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NECTAR TAÏMIYEN III

 

 

 

Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

 

[Pharaon manipula son peuple qui se soumit à ses caprices, car il était pervers].[1] Seul un pervers pouvait convenir à la tête d’un peuple enclin à la perversité. Ibn Taïmiya nous fait savoir qu’un simple d’esprit est facilement manipulable, car il est plus guidé par les passions que par la raison, le savoir.[2]

 

 

D’après el Bukhârî, selon ‘Ubâda ibn e-Sâmit, et Muslim, selon Abû Sa’îd – les propos sont de ‘Ubâda – : le Messager d’Allah (r) sortit de chez lui pour annoncer aux gens la nuit du Destin, mais il fut arrêté dans son élan par le bruit d’une querelle qui opposa deux fidèles : « J’étais venu, s’exclama-t-il, pour vous en faire l’annonce, mais la querelle qui vient d’éclater entre un tel et un tel, fit que je ne l’ai plus à l’esprit. Cela cache sûrement un bien pour vous, alors faites des efforts pour la trouver les nuits du vingt-neuf, vingt-sept, et vingt-cinq. »[3]

 

Ibn Taïmiya se charge d’éclaircir l’invocation qui clôt la sourate la vache : « En clair, les Compagnons furent exaucés dans la mesure où ils adhéraient sans restriction à l’obéissance d’Allah, et ils le firent savoir en disant : [nous avons entendu et obéis].[4] C’est pourquoi, quand l’invocation en question fut révélée, ils l’utilisèrent pour implorer Dieu qui assouvit leur demande. L’islam, religion de tolérance et fidèle à Dieu, trouva son apogée lors de la période de la Révélation, et sous Abû Bakr qui connut de meilleurs jours qu’Omar ayant été éprouvé par les péchés d’une partie des citoyens dont il avait l’administration. Il eut recours à des mesures relativement draconiennes : interdiction de la formule tamattu’ au pèlerinage,[5] irrévocabilité du divorce prononcé à trois reprises lors d’une même rencontre,[6] aggravation de la peine de consommation d’alcool[7] […]

Ils allèrent jusqu’à oublier notamment certains détails qui touchent à l’héritage,[8] mais cela n’entamait en rien à la bonne entente par laquelle ils étaient fortement liés, et chacun respectait l’avis de ses frères. Les dernières années de l’ère ‘Uthmân marquèrent une plus grande scissure avec la situation de la première époque. Le niveau de vie augmentait, ce qui allait de pair avec de nouvelles exigences matérielles, mais aussi de nouvelles habitudes qui prenaient leurs distances avec le khalifat précédent. Les relations se dégradèrent, et des troubles terribles qui prenaient forme débouchèrent sur l’assassinat du troisième Khalife. Le Seigneur avait prévenu : [Méfiez-vous d’une épreuve qui ne touche pas uniquement les injustes parmi vous].[9] Quand on tait l’injustice en renonçant à sermonner tout fautif, on se rend complice de ses exactions, et on s’expose tout autant au châtiment divin. Un hadîth nous apprend : « Quand le mal se produit au su et au vu de tous sans qu’aucun n’y fasse obstacle, il déclenche le courroux d’Allah qui n’épargne personne. »[10]

 

Cette complicité implicite les priva énormément de bonnes choses. La formule tamattu’ notamment devint un réel sujet de dispute, ce qui était loin d’être le cas sous le règne du second Khalife ; les uns, à l’image d’ibn e-Zubaïr, l’interdisaient strictement, et les autres, qui représentaient la majorité avec le clan omeyyade à leur tête, interdisaient seulement d’y opter en cours de rite. Une troisième tendance s’inscrivit en faux en l’imposant carrément. Il va sans dire que personne ne cherchait à s’opposer aux enseignements prophétiques, sauf que le savoir perdit en intensité en raison des péchés, comme en témoigne l’anecdote : « J’étais venu, s’exclama-t-il, pour vous en faire l’annonce, mais la querelle qui vient d’éclater entre un tel et un tel, fit que je ne l’ai plus à l’esprit. Cela cache sûrement un bien pour vous… » Le Prophète (r) resta optimiste, et préconisa de redoubler d’efforts à l’occasion des dix dernières nuits sans exception. Parfois, il vaut mieux que certains ignorent l’existence de telle ou telle chose, et par compassion envers eux, Allah les empêche d’y avoir accès […]

 

La divergence dans les lois pratiques peut, en effet, être une miséricorde, à condition que cela n’engendre pas un grand mal (de sorte qu’on en perde la bonne réponse). C’est ce qui poussa un savant à écrire un ouvrage ayant pour titre : le livre des divergences. L’Imâm Ahmed disait qu’il faudrait plutôt l’appeler : le livre de la tolérance (kitâb e-sa’a).[11] Cela ne veut pas dire, au même moment, qu’il n’y ait pas qu’une seule vérité. Il arrive également que certaines gens ignorent la bonne opinion par un effet de la Miséricorde divine, car ils ne supporteraient pas de la connaitre, comme le révèle le Verset : [Gardez-vous de poser des questions sur des choses, qui, une fois à votre connaissance, pourraient vous nuire].[12] Par exemple, nous ne connaissons pas l’origine des produits (nourriture, habits, etc.) en vente au marché ; rien n’indique qu’ils ne sont pas le fruit d’un vol, et pourtant, jusqu’à preuve du contraire, ils sont licites pour les acheteurs qui peuvent en jouir à leur guise. Ainsi, ne pas savoir qu’une chose est source de contraintes, émane éventuellement de la Miséricorde divine, de la même manière que de ne pas savoir qu’une chose fasse l’objet de commodités est tout aussi bien la conséquence des péchés.

 

Dans ce registre, nous avons l’absence de doute qui vacille entre la Miséricorde et la punition divine ; quand elle a pour fonction de faciliter la vie aux croyants, elle relève de la première sorte. Par ailleurs, les dispositions contraignantes, à l’exemple du djihâd, peuvent jouer en leur faveur : [mais, vous éprouvez peut-être de l’aversion pour une chose qui, en réalité, vous est bénéfique, comme vous pouvez aimer une chose qui, en réalité, vous cause du tort].[13] Là où nous voulons en venir ici, est que les péchés parasitent plus ou moins l’accès au savoir utile susceptible carrément de sortir des mémoires, voire de porter à confusion, ce qui, à terme est une source de conflits. »[14]

 

Ibn Taïmiya souligne également que les Lieux saints chassent leurs mauvais habitants. Les péchés, en effet, avilissent l’âme qui ne mérite plus d’occuper une cité prestigieuse. L’endroit où elle vit est à la hauteur de son niveau de moralité. Après l’épisode de la Mer rouge, les Hébreux triomphants furent rattrapés par leur esprit de rébellion. Ceux-ci refusèrent de livrer combat aux géants amorites qui peuplaient l’ancienne Jérusalem.[15] Ils furent ainsi condamnés à errer quarante ans durant dans le désert du Sinaï,[16] sans réussir à rejoindre le moindre hameau et, à fortiori, à rentrer chez eux. Un passage du Coran retrace cet évènement : [Cette terre sacrée proclama le Seigneur, leur sera interdite une période de quarante ans durant laquelle ils erreront dans le désert ; alors, ne sois pas affligé par le sort d’un peuple aussi pervers].[17]

 

Il arrive que, sans n’être vil aux yeux du Seigneur, on paie au comptant ses fautes, à l’exemple d’Adam (r) qui fut expulsé du Paradis. Il n’aura pas le droit d’y retourner avant que ses enfants n’expient leurs propres fautes. Les plus mauvais d’entre eux en seront privés à jamais, mais laissons Sheïkh el Islâm nous en apprendre davantage : « Adam et son épouse furent installés, par le Très-Haut, au Paradis, avec pour instruction : [et dégustez ses fruits à votre guise, mais, surtout, ne vous approchez jamais de cet arbre, au risque de compter parmi les injustes • Or, Satan les fit sombrer dans la faute, et ils furent chassés du jardin des délices qui les entouraient ; Nous leur dîmes alors : descendez sur terre où vous vivrez en ennemis les uns les autres].[18]

 

Ils atterrirent dans un lieu où règneront jusqu’à la fin des temps, la haine, et l’adversité, et qui sera soldé, pour beaucoup de ses descendants, par un séjour éternel en Enfer ; tout cela, pour avoir désobéi au Seigneur Tout-Puissant. L’homme, dont la piété intérieure se reflète sur ses actes, jouit des délices de la foi, et se complait dans un paradis sur terre.

Le savoir en est l’une de ses manifestations, comme nous l’enseigne le hadîth : « Prenez place dans les jardins du Paradis devant lesquels vous passez.

  • Et quels sont-ils, s’étonna l’entourage ?

  • Les assemblées où sont donnés des cours de religion. »[19]

 

Le Prophète (r) déclare également : « Entre ma maison et ma chaire, il y a un jardin du Paradis. »[20] Les jardins de la foi et du savoir transpirent la sérénité et la plénitude. L’amour d’Allah qui se manifeste dans les formules d’évocation et les actes d’obéissance propulse toujours vers le haut où on est maintenu aussi longtemps que la flamme habite le cœur. En revanche, les péchés, qui attirent vers le bas, assombrissent cette harmonie. La chute durera aussi longtemps qu’on reste dans cette situation. À terme, des conflits vont éclater avec ses pairs parmi les pécheurs. »[21]

 

Ailleurs, notre maitre damascène étaye son raisonnement en disant : « Sous les khalifats d’Abû Bakr, d’Omar, et même d‘Uthmân à ses débuts, les médinois, qui étaient fidèles aux commandements prophétiques, baignaient dans un confort matériel et spirituel. De relatifs changements eurent lieu avec l’assassinat du troisième Khalife (t) ; cela ne resta pas sans conséquence sur le statut de la ville qui passa sous l’administration de nouvelles métropoles. La lente décadence était parsemée de tristes évènements, comme l’année d’el Harra qui déplora notamment un nombre inédit de victimes et de pillages.

 

L’artisan de ce massacre inique, aussi haïssable fût-il, n’était pas pire que les païens Quraïshites ayant causé d’énormes dommages dans les rangs des musulmans. Le Prophète (r) lui-même paya cher l’indiscipline d’une partie des Compagnons, comme le relate le Coran : [Et le jour où vous essuyâmes une cuisante défaite, après avoir triomphé à deux reprises, vous vous demandâtes alors : Comment en sommes-nous arrivés là ? Réponds-leur : ne vous en prenez qu’à vous-mêmes].[22]

 

L’élite des croyants de la première époque, avec le Bien-aimé (r) à leur tête, fut enterré à Médine. Les premiers temps, le Shâm (l’ancienne Syrie, ndt.) également était un véritable havre de paix, mais, très vite, il fut déchiré par des troubles qui mirent à mal sa souveraineté. Le littoral passa entre les mains des chrétiens qui avaient reçu une précieuse aide des ennemis impies de l’intérieur. Jérusalem tomba, et le mausolée qui recouvrait la tombe d’Ibrâhim fut changé en église. Quand les musulmans se décidèrent à revenir à Dieu et à suivre à la lettre leurs textes scripturaires, ils renouèrent avec la victoire et libérèrent toutes les villes côtières du joug de l’envahisseur. Ils comprirent que le bonheur se confinait dans leur fidélité au Coran et à la sunna : [En obéissant à Allah et au Messager, on sera avec les prophètes, les véridiques, les martyrs, et les pieux qu’Allah a comblés de Ses bienfaits, et qui constituent vraiment une belle compagnie !][23]

L’Ami d’Allah (r) glissait parfois dans ces sermons : « En obéissant à Allah et à Son Messager, on est sur le droit chemin ; et en leur désobéissant, on ne fait du tort qu’à soi-même sans n’affecter Dieu en rien ! »[24] »[25]

 

Ibn Taïmiya n’a rien inventé. Un Compagnon, en la personne de Samura (t) disait déjà : « L’Islam était entouré d’une forteresse invincible jusqu’au jour où une brèche vint fendre ses murs. L’assassinat d’Uthmân fut cette plaie qui ne se cicatrisera jamais et qui rend désormais ses occupants vulnérables. Médine abritait la capitale du Khalifat qui fut chassée par ses habitants pour ne plus jamais revenir. »[26]

 

 

Traduit par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

http://www.mizab.org/

 

 

 

 

[1] Les ornements ; 54

 

[2] Majmû’ el fatâwâ (16/338).

 

[3] Rapporté par el Bukhârî (n° 2023), et Muslim (n° 1167).

 

[4] La vache ; 285

 

[5] Voir les recueils d’el Bukhârî (n° 1563, 1571), et Muslim (n° 1223, 1226, 1238).

 

[6] Les deux premières années de son califat, ‘Omar ne toucha pas aux dispositions de ses prédécesseurs, mais il dut réagir au laxisme croissant des citoyens en rigidifiant la loi du divorce.

 

[7] La peine prévue pour consommation d’alcool, était, jusqu’aux premières heures du règne du Commandeur des croyants, de quarante coups de fouet, comme nous formulent les textes validés par el Bukhârî (n° 6773), et Muslim (n° 1706). Selon une version chez el Bukhârî (n° 6779), e-Sâib ibn Yazîd nous décrit la situation : « Quand la débauche et le zèle prirent de l’ampleur, il fixa la peine à quatre-vingts coups de fouet. » La sentence prévue fut doublée, après consultation auprès des grands Compagnons, car du point de vue du second Khalife, la peine en question avait une portée discrétionnaire (et donc laissée à l’initiative du chef suprême), non purement textuelle (ce qui la rendrait inflexible, car strictement définie par la Loi).

Quelquefois, des mesures radicales sont prises pour enrayer la débauche. Ibn Taïmiya souligne à ce sujet : « ‘Omar ibn el Khattâb fit détruire par le feu une boutique qui proposait des boissons enivrantes à la vente. Il prit à partie son propriétaire, le dénommé Ruwaïshid e-Thaqafî à qui il fustigea : « Tu es un petit pervers (fuwaïsiq) non un petit honnête (ruwaïshid) ! » [Rapporté par Abû ‘Ubaïd dans el amwâl (n° 267), et ‘Abd e-Razzâq (n° 10051, et 17039), avec une chaine narrative authentique.] Le Prince des croyants, ‘Alî ibn ‘Abî Tâlib mit sous les flammes tout un village où la vente d’alcool était monnaie courante, nous confirme le recueil d’Abû ‘Ubaïda et autre. [Il l’a, en effet, rapporté dans el amwâl (n° 268).]. » Majmû’ el fatâwâ (28/113).

 

[8] Voir : fath el Bârî d’ibn Hajar (12/20), et les premières pages de raf’ el malâm ‘an el aimmat el a’lâm d’ibn Taïmiya.

 

[9] Le butin ; 284

 

[10] Rapporté par Abû Dâwûd (n° 4338) ; Sheïkh el Albânî l’a authentifié dans sa recension de l’ouvrage.

 

[11] Notons que la divergence tolérée dans les points subsidiaires de la religion peut prendre de mauvaises proportions, si celle-ci est accompagnée des passions. L’effort d’interprétation n’est donc pas blâmable en lui-même, quand le seul but est la recherche de la vérité. El istiqâma d’ibn Taïmiya (1/31-32).

 

[12] Le repas céleste ; 101

 

[13] La vache ; 216

 

[14] Majmû’ el fatâwâ (14/152-160).

 

[15] Les Amorites, les Émîtes, et les Anaqites avant eux étaient des peuples de géants vivant sur les terres de Canaan ; voir : les nombres ; 13.31-33,  Deutéronome ; 1.28, 2.11 (N. du T.).

 

[16] Voir pour la référence biblique de l’épisode des quarante années d’errance au milieu du désert : les nombres ; 14.33, 32.13,  Deutéronome ; 2.7, 8.2, 29.4, et Josué ; 5.6 (N. du T.).

 

[17] Le repas céleste ; 26

 

[18] La vache ; 35-36

 

[19] Rapporté par e-Tirmidhî (n° 3510) ; el Albânî l’a jugé bon dans silsilat e-sahîha (n° 2562).

 

[20] Rapporté par el Bukhârî (n° 1195), et Muslim (n° 1390).

 

[21] Majmû’ el fatâwâ (14/160).

 

[22] La famille d‘Imrân ; 165

 

[23] Les femmes ; 69 ; l’auteur insiste sur l’idée que les mauvais sont susceptibles, par la Volonté d’Allah, de prendre le dessus sur les bons ayant été souillés par le péché. Il n’est donc pas étonnant qu’à la bataille d’el Harra, les médinois récoltèrent les fruits de leurs manquements aux principes dictés par la religion. Leurs propres modèles, l’élite des hommes, n’échappèrent pas à cette loi à Uhûd, alors qu’en face, ils avaient affaire à des païens, des ennemis bien plus condamnables que les bourreaux d’el Harra. Aujourd’hui, cette loi universelle est encore plus vérifiable au grand damne des islamistes harakî qui font malheureusement les autruches.

 

[24] Rapporté par Abû Dâwûd (n° 1097) ; Sheïkh el Albânî l’a jugé faible dans sa recension de l’ouvrage.

 

[25] Majmû’ el fatâwâ (27/437).

 

[26] Rapporté par ibn ‘Asâkir dans târîkh Dimashq (39/483). 

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