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NECTAR TAÏMIYEN II (1/3)

 

 

 

Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

 

« Nombre de gens encensent leur Sheïkh à outrance à la manière des shiites envers leurs imams. »[1]

 

Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

L’une des causes à l’origine de la fitna est la réaction disproportionnée prises face aux erreurs d’un savant ou autre. Certains peuvent penser qu’il l’ait fait volontairement, ou bien n’accordent-ils aucune excuse aux erreurs commises. En réalité, chacun y va de son effort d’interprétation, bien que tant ce fameux savant que ceux qui le condamnent soient dans l’erreur. Tous sont excusables, en fonction de leurs intentions. Cela veut dire également qu’ils peuvent tous autant qu’ils sont être condamnables, voire qu’une des deux parties.[2]

Il est possible que l’une des parties qui divergent s’oppose à son adversaire jusqu’à le taxer de kâfir (mécréant) ou mubtadi’ (innovateur) fâsiq (pervers) passible d’une mise en quarantaine (hajr), bien qu’elle ait tort. Cependant, là aussi, elle est motivée par un effort d’interprétation.

 

Il est possible également que la dureté soit de mise envers certaines personnes ou dans certains contextes, quand notamment la sunna qui voue à la mécréance tous ceux qui y s’opposent, est forte, et quand l’auteur de l’autre opinion, que nous taxons d’innovateur, représente un danger. L’homme sensé doit tenir compte de tous ses paramètres ; la bonne opinion est vue sous le prisme de ses caractéristiques constantes et permanentes qui, en les appliquant, doivent être conformes à la réalité.

Ensuite, le fait que chez celui qui l’entende, elle soit connue, approximative, ignorée, formelle, ou probable ; ou qu’il incombe de suivre ou de ne pas suivre, ou qu’elle voue ou non à la mécréance celui qui la renie, ce sont des lois pratiques qui varient en fonction des personnes et des situations.[3]

 

Le sujet

 

Après la mort d’el Hasan el Basrî et d’ibn Sirîn, la première duraïra fut édifiée à Bassora par Ahmed ibn ‘Atâ el Hujaïmî, un adepte d’Abd el Wâhid (m. 150 h.), qui était lui-même un élève d’el Hasan el Basrî. La ville était connue pour son ascétisme et sa piété à outrance, d’où l’adage : le fiqh est à Koufa ce que la piété est à Bassora. Les anecdotes surprenantes qui nous viennent sur le sujet sont pour la plupart imputées à leurs pieux, comme Zirâra ibn Awfa (m. 93 h.), Abû Juhaïr el A’mâ (m. ? h.), ‘Utbat el Ghulâm (m. ? h.), ‘Atâ e-Sulaïmî (m. après 140 h.).[4] Plusieurs d’entre eux sont tombés raides morts à la lecture du Coran.

 

Ibn Taïmiya explique qu’il existe deux réactions extrêmes envers certains de ces « états soufis » qui tirent leur origine de Bassora ; il y a ceux qui les condamnent à outrance et ceux qui les encensent à outrance. Ensuite, il fait le même constat envers les savants du raï qui tirent leur origine de Koufa. Puis, il fait la conclusion suivante : « Quiconque considère que la voie d’un savant ou d’un dévot est meilleure que celle des Compagnons commet une erreur le rendant égaré et innovateur. À l’inverse, quiconque condamne sévèrement l’auteur d’une erreur qui fait suite à un effort dans l’obéissance à Allah commet une erreur le rendant égaré et innovateur. Par ailleurs, les gens font également, dans le domaine de l’amour et la haine en Dieu et de l’alliance, des efforts d’interprétation qui peuvent être justes ou non.

Bon nombre de gens aiment un individu de façon inconditionnelle, et font abstraction de ses défauts. Mais, dès qu’ils le voient faire une faute, ils se mettent à le détester de façon inconditionnelle en faisant abstraction de ses qualités… Cette opinion est celle des innovateurs parmi les kharijites, les mu’tazilites, et les murjites.

 

Quant aux traditionalistes, ils sont conformes aux enseignements du Coran, de la sunna, et du consensus disant qu’un croyant est concerné par la promesse, la grâce, et la récompense divine pour ses bonnes actions ; comme il est concerné par le châtiment divin pour ses mauvaises actions. Un même homme peut accuser en même temps ce qui lui rapporte la récompense et le châtiment, ce qui est louable et ce qui est blâmable, et ce qu’on est aime et ce qu’on déteste en lui… »[5]

 

Sheïkh el Islam ibn Taïmiya nous révèle : « Parmi les éléments en relation avec ce point : nous devons savoir qu’un grand homme au niveau du savoir et de la piété, parmi les Compagnons, leurs successeurs, et tous ceux qui viendront après eux jusqu’à la fin du monde, qu’ils soient d’ahl el Baït ou non, peut très bien faire un effort d’interprétation basé sur des conjectures, voire des passions subtiles qui auront de mauvaises conséquences. Il ne convient pas de le suivre sur son erreur, bien qu’au même moment, il compte parmi les pieux et les élus de Dieu.

Malheureusement, ce genre d’erreur perturbe deux catégories d’individus :

  • Ceux qui l’encensent, et qui veulent absolument lui donner raison et le suivre dans son erreur.

  • Ceux qui le condamnent et qui remettent en question à cause de cette erreur sa piété et son statut de wali. Ils vont jusqu’à douter de sa crédibilité et qu’il soit des habitants du Paradis.

Or, ces deux voies contraires sont aussi égarées l’une que l’autre.

 

Les gens des passions parmi les kharijites et les rafidhites, notamment, se sont égarés par cette porte. Quant aux traditionalistes qui suivent la voie de la modération encensent tous ceux qui le méritent ; ils les aiment et les prennent pour alliés, tout en gardant la vérité entre les yeux. Ils encensent la vérité et sont cléments envers les hommes. Ils savent pertinemment qu’un même homme peut avoir de bons et de mauvais côtés (récompenses/péchés) ; il est louable d’un côté, et blâmable d’un autre côté ; il mérite une récompense d’un côté et est passible du châtiment d’un autre côté ; on l’aime d’un côté et on le déteste d’un autre côté. Cette tendance est celle des traditionalistes, et s’oppose notamment aux kharijites et aux mu’tazilites. »[6]

 

Développement

 

Dans ce registre-là, nous avons l’expression : « on (ne) tient (pas) rigueur du comportement d’un tel ». Les discussions sont très vives autour des réactions provenant de certains maitres fuqara[7] et soufi qui iraient à l’encontre de la religion.[8] Pour les uns, elles sont inadmissibles en regard de la sharî’a et condamnent donc leurs auteurs avec force. Ils les détestent, leur réservent toutes sortes de punition, et mettent dans le même sac tous ceux qui se font une bonne opinion d’eux.[9] Pour les autres, elles proviennent d’individus connus pour leur piété, leur ascétisme, leur scrupule religieux, leur savoir et leur état spirituel. Au minimum, elles seraient tolérées et ils les voient donc sous un bon œil. Au pire des cas, ils ferment les yeux dessus.

 

 

 

Traduit par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

http://www.mizab.org/

 

 

 

 

 

[1] Minhâj e-sunna d’ibn Taïmiya (6/430).

 

[2] Majmû’ el fatâwâ (10/546-547).

 

[3] Majmû’ el fatâwâ (30/80) et (20/207). Il est sûr que certains traditionalistes ont recours à des hadîth ou des annales faibles, des raisonnements aberrants, de mauvaises interprétations. Il est même possible qu’ils s’inspirent de texte du Coran et de la sunna dont ils ne pénètrent pas le sens, ou à mauvais escient. Ils sont même capables de taxer de mécréants, d’innovateurs ou d’ignorants de grandes références de la communauté. Ainsi, soit ils dévient de la vérité soit ils s’attaquent impunément à leurs frères, indépendamment de savoir si certains d’entre eux sont excusables ou non. Ils sont même capables de sombrer dans l’innovation et l’égarement passibles des pires punitions. Seuls un ignorant ou un injuste peuvent contester ce constat amer ! Majmû’ el Fatâwâ (4/9-23).

 

[4] Majmû’ el fatâwâ (11/6-13).

 

[5] Majmû’ el fatâwâ (11/5-16).

 

[6] Minhâj e-sunna (4/543). Ailleurs, il explique : « Les kharijites kaffar la jamâ’a (les traditionalistes ou les musulmans, ou peut-être les Compagnons ndt.), comme les mu’atazilites et les râfidhites kaffar leurs opposants : au meilleur des cas, ils les considèrent comme des pervers (tafsîq). Ainsi, les gens des passions innovent une tendance et vouent à l’apostasie tous ceux qui s’y opposent. Quant aux traditionalistes, ils suivent la vérité de leur Seigneur qui leur est venu du Messager (r). Ils ne kaffar par leurs opposants ; ils sont les plus savants des hommes, et les plus cléments envers les hommes. » Minhâj e-sunna (5/158).

 

[7] La première duraïra qui servait de lieu d’adoration, rassemblait les soufis environnants qu’Abd e-Rahmân ibn Mahdî et d’autres « baptisèrent » de fuqaïriya (les miséreux). Majmû’ el fatâwâ (11/6-13).

 

[8] Les adeptes du raï composaient en majorité les habitants de Koufa qui connut également l’éclosion du shiisme et des narrations inventés. Sans remettre en question l’intégrité, l’érudition en matière de sunna et de fiqh de ses élites qui pullulent dans ses rangs ; mais nous ne faisons que pointer le doigt sur la recrudescence des hadîth mensongèrement imputés au Prophète (r), des opinions personnelles dans le domaine du fiqh, et du crédo shiite. Le kalâm et le soufisme proliféraient en grande partie à Bassora. Le mu’tazilisme et le kalâm primitif, avec à leur tête ‘Amr ibn ‘Ubaïd et Wâsil ibn ‘Atâ firent leur apparition peu de temps après la mort d’el Hasan el Basrî, et d’ibn Sirîn…

Les manuels (ahl e-tasawwuf) innovèrent certaines pratiques, bien qu’ils restèrent fidèles à l’ensemble des traditions officielles. L’écoute des chants et des récitations du Coran (samâ’) provoquèrent chez les derniers des évanouissements, voire une mort soudaine. Les élucubrations cérébrales semèrent chez les premiers le doute et la perplexité. Les uns étaient mus par le discours auquel ils donnaient le nom de tawhid (ils se baptisèrent muwahhiddûn), et les autres, forts d’une grande volonté, étaient mus par la gymnastique physique qu’ils assimilaient au tawhid (ils se désignèrent le nom d’ahl e-tawhid wa e-tajrîd). Majmû’ el fatâwâ (10/359-361).

 

[9] Allah blâme ce comportement dans le Verset : [Les gens du Livre ne se sont divisés après avoir reçu le savoir, que par animosité les uns envers les autres] [La famille d’Imrân ; 19]. Ainsi, l’animosité est blâmable dans l’absolu ; que ce soit en imposant aux autres des choses auxquelles ils ne sont pas tenus de suivre, ou en les condamnant pour les avoir délaissés, ou bien en les condamnant alors qu’ils sont excusables – Allah leur pardonne leur erreur –. Condamner les autres et leur infliger une punition sans qu’Allah ne les condamne ni ne les punisse est une forme d’animosité, surtout quand celle-ci est motivée par les passions. Dar-u ta’ârudh el ‘aql wa e-naql d’ibn Taïmiya (8/408-409).

Il n’appartient à personne d’imposer aux gens ou de leur ou obliger quoi que ce soit, en dehors de ce qu’Allah et Son Messager leur ont imposé. Personne non plus n’a le droit de leur interdire quoi que ce soit, en dehors de ce qu’Allah et Son Messager leur ont interdit. En rendant obligatoire ou interdit une chose sans se référer aux textes, cela revient à légiférer dans la religion sans passer par l’autorisation d’Allah. On est semblable aux païens et aux gens du Livre que le Coran condamne pour avoir pris pour religion ce qu’Allah ne leur a ni ordonné ni interdit. Des passages des sourates el an’âm, el a’râf, barâa, etc. mettent en lumière ce point.

C'est pourquoi l’un des signes distinctifs des innovateurs est d’innover une parole ou un acte qu’ils imposent ensuite aux autres par la force, et sur lesquels ils fondent leur sentiment d’alliance (l’amour et la haine en Dieu). C’est exactement ce que les kharijites, les râfidhites, et les jahmites ont fait. Les derniers cités ont profité de leur position auprès de trois khalifes abbassides. Ceux-ci firent régner une inquisition impitoyable contre les grands savants de l’époque en vue de les faire adhérer à leur pensée qui puise ses origines dans le crédo selon lequel le Coran serait créé. Ils soumirent à la torture tous ceux qui leur résistaient.

 

Il va sans dire que cette attitude haïssable va à l’encontre des principes élémentaires de la religion. Les peines corporelles furent légiférées uniquement pour les cas de désobéissance aux commandements divins (obligations/interdictions). Il ne revient à personne en dehors d’Allah et de Son Messager d’obliger ou d’interdire de faire ou de ne pas faire quoi que ce soit. En faisant cela, on s’érige en législateur et on se met à l’égal d’Allah et de Son Messager. On est semblable aux païens qui attribuèrent des rivaux à Dieu, mais aussi aux apostats qui donnèrent foi à Musaïlama l’imposteur. On est directement concerné par le Verset : [ont-ils des associés pour leur légiférer dans la religion ce qu’Allah ne leur a pas autorisé ?] [La concertation ; 21]. Les grandes références traditionalistes n’imposaient à personne leurs idées qui étaient le fruit de leurs efforts d’interprétation…

L’Imam Ahmed affirme : « Il ne convient pas au légiste d’imposer sa tendance aux gens et d’être dur avec eux sur la chose. » Ailleurs, il renchérit : « Ne suis pas aveuglément les hommes pour connaitre ta religion, car ils ne sont pas à l’abri de l’erreur. »

 

Tous ces imams font allusion aux questions pratiques et subsidiaires de la religion pour lesquelles ils interdisent à qui que ce soit d’imposer leur tendance. Pourtant, ils ne font que s’appuyer sur des arguments textuels. Que dire alors s’il s’agissait d’imposer une idée qui ne puise son origine ni du Coran, ni de la sunna, ni des annales des Compagnons, de leurs successeurs directs, et des grandes références de la religion après eux ?

 

Ibn Abî Duâd, était l’une des têtes de files jahmites ayant eu le titre suprême de « chef des juges » sous l’ère d’el Mu’tasim qui avait imposé à ses sujets le crédo vantant le caractère créé du Coran. De lourdes peines étaient prévues contre tout réfractaire. Il était notamment déchu de ses fonctions, et ses subsides étaient littéralement coupés, etc. Ahmed, dans sa fameuse « cabale », n’échappa pas à ce régime…

Il est établit qu’il n’est pas permis de faire subir des peines pour des questions qui n’avaient pas reçu l’aval du Coran et de la sunna. Il est donc illégitime de les imposer aux autres, étant donné que seuls les textes font autorités dans ce domaine. Quand bien même, notre opinion serait juste ou que nous estimerions qu’elle soit juste, cela ne justifie nullement de l’imposer dans la mesure où le Prophète (r) n’a pas corroboré une telle démarche que ce soit à travers un texte explicite ou qu’on en ait déduit des textes.

 

Si cela est clair, il intolérable de dire qu’il incombe à un tel de croire telle et telle chose ou de ne pas parler de telle et telle chose. Comme il n’est pas permis de lui imposer de croire ou de lui interdire de faire telle chose. Si, en plus de cela, on conditionne sa sortie de prison, à l’obligation de s’aligner à une école quelconque, cela revient à justifier sa peine d’emprisonnement ou autre. Dans la mesure où ce qu’on impose ou interdit n’est pas corroboré par les textes scripturaires de l’Islam, on s’associe vulgairement aux kharijites, aux râfidhites, et aux jahmites ; eux-mêmes sont sur les traces des païens et des apostats de la première époque. Que dire alors si l’on sait que leur tendance n’a aucune origine scripturaire ?...

Dans la situation où leur tendance n’est pas conforme à la vérité, ils n’ont pas le droit de l’imposer à qui que ce soit. Et, même dans la situation où celle-ci y serait conforme, il leur incombe de le démontrer, car à l’unanimité des musulmans, la punition n’a pas lieu avant d’avoir établi la preuve céleste contre tout réfractaire. Si cette tendance en question a été éclairée par le Prophète (r) lui-même, cela ne pose aucun problème, étant donné que la preuve céleste est, dans ce cas, établie d’elle-même. Le problème, c’est quand il n’existe aucun texte clair sur la chose. Dans ce cas, il incombe de démontrer qu’on a raison…

Sans passer par cette dernière étape, mais en se reposant uniquement sur des allégations gratuites, il est complètement insensé d’imposer aux autres de s’y aligner !

 

 

Or, quand bien même, ils démontreraient qu’ils ont raison, cela ne justifierait pas pour autant de punir leurs adversaires. Il est faux de penser qu’on peut punir l’une des parties en présence pour toute question sur laquelle règne la divergence, sous prétexte qu’on a démontré qu’elle s’est trompée !

La partie qui a raison n’a pas systématiquement le droit de punir la partie adverse qui ne revient pas à sa tendance, sous le simple prétexte qu’elle s’est trompée. Ce principe est vrai pour la plupart des divergences qui opposent les membres de notre communauté. Que dire alors quand on ne ramène aucune preuve à ce qu’on avance et qu’on est incapable de démontrer qu’on a raison ! E-tis’îniya (1/175-184).

NECTAR TAÏMIYEN II (2/3)

 

 

Les uns et les autres peuvent sombrer dans l’extrême : leurs détracteurs vont jusqu’à vouer au takfîr ou au tafsîq des comportements qui relèvent pourtant de l’ijtihâd (efforts personnels ndt.) ; et leurs défenseurs vont jusqu’à les cautionner, même quand ils contreviennent de façon élémentaire aux enseignements du Prophète (r).[1] L’histoire de Mûsâ avec el Khidhr serait un argument de taille en leur faveur. Les premiers pullulent dans les rangs des musawites (adeptes de Mûsâ ndt.) d’où dérive la religion juive falsifiée,[2] et les seconds abondent dans les rangs des ‘îsawites (adeptes de ‘Îsâ ndt.)[3] d’où dérive la religion chrétienne falsifiée.

 

Les musawites sont souvent des savants enclins à la dureté et aux passions, et les ‘îsawites sont souvent enclins à la miséricorde, sauf qu’ils sont ignorants et égarés. Entre les deux, nous avons la voie du milieu[4] dont les adeptes sont armés à la fois du savoir et de la miséricorde, dans la droite lignée du Coran : [Seigneur, Tu embrasses toute chose de Ta Miséricorde et de Ta science][5] ; [Votre dieu n’est autre qu’Allah, Celui en dehors de qui, il n’y a d’autre dieu, Lui qui embrasse toute chose de Sa science].[6] En outre, un Verset trace le portrait de l’homme qui croisa le chemin de Mûsâ et de son disciple : [Ils rencontrèrent l’un de Nos serviteurs que Nous avons paré d’une miséricorde venant de Nous, et à qui Nous avons enseigné une science émanant de Notre part].[7]

 

Or, nous devons faire preuve d’équité dans la parole et les actes,[8] car, pour revenir à notre sujet, l’expression « on (ne) tient (pas) rigueur du comportement d’un tel » revêt une double signification. 1°) Elle peut vouloir dire qu’on ne tient pas rigueur de son comportement dans le sens où il n’est ni condamnable ni passible d’un péché. 2°) Elle peut le cautionner et sous-entendre qu’il est louable et récompensé par le Tout-Puissant.

Le premier exclue toute condamnation et punition de leurs agissements (ils n’encourent pas la Colère divine), tandis qu’aux yeux du second, ils sont méritoires et méritent même une récompense (ils gagnent l’Agrément d’Allah).

 

C’est la raison pour laquelle, les pourfendeurs mettent souvent en avant le châtiment et le péché, et les défenseurs se focalisent plutôt sur l’Agrément et la récompense. Les deux parties en opposition peuvent tout aussi bien avoir tort l’une que l’autre, et la vérité se trouve éventuellement du côté d’une troisième voie qui incarne le juste milieu. Autrement dit, l’intéressé n’est ni louable ni condamnable et il n’a droit à aucun châtiment ni aucune récompense.[9]

Pour expliquer ce point nous disons que toute parole ou action (une parole fausse ou un acte interdit) qui s’oppose aux textes (Coran, sunna) est excusable dans deux cas de figure :

  • Quand on n’est pas au courant des textes.

  • Quand on est dans l’incapacité de s’y conformer.

 

Exemple du premier cas : l’auteur de ces « états spirituels » perd l’esprit et n’est donc plus responsable, comme le prévoit la Loi en pareil cas. Ne pas en tenir rigueur signifie ici qu’il n’est pas condamnable non qu’il ait raison. À vouloir absolument lui donner raison est une erreur.

 

Il y a le cas où il est mu par un effort d’interprétation, comme pour n’importe quelle question qui est sujette à divergence entre les savants.[10] Ne pas en tenir rigueur signifie alors qu’il n’est pas condamnable en raison de son ijtihâd, mais cela ne veut pas dire qu’il ait juste. Pour affirmer le bien fondé d’une chose, il faut en apporter la preuve, car seul le Messager fait autorité en matière de législation. En l’occurrence, l’intéressé a commis une erreur d’interprétation non passible d’un péché.[11]

 

Ainsi, on lui accorde son ijtihâd malgré son erreur, et cela implique un certain nombre de chose : on ne casse pas son jugement, on ne conteste pas sa fatwa, ses suiveurs et ses adeptes ont le droit de le suivre (il est toléré de suivre les avis d’une personne compétente parmi les savants et les maitres quand on n’a pas les moyens de parvenir par soi-même à la vérité, et qu’on ne se rend pas compte de son erreur). Certains de ces points touchent plutôt au second cas de figure, soit quand on est dans l’incapacité de se conformer aux textes.

 

Il ne lui est donc pas tenu rigueur dans ce cas de figure à condition de s’assurer qu’il est excusable ou qu’il est sincère dans sa démarche, car il est éventuellement mu par un effort d’interprétation. Il englobe trois types d’individus qui ne sont pas au courant des textes, et pour qui la vérité est cachée d’une manière qui les rend excusables.

 

 

Traduit par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

http://www.mizab.org/

 

 

 

 

 

[1] Ainsi, les sciences et les pratiques religieuses légitimes prennent leur source des Compagnons du Messager d’Allah (r) ; et tout élément nouveau qui se manifesta après eux n’a aucune autorité canonique, bien que, au même moment, ses instigateurs potentiels sont excusables, voire récompensés en raison de leur effort d’interprétation (ijtihâd) ou de leur suivisme légal (taqlîd).

Toute science du kalâm construite, que ce soit au niveau des fondements ou des branches, à partir des textes scripturaires, et des annales des anciens est conforme à la voie prophétique. Et toute adoration, acte religieux, ou écoute spirituel qui relève tout aussi bien des pratiques fondamentales que subsidiaires (états spirituels, adorations  corporelles) fidèle au Coran, à la sunna, et à l’usage de la première époque est en phase avec la voie prophétique.

Cette approche est celle des grandes références de l’Islam. L’Imam Ahmed établit dans ce chapitre : « Les fondements de la Tradition consistent, chez nous, à s’attacher au chemin des Compagnons du Messager d’Allah (r), [de les suivre et de s’éloigner des innovations.]» Majmû’ el fatâwâ (10/359-361).

 

[2] Malgré leur grande intelligence et leur culture, les Juifs sont connus pour leur penchant vers la haine, la jalousie, l’animosité, la vengeance, et les passions. Le Coran met en lumière leur orgueil, leur cupidité, leur lâcheté, leur cœur dur, leur rigorisme en s’interdisant des choses licites, leur excès à s’éloigner des impuretés, et leur propension à cacher la vérité. Ils tuent leurs prophètes et attribuent des défauts à Yahvé. El jawâb e-sahîh d’ibn Taïmiya (3/103, 109, 168). Ailleurs, ibn Taïmiya explique que la cupidité engendre l’avarice, qui pousse à l’injustice et à couper les liens avec sa famille et les autres en général. L’homme cupide est forcément haineux, et jaloux de ceux qu’il n’épargne pas de son mal. Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (10/588-592).

 

[3] L’égarement est propre aux chrétiens, et l’animosité et l’injustice sont propres aux juifs, mais cela ne veut pas dire que les juifs ne sont pas égarés ni que les chrétiens ne fassent pas preuve d’injustice, mais nous parlons ici de leur ascendant. Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (22/307). Les chrétiens sont des ignares que ne rachètent nullement leurs bonnes intentions ni leur piété ni leur vertu éventuelles. El jawâb e-sahîh d’ibn Taïmiya (3/103, 109, 168). Ils sont donc plus manuels qu’intellectuels, contrairement aux Juifs, qui sont plus intellectuels que manuels, conformément à l’adage d’ibn ‘Uyaïna : « Ceux qui, parmi nos savants, s’égarent ressemblent aux Juifs et ceux qui, parmi nos adorateurs, s’égarent ressemblent aux chrétiens. » Voir : Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (2/41). Les mutakallimîns tendent vers la voie des Juifs, et les soufis vers celle des chrétiens. Majmû’ el fatâwâ d’ibn Taïmiya (2/43).

 

[4] Sheïkh Taqî e-Dîn établit : « Les savants font uniquement allusion aux prophètes – que les prières d’Allah soient sur eux – quand ils parlent de la catégorie d’individus qui sont immunisés de persister dans la faute. Cela ne concerne pas les véridiques, les martyrs, et les pieux qui ne jouissent pas de ce privilège. Ces derniers sont capables de faire des péchés qui sont incontestables, mais ils peuvent également être motivés par un effort d’interprétation qui ne leur garantit pas d’avoir raison tout le temps. Quand ils ont effectivement raison, ils reçoivent une double récompense, mais s’ils se trompent ils n’en reçoivent qu’une seule en compensation à leurs efforts. Cela veut dire que ce genre d’erreurs leur est pardonné.

À l’inverse des savants, nous avons les égarées pour qui, l’erreur et le péché sont indissociables. Ils peuvent alors avoir deux réactions vis-à-vis des fautifs éventuels : soit ils font preuve d’excès en considérant qu’ils sont parfaits soit ils font preuve de laxisme en pensant que leurs erreurs les rendent injustes. Quant aux savants [modérés], ils disent qu’ils ne sont ni parfaits ni condamnables. » Majmû’ el fatâwâ (35/29).

 

[5] L’Absoluteur ; 7

 

[6] Tâ-hâ ; 98

 

[7] La caverne ; 65

 

[8] « Le but n’est pas de blâmer ou de louer dans l’absolu un individu ou un groupe en particulier. La bonne démarche, qui est du côté des traditionalistes considère qu’un même individu ou un même groupe concède de bonnes actions qui sont louables et de mauvaises actions qui sont blâmables, mais il a aussi des actes qui relèvent du toléré, et qui ne sont ni louables ni blâmables. D’autres actes, qui sont motivés par l’erreur et l’oubli, lui sont tout simplement pardonnés. Ainsi, d’une part, il mérite la récompense pour ses bonnes actions, et le châtiment pour ses mauvaises actions. D’autre part, il n’est ni blâmable ni louable pour ses actes tolérés ou pardonnés.

Cette tendance est celle des traditionalistes vis-à-vis des pervers musulmans ou autre. À l’extrême, nous avons, entre autres, les kharijites et les mu’tazilites parmi les hérétiques wa’îdiya qui ne conçoivent pas qu’on soit à la fois louable et blâmable…

C’est pourquoi, nous pouvons constater dans la communauté, que de nombreux imams notamment, parmi les savants et les émirs accusent ces deux choses à la fois. Malheureusement, certaines gens font de l’excès, et, animés par les passions, ne retiennent que leur qualité et leurs bons côtés. À l’extrême opposé, nous avons ceux, qui, tout aussi animés par les passions, se contentent de parler de leurs défauts et de leurs mauvais côtés. Or, la religion d’Allah se situe entre les deux ; entre le rigorisme et le laxisme, et les meilleures choses sont toujours au milieu. » E-tis’iniya (3/1032-1033).

 

[9] Sinon, en règle générale, la vérité peut pencher du côté d’un individu ou d’un groupe sur un point en particulier. Il est même possible que les deux parties qui s’opposent soient aussi dans l’erreur l’une que l’autre. Elles sont également susceptibles d’avoir toutes les deux raison, mais uniquement sous un angle. Aucun groupe n’a le droit de s’arroger la vérité, peu importe qui se trouve à sa tête, car seul le meilleur des hommes (r) jouit de ce privilège. Autrement, cela supposerait que les partisans d’un groupe aient toujours raison, et que tous les autres croyants qui les contrediraient sur une question donnée seraient forcément des égarés. Leur meneur serait donc ma’sûm, ce qui, à l’évidence, va à l’encontre des connaissances élémentaires de la religion. S’ils étaient réellement ahl el haqq, alors tout consensus issu de leur groupe serait une preuve scripturaire infaillible…

Nombreux sont les sectateurs égarés qui s’autoproclament les détenteurs de la vérité, les élus et les partisans d’Allah. [Ils sont d’autant plus prétentieux qu’]ils ne daignent partager ces qualités avec personne. En réalité, il est possible qu’ils soient plus près des ennemis d’Allah que de Ses élus, et qu’ils soient largement plus près de l’égarement que du bon discernement. E-tis’îniya (3/902-906) d’ibn Taïmiya.

 

[10] Ils sont également la cause de la corruption, comme le dévoile un texte qui remonte au Prophète (r), et qui fut rapporté par plusieurs Compagnons : « Les dangers que je crains le plus pour vous sont au nombre de trois : la bévue d’un homme de science, la langue d’un hypocrite qui polémique à coups de Versets du Coran, et le pouvoir des émirs égarés. » Les émirs représentent l’autorité politique, et le savant et l’hypocrite l’autorité religieuse, sauf que le premier jouit d’une bonne croyance. Ce dernier est sujet à l’erreur comme n’importe quel légiste traditionaliste. Le second compte dans les rangs des penseurs musulmans et des adeptes du kalâm qui se servent du Coran, avec lequel ils n’ont aucun lien, pour faire passer leurs hérésies. Ils sont mus par la seule volonté de confondre leurs adversaires, non qu’ils prennent le Livre d’Allah pour modèle ou référence. Ils sont de vulgaires hypocrites qui polémiquent à coups de Versets du Coran, mais le corpus de la sunna associé au consensus réduit leurs pseudo arguments à néant. » Majmû’ el fatâwâ (10/354).

 

[11] « Celui qui fait une mauvaise interprétation des textes, mais dont les intentions sont de suivre scrupuleusement le Messager (r), il ne devient pas mécréant ni pervers, s’il se trompe à la suite d’un effort d’interprétation. Ce principe est notoire pour les questions pratiques (furû’ ndt.). Quant aux questions liées au dogme (usûl ndt.), bon nombre de gens ne donnent pas d’excuse à celui qui se trompe dans ce domaine. Or, cette tendance n’est connue par aucun Compagnon ni par leurs fidèles successeurs ni par les grandes références de l’Islam. Elle prend son origine chez les innovateurs qui innovent des principes et qui sortent de l’islam tous ceux qui ne veulent pas s’y soumettre, à l’image des kharijites, des mu’atazilites, et des jahmites. Bon nombre d’adeptes des quatre écoles l’ont adoptée, comme certains malikites, certains shafi’ites, certaines hanbalites, et d’autres. » Minhâj e-sunna (5/240).

Là où nous voulons en venir, c’est que l’innovation, et, en général, tout ce qui s’oppose au Coran et à la sunna peut provenir d’un individu qui est excusable, soit pour avoir fait un effort d’interprétation soit pour avoir suivi quelqu’un d’autre (taqlîd) dans les limites excusables. Il est possible également qu’il n’ait pas les moyens de parvenir à la vérité. Majmû’ el fatâwâ (10/371).

NECTAR TAÏMIYEN II (3/3)

 

 

Exemple du second cas : soit quand l’intéressé est dans l’incapacité de se conformer aux textes. Ses « états » l’incitent à déchirer ses habits, à se griffer le visage, à pousser des cris atroces, et à remuer dans tous les sens. Il ne lui est pas tenu rigueur de ce genre de débordements à condition de s’assurer qu’ils ne proviennent pas d’une cause illicite, qu’il agit malgré lui, et que sa sincérité n’est pas remise en doute. Parfois, il y en a qui le font express, et dès que leur supercherie est dévoilée au grand jour, il incombe de les dénoncer. Sinon, dans le doute, il faut s’abstenir de tout jugement. Nous adoptons la même démarche qu’avec un témoignage ou une accusation de vol. On accepte les affirmations d’un témoin crédible et on refuse les faux témoignages ; on disculpe un suspect dont l’innocence est démontrée, sinon on lui inflige la peine prévue ; et dans le doute, on s’abstient, car, comme le dit si bien el Hasan el Basrî : « Le croyant est circonspect et vérifie avant d’agir. »

 

En outre, certains affichent aux autres qu’ils sont incapables d’observer les obligations religieuses, comme c’est le cas pour ceux qui perdent connaissance ou qui sont à l’état de sommeil. Ils perdent le contrôle d’eux-mêmes sous l’effet d’un état d’exaltation intense (peur, amour d’Allah, etc.), et ils n’ont plus le discernement suffisant pour s’acquitter de l’office rituel. Ils négligent les commandements divins pour les mêmes raisons qu’ils enfreignent les interdits.

 

Ne pas tenir rigueur de leurs écarts signifie ici qu’il ne leur est fait aucun reproche, et cela renvoie à deux choses : juger qu’ils sont excusables ou juger qu’ils ne sont pas condamnables.

 

Cette démarche est valable pour les paroles et les actes qui sont clairement illégitimes, comme les nombreuses anecdotes sur les élucubrations soufies (shatahât). Ibn Hûd disait : « Le Jour de la résurrection, je planterais ma tante au-dessus de la Géhenne. » e-Shiblî se rasait la barbe et mettait ses vêtements en lambeau. Il fut interné à deux reprises à l’hôpital Mâristân. Un maitre soufi fit la recommandation pré-posthume à son disciple : « Le jour où tu es dans le besoin, viens te recueillir sur ma tombe pour implorer mon secours. » Un sheïkh cessa de se présenter à la prière du vendredi sous prétexte que l’imâm qui était pourtant un pieux, consacra des invocations en faveur du sultan de l’époque dont il fit les éloges en jugeant qu’il était juste. Un autre renonça de prier derrière un imâm après avoir, selon ses dires, eu accès, grâce à une illumination, au fond de ses pensées.

 

On raconte au sujet de mystiques à moitié-fou qu’Allah leur concéda un esprit et des états spirituels : il leur enleva leur esprit et leur laissa leur « états ».

 

En résumé, nous devons envisager ce sujet sous le prisme du Coran et de la sunna d’où émanent les enseignements divins (informations, obligations, interdictions) qu’il incombe de suivre, et sans se soucier de qui peut y contrevenir, aussi honorable soit-il. Il est inadmissible de suivre qui que ce soit en dehors du Messager qui est la référence absolu à qui nous devons obéissance, comme le dénotent les textes et le consensus. Nous accordons le bénéfice du doute à tout fautif éventuel, dans les limites instaurées par le législateur : perte de l’esprit, de la lucidité, erreur d’interprétation (ijtihâd) révélée dans son discours ou ses actes, situation incontrôlable qui le pousse, malgré lui, à faire ou à ne pas faire quelque chose, à omettre son devoir ou à enfreindre un interdit. Dans tous ces cas de figure, il n’est pas condamnable, et au même moment, nous nous gardons de le suivre dans ses erreurs, car le Coran et la sunna sont les seules sources de la Législation, et la seule voie qui mène au Seigneur Tout-Puissant.

 

Les errements des uns et des autres qui proviennent de l’un des facteurs cités plus haut sont donc irréprochables. Les faits et gestes de chacun d’entre nous sont discutables, à l’exception du Messager d’Allah qui représente la référence absolue en matière de législation. La parole d’aucun grand Imam n’est à prendre pour argent comptant, même si, au même moment, nous ne remettons pas en cause son intégrité.

 

Or, il existe des paroles et des actes dont nous ne pouvons assurer de façon formelle qu’ils vont à l’encontre des enseignements prophétiques. Ceux-ci relèvent de l’ijtihâd qui fait l’objet de divergence dans le monde érudit. Pour certains, grâce à Dieu, la chose est beaucoup plus claire que chez d’autres, mais cela ne justifie nullement d’imposer leurs conclusions à ceux qui sont beaucoup moins catégoriques, voire sceptiques. Sous un angle, ils rejoignent le premier cas de figure ci-dessus, et, sous un autre angle, ils cadrent plus avec le second.

 

Il arrive que leurs conclusions soient de type ijtihâd, au même titre que n’importe quel érudit. Nous ne pouvons reprocher à leurs adeptes d’adopter leur conclusion, dans le sens où nous ne tenons pas rigueur de leur suivisme, de la même manière que nous ne tenions pas rigueur au premier cas de figure de son erreur (traduction approximative ndt.).

 

En revanche, nous tenons rigueurs des errements qui proviennent, par exemple, d’un individu connu pour jouer la comédie dans l’espoir d’échapper à la vindicte populaire ; à l’image de nombreux adeptes du Sheïkh Ahmed e-Rifâ’î, ou de la secte Yûnasiya qui s’adonnent à la débauche ou qui négligent leurs devoirs. Ces derniers feignent d’avoir atteint l’état d’extase ou d’ivresse pour gagner l’assentiment des autres, mais surtout, pour échapper à la critique.

Nous en voulons également à l’obstiné qui suit pertinemment ses passions au détriment de la vérité, ou qui s’autorise à sortir de la loi mohammadienne ou à prononcer des paroles inadmissibles sous prétexte que certains walis se passeraient aisément des prescriptions religieuses en justifiant ainsi leurs écarts. Certains charlatans poussent le fatalisme jusqu’à se laisser entrainer là où le destin les mène, quitte à se vautrer dans les immondices. L’un d’eux osa affirmer que les occupants du Suffa auraient pris les armes contre le sceau des prophètes (r) le jour où ses Compagnons subirent un revers, sous prétexte de se ranger du côté du vainqueur pour se plier au destin d’Allah. Il aurait également entendu la conversation que le Messager échangea avec Son Seigneur la nuit de l’Ascension…

Nous en voulons également à celui qui prétend qu’on a le droit de se passer de la Législation de Mohammed après sa mort, au même titre qu’el Khidhr qui n’était pas soumis, à son époque, à l’autorité de Mûsâ ; son message, en effet, ne le concernait pas, contrairement à celui du dernier des envoyés qui s’adresse à tous les hommes. Il incombe d’exposer la vérité à ce genre d’individus, et, en cas de refus, de le réprouver conformément aux prérogatives offertes par la religion, et qui se matérialise soit avec les mains, soit avec la langue, soit avec le cœur.

 

Nous blâmons également ceux qui suivent dans leurs erreurs les érudits cité plus haut, à qui nous offrons, certes, des excuses atténuantes, mais cela ne justifie nullement de les prendre aveuglément en modèle.[1] Si ces derniers méritent notre compréhension, nous ne pouvons pas en dire autant des suiveurs obstinés.[2]

 

Et quand nous ne savons pas à quel genre d’individus nous avons affaire, il est plus sain de s’abstenir de tout jugement, car un émir à plus intérêt à pardonner par erreur que de punir par erreur.[3] En revanche, nous sommes intransigeants avec toute infraction au Coran et à la sunna, conformément au hadîth : « Toute action non conforme à notre ordre sera refusée. »[4] Il ne convient pas de sortir des notions générales des textes en se basant sur des conjectures, de la même manière qu’il ne convient pas de punir qui que ce soit en se basant sur des conjectures, ni d’affirmer que telle chose est vraie ou fausse en se basant sur des conjectures ; qu’Allah nous guide sur le droit chemin, en compagnie de ceux qu’Il a comblé de Ses bienfaits, parmi les prophètes, les véridiques, les martyrs, et les pieux, loin de ceux qui ont encouru Sa colère et des égarés !

 

Il nous reste à évoquer un point qui, malheureusement, porte souvent à confusion. Il arrive en effet qu’un individu anonyme (majhûl el hâl) affiche une action qui va à l’encontre de la loi, et pour laquelle il est éventuellement excusable. Ex. : extase qui sort des limites de la religion, mais qui ne dépend pas forcément de la volonté de l’individu ; argent qui, en apparence, est subtilisé à son propriétaire, mais sans qu’on ne sache s’il existe une convention implicite entre les deux concernés (en prenant cet argent, l’un savait pertinemment que l’autre ne lui en tiendra pas rigueur).

 

Dilemme : soit on le condamne, en sachant qu’il peut tout autant avoir une excuse, soit on le laisse faire, et cela revient à cautionner les mauvais agissements venant d’anonymes. Il incombe, dans ce genre de situations, de discuter poliment avec le concerné, en lui faisant savoir qu’en apparence, son acte est répréhensible, quand bien même il aurait été mu par une bonne volonté, car c’est une chose que nous ne pouvons pas savoir et que seul Dieu peut juger de ses réelles intentions. Il a donc le devoir de les dévoiler ou, au minimum, d’agir discrètement pour ne pas susciter la suspicion, et s’attirer ainsi la vindicte populaire. Ainsi, ni il ne donne l’impression que la société tolère l’immoralité, ni il ne donne l’occasion de se faire condamner injustement.

 

Le critère à suivre dans ce domaine : les gens connus pour leur honnêteté et leur sincérité sont considérés comme tels jusqu’à preuve du contraire. En revanche, on n’offre aucune circonstance atténuante à des gens malhonnêtes qui sont les auteurs d’agissements suspects. Et quand ces mêmes agissements viennent de la part d’inconnus, nous restons dans l’expectative.[5]

 

Traduit par : Karim Zentici

http://mizab.over-blog.com/

http://www.mizab.org/

 

 

 

 

 

 

 

 

           

 

 

 

[1] L’ambition est de montrer que tel acte est à l’origine de la punition indépendamment de se soucier qu’il existe quelqu’un pour le faire. Dans l’hypothèse où tous les fautifs ne remplissent pas les conditions pour recevoir la punition ou que celle-ci soit annulée en raison d’une restriction quelconque, cela ne remet nullement en question que ce péché soit interdit par la religion.

L’essentiel est de savoir ou de se rendre compte qu’il est interdit en vue de s’en éloigner. Néanmoins, la miséricorde divine veut qu’un fautif éventuel soit excusable pour une raison ou pour une autre. Sur ce principe, nous avons les petits péchés, qui, bien qu’interdits, sont expiables à condition d’éviter les grands péchés. Ce principe est le même pour tous les péchés qui ne font pas l’unanimité ; notre rôle consiste à les dénoncer, mais, au même moment un fautif motivé par l’ijtihad ou le taqlîd peut être excusable. Cela ne nous empêche nullement d’être convaincus que ce péché reste un péché…

Il n’est pas évident de dire que l’ijtihâd et le taqlîd sont une excuse dans l’absolu. Il y a des cas où ils ne sont pas tolérés. Pour eux, la cause à l’origine de la menace divine est bel et bien effective, et l’ijtihâd et le taqlîd ne constituent plus une restriction dans leur cas. Ils sont donc passibles de la punition, celle-ci est même toute désignée, sauf, bien sûr, si aucune autre restriction ne vient intercéder en leur faveur (repentir, bonnes œuvres expiatrices, etc.).

De plus, l’ijtihâd et le taqlîd ne sont pas des notions constantes. Quelqu’un peut être motivé dans son acte par l’un de ses deux facteurs en pensant qu’il est en droit de le faire, mais le fait est qu’il peut soit avoir tort soit avoir raison. L’essentiel, c’est de garder la vérité entre les yeux, et de mettre les passions de côté ; auquel cas, Allah n’impose rien à l’homme qui soit au-dessus de ses forces. Majmû’ el fatâwâ (20/278-280).

 

[2] Il n’est pas permis de préférer une opinion sans preuve et de s’y accrocher aveuglément sous prétexte qu’elle vienne d’un tel. Quand on n’a pas les moyens de regarder dans les textes, on est obligé de se fier à son sheïkh (taqlîd), mais sans donner son avis ni donner tort ou raison à qui que ce soit. Quand on a les moyens de faire la part des choses, on peut se permettre de prendre la vérité qui est chez lui, de rejeter ses opinions fausses, ou faute d’arguments suffisants, de s’abstenir de se prononcer. Les hommes n’ont pas tous la même capacité intellectuelle de la même façon qu’ils n’ont pas tous la même capacité physique. Majmû’ el fatâwâ (35/233).

Il ne convient ni de blâmer ni d’exclure quelqu’un qui prend la parole d’un savant sur une question qui relève de l’effort d’interprétation, surtout quand il existe une divergence sur le sujet. Dans ce cas, il incombe d’opter pour l’opinion la plus vraisemblable, sinon, il est possible de se fier à l’avis d’un érudit de référence en faisant son taqlîd. Majmû’ el fatâwâ (20/207).

Néanmoins, si nous respectons les savants qui se trompent, cela ne nous empêche pas de suivre ce que nous croyons être la vérité. Majmû’ el fatâwâ (21/64) ; voir également : Iqtidhâ e-sirât el mustaqîm (2/83).

 

[3] La première partie du hadîth est devenue une règle de fiqh, bien que les termes ne remontent pas au Prophète, mais ils viendraient plus probablement des Compagnons. En outre, sa chaine narrative est controversée ; voir : irwâ el ghalîl (n° 2355), et dha’îf el jâmi’ e-saghîr (n° 259) tous deux de Sheïkh el Albânî.

 

[4] Rapporté par Muslim (n° 1718), selon ‘Âisha – qu’Allah l’agrée –.

 

[5] Majmû’ el Fatâwâ (10/378-386).

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