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Louange à Allah le Seigneur de l’Univers ! Que les Prières et le Salut d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur ses proches et tous ses Compagnons !

 

Une lecture exhaustive (istiqrâ) des Textes du Coran et de la sunna ont permis à ibn Taïmiya de constater que le terme kufr introduit par la particule « el » fait automatiquement allusion à la grande mécréance.[1] C’est ce qui fait dire à certains contemporains que le v. 44 de la s. el mâida fait allusion au kufr akbar.

 

En réponse :

 

1- Cette interprétation va à l’encontre, comme le souligne ibn Bâz, de celle d’ibn ‘Abbâs, Tâwûs, ‘Atâ, de Mujâhid, et d’un certain nombre de savants des nouvelles et des anciennes générations, comme l’évoquent le Hâfizh ibn Kathîr, el Baghawî, el Qurtubî, etc. Ibn el Qaïyim a un discours qui va dans ce sens dans son kitâb e-salât, tout comme le Sheïkh ‘Abd e-Lâtif ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan.[2] Un jour, on demanda à l’Imam Ahmed de quelle forme de mécréance s’agissait-il dans le Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants] ? Ce dernier répondit exactement comme Tâwûs, l’élève d’ibn ‘Abbâs, soit en disant : « C’est la mécréance qui ne fait pas sortir de la religion. »[3]

 

Safar el Hawâlî, un détracteur acharné des grands traditionalistes contemporains, fait le même constat en disant : « … Cependant, si le terme « kufr » lui-même est utilisé dans les hadîth, sans vouloir parler du grandkufr, comme dans le hadîth : « Offenser un croyant relève de la perversion, et le tuer relève de la mécréance. »[4] ; Que dire alors des termes « fisq » et « dhalâl » qui représentent une moins grande menace que le terme « kufr » ? Pourquoi alors faire une différence entre les textes du Coran et de la sunna. Les anciens (y)ont pourtant expliqué le Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants].[5] Il s’agit du kufr dûn kufr ou du kufr qui ne fait pas sortir de la religion.

 

Dans son livre, e-salât wa hukm târikuhâ, ibn el Qaïyim affirme : « Cette opinion est celle de tous les Compagnons sans exception. » Celle-ci est rapportée selon ibn ‘Abbâs parmi les Compagnons, ‘Atâ, Tâwûs parmi les tâbi’îns, Abû ‘Ubaïd, l’Imam Ahmed parmi les successeurs des tâbi’îns. Elle est également rapportée par el Bukhârî dans son sahîh, et d’autres grandes références et une multitude de grands savants que Seul Allah (I)peut dénombrer. »[6]

 

2- L’istiqrâ en question, comme le souligne Sheïkh el ‘Uthaïmîn, concerne le morphème el kufr, qui est à l’infinitif (masdar), alors qu’il prend la forme du participe présent (ism fâ’il) dans le v. 44 de la s. el mâida. Or, si le masdar exprime l’action, l’ism fâ’il renvoie à deux choses en même temps : l’action et le sujet de cette action, dans le sens où il est possible de désigner ceux qui commettent du kufr comme des mécréants. On peut indépendamment dire kâfirûn ou el kâfirûn. Dans les deux cas, il s’agit du kufr asghar.

 

3- La preuve, c’est qu’ibn Taïmiya estime lui-même que le fameux Verset parle de la mécréance mineure. Qu’on en juge : « Si, comme le disent les anciens, un individu peut déceler en même temps des signes de la foi et de l’hypocrisie, ou encore comme ils l’établissent également, des signes de la foi et de la mécréance ; il faut savoir qu’il ne s’agit pas de la mécréance qui fait sortir de la religion, comme le révèle ibn ‘Abbâs et ses élèves au sujet du Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Selon ces derniers en effet, ils commettent de la mécréance qui ne fait pas sortir de la religion. L’Imam Ahmed ibn Hanbal et d’autres grandes références les ont rejoints dans ce principe. »[7] Il rapporte même ailleurs qu’aucune divergence entre les anciens n’est à constater sur ce point.[8]

 

4- Il est impossible qu’ibn Taïmiya puisse non seulement s’opposer à un consensus établi comme nous avons le voir, mais qui plus est, assurer le contraire. Si cela avait été le cas, nous aurions dit sans détour, pour reprendre les fameuses paroles d’ibn el Qaïyim el Jawziya, si Sheïkh el Islam (en parlant d’el Harawî) nous est cher, la vérité nous est encore plus cher.

 

Ce même ibn el Qaïyim explique également : « Il n’incombe nullement à la nation de suivre ou de s’en remettre au jugement de quiconque inaugure un discours et établit des règles en fonction de sa propre compréhension et interprétation. Il importe avant tout d’exposer son discours aux enseignements du Messager. S’il correspond et est conforme à ceux-ci, on peut alors témoigner de sa véracité et l’approuver dans ces conditions uniquement. Sinon, il est impératif de le réfuter et de le rejeter. Dans le cas où l’on ne peut y distinguer ni la conformité ni la non-conformité aux enseignements prophétiques, il faut le laisser en suspens. Au pire des cas, il est tout juste légitimé de s’en servir comme loi ou comme fatwa ; il est possible encore de le délaisser. » Fin de citation.[9]

 

En commentaire à ce passage Sheïkh ‘Ubaïd el Jâbirî nous fait savoir : « Il est établi en effet chez les Imams parmi les pieux prédécesseurs que les paroles et les actes des hommes doivent être mesurés à la lumière des Textes et du consensus. Quiconque dont la pensée est conforme aux textes ou au consensus, se verra approuvé tandis que s’il contredit l’une ou l’autre de ces références, il se verra désapprouvé quel que soit le rang de ce dernier. Si l’on se penche sur la situation des Imams, et des prêcheurs bien guidés parmi les pieux prédécesseurs en commençant par les Compagnons, les grandes références des Tâbi’în, et leurs fidèles successeurs, on se rendra compte qu’ils ont emprunté cette voie. Ils se tiennent ainsi face aux innovateurs et aux gens des passions grâce à des arguments irréfutables qu’Allah leur a concédés et à des preuves percutantes du Coran et de la sunna»[10]

 

5- Le plus étonnant, c’est que certains adversaires nous reprochent d’aller à l’encontre d’un consensus, qui est pour le moins discutable, comme nous l’avons démontré dans le tashrî’, alors qu’eux ne se privent pas d’aller ouvertement contre un consensus, qui lui est établi de façon irréfutable. Cela nous fait penser étrangement aux paroles d’Abû Umâma que relate Shâtibî,[11] et disant que les kharijites sont notamment concernés par le Verset : [Quant à ceux qui ont les cœurs égarés, ils s’attachent aux Versets ambigus en vue de semer la discorde et de les interpréter à leur façon ; mais personne ne connait leur interprétation en dehors d’Allah. Ainsi que les savants érudits qui disent : nous y donnons foi, tout vient de Notre Seigneur].[12]

 

6- Certains textes qui utilisent el kufr avec un « el » font allusion au kufr asghar.

 

• Selon Masrûq, j’ai interrogé ibn Mas’ûd au sujet de la corruption dans le hukm. Ce dernier m’a répondu : « C’est  la mécréance (el kufr). Puis, il récita [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants].[13]»[14] Or, à l’unanimité des savants, selon certains auteurs, la corruption (rushwa) dans le hukm relève des grands péchés. Un autre consensus établit que l’injustice des gouverneurs relève également des grands péchés, comme l’établit ibn ‘Abd el Barr[15] et el Qurtubî.[16] Il existe d’ailleurs une annale de ce même ibn Mas’ûd au sujet de ce Verset parlant de l’istihlâl.[17] Et quand bien même cette annale ne serait pas authentique, nous avons vu précédemment, notamment avec les paroles de Safar el Hawâlî qu’il n’existe aucune divergence entre Compagnons sur cette interprétation.

 C’est ce qui nous oblige obligatoirement à orienter les paroles de l’Imam Mohammed ibn ‘Abd el Wahhâb disant : « Il existe de nombreux tawâghît ; ceux qui nous intéressent ici sont au nombre de cinq, avec à leur tête : Satan, le sultan tyran, celui qui mange la corruption, celui qui reçoit l’adoration sous son consentement, et celui qui fait des œuvres sans n’avoir de science. »[18]

 

Sulaïmân ibn Sahmân explique en effet : « C’est-à-dire : celui qui autorise moralement à ne pas appliquer les Lois d’Allah et qui préfèrent la loi du tâghût à celle d’Allah… celui qui a cette croyance est un mécréant. En revanche, celui qui ne l’autorise pas moralement, qui considère que la loi du tâghût est complètement fausse, et que la Loi d’Allah et de Son Messager incarne la vérité, n’est pas un mécréant et ne sort pas de l’Islam. »[19] Wa Allah a’lam !

 

• Selon ibn ‘Abbâs, la femme de Thâbit ibn Qaïs s’est rendu auprès du Prophète (r) pour lui dire : « Je ne reproche pas à Thâbit ibn Qaïs son comportement ni sa religion, mais je réprouve la mécréance (el kufr) dans l’Islam… »[20]

 

• Ibn ‘Abbâs affirme au sujet de l’homme qui prend sa femme par-derrière : « C’est  la mécréance (el kufr). »[21]

 

• D’après Mohammed ibn Ishâq, selon Abân ibn Sâlih, selon Tâwûs, selon Sa’îd, selon Mujâhid, selon ‘Atâ : « Les anciens réprouvaient qu’on prenne sa femme par-derrière et ils disaient que c’était la mécréance (el kufr). »[22]

 

À suivre…

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

[1]Voir : sharh el ‘umda (p. 82), et majmû’ el fatâwa (7/668).

 

[2]Majmû’ fatâwa wa maqâlât (2/326).

 

[3]Voir : marwiyat el imâm Ahmed fî e-tafsîr (2/45), masâil ibn Hânî (2/192), et masâil Abû Dâwûd (p. 209).

 

[4]Rapporté par el Bukhârî et Muslim.

 

[5]Le repas céleste ; 44

 

[6]manhaj el ashâ’ira fî el ‘aqîda (p. 74-75).

 

[7]Majmû’ el fatâwa (7/312) ; ibn Rajab a également un discours qui va dans ce sens dans son fameux fathel Bârî (1/126).

 

[8]Voir : kitâb el imân avec la recension de Sheïkh el Albânî (p. 309-310).

 

[9]Zâd el Ma’âd (38/1).

 

[10]Kun Salafiyan ‘ala el Jadda de Sheïkh ‘Abd e-Salâm e-Sahaïmî.

 

[11]Voir : el i’tisâm (1/32, 77) et Qawt el Qulûb d’Abû Tâlib el Makkî (2/246).

 

[12]La famille d’Imrân ; 7

 

[13]Le repas céleste ; 44

 

[14]Hadîth authentique rapporté par Mussaddad dans son musnad, comme l’auteur d’el matâlib el ‘âliya le mentionne (10/197), et Abû Ya’lâ (9/173-174),  ibn Jarîr dans son tafsîr (6/240), e-Tabarânî dans mu’jam el kabîr (9/225-226), el Baïhaqî dans e-sunan el kubrâ (10/139). 

 

[15]E-tamhîd (5/74-75).

 

[16]El mufhim (5/117). D’autres savants rappellent que cette compréhension erronée du Verset est celle des kharijites, comme el Ajurrî dans e-sharî’a (p. 27), el Jassâs dans ahkâm el Qur-ân (2/534), et Abû Hayyân dans el bahr el muhît (3/493).

 

[17]Voir : jâmi’ li ahkâm el Qur-ân d’el Qurtubî (6/190).

 

[18]E-durar e-saniya (1/137).

 

[19]Voir : ‘uyûn  e-rasâil (2/603).

 

[20]Rapporté par el Bukhârî (5273).

 

[21]Rapporté par Ma’mar dans son recueil el jâmi’ (n° 20953), et e-Nasâî dans e-sunan el kubrâ (8955) avec une chaine narrative authentique.

 

[22]Rapporté par e-Dârimî dans e-sunan el kubrâ (1/277) avec une chaine narrative considérée bonne par certains spécialistes. Voir : mushkirat e-tasarru’ fî e-takfîr d’Usâma el ‘Utaïbî (407-408).

LE KUFR AVEC UN « EL » (1/2)

LE KUFR AVEC UN « EL » (2/2)

7- Un hadîth dont l’authenticité est indiscutable utilise le terme el kufr avec un « el » pour désigner lekufr asghar. Qu’on en juge : « Celui qui dit à son frère yâ kâfir, alors que ce n’est pas vrai, verra le kufr se retourner contre lui. »[1]

 

8- Ibn Taïmiya fait certes une différence entre le kufr avec ou sans « el », en parlant du hadîth decelui qui ne fait pas la prière.[2] Cependant, il explique tout de suite après qu’il existe également une différence entre le terme kâfir dans son sens absolu (el kufr el mutlaq) et son sens relatif (mutlaq el kufr ou bien el kufr el muqaïyid).[3]

 

9- Ibn el Qaïyim distingue entre le kufr el ‘amalî et le kufr i’tiqâdî pour nous dire que le premier kufravec un « el » ne fait pas sortir de la religion, selon cette distinction.[4] même discours chez ibn Hajar,[5] Abû ‘Ubaïd el Qâsim ibn Sallâm,[6] ibn Rajab,[7] etc.

 

10- Ainsi, d’un point de vue terminologique, le kufr correspond pour certains savants à tout ce qui s’oppose à la foi ou pour la plupart, à renier n’importe quel enseignement du Prophète (r) ; cela concerne aussi bien les masâil el ‘ilmiya (ou usûl pour certains) que les masâil el ‘amaliya (ou furû’ pour certains). Notons qu’il s’agit dans cette définition du kufr akbar (majeur). C’est d’ailleurs de cette façon qu’il est utilisé dans les textes, sauf si le contexte spécifie qu’il s’agit du kufr asghar (mineur).

 

Les textes font plus souvent allusion aux kufr akbar, bien qu’il puisse s’agir du kufr asghar ou, comme le formulent les savants, du kufr dûn kufr. C’est le cas pour la question du hukm bi ghaïri mâ inzala Allah, dans la mesure où son auteur ne l’autorise pas moralement (c’est la question de l’istihlâl), comme le souligne ibn Taïmiya et Sheïkh ibn Bâz.[8] Il peut s’agir également du kufr e-ni’ma (l’ingratitude). Dans ces deux cas, on parle de kâfir de façon relative, non de façon absolue. Il va sans dire qu’on ne peut enlever le nom de kâfir à celui qu’Allah a nommé ainsi, mais il s’agit d’une appellation relative.

 

Le kufr est également nommé dans les textes, shirk (association), zhulm (injustice), et fisq(perversité). Il y a donc un shirk dûn shirk, du zhulm dûn zhulm et du fisq dûn fisq, comme il y a un shirk akbar, un zhulm akbar et un fisq akbar. En tenant compte de ces notions, on s’éloigne des deux tendances extrêmes : el hijrâ wa e-takfîr et des murjites.[9]

 

‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân explique notamment : « Il existe deux sortes de kufr : Kufr ‘amal et le kufr juhûd wa ‘inâd qui consiste à renier une chose en sachant pertinemment qu’elle vient du Messager (r) par obstination et dénégation. Cela concerne les Noms du Seigneur, Ses Attributs, Ses Actions, Ses Lois qui ont pour base, Son tawhîd et Son adoration unique sans Lui vouer le moindre associer.

Cette forme d’apostasie s’oppose à la foi à tous les niveaux. Concernant le Kufr ‘amal, il y a certains actes qui s’opposent à la foi à tous les niveaux, comme se prosterner devant une idole, dénigrer le Coran, tuer voire offenser un prophète. Quant au hukm bi ghaïr mâ anzala Allah et l’abandon de la prière, ils relèvent du kufr ‘amal non du kufr i’tiqâd. »[10] Il ramène exactement le discours d’ibn el Qaïyim[11] qui donne plus d’indications sur ses intentions en ces termes : « Allah appelle mécréant celui qui n’applique pas Ses Lois et Il appelle mécréant celui qui renie (juhûdSes Lois, mais ces deux mécréances ne sont pas de la même sorte. »[12]

 

L’ancien grand Mufti d’Arabie Saoudite, Mohammed ibn Ibrahim donne la même explication dans son fameux tahkîm el qawânîn : « Allah appelle mécréant celui qui n’applique pas Ses Lois. C’est donc un mécréant dans l’absolu ; soit en faisant du kufr ‘amalî soit en faisant du kufr i’tiqâdî. L’annale d’ibn ‘Abbâs en exégèse à ce Verset et qui est rapporté par la voie de Tâwûs et d’autres exprime que celui qui n’applique pas les Lois d’Allah est un mécréant, soit en faisant du kufr i’tiqâdî qui fait sortir de la religion soit en faisant du kufr ‘amalî qui ne fait pas sortir de la religion. »[13]   

 

11- C’est du moins l’interprétation qu’en font les traditionalistes. Ibn Hazm explique au sujet des trois Versets de la s. el mâida : «  Si les mu’tazilites s’en tiennent à leur raisonnement, ils doivent nécessairement sortir de l’Islam tout désobéissant, tout homme injuste ou pervers, étant donné que l’auteur d’un péché lam yahkum bi mâ anzala Allah. »[14]

 

Ibn ‘Abd el Barr explique à ce sujet : « Certains innovateurs parmi les kharijites et les mu’atazilites se sont égarés dans ce domaine. Ils se sont inspirés de certains Versets du Livre d’Allah qu’il ne faut pas prendre au sens littéral. Des Versets comme : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. »[15]

 

Plus proche de nous, Mohammed Rashîd Ridhâ fait le constat suivant : « Beaucoup de musulmans ont innové des lois et des règlements, à la manière des générations anciennes. En se tournant vers ces législations, ils ont dû délaisser une partie des Lois qu’Allah leur a révélées. Ceux qui délaissent les Lois que le Coran renferme, sans n’être motivé par la moindre interprétation, mais en étant convaincu par la véracité de leur action, sont concernés par les trois Versets en question, ou ne serait-ce qu’en partie. Cela dépend des cas.

 

Se détourner (a’radha) de la Loi prévue pour le vol, la diffamation, ou l’adultère, car au lieu de s’y soumettre, on les trouve abjectes ; et dans la mesure où on donne la préférence aux réglementations humaines, cela relève de la mécréance (kâfir) sans le moindre doute.

 

En revanche, en délaissant les Lois d’Allah pour une autre raison, on devient un injuste (zhâlim), dans la situation où on lèse un ayant droit, ou en manquant de partialité et d’égalitarisme. Sinon, on est un simple pervers(fâsiq).

 

Nous voyons en parallèle que beaucoup de musulmans religieux considèrent les juges des tribunaux civils, qui s’inspirent du droit séculier, comme des mécréants. Ces derniers prennent au sens littéral le Verset : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants]. Cela implique de vouer à la mécréance le juge qui se réfère au qânûn, les émirs et les sultans, qui eux, ont instauré (ou forgés) ces codes. Bien qu’ils n’aient pas été dictés sous leur connaissance, ils ont reçu leur aval pour être mis en vigueur au niveau du pays. En outre, ce sont eux qui nomment les juges dans le but de les faire appliquer.

 

Or, aucune grande référence notoire en figh n’a pris ce Verset au sens littéral. Je dirais même que personne ne l’a jamais fait. (sic) »[16]

 

Cette dernière phrase pose un problème. L’auteur veut certainement dire que même les kharijites ne peuvent pas prendre ce Verset au « premier degré ». Cela imposerait en effet que les petits péchés fassent tout autant sortir de la religion. Ce qu’ils ne disent pas, wa Allah a’lam !

 

Selon Abû Umâma, comme le relatent Shâtibî,[17] les kharijites sont notamment concernés par le Verset : [Quant à ceux qui ont les cœurs égarés, ils s’attachent aux Versets ambigus en vue de semer la discorde et de les interpréter à leur façon ; mais personne ne connait leur interprétation en dehors d’Allah. Ainsi que les savants érudits qui disent : nous y donnons foi, tout vient de Notre Seigneur].[18]

 

Ibn ‘Abbâs dépeint le profil des kharijites en ces termes : « Ils donnent foi aux Versets formels, mais les Versets ambigus les égarent. » Puis, il récita : [personne ne connait leur interprétation en dehors d’Allah. Ainsi que les savants érudits qui disent : nous y donnons foi, tout vient de Notre Seigneur].[19]

 

D’après ibn Wahb, selon Bukaïr, ce dernier demanda à Nâfi’ : « Quelle est l’opinion d’ibn ‘Omar sur lesHarûrites ?

  •  Pour lui, ils sont les pires des hommes, répondit-il, car ils utilisent contre les musulmans des Versets qui furent révélés sur les mécréants. »

 

Très content de cette réponse, Sa’îd ibn Jubaïr fit le commentaire suivant : « Parmi les Versets ambigus que les harûrites utilisent, nous avons : [Ceux qui n’appliquent pas les Lois d’Allah sont eux les mécréants][20] ; un Verset auquel ils font joindre : [Après cela, les mécréants lui donnent des égaux].[21] Dès qu’ils voient que l’Imam ne gouverne pas avec justice, ils prétendent qu’il devient mécréant. Or, étant donné que la mécréance consiste à donner des égaux au Seigneur, cela revient à commettre l’association. Ainsi, à leurs yeux, les membres de cette communauté sont des païens.

 

C’est alors qu’ils – les harûrites – s’insurgent et répandent le meurtre, comme nous avons pu le voir, en raison de l’interprétation erronée qu’ils font de ce Verset. »[22]

 

Ibn Taïmiya souligne : « Allah jure par Lui-même que celui qui n’adhère pas (iltazama) au jugement d’Allah et de Son Messager pour les litiges qui opposent les musulmans, n’a pas la foi. Quant à celui qui adhère intérieurement et extérieurement au jugement d’Allah, mais qui, dans un élan de désobéissance, obéit à ses passions, est considéré comme les autres désobéissants musulmans. Concernant le Verset en question : [Non, par Allah ! Ils ne peuvent prétendre à la foi…],[23] c’est le genre d’arguments que les kharijites utilisent pour kaffarles gouverneurs qui n’appliquent pas les Lois d’Allah. Puis, ils prétendent que leur croyance est conforme à la Loi d’Allah… »[24]Sheïkh ibn Bâz a un discours qui va dans ce sens.[25]

 

Conclusion :

 

Les savants ont cherché à établir un critère pour distinguer entre le kufr akbar et le kufr asghar, en se basant sur le terme lui-même. e-Râghib el Asfahânî précise que le terme « el kufr » désigne plus souvent le kufr akbar ; le terme « el kufrân » désigne l’ingratitude et le terme « el kafûr » peut désigner les deux à la fois.[26]

 

Il explique également que le pluriel « el kuffâr », sert le plus souvent à désigner les non-musulmans. L’autre pluriel « el kafara » est plus utilisé pour le kufr e-ni’ma (l’ingratitude) qui ne fait pas sortir de la religion.[27]

 

Nous avons vu qu’ibn Taïmiya distingue entre el kufr avec ou sans « el » pour différencier entre le musulman et le mécréant. Notons que cette considération se fie uniquement au vocable, mais en regard de l’ensemble des textes, les savants établissent qu’il existe deux sortes de kufr ; akbar et asghar.[28] Il n’y a donc aucune contradiction entre ces deux notions, wa Allah a’lam !

 

 

Par : Karim Zentici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

[1]Rapporté par el Bukhârî (6104) et Muslim (60).

 

[2]Hadîth rapporté par Muslim (134).

 

[3]Voir : iqtidhâ e-sirât el mustaqîm (1/208-209).

 

[4]Kitâb e-salât wa hukm târikuha (p. 37).

 

[5]Fath el Bârî (1/406, 12/55, etc.).

 

[6]El îmân (p. 43).

 

[7]Jâmi’ el ‘ulûm wa el hikam (1/63).

 

[8]Voir : minhaj e-sunna (5/131) et fatawa ibn Bâz (3/990-991).

 

[9]Pour plus d’explication, voir : Lettre à Mukhlif.

 

[10] Voir : usûl wa dhawâbit fî e-takfîr de l’érudit ‘Abd e-Latîf ibn ‘Abd e-Rahmân ibn Hasan.

 

[11]E-salât wa hukm târikuhâ (p. 37).

 

[12]Idem. (p. 33).

 

[13]tahkîm el qawânîn (p. 15).

 

[14]El fisal (3/234).

 

[15]E-tamhîd (17/16).

 

[16]Tafsîr el manâr (6/405-406).

 

[17]Voir : el i’tisâm (1/32, 77) et Qawt el Qulûb d’Abû Tâlib el Makkî (2/246).

 

[18]La famille d’Imrân ; 7

 

[19]La famille d’Imrân ; 7 voir : El musannif  d’ibn Abî Shaïba (15/313) et e-sharî’a d’el Ajûrrî (1/343).

 

[20]Le repas céleste ; 44

 

[21]Le bétail ; 1

 

[22]Voir : el i’tisâm de Shâtibî (2/692), e-sharî’a d’el Âjûrrî (1/341-342), et e-tamhîd d’ibn ‘Abd el Barr (23/334-335). Il va sans dire que cette accusation ne vise pas les savants traditionalistes qui prennent ces Versets à leur compte pour kaffar celui qui forge des lois.

 

[23]Les femmes ; 65

 

[24]Manhâj e-sunna (5/131).

 

[25]El fatâwâ (6/249).

 

[26]Mufradât alfâzh el Qur-ân (p. 714).

 

[27]Idem. (p. 716).

 

[28]Voir e-takfîr wa dhawâbituhu de Sheïkh Ibrahim e-Ruhaïlî (p. 69).

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