurjite la moins grave, pour reprendre les paroles de Sheïkh el Fawzân.

 

8- Les anciens n’ont pas kaffar cette tendance.[3] Ibn Taïmiya explique que celui qui croit le contraire, c’est gravement trompé.[4] Il va plus loin en disant que les divergences avec eux portent plus sur la forme que sur le fond. Nous sommes donc loin des propos disant que les élèves de Sheïkh el Albânî sont des murjites ultra (ghulât), car, au pire des cas, ils seraient comparables au fuqaha-murjites.

 

9- L’auteur d’un grand péché ne sort pas de la religion pour les traditionalistes. Il accuse simplement une baisse de foi, et porte le statut de pervers. Pour les kharijites et les mu’atazilites, le grand péché fait sortir de l’Islam. À l’opposé, nous avons lesjahmites et les murjites qui considèrent qu’il n’affecte la foi en rien. Les kharijitespensent que son auteur devient mécréant et qu’il est voué à l’Enfer éternel. Lesmu’atazilites prétendent quant à eux, qu’il se trouve au milieu des deux statuts : il n’est ni musulman ni mécréant. En revanche, pour ce qui est de son statut après sa mort, ils rejoignent les kharijites en disant qu’il est voué à l’Enfer éternel, s’il ne s’en est pas repenti au cours de sa vie.

 

Pour les murjites, la foi est dans le cœur, et les péchés n’ont aucune influence négative sur celle-ci. Les traditionalistes pour leur part, affirment que l’auteur d’un grand péché en dehors de l’association a une foi faible. Son sort est à la merci d’Allah, Il peut ou non lui pardonner. Sans sortir de l’Islam, le fautif a le statut de pervers ; on dit qu’il est croyant pour la foi qu’il décèle et pervers en raison de son grand péché. La menace divine plane sur lui.

 

10- Il faut savoir qu’à l’unanimité des anciens, la foi est composée des paroles et des actes, ou en d’autres termes, de la croyance, des paroles et des actes, comme le rapporte el Bukhârî et d’autres, soit de quatre éléments :

 

1-               Il y a la prononciation du cœur ou la parole intérieure (Qawl el Qalb) :elle consiste à croire aux enseignements qui proviennent du Seigneur (ou de Son Messager) au sujet de Lui-même, de Ses Noms, de Ses Attributs, de Ses Actions, de Ses anges, de Sa rencontre, etc.

2-               Il y a la prononciation verbale ou la parole extérieure (Qawl e-Lisân) :elle consiste à exprimer ces enseignements, à les prêcher, à les défendre, à dénoncer l’innovation qui va à leur encontre, à évoquer le Seigneur, et à répandre Sa religion.

3-               Il y a les actes du cœur (‘amal el qalb) : comme le sentiment d’amour envers Allah, de sincérité (el Ikhrâs), de patience face à Ses commandements et à Son destin. Il incombe de s’en remettre à Lui, de revenir à Lui, d’avoir peur et espoir en Lui. Il faut également L’agréer, agréer pour Lui, aimer et détester en Lui, se dévouer à Lui, être apaiser à Son rappel, etc. cette étape est plus importante que la précédente.

4-               Il y a enfin les actes physiques (‘amal el jawârih) : comme la prière, ledjihad, les pas en direction de la mosquée pour la prière quotidienne ou celle du vendredi, venir en aide aux personnes faibles, etc.[5]

 

Pour d’autres, la foi est composée de 5 éléments, soit qawl el qalb qui est le tasdîq,‘amal el qalbqawl e-lisân qui est l’attestation de foi, ‘amal e-lisân comme le dhikr, et‘amal el jawârih. C’est ce que révèlent certains manuscrits d’el wâsitiya d’bn Taïmiya ; chose que contestent l’ancien mufti d’Arabie Saoudite Mohammed ibn Ibrahim et SheïkhMohammed Amân el Jâmî. Les ultras auxquels adhèrent el Ash’arî, selon l’une de ses tendances, reconnaissent uniquement qawl el qalb, la plupart d’entre eux reconnaissent‘amal el qalb, ce qui est contradictoire. Les murjiya el fuqaha reconnaissent qawl el qalbet qawl e-lisân ; ils ne reconnaissent aucun ‘amal, pas même celui du qalb. S’ils sont certes plus modérés que les jahmites, sauf sur ce dernier point, ils n’en sont pas moins des murjites, comme le souligne ibn Taïmiya. [6]

 

11- Or, sans entrer dans les détails, toutes les sectes dissidentes, avec les murjitesd’un côté et les kharijites et les mu’tazlites de l’autre, s’accordent à dire que la foi est indivisible. Par rapport à ce principe, ils prétendent que la foi ne peut ni monter ni descendre.[7] C’est pourquoi, comme le souligne Sheïkh Hammad el Ansarî, les traditionalistes se distinguent pour reconnaitre cinq choses. C’est ce qu’il appelle les 5nûn : arkân (actes), janân (croyance), lisân (parole), yazîd bi tâghat e-Rahmân (la foi monte) et yanqus bi tâghat e-shaitân wa el ‘isiyân (et descend).

 

12- Les anciens l’avaient bien compris, comme en témoignent ces annales :

 

Ibn Shaïbân ibn Farrûkh demanda à ‘Abd Allah ibn el Mubârak à la fin de sa vie : « Que dis-tu de celui qui commet l’adultère et qui boit de l’alcool, etc. ? Est-il musulman ?

  •  Je ne le sors pas de la foi.

  •  Serais-tu devenu murjiteà ton âge ?

  •  Abû ‘Abd Allah ! Les murjitesne m’acceptent pas ; moi, je dis que la foi monte contrairement à eux. »[8]

 

‘Abd Allah ibn el Mubâraka dit : « Celui qui dit que la foi se compose des paroles et des actes, et qu’elle monte et qu’elle descend, sort de l’irjâ par toutes ses portes sans exception. »[9]

On interrogea l’Imam Ahmed sur celui qui dit que la foi monte et descend. Ce dernier répondit : « Il n’a aucun lien avec l’irjâ. »[10]

 

Or, D. Safar, pour Sheïkh el Albânî, la foi se compose des paroles et des actes, elle monte et elle descend !

 

Toi, si tu ne le savais pas c’est déjà un malheur

 Mais tu le savais, alors c’est encore pire

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

[1] Zhâhirat el irjâ (2/695-696).

 

[2] El a’râf ; 111, et les poètes ; 36

 

[3] Voir : el imân (p. 377) tout deux d’ibn Taïmiya (7/394).

 

[4] El fatâwa d’ibn Taïmiya (7/507, 3/351-352, et 23/348)

 

[5] Voir : tajlîd e-tawhîd d’el Maqrîzî.

 

[6] Voir sur le sujet l’excellente thèse universitaire arâ el murjiya fî musannafât Sheïkh el Islam ibn Taïmiya du D. ‘Abd Allah e-Sanad.

 

[7] Voir la thèse universitaire : ziyâda el îmân wa nuqsânuhu de Sheïkh ‘Abd e-Razzâq el ‘Abbâd.

 

[8] Voir : musnad ishâq (3/670).

 

[9] Rapporté par ibn Batta dans el ibâna el kubrâ (278).

 

[10] Rapporté par el Khallâl dans e-sunna (n° 1009).

LE TASHRÎ’  (15/16)

Selon Abû Huraïra, le Messager d’Allah (r) a prédit : « À la fin des temps, il y a aura un peuple qui va mélanger la religion avec les choses de ce bas monde. Ils feront passer aux yeux des gens la peau de chèvre pour du poil doux. Leur langue sera plus mielleuse que le sucre, mais ils auront des cœurs de loups. Allah (U) révèle :« Osez-vous mentir sur Moi ? Osez-vous vous ériger contre Moi ? Par Moi ! Je jure que Je vais envoyer une épreuve à ces gens-là ébahissant le plus posé d’entre eux. » » [Rapporté par e-Tirmidhî (2404) et el Baghawi dansSharh e-Sunna (14/394).]

  

S’il y avait une phrase pour résumer la relation qu’entretient Safar el Hawâlî avec lekharijisme et le murjisme, ce serait : entre les deux, mon cœur balance !

 

13- L’élève de Mohammed Qotb n’y va pas avec le dos de la cuillère dans l’un de sescours d’el ‘aqîda e-Tahâwiya, dans lequel il déclare : « ... Le Métropolitain en question, c’est une espèce d’hôtel qui se trouve dans l’un des pays du golf : à Dubaï plus exactement… Dans ce fameux hôtel, il y a certaines boissons que ces gens-là appellent eau de vie. Je veux dire qu’il propose de l’alcool en supplément aux autres distractions, avec notamment des vidéos, etc. Ils invitent ouvertement à boire de l’alcool. Pour le comble ils invitent pleinement également, comme le prouvent les photos à l’appui –qu’Allah nous préserve – à participer aux soirées dansantes dans lesquelles hommes et femmes habillés en tenues indécentes sont mélangés, et peuvent boire de l’alcool. Qu’Allah nous préserve de cette mécréance ! Car autoriser ce qu’Allah (I) a interdit fait partie sans aucun doute de la mécréance ouverte ! »

 

Ainsi, afficher ouvertement sa débauche est une forme d’Istihlâl aux yeux du D. Safar, en parlant des photos indécentes et en considérant que les publicités qui les accompagnaient étaient une forme d’Istihlâl. Il en déduit ensuite que c’était de l’apostasie. Dans le bénéfice du doute, nous aurions pu penser qu’il faisait allusion à la fameuse règle « c’est de la mécréance sans être de la mécréance », mais il nous a enlevé le doute en précisant que c’était « de la mécréance ouverte ! ». La confusion règne chez nos activistes harakî sur les questions d’Istihlâl (autoriser moralement les interdictions) et d’Istikhfâf (prendre les interdictions à la légère), en sachant qu’ils ne font aucune distinction entre ces deux notions et el Mujâhara bi el Ma’âsî (afficher ouvertement ses péchés). Ils trahissent ainsi leur affinité avec le Kharijisme.

 

Quelle est la différence en effet entre ce genre de péchés et les autres péchés en général ? Est-il impossible de voir sur terre un pervers qui n’invite pas l’un de ses amis à pécher avec lui ? Le plus triste, c’est que de telles aberrations soient prononcées lors d’un cours de… Sharh el ‘Aqîda e- Tahâwiya ![1]

 

14- En fait, nos activistes harakî ont trouvé une  bonne parade pour avoir le champ libre. Il suffit de stigmatiser les savants traditionalistes contemporains qui constituent un rempart contre leurs complots. Rien de plus simple que d’adosser l’étiquette de murjitesà tous ceux qui s’opposent à leur projet de révolte contre les autorités en place. Pourtant, sans entrer dans les détails, les murjites ne s’opposent nullement à l’épée, comme en témoignent ces annales :

 

• Selon ibn Shâhîn, Sufiân e-Thawrî a dit : « Craignez toutes ces « passions » égarées. » Quand on lui demanda des explications, ce dernier répondit : « Les murjites disent….Puis, il évoqua certaines de leurs opinions avant d’enchaîner : Ils voient l’épée contre les adeptes de la qibla. »[2]

 

• Selon ibn Shâhîn, on demanda à ibn el Mubârak : « Est-ce que tu adhères à la pensée murjite ?

-      Comment pourrais-je être un murjite, a-t-il répondu, alors que je ne vois pas l’épée !»[3]

 

• D’après Abû Ishâq el Fuzârî, j’ai entendu dire Sufiân et el Awzâ’î : « Le discours des murjites aboutit à l’épée !»[4]

 

• D’après e-Sâbûnî, avec une chaîne narrative authentique qui fait dire à Ahmed ibn Sa’îd e-Ribâtî, ‘Abd Allah ibn Tâhir m’a dit : « Ahmed ! Vous, vous ne savez pas pourquoi vous détestez ces gens-là – en parlant des murjites – alors que moi, je sais pourquoi je les déteste. Je les déteste parce que ; premièrement : ils ne voient pas l’obéissance au sultan… »[5]

 

15- Le problème chez nos activistes harakî, c’est qu’ils maitrisent mal le dogme traditionaliste. En plus de cela, ils font en sorte, d’une façon ou d’une autre, de cacher aux gens tous les enseignements traditionalistes qui vont à leur encontre. Ils ne portentpas en affection ceux qui stigmatisent leurs symboles. Malheur à celui qui ose toucher à leur groupe ou à l’un des leurs. Ils se sentent trahis et répondent de façon disproportionnée. Ils arborent une chose qui s’appelle « critique », car cela divise et fait du mal à la jamâ’a… leur jamâ’a. Pourtant, comme le souligne ibn Taïmiya, l’attitude qu’ils adoptent est propre aux… murjites, chez qui les notions de morale (amr bi el ma’rûf) et de bons conseils sont faibles,[6] sauf bien sûr lorsque cela touche au sujet qu’ils affectionnent, le gouverneur. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui, le tamyî’.

 

16- L’auteur de Zhâhirat el irjâ récidive lorsqu’il condamne à l’irja les savants, à l’instar de Sheïkh el Albânî, qui ne taxent pas de mécréants celui qui ne fait pas la prière (târik e-salât), sans renier son aspect obligatoire ni l’autoriser moralement (istihlâl), et cela sous prétexte notamment de contredire le consensus des Compagnons Au meilleur des cas, ils seraient influencés par l’irja.[7] Or, comme le souligne ibn Taïmiya, les fagihqui sont influencés par l’irja sont ceux qui ne considèrent pas apostat celui qui refuse de prier sous la menace de l’épée.[8]

 

Le D. Safar lui-même le reconnait dans son même livre,[9] et… Sheïkh el Albânî.[10]En sachant que certains grands légistes à l’image d’ibn Qudâma notent qu’il existe une divergence sur la question entre les savants traditionalistes eux-mêmes. Il impute cette opinion à ibn Batta, et dit même que c’est celle de la plupart des savants des quatre écoles.[11] E-Nawawî, quant à lui, attribue cette tendance à la majorité des savants.[12]Abû el Faraj el Maqdîsî va plus loin en rapportant l’unanimité des savants de son école sur la question.[13] Est-ce que tous ces gens-là sont des murjites ou bien sous leur l’influence Mr. Safar ? Il est vrai que les murjites rejoignent certains traditionalistes sur cette question comme le fait remarquer ibn ‘Abd el Barr, à la différence que pour ces derniers la foi est composée des paroles et des actes et que târik e-salât n’a pas une foi parfaite.[14] El Albânî établit que son cas est très grave et qu’il peut atteindre le degré de kufr.[15]

 

Il reste le problème de celui qui ne fournit aucun acte apparent. C’est la question dujisn el ‘amal que je compte développer dans un avenir proche in shâ Allah !

 

Mais dors et déjà, il faut savoir que bon nombre de savants ne vouent pas à l’apostasie celui qui ne fait pas la prière. Il y a notamment e-Zuhrî, Abû Hanîfa, Mâlik, e-Shâfi’î, même Ahmed selon l’une de ses tendances, Abû Thawr, Abû ‘Ubaïd, ibn Batta, el Muwaffaq ibn Qudâma el Maqdîsî, et son neveu Abû el Faraj, ibn ‘Abd el Barr, Abû Mohammed e-Tamîmî, e-Nawawî, ibn Hajar, ibn e-Salâh, el Qurtubî, e-Tabarî, e-Safârînî, etc.[16]

 

Indépendamment de savoir de quelle côté penche la vérité, il faut garder à l’esprit que de nombreux savants notent la divergence sur la question (el Marwîzî, e-Sabûnî, Abû Bakr el Ismâ’îlî, ibn ‘Abd el Barr, ibn Taïmiya, Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb, son petit-fils ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan, son arrière petit-fils ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân, et d’autres savants de aimma e-da’wa comme ibn Mu’ammar, et plus tard ibn Bâz, ibn ‘Uthaïmîn, el ‘Abbâd, une fatwa de la lajna e-dâima, etc.).

 

On a beau dire qu’un consensus des Compagnons est rapporté sur la question, mais ce n’est pas le genre de consensus qui remet en question l’appartenance au traditionalisme pour celui qui le déroge. Étant donnés notamment, et sans entrer dans les détails, qu’en plus du fait qu’il est discutable, de nombreux exemples dans la pratique démontrent que les consensus revendiqués par certains légistes ne sont pas toujours pris en compte par les savants.

 

Le pire, c’est qu’une secte kharijite du nom d’el Mansûriya taxe de murjites les savants qui ne condamnent pas à l’apostasie celui qui délaisse la prière sans renier son aspect obligatoire, car cela implique de dire que la foi est composée du qawl sans le‘amal.[17]

 

… entre les deux, mon cœur balance !

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 


 

[1] Voir : madârik e-nazhar fî e-siyâsa de Sheïkh ‘Abd el Mâlik Ramadhânî.

 

[2] Voir : el kitâb e-latîf (15), e-sharî’a d’el Ajurrî (2062), et sharh usûl el i’tiqâd d’e-Lalakâî (1834).

 

[3] Voir : el kitâb e-latîf (n° 17).

 

[4] Rapporté par ‘Abd Allah ibn Ahmed dans e-sunna (363) avec une chaîne narrative authentique.

 

[5] Voir : ‘aqîda e-salaf wa ashâb el hadîth (p. 109).

 

[6] Voir : majmû’ el fatâwa (12/467) et (20/111). Pour un exemple où Safar fait preuve de tamyî’ envers ahl el bida’, voir : Zhâhirat el irjâ (p. 85).

 

[7] Zhâhirat el irjâ (2/651 et 657).

 

[8] Voir : majmû’ el fatâwa (1/615-616), (7/219) et (22/47-49).

 

[9] Zhâhirat el irjâ (459-561).

 

[10] Hukm târik e-salât (p. 38).

 

[11] El mughnî (1/445-446).

 

[12] El majmû’ (3/17).

 

[13] E-sharh el kabîr (3/38).

 

[14] E-Tamhîd (4/242).

 

[15] Silsilat el ahâdith e-dha’îfa (1/212-213).

 

[16] Voir : ta’zhîm qadr e-salât d’el Marwizî (2/956), majmû’ el fatâwa (7/610-611), e-sharh el kabîr (3/38), el mughnî (2/444), etc.

 

[17] El burhân fî ma’rifa ‘aqâid ahl el adiyân d’Abû el Fadhl ‘Abbâs ibn Mansûr e-Saksakî (p. 95-96).

LE TASHRÎ’  (16/16)

17- Pour notre spécialiste en ‘aqîda, la tendance qui ne kaffar pas l’abandon de la prière puise ses racines dans l’avènement de l’irja. À ses yeux, certains adeptes des grands légistes la reprirent à leur compte sans vraiment connaitre son origine.[1]

 

Les premiers balbutiements de l’irja se firent ressentirent dans la deuxième partie du premier siècle, après la mort d’ibn el Ash’ath, en réaction au kharijisme, à la fin des années 70 plus exactement.[2] La plupart de ses premiers adeptes venaient de Kûfa, mais ils ne comptaient pas parmi les élèves d’ibn Mas’ûd ni de l’Imam Ibrahim e-Nakha’î.[3] Or, à cette même époque, des grands tâbi’îns comme ‘Omar ibn ‘Abd el ‘Azîz et Ibrahim e-Nakha’î lui-même ne vouaient pas à l’apostasie celui qui ne faisait pas la prière.[4] Plus tard, comme le rapporte el Marwazî avec une chaine narrative authentique, e-Zuhrî reprit cette tendance à son compte.[5]

 

Les adeptes de ces légistes sont Mâlik, e-Shâfi’î et Ahmed, selon l’une de ses tendances. Qu’en pensez-vous D. Safar ?

 

Or, s’il est vrai que certains traditionalistes arrivent à la même conclusion que lesmurjites, sur cette opinion, il faut savoir, comme nous l’avons vu avec les paroles d’ibn ‘Abd el Barr, qu’ils ont un raisonnement différent. Ce sont les textes qui leur ont permis de trancher sur la question, rien d’autres. Le problème serait de s’accorder avec lesmurjites sur une opinion sans se baser sur aucun texte. C’est pourtant ce que nous a concocté notre Docteur. Mieux, il penche vers une tendance qui s’oppose à une autre et sur laquelle il n’existe aucune divergence entre légistes, ce qui aurait pu au moins intercéder en sa faveur.

 

18- Aussi surprenant que cela puisse être, il prétend que le coupable d’adultère ne décèle aucun acte du cœur (‘amal el qalb), pendant qu’il commet son crime, ou en d’autres termes, qu’il perd tout acte du cœur pendant son acte.[6] Sans s’en rendre compte, il rejoint ainsi les murjites ultra comme Jahm et e-Sâlihî pour qui la foi existe sans fournir les actes du cœur, soi en ayant uniquement le tasdîq (qawl el qalb). Ibn Taïmiya et ibn el Qaïyim souligne que cette tendance va à l’encontre du consensus des traditionalistes pour qui les actes du cœur, aussi faibles soient-ils, sont une condition de validité de la foi.[7]

 

‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan explique à ce sujet : « La foi est composée des paroles et des actes.

Il existe deux sortes de paroles : la parole du cœur qui se matérialise par la croyance, et la parole verbale qui se matérialise par l’attestation de foi.

Il existe deux sortes d’actes : les actes du cœur qui consiste à s’orienter vers Allah, Le choisir comme divinité, L’aimer, chercher Sa satisfaction, et à Lui donner foi.

Les actes extérieurs comme la prière, l’aumône, le pèlerinage, le djihad, etc.

S’il n’y a plus la croyance du cœur (tasdîq), accompagnée des actes intérieurs, la foi s’annule entièrement. Si ce sont simplement certains actes extérieurs qui sont délaissés, comme la prière, tout en gardant à la fois la croyance et la parole du cœur, il y a divergence entre les savants sur le statut qui lui correspond : est-ce que la foi s’annule entièrement ou non en délaissant l’un des cinq piliers de l’Islam ? Est-ce que le coupable devient mécréant ou non ? Faut-il distinguer la prière des autres piliers ou non ?

 

Les traditionalistes s’accordent à dire qu’il faut absolument fournir les actes du cœur (l’amour d’Allah, Sa soumission, et la recherche de Son Agrément).

 

Pour les murjites, le tasdîqest suffisant pour devenir croyant. La divergence entre les traditionalistes concerne donc les actes extérieurs : devient-on un mécréant en les délaissant ou non ? Selon la tendance notoire des anciens, on devient mécréant en délaissant l’un des quatre piliers venant après l’attestation de foi.

Selon une deuxième tendance : seul celui qui les renie est voué à la mécréance.

Une troisième tendance distingue entre la prière et les autres piliers. Toutes ces tendances sont notoires. »[8]

 

Ce qui nous intéresse ici, c’est : « Les traditionalistes s’accordent à dire qu’il faut absolument fournir les actes du cœur ». Dans une première traduction, l’auteur de ses lignes avait utilisé le terme « vérifier » à la place de « fournir ». S’il est vrai que ce terme pouvait porter à confusion, le problème de ce passage se trouvait ailleurs. Il touchait en effet au sujet épineux de jisn el ‘amal. Sujet que nous allons aborder dans les prochaines lignes.

 

19- Notre Docteur est à juste titre intransigeant sur cette question.[9] Il établit que les actes extérieurs (‘amal el jawârih) sont un pilier (rukn) dans la définition de la foi.Sheïkh el Albânî adhère également à ce principe.[10] Dans une cassette, il affirme explicitement que les actes font partie intégrante de la foi (juz). Ailleurs, il dit qu’ils font partie de la réalité de la foi (haqîqa el imân).[11] Ibn Taïmiya explique qu’il est impensable de déceler une foi dans le cœur sans que cela ne se traduise dans les actes dans la mesure où aucun empêchement ne vient contrecarrer la volonté.[12] C’est la fameuse question de l’interaction entre le cœur et les actes.[13] L’Albânî a exactement le même discours, contrairement aux murjites.[14]

 

Plusieurs savants établissent qu’à l’unanimité des traditionalistes, sans jisn el ‘amal, on ne peut prétendre à la foi. Nous avons parmi eux :

1-       El Humaïdî.[15]

2-       E-Shâfi’î.[16]

3-       Abû ‘Ubaïd el Qâsim ibn Salâm.[17]

4-      El Âjurrî.[18]

5-      Ibn Taïmiya.[19]

 

Safar reproche à l’Albânî de ne pas kaffar celui qui ne fournir pas jisn el ‘amal, mais le comble de la surprise, c’est que lui-même établit que dans certains cas, certes rares, la foi décelée dans le cœur est tellement faible qu’elle ne peut s’exprimer dans les actes. Pour appuyer ses dires, il s’inspire de certains hadîth.[20]

 

En plus du fait que Safar se contredit puisque, à ses yeux, la tendance qui ne kaffarpas l’abandon de la prière est influencé par l’irja, il faudrait lui donner le même statut que lui-même laisse entendre au sujet de l’Albanî. Ce que nous ne faisons pas, et cela pour différentes raisons.

 

• Si el Albânî et el el Hawâlî s’accordent avec les murjites sur cette conclusion, ils n’ont pas eu recourt au même résonnement pour y arriver. Ce sont certains textes qui leur ont permis de tenir un tel discours, non l’idée selon laquelle la foi se résume autasdîq, comme nous l’avons vu pour l’abandon de la prière. On peut certes leur contester leur interprétation de ces hadîth, mais cela ne fait pas d’eux des murjites.

 

• La preuve, c’est que ces mêmes hadîth furent interprétés de la même façon par des savants plus anciens. C’est le cas du hadîth disant que certains individus n’ont fait aucun bien dans leur vie.[21] Parmi ceux qui l’ont interprété de cette façon, nous avons : ibn ‘Abd el Barr,[22] ibn Rajab,[23] ibn el Wazîr,[24] el Qurtubî.[25]

 

• Ibn Taïmiya explique à ce sujet : « Celui qui croit que seuls les actes peuvent servir à l’individu va à l’encontre du consensus et son idée est complètement fausse pour les raisons suivantes… »[26] Ensuite, il explique dans le cinquièmement que les individus dont le hadîth fait mention, sauront sauver par la Miséricorde d’Allah, non par leurs actes. Mieux, Abû Bakr ibn el Muhib e-Sâmit est l’un des élèves les plus intimes d’ibn Taïmiya. Il est l’auteur d’un ouvrage qui est encore à l’état de manuscrit et dans lequel il reproduit les paroles extraordinaires de son maitre : « L’individu peut déceler une foi infime dans son cœur sans faire aucune œuvre pieuse. La négation dans le hadîth en question porte sur les actes, non sur les paroles. Il faudrait plutôt dire qu’en fournissant les deux attestations de foi sans fournir d’actes extérieurs jusqu’à la mort, on n’aura fait aucune bonne œuvre dans sa vie. Cependant, cela ne concerne pas forcément les paroles, conformément au Verset : [c’est vers Lui, que remontent les bonnes paroles qui sont poussées par les bonnes œuvres].[27] En disant que la négation ne porte pas sur la croyance du cœur et de la parole, nous n’allons pas à l’encontre du Coran. »[28]

 

• La question du jisn el ‘amal est une question juz-î ou « subsidiaire », non une question kulli « principale » ou « fondamentale ». or, les savants établissent en gros, que le tabdî’ a lieu dans le dernier cas, wa Allah a’lam !

 

Il restera à traiter une question non moins importante et qui est la question de savoir si les actes sont une condition de validité dans la foi (shart sihha) ou une condition de perfection (shart kamâl). Nous y consacrerons in shâ Allah un article à part.

 

Ainsi, cette série sur le tashrî’ s’achève, en espérant qu’elle nous soit utile à tous. Chacun doit garder à l’esprit que la recherche de la vérité est au-dessus de toute considération. Nous réservons la conclusion dans une série d’articles à part in shâ Allah !

 

J’implore Allah de nous envelopper de Sa Miséricorde, wa âkhir da’wânâ ani el hamd li Allah rabb el ‘âlamîn !

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 


 

[1] Zhâhirat el irjâ (p. 418).

 

[2] Voir : arâ el murjiya fî musannafât ibn Taïmiya qui est une thèse universitaire écrite par le D. ‘Abd Allah e-Sanad (p. 93-101).

 

[3] majmû’ el fatâwa (13/38).

 

[4] Hukm târik e-salât d’ibn el Qaïyim. Pour ibn el Mundhir,  Ibrahim e-Nakha’î rejoindrait l’autre tendance (voir : kitâb el ishrâf).

 

[5] Ta’zhîm qadr e-salât (2/957).

 

[6] Zhâhirat el irjâ (2/ 550).

 

[7] Voir : majmû’ el fatâwa (7/520), (2/527), et Hukm târik e-salât (p. 54).

 

[8] Voir : usûl wa dhawâbit fî e-takfîr.

 

[9] Zhâhirat el irjâ (p. 656).

 

[10] Voir : sharh el ‘aqîda e-tahâwîya (p. 58).

 

[11] E-dhabb el ahmed ‘an musnad el Imam Ahmed (32/33).

 

[12] Majmû’ el fatâwa (7/611).

 

[13] Voir : majmû’ el fatâwa (7/616).

 

[14] Voir sa recension de riyâdh e-sâlihîn (p. 14-15), dalâil el burhân (p. 19), silsilat el ahâdîth e-sahîha  (1/31).

 

[15] E-sunna d’el Khallâl (3/586).

 

[16] Voir : majmû’ el fatâwa (7/209)

 

[17] El imân (p. 18-19).

 

[18] E-sharî’a (2/611).

 

[19] Majmû’ el fatâwa (7/187).

 

[20] Zhâhirat el irjâ (p. 529 et 657).

 

[21] Rapporté par el Bukhârî (7439) et Muslim (183).

 

[22] E-tamhîd (23/290).

 

[23] E-takhwîf min e-nâr (p. 259).

 

[24] El ‘awâsim min el qawâsim (9/102).

 

[25] Comme le rapporte ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan dans fath el Majîd (p. 45).

 

[26] Jâmi’ el masâil (5/203).

 

[27] Le Fondateur ; 10

 

[28] Livre manuscrit.

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